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Les vilici dans l’administration financière

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 59-63)

Esclaves et affranchis publics employés au service de l’administration

1. Les esclaves attachés à la gestion financière

1.3 Les vilici

1.3.2 Les vilici dans l’administration financière

En effet, l’emploi de tels agents est loin de se limiter à l’économie rurale. Il apparaît dans bien d’autres contextes, en particulier l’administration financière. J. Carlsen rappelle d’ailleurs dans son étude sur le sujet, qu’un tiers des servi vilici connus dans le monde romain travaillaient dans ce domaine197. Beaucoup appartenaient soit à des adjudicataires (societates, socii, conductores), soit à la familia Caesaris. Ils jouaient souvent un rôle actif dans la collecte des différentes taxes et droits de douanes (vectigalia, portoria)198. À l’échelle des cités, rien ne permet d’écarter l’idée ou, à l’inverse, d’affirmer que des vilici publici avaient à effectuer ce type de tâche. La documentation épigraphique confirme seulement que cinq d’entre eux intervenaient auprès de l’aerarium ou de l’arca publica de la collectivité dont ils dépendaient. Il s’agit d’abord de Virilis s(ervus) v(ilicus) a(erarii) à Altinum199 puis de Felix

195 P. Sáez Fernández, Las tierras públicas en la Lex Ursonensis, Studia Historica. Historia Antigua, XV, 1997, p. 137-152.

196 On rappellera simplement ici le cas déjà mentionné (Cf. ch.1) d’Onesimus, vilicus Cuicul(itanorum) (BCTH, 1917, 346, 76 = ILAlg. II, 3, 7728) dont le statut et la fonction ont posé des difficultés d’interprétation.

197 J. Carlsen, Vilici…, op. cit., p. 43.

198 J. France, Le personnel subalterne de l’administration financière et fiscale dans les provinces des Gaules et des Germanies, CCG, XI, 2000, p. 193-221.

199 AÉ, 2001, 1049.

Les servi publici vilici

Lieu Référence(s) Date Identité Statut / Fonction

Roma CIL, VI, 2347 (=4431) Ier /IIème s. ap. J.- C. Hymnus Aurelianus

a bybliothece latina porticus Octaviae vilicus

Roma CIL, VI, 4435 ? Montanus

Julianus

vilic(us) a bybliotheca Octaviae latin(a)

Roma CIL, VI, 37175 (AÉ, 1910, 114) Ier / IIème s. ap. J.-C. Callimachus vilicus Saeptoru(m) oper(um) pub(licorum) agr(ariorum) (?) Apulia / Calabria – regio II

Brundisium CIL, IX, 59 ? Maxim(us) publicus vil(icus) Br(undisinorum)

Venusia CIL, IX, 472 ? Pyram[us] colon(iae) vi[l]icus

Bruttium / Lucania – regio III

Petelia AÉ, 1985, 314 ? Euctus publicus Petelinorum vilicus

Umbria – regio VI

Urbinum Mataurense CIL, XI, 6073 ?? Verecundus Urv(inatium) vil(icus) ab alim(entis)

Etruria – regio VII

Volaterra CIL, XI, 1751 ? Urbicus vilicus publicus

Aemilia – regio VIII

Placentia CIL, XI, 1231 (ILS, 6673) ? Onesimus c(oloniae) P(lacentiae) s(ervus) vil(icus) macelli Venetia / Histria – regio X

Altinum AÉ, 2001, 1049 1ère ½ Ier s. ap. J.-C. Virilis m(unicipii) A(ltini) s(ervus) v(ilicus) a(erarii) Aquileia CIL, V, 737(InscrAq., I, 129) 2e ½ Ier s. ap. J.-C. Felix vi[lic(us) s]ummarum

Brixia CIL, V, 4507( InscrIt., X, 5, 302) Ier / IIème s. ap. J.-C. Cosmus Brix(ianorum) vilicus

Brixia CIL, V, 4503( Inscr.It., X, 5, 296) IIème s. ap. J.-C. Quartio Brix(ianorum) vilic(us) a[rk]ar(ius) vel a[er]ar(ii)

Patavium CIL, V, 2803 Ier s. ap. J.-C. [---] villicus (sic) aerari

Verona AÉ, 1946, 136 Ier s. ap. J.-C. Phoebus Veronens(ium) vilicus plumbarior(um)

Transpadana – regio XI

Comum CIL, V, 5668 ? Bucolus m(unicipum) C(omensium) ser(vus) vi[l(icus)]

Mediolanum CIL, V, 5858 ? Epitynchan(us) m(unicipum) M(ediolanensium) ser(vus) vi[l]ic(us) ark(arius)

Vercellae CIL, V, 6673 IIème s. ap. J.-C. Zosimus m(unicipum) V(ercellensium) vilicus Pannonia superior

Savaria CIL, III, 4152 (ILS, 7119) déb. IIIème s. ap. J.-C.

Daphnus col(oniae) Sav(ariae) vil(icus) kal(endarii) Septimiani

vi[lic(us) s]ummarum à Aquilée200, d’Epitynchan(us) ser(vus) vi[l]ic(us) ark(arius) du municipe de Mediolanum201, de Quartio vilic(us) a[rk]ar(ius) ou a[er]ar(ii) à Brixia202 et, enfin, d’un anonyme de Patavium qui déclare aussi avoir été villicus (sic) aerari203. Les précisions apportées à leur titulature les rattachent indiscutablement aux services financiers de leur cité, sans que l’on sache pour autant ce qu’ils faisaient très exactement. Sans doute leur fonction s’apparentait-elle à celle des caissiers municipaux mais peut-être bénéficiaient-ils aussi de compétences élargies.

On doit rapprocher de ce groupe deux autres vilici dont l’activité semble très spécifique.

Il y a, en premier lieu, un certain Verecundus vil(icus) ab alim(entis) à Urbinum Mataurense, en Ombrie204. Son lien clairement établi avec l’administration des alimenta, qui gérait, comme on sait, les intérêts d’emprunts versés aux cités et la redistribution de cet argent aux pueri et puellae bénéficiaires, le range parmi les agents financiers.

Un autre cas d’esclave gestionnaire intéressant est celui de Daphnus affecté, pour sa part, à la fonction de vil(icus) kal(endarii) Septimiani dans la colonie de Savaria en Pannonie supérieure205. Cette charge, pour laquelle il n’existe à ce jour aucun autre témoignage, classe également a priori ce subalterne dans l’administration financière. Le terme de kalendarium206 désigne en effet, au sens strict, un livre de comptes sur lequel on avait soin d’enregistrer les prêts d’argent, le montant des intérêts et les termes de remboursement fixés au début de chaque mois -d’où le nom même du registre. Ainsi présenté, un kalendarium s’apparentait donc d’abord à un journal de trésorerie prévisionnel et constituait un instrument financier utilisé aussi bien dans les activités domestiques que commerciales ou encore publiques. Par extension, ce mot a fini par désigner, à en croire G. Minaud, « une activité économique d’un particulier ou d’une collectivité, autre qu’une activité commerciale continue. (…) Confiée à un tiers, esclave ou pas, son objet était de faire fructifier un avoir et d’en assurer la perception des bénéfices. »207 Cette institution était répandue et les textes épigraphiques en confirment l’existence dans de nombreuses cités, ce qui tend à prouver qu’elles pratiquaient couramment le prêt à intérêt. Selon J. Andreau, beaucoup d’entre elles bénéficiaient en effet de fondations dont

200 CIL, V, 737 (InscrAq., I, 129 - ILS, 4869).

201 CIL, V, 5858.

202 CIL, V, 4503 (InscrIt., X, 5, 296).

203 CIL, V, 2803.

204 CIL, XI, 6073.

205 CIL, III, 4152 (ILS, 7119 – RIU, 87).

206 B. Kuebler, « calendarium », DE., II, p. 26-30 ; J. Oehler, « kalendarium », RE, X, 2, c. 1564-1568.

207 G. Minaud, La comptabilité à Rome. Essai d’histoire économique sur la pensée comptable commerciale et privée dans le monde antique romain, Lausanne, 2005, p. 217. Sur les différentes acceptions du terme

« kalendarium » p. 205-217.

les capitaux devaient être placés pour produire des intérêts. Cela faisait l’objet d’une gestion distincte du reste des recettes municipales et cette gestion était précisément appelée kalendarium208. Son contrôle pouvait revenir à un curator kalendarii dont on trouve mention en Italie comme dans la péninsule ibérique209. Ailleurs, il n’est pas certain que cette charge ait toujours existé. De toute façon, au quotidien, les tâches liées à la comptabilité et à l’administration courante de ces affaires se voyaient très probablement déléguées à des subalternes, tels Daphnus le vilicus de Savaria. On s’est beaucoup interrogé pour savoir quelles étaient l’origine et la nature du kalendarium Septimianum dont il s’occupait. Plusieurs hypothèses ont été avancées sans qu’il soit tout à fait possible de trancher. Dès la publication de l’inscription dans le troisième volume du CIL, Th. Mommsen interprétait cette expression dans le sens d’une dotation faite par l’empereur Septime Sévère à la colonie pannonienne210. A.

Mócsy et J. Wilkes ont suivi cette lecture et rappelé qu’à l’époque des Sévères des subventions impériales avaient été allouées à certaines cités danubiennes afin de les aider à se remettre des guerres marcomaniques211. La chronologie pourrait leur donner raison puisque la dédicace réalisée par Daphnus remonte au début du IIIème siècle, ce qui en fait un document contemporain de la politique sévérienne. Plus récemment, A. Weiß a, pour sa part, émis l’idée que l’adjectif Septimianus pourrait renvoyer à un personnage plus commun dénommé Septimius212, dont les biens auraient pu revenir à la cité de Savaria par confiscation, héritage ou encore don213. En se fondant sur le contenu d’un article de P. M. Nigdelis214, l’historien allemand envisage également que le kalendarium Septimianum était peut-être même une propriété foncière dont la surveillance fut confiée à un servus publicus après son transfert à la colonie. Daphnus se serait alors retrouvé en position d’administrateur de biens. Poussant plus loin le raisonnement, A. Weiß se demande d’ailleurs si l’esclave n’avait pas pu déjà être dans cette fonction auprès de Septimius, avant de passer lui-même dans la propriété de la cité avec l’ensemble des biens. Devenu publicus, on l’aurait maintenu dans son poste antérieur. Si

208 J. Andreau, Banque…, op. cit., p. 219.

209 L. Japella Contardi, Un esempio di burocrazia municipale : i curatores kalendarii, Epigraphica, XXXIX, 1977, p. 71-90 ; G. Mennella, La pecunia Valentini di Pesaro e l’origine dei curatores kalendarii, Epigraphica, XLIII, 1981, p. 237-241; F. Jacques, Le privilège de liberté. Politique impériale et autonomie municipale dans les cités de l’Occident romain, Rome, 1984, p. 143-148.

210 CIL, III, p. 525.

211 A. Mócsy, Pannonia and Upper Moesia. A History of the Middle Danube Provinces of the Roman Empire, Londres, 1974, p. 219 ; J. Wilkes, Les provinces danubiennes, Rome et l’intégration de l’Empire, 44 av. J.-C. / 260 ap. J.-C., t. II (dir. Cl. Lepelley), Paris, 1998, p. 289.

212 A. Weiß souligne à ce propos que la présence d’une famille de Septimi à Savaria est attestée par une inscription (CIL, III, 4211).

213 A. Weiß, Sklave…, op. cit., p. 98- 101

214 P. M. Nigdelis, Kalendarium Caesianum : zum kaiserlichen Patrimonium in der Provinz Makedonien, ZPE, CIV, 1994, p. 118-128. L’auteur fait la démonstration que les kalendaria pouvaient porter sur des biens immobiliers et des propriétés foncières et pas nécessairement sur des fonds.

séduisante soit-elle, cette proposition demeure en l’état invérifiable et repose sur beaucoup de conjectures. En tout cas, quoi qu’ait été réellement le kalendarium Septimianum de Savaria, sa gestion devait être suffisamment importante pour requérir l’emploi d’un intendant spécialisé.

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