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3. LE PROBLÈME SPÉCIFIQUE DE RECHERCHE

3.2 La pertinence sociale et scientifique de la recherche

Nous traitons maintenant de la pertinence de nous pencher sur le sens que donnent les enseignantes et les enseignants à leurs pratiques d’enseignement de la grammaire au secondaire. D’abord, nous présentons la pertinence sociale d’une recherche sur ce sujet. Ensuite, la pertinence scientifique d’une telle recherche est expliquée. Nous montrons ainsi que notre recherche répond à des préoccupations et à des besoins du milieu scientifique et professionnel.

Les piètres performances des élèves du secondaire en grammaire lors des épreuves ministérielles ont amené un questionnement sur l’efficacité de

l’enseignement grammatical donné dans les écoles secondaires. En effet, l’école québécoise a la responsabilité d’assurer l’enseignement du français afin que tout citoyen puisse participer au débat public, s’inscrire dans sa société et s’y épanouir. Par ses difficultés à assurer une maitrise convenable du français à tous les élèves, l’école suscite régulièrement des débats dans les médias. Ce constat de non-efficacité a été déjà amplement critiqué par la Commission des États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec :

Actuellement, la difficulté du réseau québécois d’enseignement d’assurer aux jeunes et aux adultes la maitrise du français écrit et parlé mine [la] mission fondamentale de l’école. [...] Cette situation n’a aucun sens. Elle jette le discrédit sur le dispositif d’enseignement dont l’objectif est d’assurer la maitrise et la qualité du français au Québec. En fin de compte, elle représente la principale menace à la vitalité du français, voire à la survie du principal terreau de langue française en Amérique. (Larose et al., 2001, p. 35)

L’enseignement grammatical actuel ne remplit pas son mandat, soit celui d’amener tous les élèves du secondaire à la maitrise de la langue française. Pour comprendre les obstacles et les difficultés dans l’apprentissage des élèves québécois en grammaire, il est nécessaire de considérer la dimension de l’enseignement (Chiss et David, 2011) et de se pencher sur les pratiques d’enseignement grammatical.

Depuis le renouveau grammatical de 1995, le milieu professionnel demeure en transition entre la grammaire traditionnelle et la grammaire rénovée. Les écrits recensés indiquent la difficulté pour certaines enseignantes et certains enseignants de modifier leurs pratiques ainsi que la présence d’un syncrétisme qui intègre la grammaire traditionnelle et la grammaire rénovée chez plusieurs.

En dépit d’un endossement officiel manifesté dans les plans d’études de différents pays francophones, la rupture épistémologique et didactique entrainée par l’enseignement renouvelé de la grammaire a suscité de fortes résistances dans le milieu scolaire de sorte que l’implantation du nouveau modèle ne s’est jamais totalement réalisée. Les observations dont on dispose indiquent que rares sont les enseignants qui suivent parfaitement les orientations du renouveau grammatical, que la plupart appliquent plutôt une forme de syncrétisme de l’ancien et du moderne et

qu’ils prennent beaucoup moins en compte les aspects discursifs et textuels, s’en tenant aux unités plus classiques de la phrase. (Dolz et Simard, 2009, p. 2)

Il est nécessaire de se préoccuper des pratiques d’enseignement de la grammaire et de documenter ce que font les enseignantes et les enseignants en classe (Brissaud, 2007; Lord, 2012; Simard, Dufays, Dolz et Garcia-Debanc, 2010). Les enseignantes et les enseignants doivent, dans leurs pratiques d’enseignement, effectuer de nombreux choix quotidiens lorsqu’ils enseignent la grammaire. La recension des écrits sur les pratiques d’enseignement en grammaire nous a permis de constater que peu de recherches apportent un éclairage sur les pratiques d’enseignement dans leur globalité. Plusieurs recherches portent sur les pratiques déclarées des enseignantes et des enseignants au Québec comme en Suisse et en France (Bain et Canelas-Trevisi, 2007; Boivin, 2009; Canelas-Trevisi, 2009; Chartrand et Lord, 2010; Chartrand 2011; Élalouf, 2014; Lord, 2012; Riente et Pouliot, 2003; Schneuwly et Dolz, 2009; Tambourgi, 2008). Ces recherches ont permis de relever, dans les pratiques d’enseignement des enseignantes et des enseignants québécois et européens, la présence de plusieurs méthodes appartenant à la grammaire rénovée : l’emploi des manipulations syntaxiques (Boivin, 2009; Canelas-Trevisi, 2009; Élalouf, 2014; Riente et Pouliot; 2003; Schneuwly et Dolz, 2009; Tambourgi, 2008), la dénomination des groupes syntaxiques et de leurs fonctions (Boivin, 2009; Riente et Pouliot, 2003; Schneuwly et Dolz, 2009; Tambourgi, 2008) et le recours à la phrase de base (Boivin, 2009; Canelas-Trevisi, 2009; Élalouf, 2014). Si les recherches ont permis de documenter la présence de ces pratiques, les résultats mettent également en lumière le fait que d’autres pratiques semblent généralement peu utilisées par les enseignantes et les enseignants comme la démarche inductive ou l’enseignement de la grammaire du texte. Toutefois, les éléments nécessaires pour comprendre les raisons de ces choix des enseignantes et des enseignants ne sont pas disponibles. La comparaison entre les pratiques déclarées des enseignantes et des enseignants observés dans l’enquête ÉLEF et leurs pratiques effectives montre la nécessité d’aller plus loin. Les recherches disponibles sur les pratiques d’enseignement grammatical

ne se penchent pas sur le sens que les enseignantes et les enseignants leur attribuent. Nous n’avons accès qu’à une des deux dimensions de la pratique d’enseignement, telle que nous l’avons définie, en nous appuyant sur l’explication de Beillerot (1998, dans Vinatier et Pastré, 2007) : nous connaissons les gestes, les conduites et les langages, il reste à étudier ce qui sous-tend cette première dimension, soit les objectifs et les conceptions de la grammaire qui orientent les choix didactiques des enseignantes et des enseignants. La recherche que nous avons menée a visé à contribuer à l’avancement des connaissances qui se rapportent à la seconde dimension par la description du sens que les enseignantes et les enseignants du secondaire donnent à leurs pratiques d’enseignement de la grammaire.

TROISIÈME CHAPITRE – LA MÉTHODOLOGIE

Pour atteindre l’objectif spécifique de recherche, qui est de décrire le sens que donnent les enseignantes et les enseignants du secondaire à leurs pratiques d’enseignement de la grammaire, nous avons choisi de mener une recherche de type exploratoire. Nous justifions ce choix dans la première section de ce chapitre. Dans la deuxième section, nous détaillons la façon dont nous avons procédé pour recruter les participantes et les participants. Nous traitons du cadre de collecte des données, l’entrevue semi-dirigée, dans la troisième section. Nous présentons également le guide d’entrevue, l’outil de collecte des données auprès du personnel enseignant, et la demande de conformité éthique de la recherche au CER. Dans la quatrième section, nous abordons la stratégie d’analyse des données recueillies.