• Aucun résultat trouvé

Les arcarii spécialisés

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 52-55)

Esclaves et affranchis publics employés au service de l’administration

1. Les esclaves attachés à la gestion financière

1.1. Les arcarii 138

1.1.3 Les arcarii spécialisés

Le dossier des caissiers municipaux conduit en effet à examiner plus en détail deux documents qui font état de cas particuliers mais qui n’étaient sans doute pas uniques. Le premier est un texte trouvé à Capoue. Il évoque la présence dans la colonie d’un esclave, Privatus, qualifié d’arcarius Cretae157. Cette fonction pourrait paraître inattendue en Campanie mais elle doit se comprendre en rapport avec les informations transmises par les

153 Dig. 16.3.1.36 (Ulp. 30) : « pecunia in sacculo signato deposita » et 18.3.8 (Scaev. 7) : « sacculum cum pecunia signatorum signis obsignavit. ».

154 AÉ, 1998, 282, IIIc.

155 Un rapprochement peut ici être établi avec le rôle assigné à Daphnus, vil(icus) kal(endarii) Septimiani dans la colonie de Savaria en Pannonie supérieure cf. infra.

156 CIL, V, 83 (ILS, 6677).

157 CIL, X, 3938 (= ILS, 6317).

auteurs anciens sur la situation de Capoue à l’extrême fin de la République. Ainsi, Velleius Paterculus affirme qu’en 36 avant notre ère, la cité dut céder sur son territoire, par la volonté d’Octavien, des terres qui furent attribuées à des vétérans. À titre d’indemnisation, elle aurait reçu des agri vectigales enCrète 158. Cette assertion trouve confirmation, d’une part, dans une inscription de Cnossos, datée du règne de Domitien, qui mentionne une opération de délimitation (terminatio) de terres appartenant à la colonia Flavia159 et, d’autre part, dans un passage de Dion Cassius qui parle également de terres situées sur le territoire de Cnossos, dont les Capouans tiraient encore profit à son époque, c’est-à-dire au début du IIIème siècle160. À l’évidence, la cité campanienne s’était donc vu concéder le droit de percevoir un reditus.

Comment matériellement l’encaissement de ce revenu fiscal était-il organisé ? Rien ne le dit vraiment mais l’existence de l’arcarius Cretae montre que Capoue disposait pour ces rentrées financières d’un personnel spécifique, affecté probablement à cette seule tâche. Cette spécialisation trouvait sans doute une justification dans le montant très élevé que représentaient les revenus crétois. Velleius Paterculus évalue le produit du vectigal à duodecies sestertium. La formule paraît étrange mais, d’après S. Panciera, elle prend tout son sens si l’on sous-entend les mots centena milia161 : c’était en réalité une somme colossale – 1 200 000 sesterces- que percevait Capoue chaque année. On comprend dès lors qu’elle ait ménagé dans ses services administratifs un poste particulier pour son recouvrement. Il est peu probable d’ailleurs que l’esclave Privatus ait été seul dans cette fonction d’arcarius Cretae et on imagine qu’il était très certainement secondé par d’autres servi publici. En tout cas, sur la base de son exemple, on peut raisonnablement envisager que ses attributions trouvaient un pendant ailleurs, dans d’autres cités qui, tout comme Capoue, disposaient de propriétés extérieures à leur territoire dont elles dégageaient très souvent des revenus conséquents162. Malheureusement, aucune trace épigraphique n’est venue le confirmer pour le moment 163.

158 Velleius Paterculus, Histoire romaine, II, 81, 2 : « pro his longe uberiores reditus duodecies sestertium in Creta insula redditi ».

159 AÉ, 1969-70, 635. P. Ducrey, Trois nouvelles inscriptions crétoises, BCH, XCIII, 1969, p. 846-852.

160 Dion Cassius, XLIX, 14, 5.

161 S. Panciera, Appunti su Pozzuoli romana, I Campi Flegrei nell’archeologia e nella storia, Roma, 1977, p.

206, n. 78 ; Epigrafi, epigrafia, epigrafisti. Scritti vari editi e inediti (1956-2005) con note complementari e indici (Vetera 16), Rome, 2006, I, 3, 26, p. 745-760.

162 On pense notamment à Arpinum et Atella dont Cicéron, Ad Fam., XIII, 7, 1 et 11, 1 rappelle qu’elles étaient dotées d’agri vectigales en Narbonnaise. Les exemples sont nombreux Cf. G. Paci, Proventi da proprietà terriere esterne ai territori municipali, Il capitolo delle entrate nelle finanze municipali in Occidente ed in Oriente, Actes de la Xe rencontre franco-italienne sur l’épigraphie du monde romain, Rome, 1999, p. 61- 72 ; R. Biundo, Terre di pertinenza di colonie e municipi fuori del loro territorio : gestione e risorse, CCG, 14, 2003, p. 131-142 ; Agri ex alienis territoriis sumpti. Terre in provincia di colonie e municipi in Italia, MEFRA, 116, 2004, p. 371-436 ;

163 D. Izzo, Di un fundus di Teano Sidicino in Africa, Athenaeum, LXXXI, 1993, p. 269-275 évoque un potentiel servus arcarius Africae qui aurait pu être chargé d’encaisser le vectigal que la colonie augustéenne percevait sur ses propriétés d’Afrique.

De Brundisium émane un tout autre cas de caissier spécialisé. Une inscription y rappelle en effet l’existence d’un arcarius thermarum164. L’esclave Qenarus est le seul qui soit connu dans l’exercice de cette fonction et il reste difficile de dire en quoi elle consistait exactement. Plusieurs idées ont été avancées. La première propose de faire de cet employé l’équivalent d’un capturarius, autrement dit d’un caissier ou d’un guichetier chargé de percevoir les droits d’entrée dans les thermes165. Cette hypothèse se fonde sur les passages de quelques auteurs qui évoquent l’obligation qu’avaient les usagers des bains de s’acquitter d’une somme –souvent modique- pour accéder aux lieux166. Un agent installé à l’entrée encaissait ce balneaticum. Faut-il alors imaginer que l’esclave de Brundisium remplissait ce rôle, même s’il peut paraître relativement limité ? Une autre interprétation lui confère un travail un peu plus gratifiant167. On sait en effet que nombre de villes tiraient de larges profits des bains publics soit en affermant leur exploitation à des concessionnaires, soit, de façon plus directe, au moyen de leurs propres agents. Qenarus se trouvait-il dans cette situation ? Il reste difficile de l’affirmer. Peut-être était-il plus simplement chargé de contrôler, au niveau de l’arca publica, l’argent qui provenait des établissements thermaux de la cité. Cela conduit évidemment à s’interroger sur ce qui pourrait apparaître comme une hyper spécialisation de l’employé. En fait, quelle que soit l’importance des sommes récoltées, ces revenus semblent avoir justifié l’affectation d’un servus publicus et ce que l’on peut dire c’est qu’ils faisaient manifestement l’objet d’une gestion particulière dans les recettes municipales.

164 AÉ, 1978, 217.

165 H. Meusel, Die Verwaltung und Finanzierung der öffentlichen Bäder zur römischen Kaiserzeit, Cologne, 1960, p. 101-105 et M. Wissemann, Das Personal des antiken römischen Bades, Glotta, LXII, 1984, p. 84.

166 Horace, Sat., I, 3, 137 ; Martial, Epigr., III, 7,7 ; Sénèque, Epist., 86, 9.

167 A. Weiß, op. cit., p. 47.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 52-55)