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Les servi publici auxiliaires du culte

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 94-101)

Esclaves et affranchis publics employés au service des cultes

1. Les esclaves auxiliaires des grandes prêtrises à Rome

1.2. Un cas particulièrement bien documenté : les esclaves publics attachés aux frères arvales

1.2.3. Les servi publici auxiliaires du culte

Il semble bien néanmoins que la fonction principale remplie par les esclaves publics auprès des arvales ait été celle d’auxiliaires du culte et on sait qu’ils intervenaient effectivement à différents moments.

368 CFA, 99b, l. 1-11.

369 CFA, 100b.

370 J. Scheid, Commentarii…, op. cit., p. 301.

371 CFA, 102 (année 221).

372 J. Scheid, Commentarii…, op. cit., p. 6-7.

373 J. Scheid, Commentarii…, op. cit., p. 7.

374 CFA, 100b, l. 40 (a. 218).

Les actes des arvales font d’abord très souvent état de la participation des servi publici à certains sacrifices expiatoires liés au caractère sacré du bois de dea Dia375. Deux types de circonstances entraînent l’accomplissement de ces piacula. Il y a d’abord nécessité d’une expiation lorsque le lucus est souillé par l’introduction d’objets en fer (inlatio ferri) notamment lorsque l’on doit transcrire les procès-verbaux de la confrérie sur le marbre. La gravure des inscriptions s’accompagne donc d’un sacrifice qui est réitéré lors de l’elatio ferri. Il arrive aussi que des événements imprévus surviennent – orage, chute de neige, sécheresse voire incendie – et causent des dommages qui portent atteinte à l’intégrité du bois. Les travaux de remise en état donnent alors lieu à une expiation généralement célébrée à la fois par les publici arvalium et les calatores, sauf si les dégradations sont importantes et obligent à une intervention plus ample.

En ce cas, le magister ou le promagister s’adjoint à eux et prend en charge le sacrifice376. La plupart du temps, celui-ci consiste en une offrande de truies, d’agnelles grasses, de gâteaux et de galettes.

Cependant, l’essentiel du culte de dea Dia consiste en un sacrifice célébré chaque année, durant trois jours du mois de mai, en deux lieux successifs, l’un à Rome, dans la résidence du magister annuel des arvales, l’autre dans le lucus de la déesse, situé cinq milles au sud-ouest de l’Urbs. À partir d’une étude approfondie des différents procès-verbaux de cette cérémonie, John Scheid s’est attaché à reconstituer le déroulement de ce sacrifice complexe et à en donner une interprétation détaillée377. On peut reprendre le schéma d’organisation générale qu’il propose de ce rituel378 pour voir comment s’y inscrit l’action des servi publici. De nombreux textes des Commentarii fratrum arvalium évoquent en effet leur présence à différents moments du sacrificium et, au-delà des phrases plus ou moins stéréotypées liées au caractère formel de la rédaction de ces protocoles religieux, ce corpus nous renseigne, de manière directe et souvent assez précise, sur un certain nombre de tâches qui incombent aux esclaves et sur la place qui leur est accordée. En se fondant sur ces données épigraphiques, il est donc possible de décrire, au moins en partie, le rôle qu’ils jouent dans l’accomplissement du rite.

La première journée se déroule au domicile du président de la confrérie et consiste d’abord en une série d’offrandes faites à Dia, avant un banquet consommé par les arvales et

375 Mise au point sur cette question dans H. Broise et J. Scheid, « Etude d’un cas : le lucus deae Diae à Rome », in Les bois sacrés. Actes du colloque international de Naples. Collection du Centre Jean Bérard, 10, 1993, p. 145-157. Selon les auteurs, il importe de distinguer ces piacula de ceux célébrés par le président de la confrérie lors de l’ouverture des cérémonies du sacrifice annuel à la déesse. Cf. J. Scheid, Romulus …, op. cit., p. 554-558.

376 On voit par exemple M. Valerius Trebicius Decianus intervenir en 105 (CFA, 64 I, l. 37-41) et en 118 (CFA, 68 I, l. 40-44) ou encore M. Fulvius Apronianus en 155 (CFA, 80, l. 57-60).

377 J. Scheid, Romulus et ses frères…, Rome/Paris, 1990, p. 441-676.

378 J. Scheid, op. cit., p. 478 et 656.

durant lequel ils procèdent à un sacrifice ture et vino. Les inscriptions précisent alors que les libations sont ensuite portées sur l’autel de la déesse par des enfants – les pueri patrimi et matrimi senatorum fili – et des publici379. La signification de ces gestes et le rôle des différents acteurs de cette séquence ont été très clairement analysés par John Scheid380. Il explique que les garçons de rang sénatorial servent d’assistants aux arvales, comme c’était l’habitude dans les repas privés. Si les fratres arvales sont responsables du sacrifice, le transfert des offrandes vers l’autel revient aux pueri praetextati. Cependant, le service et les gestes réels sont confiés aux esclaves suivant une mise en scène très hiérarchisée. « (…) Le recours à deux intermédiaires pour accomplir une libation a peut-être pour mission de mettre en évidence la structure de la communauté cultuelle (…) pendant le banquet des prêtres l’offrande d’encens et de vin sert à établir comme une ébauche, comme un modèle réduit de la res publica, où les sénateurs et leurs enfants exercent le pouvoir et dont les esclaves assurent les fonctions utilitaires. » 381

C’est néanmoins lors du deuxième jour de célébration, qui a pour cadre le lucus de Dea Dia, que l’on perçoit le mieux l’action des publici. La documentation épigraphique évoque leur participation à différentes reprises, en particulier dans le déroulement de la partie centrale du sacrifice qui a lieu promeridie. Après toute une série d’offrandes faites d’abord à Dia, on sait que les arvales accomplissent aussi un sacrifice à une divinité commensale, mater Larum, qui reçoit une cena. Il s’agit en fait de pots contenant une bouillie (puls). Une fois consacrée dans le temple, l’offrande est remise par le président et le flamine à deux prêtres, qui aidés d’esclaves publics, précipitent les ollae sur la pente devant le sanctuaire382. Il n’y a pas lieu d’insister ici sur le sens et la portée de ce rite383 mais simplement de souligner cette nouvelle mention des publici, qui contribuent matériellement à la réalisation de l’opération. On note avec intérêt que la familia et les officiales sont ensuite invités à participer eux-mêmes au banquet de la mère des Lares384. Les procès-verbaux des années 218 et 240385 rapportent en effet que les arvales s’isolent, momentanément, avec leurs auxiliaires dans la cella du temple

379 CFA, 58, l. 61-62 (année 90) : «ministrantibus calatoribus et publicis, pueri riciniati [praetextati ad aram rettulerunt]» / CFA, 114, l. 39-41 (année 240) : «m[i]-/nistrantib[u]s pueris p[r]aet[i]s et cum public(is) ad ar(am) /per[t]ulerunt».

380 J. Scheid, op. cit., p. 539-541.

381 J. Scheid, op. cit., p. 541.

382 CFA, 114, II l. 21-24 (année 240) : « (...) deinde in <aedem> re- /ue[r]si o[l]las cum pulte{s} precati sunt et conteg(erunt) et promag(ister) / et flam(en) et publ(ici) duo sace[r]dotes o[l]las acc(eperunt) et [i]anuis aper-/ tis per cliuum Matri Larum cenam iactauerunt. »

383 Pour une analyse détaillée de cette question, on se référera à J. Scheid, op. cit., p. 587à 598.

384 J. Scheid, op. cit., p. 598-600. Dans la lecture qu’il donne de ce rite, l’historien rappelle que l’association des publici à cette divinité secondaire renvoie à une tradition liant les Lares à la domesticité. Varron, De Ling. Lat., VI, 23.

385 CFA, 100a, l. 30 (année 218) : «deinde subsellis marmoreis consed(erunt) et panes laureat(os) per public(os) partiti sunt » /CFA, 114, II l. 24-26 (année 240) : «[I]nde os-/ te[i]s clusis subsellis marmoreis consed(erunt) et pan(es) laureate(os)/ siligineos famil(iae) et off(icialibus) diuiser(unt). »

pour procéder à un partage et à une distribution de pains de fleur de farine couronnés de laurier (panes laureati siliginei) entre leurs esclaves et affranchis. Ceux-ci consomment les mets reçus et bénéficient de la sorte, « en guise de ″salaire″ pour leur service, du privilège d’être nourris publiquement, tout de suite après les dieux » 386. Ces éléments tendent donc à montrer que la place des publici, bien que subordonnée, est néanmoins reconnue et qu’ils sont véritablement associés au sacrifice, au même titre que les prêtres. Ils accompagnent encore les frères arvales lors des phases suivantes du rituel qui consistent à collecter puis échanger des céréales (fruges) contre du vin, avant de les mettre en réserve387. Le seul moment où les esclaves, tout comme d’ailleurs les calatores, se voient exclus du rite est la récitation du carmen aruale qui intervient après ces cérémonies388. Les sacerdotes se retrouvent alors uniquement entre eux, à huis clos, dans le temple. Une fois cette séquence accomplie et lorsque le signal leur en est donné, leurs subalternes peuvent à nouveau pénétrer dans le sanctuaire. Ils recueillent les livrets (libelli) qui contiennent le texte de l’hymne qui vient d’être scandé par les arvales389. Ils sont sans doute encore présents ensuite lors de l’offrande de couronnes aux déesses390 qui précède l’élection du magister et le banquet des prêtres dans le tétrastyle. Plus tard, les publici assistent aussi aux ludi circenses donnés en l’honneur de Dia. C’est du reste à ce moment-là391 qu’ils peuvent adresser des demandes aux arvales ainsi qu’en témoignent trois passages des Commentarii392.

La célébration s’achève, le troisième jour, par un dernier banquet de la confrérie dans la demeure romaine du magister. À quelques détails près, sa structure est comparable à celle de l’epulum de la première journée. Durant le sacrifice inter cenam, les esclaves publics sont une nouvelle fois sollicités pour accompagner les pueri chargés de porter les offrandes (fruges) sur

386 J. Scheid, op. cit., p. 599.

387 CFA, 100a, l. 27-29 (année 218) : «et duo ad fruges petendas/ cum publicos ( !) desciderunt et reversi dextra dederunt [l]aeu[a] rec[e]perunt / deinde a[d] alterutrum sibi [re]dd(iderunt), / et public(is) frug(es) tradider(unt). »

388 CFA, 100a, l. 31(année 218) : «et aed[e]s clusa e(st) ; omnes [f]or[a]s ex[i]erunt.»

389 CFA, 100a, l. 37 (année 218) : «Post tripodationem deinde signo dato publ[i]c[i] introier(unt) et libellos receperunt» / CFA, 114, II l. 34-35 (année 240) : « et sign(o) dato offic[i]al(ibus) / libe[l]los re[d]did(erunt). »

390 Les textes CFA, 100b, l. 1(année 218) et CFA, 114, II l. 37-38 (année 240) indiquent alors seulement la présence du commentariensis. Cf. infra p. On peut toutefois penser que les autres serviteurs de la confrérie étaient dans les parages.

391 Selon L. Friedländer, « Les jeux », in J. Marquardt, Le culte chez les Romains, II, t. XIII. Manuel des Antiquités romaines, éd. Française, 1890, p. 247-349 et J. Scheid, Romulus…, p. 638, cette pratique reprend une tradition bien connue qui consistait à organiser des manifestations ou à présenter des demandes au cours de la pause entre les courses.

392 Le premier date de 109 (CFA, 65, l. 13-14) : il évoque une décision prise par les arvales à l’occasion des ludi (« [--- ex decret]is prioribus nihil immutamus »). Le texte, trop corrompu, ne permet pas de comprendre de quoi il retourne exactement mais. Le second, de l’année 120, (CFA, 69, l. 45-48) concerne en fait la revendication, finalement rejetée, d’un calateur. Le troisième (CFA, 75, l. 8-14) rapporte l’interpellation, en 134, des frères arvales par leurs esclaves au sujet d’une « portion du cirque » ([port]io circi). L’expression a fait débat : R.

Paribeni, Frammento degli Atti degli Arvali, 1919, p. 100-106, pense à une demande d’attribution d’un terrain près du cirque où les esclaves auraient installé un cimetière mais J. Scheid, Commentarii…, p. 224 préfère y voir une réclamation portant sur la distribution des secteurs du cirque, ce qui semble plus convaincant.

l’autel de la divinité. Ils réalisent pratiquement le transfert selon une procédure conforme à celle déjà observée lors du premier jour.

Le rôle des esclaves publics dans le culte rendu par les arvales peut donc être d’abord perçu comme celui d’exécutants « techniques », d’assistants souvent relégués à des fonctions secondaires y compris celles qui ne sont pas décrites par les textes et que l’on pourrait qualifier de fonctions d’« intendance » lors des différents banquets mais aussi tous les travaux de boucherie et de manutention qui accompagnaient le rite. Cependant les textes attestent que ce sont aussi des intervenants dont le rôle prend un sens dans le rite sacrificiel lui-même393 car celui-ci reste un acte communautaire où interviennent une pluralité d’acteurs dont les servi publici sont partie prenante.

393 J. Scheid , Quand faire, c’est croire, Paris, 2005, p. 23-43.

Liste des servi publici connus auprès des arvales (Classement alphabétique par nom d’esclave)

Références Date Identité Fonction Autre(s) information(s)

CFA, 114 II, l. 37.38

155 [Ca]rpus Cornelianus publicus promotus ad tabulas quae- /storias transscribendas CFA, 103c, l. 3

(CIL, VI, 2106bc)

221 Domitianus p[ubl(icus)] Remplacé par ? [ex litteris Imp(eratoris) Caes(aris) M. Aur(elli)]

CFA, 62b, l. 5.8 (CIL, VI, 2074, II, l. 5, 8)

101 [E/M]arinu[s] [publicus] loco] / Saturnini Venuleian[i ad fratres aruales adlectu]s est (...) de E]arino [publico epistula] /missa fratribus arualibu[s ab Imp(eratore) Caes(are) (...)

CFA, 80, l. 64 (CIL, VI, 2086, l. 65)

155 Epictetus Cuspianus publicus (ante diem tertium) idus Decembr(es) <11déc.> / [in locum Ca]rp[i] publici Corneliani (...) / substitu<tu>s est ex litteris M.

Fului Aproniani promagistri

118 Iustus Bruttianus publicus k(alendas) [Se]pt(embres) (vacat) <14-30 août> / [allectus ad fratres aruales in] loc[u]mGemelii Memmiani publici / [fratr(um) arval(ium) ex litteris Imp(eratoris)] Caes(aris) n(ostri)

CFA, 55 II, l. 13 (CIL, VI, 2065, II, l.

13)

87 Narcissus Annianus publicus k(alendis) Febr(uaris) <1er fév.> allectus loco / Nymphi Numisiani ad fratres aruales

CFA, 102, l. 17 (CIL, VI, 2115, l. 17) CFA, 62b, l. 6 (CIL, VI, 2074, II, l. 6)

101 Saturninus Venuleian[us]

CFA, 100b, l. 41 (CIL, VI, 2104b, l. 40)

218 [Secundinus] tab(ularius) rat(ionis) k(astrensis)

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