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La donation avec charge dans l’intérêt du disposant, contrat synallagmatique<>Le caractère synallagmatique suppose de voir dans la charge une

Dans le document Essai sur la gratuité en droit privé (Page 67-92)

SOUS-SECTION 1 : UNE FOURNITURE UNILATÉRALE DE PRESTATIONS OBJECTIVES

93. La donation avec charge dans l’intérêt du disposant, contrat synallagmatique&lt;&gt;Le caractère synallagmatique suppose de voir dans la charge une

obligation. Mais en est-elle vraiment une ? On peut se le demander. En effet, dans l’hypothèse où le donataire ne s’acquitterait pas de sa charge, il ne serait pas question de résolution pour inexécution, mais de révocation de la donation. Cette dernière relève de l’article 954 du Code civil, et non de l’article 1184. Elle produit cependant des effets similaires à la résolution. Elle est, notamment, rétroactive145. Par ailleurs, comme la résolution, elle n’a jamais lieu de plein droit146, ce qui n’empêche pas les parties de stipuler une clause résolutoire, admise par la jurisprudence par analogie avec l’article 1183 du Code civil147. De plus, la jurisprudence admet, sur le fondement de l’article 1184 alinéa 2, que le juge puisse accorder un délai au donataire afin qu’il s’exécute148

. Du reste, la Cour de cassation n’hésite pas à parler d’obligation pour désigner la charge149

.

144

Sur ces obligations, Cf. F. COLLART-DUTILLEUL et Ph. DELEBECQUE, op. cit. n° 737 et 738 ; A. BENABENT, op. cit. n° 575 et 576.

145 Civ. 1ère, 17 déc. 1980, Bull. n° 336 : « Il résulte de l’article 954 que la révocation d’une donation pour

inexécution des charges a un effet rétroactif ». Cette même règle joue vis-à-vis des créanciers, dont les

sûretés réelles consenties par le donataire sur le bien sont anéanties par la révocation : Civ. 1ère, 7 mars 2000, Dr. Fam. 2001, n°22, note Beignier ; RJPF 2000-7-8/60 note Casey.

146 Article 956 c.civ.

147 Civ. 1ère, 14 févr. 1956, JCP 1956.II.9343, note Voirin : « En dépit des termes, en apparence prohibitifs,

de l’article 956, les parties sont libres d’y déroger en stipulant dans l’acte de donation que la révocation aura lieu de plein droit par le seul fait de l’inexécution des conditions, et, dans ce cas, le principe posé par l’article 1183 est applicable ».

148 Civ. 1ère, 19 déc. 1984, Bull. n° 343 ; RTD Civ. 1985. 762 obs. Patarin. 149

Civ. 1ère, 18 déc. 1990, Bull. n° 298 ; RTD Civ. 1991. 783, obs. Patarin : « Une cour d’appel apprécie

souverainement que les manquements d’un donataire aux obligations mises à sa charge par la donation ne sont pas suffisamment graves pour justifier la révocation de la donation » ; Civ. 1ère, 17 déc. 1980, préc. : « Il

résulte de l’article 954 que la révocation d’une donation pour inexécution des charges a un effet rétroactif et ne peut prendre effet (…) qu’à partir du moment où le débirentier a cessé d’exécuter son obligation ».

55 Il semble donc bien que la charge soit une obligation150. D’ailleurs, elle correspond à sa définition : lien de droit par lequel un débiteur est tenu de fournir une certaine prestation à un créancier, et si la sanction de son inexécution fait l’objet de dispositions particulières, elles ne sont que l’application du droit commun, notamment des articles 1183 et 1184 du Code civil. Dès lors, la donation avec charge est bel et bien un contrat synallagmatique.

94. Gratuité de la donation avec charge dans l’intérêt du disposant<>La question de sa gratuité semble ne pas faire de doute. En effet, la donation avec charge étant avant tout une donation, elle est, par essence, gratuite151. Il faut cependant, pour cela, que la donation soit d’une valeur plus importante que les charges, à défaut de quoi on ne serait plus en présence d’une donation avec charge mais d’un acte à titre onéreux. Le problème se posera surtout lorsque la charge consistera en le versement d’une rente viagère au donateur. Dans ce cas, il faudra nécessairement que la rente soit d’un montant inférieur aux revenus produits par le bien, et ce afin de supprimer tout aléa. En effet, s’agissant des rentes viagères constituées à titre onéreux, la jurisprudence pose comme condition de validité du contrat la réalité de l’aléa. Lorsque la rente est d’un montant inférieur aux revenus produits par le bien, on estime que le débirentier est, quoi qu’il en soit, gagnant. Dès lors, le contrat est nul faute d’aléa152

. Or, la doctrine présente souvent la distinction entre les contrats commutatifs et les contrats aléatoires comme une sous-distinction des contrats onéreux153. En effet, dans ces deux types de contrat, chacune des parties fournit à l’autre un avantage, évaluable ab initio dans les contrats commutatifs mais pas dans les contrats aléatoires. Pour que le contrat soit gratuit, il faut donc qu’il ne soit ni aléatoire, ni commutatif. C’est pour cela qu’il faut supprimer l’aléa en stipulant une rente inférieure aux revenus produits par le bien. L’absence de commutativité, dans la donation avec charge, provient par ailleurs de ce que les parties ont avant tout entendu procéder à une donation, et de ce qu’elles avaient voulu des prestations déséquilibrées. Il y a bien un enrichissement du donataire et un appauvrissement corrélatif du donateur, du montant de la différence de valeur entre le bien

150 Cf. M. GRIMALDI, Droit civil. Libéralités, partages d’ascendants, Litec, 2000, n° 1192 : « La charge est

une obligation que la libéralité fait naître sur la tête du gratifié, donataire ou légataire ».

151 Pour une explication plus détaillée de la gratuité des donations avec charge, voir infra n°377-379 ; 384 et s.

152 Civ. 1ère, 4 juill. 1995, Bull. Civ. I, n° 304 ; Civ. 1ère, 24 oct. 1978, Bull. Civ. I, n° 319. 153

B. PETIT, J. Cl. Civ. art. 1101 à 1108, Contrats et obligations, Définition et classification des contrats, n°100 ― F. TERRÉ, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, Les obligations, Précis Dalloz, 9ème éd., 2005, n° 69― Ph. MALAURIE, L. AYNÈS, Ph. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, Defrénois, 2ème éd., 2005, n° 415 ― J. CARBONNIER, Droit civil, vol. 2, Les biens, Les obligations, PUF, coll. Quadrige, 2004, n°930. Nous retenons aussi ce point de vue, mais réservons nos explications pour plus tard. Voir infra, n°373 et s.

56 donné et la charge. Nous sommes donc bien en présence d’un contrat non-onéreux, donc d’un contrat gratuit.

Ainsi, il apparaît que l’étude des obligations créées par le contrat ne permet pas de déterminer si le contrat est gratuit ou onéreux. L’indépendance entre la distinction des contrats gratuits et onéreux et celle des contrats synallagmatiques et unilatéraux procède directement de l’indépendance entre les notions qu’elles appliquent : l’avantage et la créance.

B. Un constat expliqué par l’indépendance de la créance et de l’avantage

95. L’article 1105 du Code civil définit le contrat de bienfaisance comme « celui dans

lequel l’une des parties procure à l’autre un avantage purement gratuit ». Il semble donc

que le critère de qualification des contrats gratuits soit celui, relativement impalpable, d’avantage. Visiblement, dans un contrat à deux personnes, le contrat est gratuit lorsqu’une seule des parties fournit un avantage à l’autre. La définition du contrat onéreux est plus maladroite. En effet, l’article 1106 du Code civil énonce que « le contrat à titre onéreux est

celui qui assujettit chacune des parties à donner ou à faire quelque chose ». Nous avons

déjà évoqué la confusion qu’une telle définition pouvait laisser planer entre le contrat onéreux et le contrat synallagmatique, mais nous avons également vu que tout contrat onéreux n’était pas nécessairement synallagmatique, et vice-versa. Une lecture a contrario de l’article 1105 nous permettrait alors de dire que le contrat est onéreux lorsque chaque partie fournit un avantage à l’autre. Or si un contrat peut être gratuit tout en étant synallagmatique, cela signifie que toute créance n’est pas forcément constitutive d’un avantage : un contrat peut créer une obligation sans que le créancier n’y trouve, à proprement parler, un avantage par rapport à son état antérieur au contrat. Ainsi, par exemple, si le prêteur est créancier de la restitution de la chose par l’emprunteur, on ne peut pas, pour autant, dire que le contrat de commodat lui procure un avantage. De la même manière, il est possible qu’un contrat procure un avantage à une partie indépendamment de toute obligation154. C’est le cas, précisément, dans le prêt à usage,

154

57 puisque l’avantage fourni par le prêteur à l’emprunteur, la mise à disposition de la chose, ne constitue pas une obligation.

96. La créance, un bien ?<> Une telle distinction entre créance et avantage peut sembler bien curieuse. N’enseigne-t-on pas en effet que toute créance est un bien155

? Voir un bien entrer dans son actif est forcément un avantage. Donc, si toute créance était un bien, tout contrat synallagmatique créerait un avantage pour chacune des parties, qui verrait entrer un bien à son actif, et serait, par voie de conséquence, onéreux. De la même manière, le contrat unilatéral ne procurerait un avantage qu’au créancier, seul à voir un bien entrer à son actif, et serait, par conséquent, gratuit au bénéfice du créancier.

Nous avons vu qu’une telle analyse était impossible s’agissant des contrats synallagmatiques, puisque certains d’entre eux peuvent être gratuits. Si dans un contrat d’entreprise gratuit, l’entrepreneur est créancier d’une obligation de réception de l’ouvrage, il est impossible d’affirmer que cette créance l’enrichit et qu’il pourrait éventuellement la céder. En ce qui concerne les contrats unilatéraux, nous avons également vu que le créancier n’était pas forcément le bénéficiaire d’un avantage. Le prêteur à usage est créancier d’une obligation de restitution à la charge de l’emprunteur. Pour autant, on ne peut pas affirmer que le contrat crée un avantage pour le premier au détriment du second.

97. De la valeur économique des créances<>Tout bien ayant, par définition, une valeur économique, il faut se demander si toutes les obligations en ont une. Une chose a une valeur économique, et devient un bien, si elle est utile et rare156. La rareté s’oppose à l’abondance qui caractérise les choses communes157, visées par l’article 714 du Code civil : « Il est des choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous ». Ces choses communes sont, notamment, l’air, l’eau de mer, les eaux courantes158, c’est-à-dire des choses qui existent en quantité illimitée ou, tout au moins, en quantité suffisante

155 Cf. STARCK, ROLAND, BOYER, Obligations, t.3: régime général, Litec, 5ème éd., 1997, n° 1 : « Les

obligations, quelle qu’en soit la source, sont des biens. Sous leur aspect positif, les obligations, appelées créances, font partie du patrimoine du créancier, ce sont des valeurs ». Ceci justifie qu’ « en principe, toutes les créances sont cessibles » (op. cit. n° 21). V., dans le même sens, F. TERRÉ, Ph. SIMLER, Y.

LEQUETTE, Les obligations, Précis Dalloz, 9ème éd., 2005, n° 1278 : « Toute créance, quelle qu’en soit la

nature (espèces ou autre prestation), quel qu’en soit l’objet (faire, ne pas faire ou donner), quelles qu’en soient les modalités (…) peut en principe être cédée ».

156 F. ZENATI et Th. REVET, Les biens, PUF, coll. Dr. fondamental, 2ème éd. refondue, 1997, n° 1.

157 F. TERRÉ et Ph. SIMLER, Les biens, Précis Dalloz, 7ème éd., 2006, n°7—F. ZENATI et Th. REVET, op.

et loc. cit.

158

58 pour satisfaire aux besoins de tous. Il n’en va pas de même des créances, qui existent en nombre limité. On ne peut donc pas voir dans l’obligation une res communis. Si certaines créances ne sont pas des biens, ce ne sera donc pas faute de remplir la condition de la rareté. Aussi convient-il de se tourner vers celle de l’utilité. A priori, toute créance est utile au créancier. Ainsi, la créance de restitution du prêteur à usage est évidemment utile pour ce dernier. Mais l’utilité qui va permettre à une chose ou à un droit de devenir un bien ne s’apprécie pas subjectivement, mais objectivement. Les économistes, qui opposent la valeur d’usage à la valeur vénale des biens le savent159. Or ce qui va compter pour qu’une chose ou un droit soit un bien, c’est qu’il ait une valeur vénale : il faut que d’autres personnes puissent être intéressées par l’acquisition du bien, qu’il ait une utilité objective. Or, pour rester dans notre exemple, la créance de restitution n’a d’utilité que pour son créancier160. De même, la créance d’information que détient la caution sur le créancier n’a d’utilité que pour cette dernière. Par conséquent, les seules obligations qui auraient une valeur patrimoniale seraient celles qui présenteraient un intérêt « non seulement pour le

créancier mais encore pour d’autres personnes »161

, ce qui est notamment le cas des

obligations de somme d’argent. Les obligations qui ne présentent d’intérêt que pour leur créancier ne sont donc pas des biens, et n’ont aucune valeur économique, ce qui explique encore une fois que le contrat synallagmatique n’est pas nécessairement onéreux et que le contrat unilatéral n’est pas forcément gratuit.

La réciprocité des obligations ne peut donc pas servir à distinguer les contrats gratuits des contrats onéreux. En réalité, pour distinguer ces deux catégories de contrats, il faut faire appel à une autre notion : celle de prestation objective162.

159

G. ABRAHAM-FROIS, Économie politique, Economica, 7ème éd., 2001, pp. 25 et 67. 160 Ou, indirectement, par voie oblique, pour le créancier du créancier.

161 Ph. MALAURIE, L. AYNÈS, Ph. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, Defrénois, 2ème éd., 2005, n°1286.

162

59

§2 : LA RÉCIPROCITÉ DES PRESTATIONS OBJECTIVES, CRITÈRE DE DISTINCTION DES CONTRATS GRATUITS ET ONÉREUX

98. Selon PLANIOL et RIPERT163, « le contrat est intéressé ou à titre onéreux,

lorsque chacune des parties a reçu ou reçoit (…) un avantage qui est la contrepartie de celui qu’elle procure à l’autre (…). Le contrat est de bienfaisance ou à titre gratuit, lorsqu’une seule des parties procure à l’autre un avantage sans rien recevoir en échange ». Ainsi, le contrat onéreux consisterait en l’organisation d’une fourniture

réciproque d’avantages, le contrat gratuit en l’organisation d’une fourniture unilatérale d’un avantage par une partie à l’autre. Le terme d’avantage est, par ailleurs, celui utilisé par l’article 1105 du Code civil pour définir le contrat de bienfaisance. Le recours à la notion d’avantage est significatif : il suggère une approche économique du contrat164

, fondée non pas sur les obligations créées par le contrat, mais sur son résultat économique, tel qu’envisagé par les parties au moment de la conclusion du contrat165.

Le contrat est, en effet, un instrument juridique d’organisation de l’échange économique. Outre sa fonction de création d’obligations, il permet de prévoir des fournitures de prestations au sens économique du terme. C’est précisément en étudiant les prestations prévues par le contrat que nous parviendrons à le qualifier de gratuit ou d’onéreux. À la suite de la thèse du Professeur Marie-Élodie ANCEL, nous emploierons, pour désigner ces prestations économiques, l’appellation de prestation objective. Étudions alors cette notion (A), avant de voir quels sont les instruments juridiques qui permettent de fournir des prestations objectives (B).

163

M. PLANIOL et G. RIPERT, Traité pratique de droit civil français, t. VI, Les obligations, LGDJ, 1930, n°37 s.

164 J.-M. POUGHON, Une constante doctrinale : l’approche économique du contrat, Droits, t. 12, 1990, p. 57.

165

60 A. La notion de prestation objective

99. Il convient de s’interroger sur le sens de la prestation objective en rappelant comment cette notion a surgi (1), avant d’opérer une utile classification des diverses prestations (2).

1. Essor et sens de la notion de prestation objective

100. Comme l’a démontré Mme ANCEL, l’essor de la notion de prestation objective procède d’un double phénomène d’orientation des obligations (a) et des contrats (b) vers leur exécution.

a) Orientation de l’analyse des obligations vers leur exécution

101. Droit romain<> La notion de prestation n’est pas inconnue des juristes. Son

essor procède d’une évolution de la notion d’obligation tendant progressivement vers son exécution. En effet, à Rome, l’obligatio était essentiellement perçue comme une entrave juridique. Elle désignait l’opération d’engagement du débiteur, tandis que son exécution, dénommée praestatio, participait de la solutio, qui consistait en la libération du débiteur, sachant que, dans l’Ancien droit romain, le paiement était solennel166

. Le droit de l’époque

classique supprima le formalisme de la solutio, et il fut admis que la praestatio suffisait à libérer le débiteur. Quoi qu’il en soit, le droit romain se manifeste par une focalisation sur la personne du débiteur, et, ce faisant, conçoit l’obligation sous son seul aspect d’entrave, d’atteinte à la liberté du débiteur.

102. Évolution du concept d’obligation à partir du XVIIème

siècle<> Cette

conception de l’obligation devait être remise en cause à partir du XVIIe

siècle, l’obligation étant alors perçue comme une relation injonctive, un lien de droit entre le créancier et le

166 J.-Ph. LÉVY et A. CASTALDO, Histoire du droit civil, Précis Dalloz, 2002, n° 714 : on parlait de « solutio per aes et libram » (paiement par l’airain et la balance), dont les modalités étaient semblables à celles de la mancipation.

61 débiteur. Suite aux travaux de ZACHARIAE, repris en France par AUBRY et RAU167, la prestation est alors considérée comme l’objet de l’obligation, l’activité due par le débiteur168. Madame ANCEL parle alors de « prestation subjective ». Cette dernière intégrant l’objet même de l’obligation, elle y intègre son exécution. Malgré tout, la prestation étant l’activité due par le débiteur, on continue de se focaliser sur la personne de ce dernier, indépendamment des attentes du créancier.

103. Époque contemporaine<> De nos jours, le rapport obligatoire est envisagé

en tant que processus finalisé. « L’obligation n’est plus seulement une relation qui doit

déclencher l’activité du débiteur, mais un processus censé procurer, par l’activité du débiteur, une utilité au créancier. La prestation, qui demeure l’objet de l’obligation illustre cet enrichissement, cette vision fonctionnelle de l’obligation, en se dédoublant : prise subjectivement, elle désigne l’activité du débiteur, objectivement, elle renvoie au résultat attendu par le créancier »169. Or ce résultat attendu par le créancier n’est autre

qu’un avantage, en vue duquel il a contracté : l’obtention d’un bien ou d’un service. La prestation objective est alors « la transformation attendue puis réalisée grâce au

contrat »170, le contrat ayant pour objet « de modifier, par l’intermédiaire ou non

d’obligations171, la réalité telle que le droit l’appréhende ». En effet, il apparaît, comme

nous le verrons plus loin, que des prestations objectives peuvent être fournies en dehors de toute obligation. Cette affirmation, introduite par la jurisprudence à propos de l’enrichissement sans cause172, apparaît au grand jour lorsqu’il est question des contrats réels ou du transfert de propriété dans la vente.

De son côté, l’appréhension du contrat a connu la même évolution.

167 Ch. AUBRY et Ch. RAU, Cours de droit civil français, F. Lagier, 1838. 168

M.-E. ANCEL, op. cit. n° 103 s.

169 M.-E. ANCEL, op. cit n° 111 s ; 118 s. Nous soulignons. 170 M.-E. ANCEL, op. cit. n° 151.

171 Le contrat peut, en effet, modifier la réalité juridique autrement que par des obligations. Cf. P. ANCEL,

Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat, RTD Civ. 1999.771.

172 Civ. 1ère, 12 juillet 1994, Bull. Civ. I, n° 250 « le devoir moral d’un enfant envers ses parents n’exclut pas

que l’enfant puisse obtenir indemnité pour l’aide et l’assistance apportées dans la mesure où, ayant excédé les exigences de la piété filiale, les prestations librement fournies avaient réalisé à la fois un appauvrissement pour l’enfant et un enrichissmeent corrélatif des parents ».

62 b) Orientation de l’analyse des contrats vers leur exécution

104. Focalisation de l’analyse des contrats sur les obligations<> L’approche

économique du contrat que nous avons précédemment évoquée constitue un dépassement de l’analyse classique du contrat, envisagé en tant que source d’obligations. En effet, l’obligation a toujours été considérée comme la notion fondamentale du droit des contrats, et la question de son fondement est bien entendu particulièrement importante. Il faut savoir pourquoi on est obligé et à quoi on est obligé. L’analyse du contrat permet de définir le contenu des obligations, notamment leur caractère de moyens ou de résultat, mais aussi, en théorie, de choisir entre l’exécution forcée et l’exécution par équivalent, selon que l’on est en présence d’une obligation de donner ou de faire. La plupart du contentieux en matière contractuelle portant sur la responsabilité, cet aspect a naturellement retenu, pour ne pas

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