• Aucun résultat trouvé

Le service des magistrats locaux 1. Attestations épigraphiques

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 40-45)

Le service des magistrats

2. Le service des magistrats locaux 1. Attestations épigraphiques

Les magistrats locaux disposaient d’esclaves publics placés à leur service. Ces attributions sont attestées par plusieurs passages des lois municipales d’Urso, d’Irni et de Lauriacum97 qui présentent les personnels auxiliaires des dirigeants municipaux, apparitores et servi publici.

95 Plut., Cato M., 6, 1, 3.

96 L. Halkin, op. cit., p. 71-72.

97 Cf. infra annexe.

Tab... Personnels au service des magistrats municipaux à Urso, Irni et Lauriacum

Ces inscriptions témoignent de réalités quelque peu différentes selon les cités. Ainsi à Urso, la rubrique 62 de la lex municipalis indique que chaque édile disposait de quatre servi publici qui venaient s’ajouter à quatre appariteurs. On ignore ce qu’il en était pour les questeurs. En revanche, il semble qu’aucun publicus n’ait été attribué aux duumviri, chacun d’entre eux ayant uniquement à son service des serviteurs libres dans différentes fonctions.

Au total, les duumviri et les édiles d’Urso bénéficiaient d’un groupe de trente-huit auxiliaires, soit trente appariteurs et huit esclaves publics. Ces esclaves sont désignés par l’expression

« cum cincto limo » que l’on retrouve pour qualifier les servos communes qui accompagnent les édiles et les duumvirs d’Irni mais la lex Irnitana ne précise pas quel était le nombre de subalternes alloués aux magistrats. Elle mentionne toutefois la présence de servi communes aux côtés des questeurs. Il est possible, d’autre part, que le 3e fragment de la lex Lauriacensis prévoyait également des [lim]ocincti auprès de duumvirs mais l’état très dégradé du document ne permet pas de l’assurer complètement. À ces règlements municipaux, on doit ajouter que trois autres textes épigraphiques repris dans le corpus évoquent par ailleurs des servi

98 CIL, II2, 5, 1022,c. 19, l. 16-18 (CIL, II, 5439 ; ILS, 6087 ; FIRA I2, 21 ; Roman Statutes I, n. 25).

99 J. González, The lex Irnitana : A New Copy of the Flavian Municipal Law, JRS, 76, 1986, p. 147-243.

100 M. Crawford, Appendix 2 in J. González, The lex Irnitana …, art. cit., p. 241-243 ; AÉ, 1953, 124.

limocincti : le premier est une adprecatio aux Mânes d’un certain Anicetus [l]imoci[nctus] à Pouzzoles101, le second une stèle funéraire élevée à un dénommé Senecio lui aussi limocinctus de la colonia Agrippinensium en Germanie inférieure102, le troisième enfin une dédicace conjointe d’apparitores et de limocincti à l’adresse de M. Gavius Squillianus, IIIIvir i(ure) d(icundo) de Vérone103.

2.2. Les limocincti

La désignation de limocinctus / i qui revient dans tous ces textes a fait l’objet de divers commentaires104. Plusieurs citations empruntées aux auteurs anciens permettent d’en comprendre le sens. Servius est le premier à donner une description relativement précise de ce vêtement qui couvre de la taille aux pieds celui qui le porte et qui se caractérise par une bande pourpre en biais : « Limus autem vestis qua ab umbilico usque ad pedes prope teguntur pudenda poparum. Haec autem vestis habet inextremo sui purpuram limam, id est flexuosam, unde et nomen accepit : nam ‘limum’obliquum dicimus, unde et Terentius limis oculis dicit, id est obliqui. »105 Hygin le Gromatique confirme de son côté l’aspect de ce « tablier » particulier106 et, selon Isidore de Séville, le limus serait l’habit spécifique des esclaves publics107. Sur ses dires, de nombreux historiens ont longtemps considéré que tous les publici devaient être habillés de la sorte108 mais, faisant remarquer le caractère tardif du témoignage d’Isidore de Séville, la difficulté qu’il pouvait y avoir pour certains agents employés à des tâches techniques d’être ainsi vêtus et la relative rareté des occurrences du terme

« limocinctus » dans la documentation, A. Weiß a démontré que le limus semble n’avoir été réservé qu’à certaines catégories d’esclaves, ceux qui servaient les magistrats109.

Les limocincti remplissaient-ils alors des fonctions spécifiques ? S’appuyant sur le passage de Servius, qui prétend que le limus était porté par les victimaires (popae), W. Eder

101 CIL, X, 2052.

102 CIL, XIII, 8334 (ILS, 7070).

103 CIL, V, 3401 (ILS, 6696).

104 R.F. Rossi, s. v. « limocinctus », DE, IV, p. 1385-1386, Rome, 1962 ; L. Halkin, op. cit., p.218-219 ; W.

Eder, op. cit., p. 106 et 122 ; A. Weiß, Limocincti in Irni. Zur Ergänzung des Duumvirnparagraphen 18 der lex Irnitana, ZPE, 135, 2001, p. 284-286.

105 Serv., Aen., 12, 120.

106 Hygin., lim. grom., I, 10 : « Limites autem appellati a limo, id est antiquo verbo transversi : nam et limum cinctum ideo purpuram transversam habeat. » Cf. J.-Y. Guillaumin, Les arpenteurs romains, I, Hygin le Gromatique. Frontin, Paris, 2005.

107 Isid., Orig., 19, 33, 4 : « Limus est cinctus quem publici habebant servi : et dictus limus quia transversas habebat purpuras, id est limas. »

108 Entre autres, T. Mommsen, op. cit., p. 370 ; L. Halkin, op. cit., p. 218 ; W. Eder, op. cit., p. 106, 122.

109 A. Weiß, op. cit., p. 31-32.

ou encore P. Le Roux ont avancé l’idée que les esclaves qui le revêtaient remplissaient un rôle religieux. A. Weiß, pour sa part, leur attribue une fonction plus symbolique : selon lui, les limocincti pourraient avoir tenu une place comparable à celle des licteurs auprès de magistrats supérieurs. L’historien allemand en voit la preuve dans le fait qu’à Urso, alors que les duumvirs bénéficiaient justement de deux lictores, les édiles ne recevaient à leur service que quatre publici cum cincto limo. Cette assimilation des limocincti à des quasi-lictores rejoint d’ailleurs le témoignage de Varron rapporté par Aulu-Gelle et cité précédemment à propos de l’emploi considéré comme abusif des esclaves publics par les édiles curules romains. Ainsi la fonction de ces agents pourrait avoir été d’accompagner, notamment dans l’espace public, les magistrats qui ne disposaient pas de licteurs. Les limocincti auraient, d’une certaine façon, traduit de la sorte leur autorité et peut-être aussi assuré leur sécurité. De son côté, en se fondant largement sur les sources épigraphiques qui mettent très souvent en relation les servi limocincti avec les apparitores, J.-F. Rodríguez Neila suggère de leur conférer une fonction plus administrative et bureaucratique110. La lex Irnitana prévoit que les duumvirs, dans les cinq premiers jours de leur entrée en charge, proposent aux décurions des tâches spécifiques (negotia) attribuables à chaque esclave public111. Or, si les emplois d’appariteurs (scriba, librarius...) revenaient prioritairement à des ingénus, J.-F. Rodríguez Neila n’exclut pas qu’ils aient pu, dans certains cas, être occupés par des servi publici en capacité de remplir ces fonctions et l’historien de démontrer l’avantage financier que cela ne manquait pas de représenter pour les cités concernées, même si elles devaient acquérir puis entretenir les esclaves112. Le statut d’Irni qui n’alloue des scribae qu’aux seuls duumvirs113 donne à penser que les servi communes affectés auprès des édiles et des questeurs prenaient peut-être en charge des tâches administratives telles que la copie de documents, la tenue des comptes, des registres financiers... Ils pouvaient également avoir à préparer le matériel d’écriture nécessaire à l’enregistrement des actes. Qu’elles qu’aient été les fonctions précises exercées par les esclaves publics placés auprès des magistrats, de nombreux éléments laissent envisager qu’ils suppléaient régulièrement les appariteurs. D’ailleurs, les liens qui semblent avoir existé entre ces différents personnels auxiliaires114, indépendamment de leur statut respectif, confirment leur association étroite. Ensemble, ils constituaient selon l’expression de J.-F. Rodríguez

110 J.-F. Rodríguez Neila, art. cit., p. 221-226.

111 Lex Irni., rubr. 78.

112 J.-F. Rodríguez Neila, art. cit., p. 224.

113 Lex. Irni., rubr. 73.

114 Attestations épigraphiques : CIL, XIV, 409 (ILS, 6146) à Ostie ; CIL, V, 3401(ILS, 6696) à Vérone ; AÉ, 1974, 346 à Mediolanum.

Neila, une « équipe de collaborateurs »115 sur laquelle les magistrats trouvaient non seulement à s’appuyer mais qui garantissait aussi la continuité des services administratifs. Il faut sans doute néanmoins envisager qu’une hiérarchie prévalait à l’intérieur de ce groupe de subalternes entre les apparitores d’une part, les publici d’autre part et, même parmi ces derniers entre les limocincti et les autres.

2.3 Les officiales

Le service des magistrats pourrait aussi avoir été assuré par une autre catégorie d’agents qui apparaissent dans les sources épigraphiques sous la dénomination d’officiales. Une première mention émane de Terracine où Proculus, esclave de la res publica reçoit un monument funéraire dédicacé par les liberti et officiales Tar[ri]cinensium116. À Feltria, en Cisalpine, une inscription datée de l’année 323 après J.-C. évoque d’autres off(iciales) pub(lici) qui reçoivent, tout comme les quattuorviri et six principales de la cité, des sportulae suite au legs testamentaire d’un certain Hostilius Flaminius117. Dans ce dernier cas notamment, compte-tenu de la datation du document, la question du statut de ces employés a été soulevée. Il apparaît en effet dans les sources juridiques du Bas-Empire, que les officiales, employés auprès des magistrats municipaux, sont des hommes de naissance libre que l’on voit d’ailleurs quelquefois succéder aux esclaves publics dans certaines fonctions118. Cependant, le contenu des inscriptions de Terracine et de Feltria dans lesquelles les termes « res publica » d’une part, « pub(licis) » d’autre part, apparaissent, suggèrent que l’on est en présence d’employés municipaux qui relèvent de la servitus publica119. Cette attribution doit, du reste, être rapprochée d’un extrait des Métamorphoses d’Apulée qui met en scène un édile communal, Pythias. L’homme y est présenté avec tous les attributs des magistrats romains, dont des lixae120, terme qui équivaut à celui d’apparitores121. Quelques lignes plus loin, le texte évoque un officialis qui accompagne le personnage, agit sur son ordre et pourrait bien s’avérer être un servus publicus122.

115 J.-F. Rodríguez Neila, art. cit., p. 225.

116 CIL, X, 6332.

117 ILS, 9420.

118 Cod. Theod., VIII, 2, 5( = Cod. Just., X, 71, 3). Ces officiales remplissent en fait la fonction de tabularii.

119 Cf. Dessau, ILS, 9420 ; Halkin, op. cit., p. 166 ; F. Luciani, op. cit., p. 234.

120 Apul., Met., I, 24 : « Nam et lixas et virgas et habitum prorsus magistratui congruentem in te video »

121 ThLL, VII, 2, p. 1550, l. 66.

122 Apul., Met., I, 25 : « (...) et profusa in medium sportula jubet officialem suum insuper pisces inscendere ac pedibus suis totos obtenere. » A. Weiß, op. cit; p. 85, n. 216.

Chapitre 2

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 40-45)