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La familia publicorum arvalium

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 90-93)

Esclaves et affranchis publics employés au service des cultes

1. Les esclaves auxiliaires des grandes prêtrises à Rome

1.2. Un cas particulièrement bien documenté : les esclaves publics attachés aux frères arvales

1.2.1. La familia publicorum arvalium

Sur l’ensemble du corpus que constituent les Commentarii, pas moins d’une quarantaine de documents environ mentionnent les publici au service des arvales343. Ces fréquentes occurrences, même si elles tiennent en grande partie au caractère répétitif de la copie annuelle des actes, rappellent, au long des textes, la place certes secondaire mais malgré tout utile et nécessaire des esclaves dans le déroulement du culte. Très souvent cependant, ils ne sont désignés que par le terme générique « publici » et, malheureusement alors, les individus s’effacent derrière le groupe pris dans son ensemble. Treize d’entre eux sont néanmoins identifiables344. La liste que nous retenons à la suite des travaux de J. Scheid, est augmentée de deux noms par rapport à celle qu’avait dressée, en son temps, L. Halkin345. Il semble en effet possible d’y adjoindre d’abord un certain Eutyches qui, bien que n’étant jamais qualifié de

« publicus », intervient dans un contexte ayant trait aux esclaves de la confrérie346 et ensuite, un dénommé Domitianus, qu’une restitution épigraphique opérée par J. Scheid a permis de reconnaître en tant que tel347. Les aeditui anonymes cités à deux reprises par la documentation

348 méritent sans doute aussi d’être ajoutés bien que l’on ignore tout de leur statut, probablement des esclaves ou des affranchis publics.

Comme on a déjà pu le noter pour la plupart des esclaves publics de Rome, les publici fratrum arualium portent généralement un nom double. Cela tend à indiquer qu’avant d’entrer au service de la confrérie, ils ont d’abord appartenu à un maître privé349. L’observation des seconds noms qu’ils ont reçus peut-elle nous renseigner de façon plus précise encore sur

341 L’expression figure en CFA, 69, l. 47 (année 120). Sur le rôle et le statut des calatores, cf. Samter, RE 3 (1899), c. 1335-1336 ; A. Taramelli, DE 2 (1900), p. 19-24. Pour une liste de ces auxiliaires, se reporter à J.

Scheid, op. cit., 1990b, p. 467.

342 Une inscription de l’époque d’Hadrien, CFA, 69, l. 45-48, rapporte un cas épineux lié à une substitutio kalatorum. On comprend à cette occasion que les appariteurs des arvales formaient un collège et devaient verser un droit d’entrée pour y participer. Sur ce point cf. J. Scheid, Commentarii…, p. 214.

343 À propos des publici des arvales, voir L. Halkin, op. cit., p. 60-67 et 232 ; W. Eder, op. cit., p. 49-53 ; F.

Bömer, op. cit., notamment p. 26-29.

344 Arescon Manilianus, [Ca]rpus Cornelianus, Domitianus, Epictetus Cuspianus, Eutyches, Gemellus Memmianus, Iustus Bruttianus, [M]arinu[s], Narcissus Annianus, Numphius Numisianus, Primus Cornelianus, Saturninus Venuleian[us], [Secun]dinus.

345 L. Halkin, op. cit., p. 232.

346 CFA, 75, l. 11 (année 134 ?). Ce texte fait effectivement référence à une demande formulée aux frères arvales par leurs esclaves au sujet du cirque.

347 Sur ce point précis, on lira avec intérêt les remarques faites par l’historien sur les lectures antérieures de W.

Henzen et Ch. Huelsen du fragment CIL, VI, 2106b et les corrections qu’il y apporte (CFA, 103cd, l. 3, année 221). Cf. J. Scheid, op. cit., 1990b, p. 455-457.

348 CFA, 59, II, l. 27 (année 91) et CFA, 73, l. 4.8 (année129).

349 Cf. supra partie 1.Sur les seconds noms d’esclaves terminés en –anus, cf. R. Cagnat, Cours d’épigraphie latine, Paris, éd. 2002, p. 81 et L. Halkin, op. cit., p. 34.

l’origine de ces individus ? Certains de ces noms semblent s’apparenter aux gentilices de familles dont un ou plusieurs membres ont, à différents moments, fait partie du collège arvale350. Pourrait-on alors envisager que les esclaves qui servaient la sodalité aient été cédés par certains fratres à partir de leur propre familia ? Pour étayer cette hypothèse, il faudrait parvenir à établir un rapport –au moins chronologique- entre les uns et les autres, or deux inscriptions seulement autorisent un tel rapprochement. La première, datée de 241, évoque successivement les vœux formulés par les arvales à l’occasion du mariage de Gordien III et le sacrifice annuel fait à Dia351. Elle met en présence P. Manilius Aemilius Pius, un tribun de la plèbe signalé dès l’année antérieure dans le collège352, et Arescon Manilianus, esclave com[m(entariensis)]. Pour autant, le texte ne donne pas d’autre précision sur un lien possible entre les deux personnages. Dans le même ordre d’idée, on peut se demander si Saturninus Venuleian[us], publicus remplacé dans sa fonction par un certain [E]arinus (ou [M]arinus) en 101353, n’avait pas à voir avec l’arvale L. Venuleius Montanus Apronianus, attesté de façon régulière dans le collège entre 80 et 92, dates auxquelles il apparaît d’ailleurs comme magister354. Dans ce cas, l’esclave aurait pu être affecté à la confrérie dès ce moment-là et y prêter service encore pendant une dizaine d’années environ, ce qui est tout à fait concevable.

On mesure bien cependant qu’il s’agit là d’indices ténus pour assurer quoi que ce soit quant à l’origine d’une partie du personnel servile des arvales et il est sans doute préférable de s’en tenir aux conjectures.

À plusieurs reprises, notamment pour les années 87, 118, 155 et 221, les Commentarii rapportent de façon explicite la procédure qui amenait un esclave à en remplacer un autre auprès du collège355. L’entrée en fonction du nouveau serviteur est soigneusement consignée,

350 Annianus < gens Annia : 1°) L. Annius Vinicianus (± 5/42), arvale de mai 38 à 42 – 2°) M. Annius Verus (vers 66/ap.135-138), attesté dans la confrérie en105 – 3°) C. Annius Anullinus Geminus Percennianus ( ?/ap. 240), attesté dans la confrérie en 231, 239 et 240.

Cornelianus < gens Cornelia : 1°) L. Cornelius Cinna (± 75 av./± 16 av.), arvale de 29 av. à ± 16 av. - 2°) Cn.

Cornelius Cn. f. Lentulus augur (57 av./25 ap.), arvale de 15/10 av. à 25 ap., magister en 14 ap. – 3°) L. Cornelius Sulla Felix (33 av./21 ap.), arvale de 14 à 21, flamen en 21 ( ?) – 4°) Faustus Cornelius Sulla Felix (25/62), arvale de 46 à 62 – 5°) P. Cornelius Geminus, (92/134), magister en 124.

Manilianus < gens Manilia : P. Manilius Aem(ilius) Pius (vers 210/ap. 241), attesté dans la confrérie en 240 et 241.

Memmianus < gens Memmia : P. Memmius Regulus (± 4 av./61), arvale de 34/35 à 61, promagister en 55.

Venuleianus < gens Venuleia : L. Venuleius Montanus Apronianus (av.48/ap.92), attesté dans la confrérie entre 80 et 92, magister en 80 et 92, flamen en 91.

351 CFA 115 (CIL, VI, 2114 – AFA, CCXXIV)

352 Cf. J. Scheid, op. cit., 1990b, p. 133. PIR2, M, 131.

353 CFA 62b, l. 5-6 (CIL, VI, 2074, II)

354 J. Scheid, op. cit., 1990b, p. 24-25. Au sujet de L. Venuleius Montanus Apronianus, consul suffect en 92, voir aussi PIR, V, 255.

355 CFA, 55, II, l. 13-14 (année 87) ; CFA, 62b, l. 5-8 (année 101) ; CFA, 68, l. 5-6 (année 118) ; CFA, 80, l. 63-64 (année 155) ; CFA, 103c, l. 3 (année 221).

en général par la formule « adlectus est ad fratres arvalium in locum » suivie du nom du prédécesseur au génitif. Cet usage connaît toutefois une exception, dans un texte de 155, lorsqu’Epictetus Cuspianus succède (substitutus est) à Carpus Cornelianus lui-même

« promotus ad tabulas quaestorias transscribendas »356. Cette variante dans la rédaction tient peut-être aux circonstances dans lesquelles le changement se réalise. En effet, il faut remarquer que dans les situations d’adlectio, on ignore tout de ce qu’il est advenu de l’esclave remplacé : a-t-il lui aussi accédé à un autre emploi ? Est-il désormais dans l’incapacité de remplir son rôle ? Ou bien encore a-t-il tout simplement disparu ? Rien ne le dit. A l’inverse, on n’a pas manqué de préciser que la substitutio d’Epictetus est consécutive à une promotion de son prédécesseur, comme s’il était nécessaire d’expliquer ce changement et de relever cette situation particulière.

Le rattachement d’un servus publicus à la sodalité se fait, en tout cas, à partir d’une décision écrite (ex litteris) soit du magister ou du promagister357, soit de l’empereur lui-même membre de la sodalité358. En ce qui concerne l’esclave [E]arinus (ou [M]arinus), le document, qui mentionne son adlection, comporte un développement à propos de la lettre que Trajan avait fait parvenir à son sujet aux arvales. Malheureusement, le texte étant très corrompu, le contenu de ce courrier nous échappe en grande partie et il est malaisé de saisir l’intention impériale.

Néanmoins, en se fondant sur l’expression « [impe]nsa sua » qu’il est parvenu à restituer, J.

Scheid suggère que « peut-être (l’empereur) annonce-t-il qu’il paiera la cotisation du publicus dans la caisse du collège des publici des arvales. »359

Il est vrai que l’on s’étonne devant le caractère officiel pris par la cooptation d’un nouvel esclave puisqu’elle est gravée dans les actes et on est d’autant plus surpris que, dans la transcription épigraphique qui en est donnée, la procédure suivie peut être rapprochée de celle qui prévaut lors de la cooptation d’un frère arvale puisque dans ce cas on enregistre aussi le nom de l’arvale décédé, le nom du coopté, la mention de la lettre impériale et une liste de présence360. Cependant, on note que la substitutio des calatores ne donne pas lieu à un enregistrement. Par ailleurs, du texte datée de l’année 155361 on peut déduire que la fonction de publicus fratrum arvalium pouvait n’être exercée que temporairement et qu’il avait, à l’évidence, des possibilités de passage d’un service public, ici sacerdotal, à un autre administratif, en l’occurrence le tabularium.

356 CFA, 80, l. 63-64.

357 CFA, 80, l. 64.

358 CFA, 62b, l. 8 (Trajan) ; CFA, 68, l. 6 (Hadrien); CFA, 103c, l. 3 (Elagabal).

359 J. Scheid, Commentarii…, op cit., p. 183.

360 Par exemple, en 240, CFA, 114, I, l. 19-24.

361 CFA, 80, l. 63-64.

1.2.2. Les servi publici préposés à des tâches administratives auprès de la

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