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LA LIMITATION DE LA DISTINCTION AUX ACTES JURIDIQUES PATRIMONIAUX

Dans le document Essai sur la gratuité en droit privé (Page 168-186)

DISTINCTION DE LA GRATUITÉ ET DE L’ONÉROSITÉ

SECTION 1: LA LIMITATION DE LA DISTINCTION AUX ACTES JURIDIQUES PATRIMONIAUX

260. Seuls sont soumis à la distinction de la gratuité et de l’onérosité les actes juridiques patrimoniaux. Cela ne signifie pas que la gratuité ne puisse déborder ce cadre. Cependant, comme seuls les actes patrimoniaux peuvent être onéreux, la qualification de « gratuit » n’aura d’impact qu’au sein de la sphère qui les contient. La qualification d’une

156 situation juridique n’a en effet d’intérêt que si elle s’inscrit dans une distinction embrassant la catégorie à laquelle la situation étudiée appartient.

Si le domaine de la distinction de la gratuité et de l’onérosité (et donc de la sphère à l’intérieur de laquelle le recours à la notion de gratuité sera efficient) se limite logiquement aux actes juridiques patrimoniaux (§1), l’appréhension des dons d’éléments et de produits du corps humain, que nous désignerons sous l’appellation générique de « dons

bioéthiques »447 ne peut que nous interpeller (§2).

§1 : UNE DÉLIMITATION LOGIQUE

261. Pour limiter le domaine de la distinction de la gratuité et de l’onérosité aux actes juridiques patrimoniaux, nous devons en exclure les faits juridiques (A) et les actes juridiques extra-patrimoniaux (B).

A. L’exclusion des faits juridiques du domaine de la distinction

262. Exclusion des faits juridiques dommageables<>La distinction du titre

gratuit et du titre onéreux est posée à propos des actes juridiques. On peut, dans un premier temps, se demander si elle ne déborde pas ce domaine, et si elle ne pourrait pas, également, s’appliquer aux faits juridiques. À l’évidence, dans la mesure où la distinction du titre gratuit et du titre onéreux repose sur la réciprocité des avantages fournis, elle ne saurait gouverner les faits juridiques qui nuisent à autrui, ceux supposés engager la responsabilité civile délictuelle ou quasi-délictuelle de leur auteur. En effet, il n’y a aucune fourniture d’avantage entre l’auteur du dommage et la victime. Certes, si la gratuité peut être employée dans le domaine des délits, et notamment en matière pénale, c’est pour qualifier le fait délictueux intentionnel dépourvu de mobile. Le « crime gratuit » est ainsi celui qui est commis pour lui-même, l’auteur de l’infraction désirant simplement nuire à quelqu’un,

447 Expression utilisée par S. PRIEUR, La disposition par l’individu de son corps, préf. E. Loquin, Les Études Hospitalières, 1999, n°209 et s.

157 à n’importe qui. Peu importe qui est la victime, l’acte délictueux est son propre mobile. L’utilisation du terme de gratuité est ici péjorative, et ne correspond pas, bien évidemment, à la gratuité que nous étudions, celle du droit privé. Au regard de cette dernière, il ne saurait être question de gratuité des faits juridiques préjudiciables, pas plus que d’onérosité, dans la mesure où il manque à ces situations le point commun aux deux catégories : la fourniture d’un avantage.

263. Exclusion des faits juridiques involontaires profitables à autrui<> Quid

alors des faits juridiques profitables à autrui ? Ces derniers permettent de procurer un avantage, si bien que l’on pourrait, vraisemblablement, songer à les soumettre à la distinction du gratuit et de l’onéreux. Pour autant, s’agissant de simples faits juridiques, ils ne sauraient obliger les tiers à rémunération448. L’onérosité doit donc être exclue de ce domaine. On se trouve, alors, en présence de ce que les économistes appellent les externalités positives : une personne fournit un avantage à une autre de façon purement spontanée, sans que la prestation n’ait été organisée par un acte juridique, sans manifestation de volonté de la part du bénéficiaire449, et sans pouvoir obtenir de rémunération. Ainsi, le virtuose qui joue du violon dans son jardin et qui, ce faisant, procure un réel plaisir à son voisin mélomane, ne saurait exiger de rémunération de ce dernier.

264. Présence possible de la gratuité dans les faits volontaires profitables à autrui<> Si les faits juridiques profitables à autrui ne sauraient être onéreux, il semblerait

que certains d’entre eux contiennent la gratuité. Mais encore convient-il de la limiter aux faits juridiques volontaires. En effet, il ne saurait y avoir de gratuité sans volonté de fournir un avantage à autrui. Du reste, le droit oblige parfois le bénéficiaire d’un avantage fourni par erreur à le restituer à son auteur. C’est ainsi que la personne qui s’est enrichie indûment, sans cause, au détriment d’autrui doit, sur le fondement de l’action de in rem

verso, restituer l’avantage reçu à l’appauvri450. De la même manière, l’accipiens qui a reçu un paiement indu en doit restitution au solvens. Il ne saurait donc ici être question de

448 Il convient, à cet égard, de bien distinguer la rémunération et l’indemnisation. La rémunération constitue un avantage, une prestation objective, fournie en contrepartie d’un bien ou d’un service. L’indemnisation, quant à elle, désigne seulement la réparation d’un préjudice.

449 Ce qui permet de distinguer les faits juridiques et les actes de complaisance. Dès lors que ces derniers reposent sur un accord de volontés, il s’agit d’actes juridiques, qui ne créent pas d’obligation.

450

158 gratuité, faute de volonté de fournir un avantage à autrui de la part de l’appauvri ou du

solvens.

265. Gratuité de la gestion d’affaires, qualification sans portée<>Il existe en

revanche un fait juridique volontaire profitable à autrui qui pourrait tout à fait être qualifié de gratuit : il s’agit de la gestion d’affaires. Comme tous les quasi-contrats, cette dernière est classée dans la catégorie des faits juridiques451. Et si elle peut consister aussi bien dans la réalisation d’actes que de faits juridiques au profit du géré, il n’y a pas d’acte juridique unissant ce dernier au gérant d’affaire. Dès lors, à l’égard du maître de l’affaire, les contrats passés par le géré à son profit sont considérés comme des faits juridiques (puisqu’il est tiers à ces derniers, au moins jusqu’à la ratification). On pourrait, certes, objecter que les conséquences juridiques de la gestion, à commencer par l’indemnisation du gérant et la ratification par le géré des actes passés pour son compte sont voulus par le gérant ; ce qui aurait pour conséquence de voir dans la gestion d’affaires un acte juridique unilatéral. Néanmoins, s’il est probable que de telles conséquences soient recherchées, il n’en va pas de même pour toutes les conséquences de la gestion d’affaires, à commencer par l’obligation de poursuivre la gestion jusqu’à son terme, prévue par l’article 1373 du Code civil, notamment lorsque cette dernière s’avère plus compliquée que prévue. Toutes les conséquences juridiques n’étant pas voulues, la gestion d’affaires semble donc bel et bien devoir être rangée dans la catégorie des faits juridiques.

Fait juridique volontaire, la gestion d’affaire a pour effet la fourniture d’un avantage sans contre-prestation au maître de l’affaire. En effet, si ce dernier est tenu d’indemniser le gérant des dépenses accomplies, dès lors qu’elles ont été utiles, sur le fondement de l’article 1375 du Code civil, on ne saurait voir dans cette indemnisation une rémunération. La prestation accomplie par le gérant est identique à celle que fournirait un mandataire lorsque la gestion consiste en la réalisation d’un acte juridique ; à celle d’un entrepreneur lorsqu’elle consiste en un fait juridique (notamment en la réalisation de travaux). Il s’agit donc d’une véritable prestation de service, d’un avantage économique qui est fourni au maître de l’affaire par le gérant. Néanmoins, on ne saurait obliger le maître de l’affaire à la rémunérer, faute de consentement préalable. La gestion d’affaire, comme tout fait

451 Cf. J. CARBONNIER, Les biens, Les obligations, PUF, coll. Quadrige, 2004, n° 1213 et s.. Ce dernier définit le quasi-contrat comme un « fait licite, volontairement accompli, d’où découlent des obligations à la

159 juridique, ne saurait donc être onéreuse. Mais elle correspond bien à la définition de la gratuité : le gérant fournit un avantage volontairement au maître de l’affaire, sans rechercher de contre-prestation.

266. Présence de la gratuité dans certains faits juridiques – Absence de l’onérosité – Exclusion du champ d’application de la distinction<> Dès lors, si l’on peut

remarquer la gratuité de la gestion d’affaires, on peut aussi admettre que cette qualification n’est d’aucun intérêt, dans la mesure où, de toute façon, une qualification onéreuse de ce quasi-contrat eût été impossible. Une qualification ne présente en effet d’intérêt que lorsqu’elle s’inscrit dans une distinction, lorsqu’elle permet de désigner dans quelle catégorie il convient de ranger une situation. Si l’une seulement des deux catégories recouvre un domaine, comme, ici, celui de la gratuité qui, seule, recouvre le domaine des faits juridiques, la qualification ne présente plus aucun intérêt. Seule compte la qualification préalable de quasi-contrat, qui, à elle seule, permet d’écarter l’onérosité, et la qualification de gestion d’affaire, qui permet de déterminer le régime applicable.

La gratuité existe donc dans les faits juridiques, mais uniquement dans les faits juridiques volontaires par lesquels un avantage est fourni à autrui. C’est le cas dans la gestion d’affaires, mais aussi dans les actes de complaisance, par lesquels sont rendus de nombreux services gratuitement452. En revanche, l’onérosité ne saurait exister en cette matière, qui n’est donc pas soumise à la distinction de la gratuité et de l’onérosité, si bien qu’il est surabondant de remarquer la gratuité d’un fait juridique volontaire.

B. L’exclusion des actes juridiques extra-patrimoniaux du domaine de la distinction

267. Actes juridiques patrimoniaux et extra-patrimoniaux<> La distinction du

gratuit et de l’onéreux n’est donc pertinente qu’en matière d’actes juridiques. Mais, au sein de ces derniers, il est de tradition d’établir une summa divisio entre les actes juridiques extra-patrimoniaux et les actes juridiques patrimoniaux. Les situations qui sont traditionnellement présentées comme gratuites, les contrats de bienfaisance et les

452 F. COLLART-DUTILLEUL, Gratuité et droit des contrats, Mélanges en l'honneur de Mme Biruta Lewaszkiewicz-Petrykowska, Université de Lodz, 1997, p. 7.

160 libéralités, ressortissent à la deuxième catégorie ; de même que les situations juridiques qui nous sont présentées comme onéreuses, notamment les contrats.

Peut-on imaginer que les actes juridiques extra-patrimoniaux soient soumis à cette distinction ? Certes, de nombreux auteurs ont estimé que la distinction du gratuit et de l’onéreux gouvernait l’ensemble des actes juridiques453. Pour autant, d’autres auteurs ont déjà pu remarquer que la distinction ne saurait gouverner les actes juridiques extra-patrimoniaux454. Le mariage, l’adoption, le divorce ou la reconnaissance d’un enfant naturel, actes juridiques extra-patrimoniaux, ne sauraient être soumis à la distinction du titre gratuit et du titre onéreux, et pour cause : ces actes juridiques ont pour but de nouer ou de dénouer des liens familiaux, eux-mêmes extra-patrimoniaux, et qui, de ce fait, ne sauraient être regardés objectivement tout au moins, comme des avantages. Si l’on admettait que le mariage puisse être gratuit ou onéreux, cela voudrait dire que l’on considérât que l’un des époux, grâce au mariage, fournit un avantage à l’autre en l’épousant, qu’il lui rend un service. Le raisonnement par l’absurde nous permet donc de considérer que les actes juridiques extra-patrimoniaux ne sont pas soumis à la distinction du gratuit et de l’onéreux. Le calcul coût/avantage doit être contenu à la sphère économique, patrimoniale.

268. Pacte civil de solidarité<>Cependant, la frontière entre le patrimonial et

l’extra-patrimonial est de plus en plus floue. Les contrats tendent à empiéter sur la sphère extra-patrimoniale. Cette tendance a pu être observée à propos des autorisations, souvent onéreuses, de dévoiler son image ou des éléments de sa vie privée, la jurisprudence allant

453 L. JOSSERAND, Les mobiles dans les actes juridiques du droit privé, n° 254, «La distinction du titre

gratuit et du titre onéreux est assurément une des clefs de voûte de notre droit ; elle intéresse, non pas seulement les contrats, mais les actes juridiques en général, puisque nombre d’entre eux évoquent l’idée de bienfaisance, encore qu’ils émanent d’une volonté unique, tels les legs, les renonciations in favorem ou les fondations (…) elle étend sa souveraineté sur tous les actes juridiques, en ce sens qu’il n’est pas un seul d’entre eux qui ne doive nécessairement rentrer dans l’un ou dans l’autre des termes de la classification, de même qu’il n’est pas un bien qui ne doive être meuble ou immeuble » ― G. MARTY et P. RAYNAUD, Les successions et les libéralités, Sirey, 1983, n° 290 : « La loi oppose le « contrat de bienfaisance » (art. 1105 c.civ.) au contrat à titre onéreux (art. 1106 c.civ.) ; mais cette distinction est applicable à tous les actes juridiques, et pas seulement aux contrats ». ― F. TERRÉ et Y. LEQUETTE, Les successions, les libéralités,

Précis Dalloz, 3ème éd., 1996, n° 239.

454 J.-J. DUPEYROUX, Contribution à la théorie générale de l’acte à titre gratuit, n° 187 : « Nul ne songe

actuellement, à notre connaissance, à qualifier de gratuit ou d’onéreux le mariage ou la désignation d’un tuteur, ni même ceux des actes modificatifs du statut personnel d’une personne qui comportent des conséquences patrimoniales directes, tels l’adoption ou mieux encore, l’émancipation ».

161 même, s’agissant de l’image, vers une reconnaissance expresse de la patrimonialité455

. Mais le législateur a lui-même franchi cette frontière en instaurant le contrat de Pacte Civil de Solidarité (PACS), « conclu par deux personnes physiques majeures célibataires, de

sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune »456. Le PACS a pu être qualifié de « quasi-mariage de nature contractuelle »457, cette nature ne devant pas, à l’évidence, être exagérée, le PACS ayant, malgré sa qualification légale, tous les attributs du statut extra-patrimonial458. En réalité, si l’on devait le comparer au mariage, il apparaîtrait que le PACS organise, comme ce dernier, les aspects extra-patrimoniaux de la vie des partenaires, et, comme le contrat de mariage, les aspects patrimoniaux de leur union. Dès lors, s’agissant de ses aspects extra-patrimoniaux, le PACS est soustrait à la distinction de la gratuité et de l’onérosité. S’agissant de ses aspects patrimoniaux, il convient d’y voir un contrat onéreux. En effet, l’article 515-4 alinéa 1er

du Code civil prévoit que les partenaires doivent s’apporter une aide mutuelle et matérielle. Chacun est donc tenu de fournir une prestation d’aide à son partenaire. Par ailleurs, la solidarité pour les dettes contractées pour les besoins de la vie courante, tout comme l’indivision que le PACS instaure, semble bien relever de l’onérosité.

Si la limitation du domaine de la distinction aux actes juridiques patrimoniaux pouvait, jusqu’à l’adoption des lois bioéthiques de 1994, sembler incontestable, ces dernières ont semé le doute sur la possibilité de l’appliquer à des actes juridiques extra-patrimoniaux.

455 Versailles, 12ème ch., 2ème sect., 22 sept. 2005, Comm. Com. Elect. 2006, Comm. 4, obs. Caron : « Le droit

à l’image revêt les caractéristiques essentielles des attributs d’ordre patrimonial. Il peut valablement donner lieu à l’établissement de contrats, soumis au régime général des obligations, entre le cédant, lequel dispose de la maîtrise juridique sur son image, et le cessionnaire, lequel devient titulaire des prérogatives attachées à ce droit ».

456 Art. 515-1 c.civ. 457

A. BÉNABENT, La famille, Litec, 11ème éd., 2003, n°433

458 Ph. MALAURIE, L. AYNÈS, H. FULCHIRON, La famille, Defrénois, 2004, n°356 : « Le Pacs n’est

donc pas un simple contrat (fût-ce un contrat d’adhésion) : c’est un statut du couple à base contractuelle. Les liens entre Pacs et état des personnes apparaissent d’ailleurs clairement lorsqu’on le débarrasse des oripeaux dont l’a revêtu le législateur interne et que l’on porte l’analyse en droit international privé : le Pacs se rapproche des partenariats enregistrés et autres statuts du concubinage qu’il convient de ranger dans la catégorie statut personnel, et non dans la catégorie contrats (faudrait-il sinon soumettre le Pacs à la Convention de Rome et s’interroger en conséquence sur la prestation caractéristique de ce prétendu contrat ?) ».

162

§2 : UNE DÉLIMITATION EN QUESTION FACE AUX « DONS BIOÉTHIQUES »

269. La summa divisio la plus fondamentale du droit est celle qui oppose les personnes aux choses. Les premières ne peuvent être que sujets de droit, tandis que les secondes sont contenues au rôle d’objets de droit. La catégorie des personnes est alors la catégorie limitative, tandis que celle des choses est, comme son nom l’indique par ailleurs, la catégorie résiduelle : tout ce qui n’est pas une personne est une chose. Cette distinction fondamentale ne semblait pas, traditionnellement, poser de réelles difficultés de qualification, tout au moins depuis l’abolition de l’esclavage. L’esclave était, en effet, une chose, mais sa qualité de personne n’était pas, pour autant, totalement niée459

. Malgré tout, les progrès de la science ont provoqué de nouvelles interrogations. Ainsi, la question de la qualification de l’embryon est toujours problématique460. De même, et c’est ce point qui retiendra notre attention, le sort des éléments et produits du corps humain a longtemps fait débat. L’intervention du législateur en 1994 n’a pas, sur ce point, anéanti toutes les incertitudes, pas plus que la révision des lois bioéthiques par la loi du 6 août 2004461.

270. Il est ainsi affirmé, à l’article 16-1 alinéa 3 du Code civil, que « le corps

humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial ». Il

s’agit là d’une évidence à propos du corps humain pris in extenso, et, par ailleurs, du corps humain vivant. En revanche, cette précision était nécessaire à propos des éléments et produits détachés du corps humain. Ces derniers circulent, ils font l’objet de « dons » qualifiés de gratuits par la loi.

271. La question qui se pose alors est celle de la pertinence du recours à la notion de gratuité s’agissant des « dons bioéthiques »462, c’est-à-dire des dons d’éléments et de produits du corps humain. A priori, s’agissant d’actes juridiques extra-patrimoniaux, ces derniers ne devraient pas pouvoir être onéreux, ce qui diminue considérablement la portée

459 F. TERRÉ, L’enfant de l’esclave, génétique et droit, Flammarion, 1987.

460 C. NEIRINCK, L’embryon humain, une catégorie juridique à dimension variable ?, D.2003, p. 841. 461 J.-C. GALLOUX, La loi n° 2004-800 du 6 août 2004 sur la bioéthique, D.2004 p. 2379 ― D. THOUVENIN, La loi relative à la bioéthique ou comment accroître l’accès aux éléments biologiques

d’origine humaine, D. 2005, chr. p. 116. Voir aussi le dossier sur la révision des lois bioéthiques, RDSS

2005-2, p. 185 et s.

462 S. PRIEUR, La disposition par l’individu de son corps, préf. E. Loquin, Les Études Hospitalières, 1999, n°209 et s.

163 de la qualification gratuite (A). En réalité, nous verrons que la question est plus compliquée qu’il n’y paraît. Les dons bioéthiques peuvent, certainement, être qualifiés d’actes juridiques patrimoniaux. Par conséquent, leur gratuité affirmée et imposée par la loi est pertinente (B).

A. Une gratuité en apparence sans portée face à l’extra-patrimonialité affirmée des dons bioéthiques

272. Don et extra-patrimonialité<> « Le don : le terme est polysémique. Et voilà

une polysémie irréductible. Je voudrais ici (…) dissiper une confusion trop répandue : le don impliquerait la patrimonialité. Quelle erreur ! Le don n’est pas toujours une donation, le don est parfois une donation, dans l’un de ses sens. Et en ce sens il implique la patrimonialité : on donne une chose. Et quand on donne une chose, on est un donateur. Il n’y a pas de donateur dans notre loi (…). On ne donne pas que des choses, on donne son amour, on donne sa vie, on donne son temps. On donne son corps frémissant et vivant qui n’est pas une chose. Le don ne postule pas nécessairement la patrimonialité. Il faut évacuer cet argument verbal, littéral, facile. Le don ne renvoie pas à une chose, le don renvoie à une offre. Le don ne postule pas la patrimonialité, le don postule la gratuité et la générosité, la philanthropie. Dans le don, ce qui fait le don n’est pas l’objet donné, c’est l’acte de donner. Le don ne réifie pas, le don gratifie »463

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