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PARTIE I : Considérations théoriques

2.3 Les stéréotypes

La psychologie sociale97 ainsi que les sciences humaines et sociales examinent les notions de stéréotype, de préjugé et de discrimination. Trois principes s’appliquent à l’étude des stéréotypes, des préjugés et de la discrimination : la cognition, l’affect et le comportement, respectivement98. La composante cognitive dans les perceptions des membres du groupe est le stéréotype ; en d’autres termes, ce sont les croyances positives ou négatives que nous avons sur les caractéristiques du groupe social99. En effet, nous pouvons utiliser ces croyances pour guider nos actions envers les personnes appartenant à ces groupes. En plus de nos stéréotypes, il y a la com posante affective qui se réfère aux préjugés, « une attitude négative injustifiable à l’égard d’un groupe externe ou

de ses membres ». Les préjugés peuvent prendre la forme de l’aversion, de la colère, de la peur, du

dégoût, de l’inconfort et même de la haine. Enfin, il y a la composante comportementale, selon laquelle les stéréotypes et les préjugés sont problématiques car ils peuvent créer une discrimination100. La notion de discrimination comprend ainsi des comportements négatifs injustifiés envers les membres de groupes externes en fonction de leur appartenance à un groupe. Ces trois concepts peuvent faire partie d’un processus dans lequel le stéréotype conduit aux préjugés et aux discriminations.

97 JHANGIANI, Ravij, STANGOR, Charles et TARRY, Hammond. Principles of Social Psychology. 1st International Edition. Victoria, British Columbia : BCcampus, 2014, p. 476.

98 AMOSSY, Ruth et HERSCHBERG-PIERROT, Anne. Stéréotypes et clichés: langue, discours, société. Paris, France : Nathan, 1997, p. 34‑36.

99 Ibid., p. 34. 100 Ibid., p. 35.

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2.3.1 La catégorisation sociale et les stéréotypes

En psychologie sociale101, la catégorisation sociale est définie comme le processus cognitif naturel avec lequel nous plaçons les individus dans des groupes sociaux. Tout comme nous classons les objets en différents types, nous classons les personnes en fonction de leur appartenance à un groupe social. Lorsque nous le faisons, nous commençons à répondre à ces personnes plus en tant que membres d’un groupe social qu’en tant qu’individus, et cette tendance à classer les autres est souvent très utile. Dans certains cas, nous catégorisons, parce que cela nous fournit des informations sur les caractéristiques des personnes appartenant à certains groupes sociaux. Cependant, comment parvenons -nous à cette catégorisation et quelles en sont les raisons ?

La catégorisation sociale de base décrit la situation quand une grande quantité d’information est disponible en mémoire – ex. : la race, l’âge, le genre – et quand l’individu utilise toutes ces informations pour en tirer des conclusions102. La description de la catégorisation sociale comme une heuristique fonctionne dans deux sens. Le classement semble fournir plus d’informations, mais, en même temps, on n’a pas le temps (ou la motivation) d’obtenir quelque chose de plus complet. De cette façon, utiliser les stéréotypes pour évaluer une autre personne pourrait simplement faciliter la vie. Selon cette approche, penser aux autres en fonction de leur appartenance à une catégorie sociale est une manière fonctionnelle de gérer le monde : la situation est compliquée, et nous réduisons la complexité en nous appuyant sur nos stéréotypes103. Bien que considérer les autres en fonction de leur appartenance à une catégorie sociale présente des avantages potentiels pour la personne qui catégorise, le fait de catégoriser les autres, plutôt que de les traiter comme des individus uniques ayant des caractéristiques uniques, implique une grande variété de comportements négatifs, avec souvent des résultats très injustes pour ceux qui sont classés. Cette tendance est la source de plusieurs problèmes.

Un premier problème de la catégorisation sociale est qu’elle fausse nos perceptions, de sorte que l’on a tendance à exagérer les différences entre les personnes de différents groupes sociaux, tout

101 JHANGIANI, Ravij, STANGOR, Charles et TARRY, Hammond. Principles of Social Psychology. 1st International Edition. Victoria, British Columbia : BCcampus, 2014, p. 480‑484 ; WHITLEY, Bernard E, KITE, Mary E et

ARCISZEWSKI, Thomas. Psychologie des préjugés et de la discrimination. Bruxelles : De Boeck, 2013, p. 86‑92. 102 WHITLEY, Bernard E, KITE, Mary E et ARCISZEWSKI, Thomas. Psychologie des préjugés et de la discrimination. Bruxelles : De Boeck, 2013, p. 86‑92.

103 JHANGIANI, Ravij, STANGOR, Charles et TARRY, Hammond. Principles of Social Psychology. 1st International Edition. Victoria, British Columbia : BCcampus, 2014, p. 480‑484.

58 en percevant les membres des groupes (et en particulier les exogroupes104) plus semblables les uns aux autres105. Cette généralisation excessive rend plus probable le fait de penser et de traiter tous les membres d’un groupe de la même manière. Les personnes ont tendance à considérer que les personnes appartenant au même groupe social sont plus semblables qu’elles ne le sont réellement, et ont tendance à juger les personnes appartenant à différents groupes sociaux comme étant plus différentes qu’elles ne le sont réellement. L’homogénéité de l’exogroupe s’explique en partie par l’absence de contacts entre les membres de l’endogroupe et de l’exogroupe106. Les membres de l’endogroupe interagissent entre eux d’une façon plus familière et moins influencée par les normes sociales mais leur interaction avec les membres de l’exogroupe reste souvent superficielle. Cela empêche d’apprendre réellement sur les membres de l’exogroupe en tant qu’individus et, par conséquent, il y a une tendance à ne pas être conscients des différences entre les membres du groupe. L’absence d’interactions entre endogroupe et exogroupe mène au classement des membres de l’exogroupe, ce qui les rend plus semblables sur le plan cognitif. Une fois que les membres de l’exogroupe sont vus comme plus semblables les uns aux autres qu’ils ne le sont réellement, il devient alors très facile d’appliquer des stéréotypes aux membres des groupes sans avoir à se demander si la caractéristique est réellement celle de l’individu considéré. Le résultat est que les stéréotypes deviennent liés au groupe lui-même dans un ensemble de représentations mentales107 . Les stéréotypes sont des images figées des groupes sociaux et ces croyances semblent justes et naturelles, même si elles sont fréquemment déformées par la « surgénéralisation ».

Dans les encyclopédies sur les sciences sociales108, les stéréotypes sont généralement définis comme « des généralisations relativement fixes et simplifiées à l’excès à propos de groupes ou de

classes de personnes »109. En pratique, ils se concentrent généralement sur les caractéristiques

104 Dans le cadre de l’étude des relations intergroupes, les individus peuvent faire partie d’une catégorie sociale : l’endogroupe, c’est-à-dire le groupe d’appartenance, ou l’exogroupe, c’est-à-dire des personnes d’un autre groupe. (source : GILIBERT, Daniel et SALÈS-WUILLEMIN, Édith. La discrimination « privative » dans l’activité

explicative. Bulletin de psychologie. Groupe d’études de psychologie, 2005, Vol. Numéro 477, n° 3, p. 307‑320.)

105 NDOBO, André. Les nouveaux visages de la discrimination. Bruxelles : De Boeck, 2010, p. 21‑26.

106 WHITLEY, Bernard E, KITE, Mary E et ARCISZEWSKI, Thomas. Psychologie des préjugés et de la discrimination. Bruxelles : De Boeck, 2013, p. 86‑92.

107 AMOSSY, Ruth et HERSCHBERG-PIERROT, Anne. Stéréotypes et clichés: langue, discours, société. Paris : Nathan, 1997, p. 50‑51.

108 KUPER, Adam et KUPER, Jessica (dir.). The social science encyclopedia. London : Routledge, 1996, p. 843‑844. 109 Ibid., p. 843.

59 négatives et défavorables, bien que certaines autorités incluent également, dans leur conception des stéréotypes, la surgénéralisation positive.

D’autres études110 soulignent que le stéréotype est une image répétée et figée qui permet des impressions rapides. Il s’agit d’idées socialement partagées, résistant à la preuve du contraire, constituées de généralisations excessives qui sont fausses ou mal fondées. Cela consiste en une classification sociale de groupes ou de personnes basée sur des signes souvent simplifiés et généralisés, représentant implicitement ou explicitement un ensemble de valeurs et de jugements concernant leur comportement, leurs caractéristiques ou leur histoire. Le « stéréotypage » est un processus qui nécessite la simplification et l’organisation de divers types de phénomènes complexes en catégories générales étiquetées111. L’attention est concentrée sur certaines caractéristiques d’identification similaires ou distinctives. Enfin, ce processus de stéréotypage (ou stéréotypisation) est une « généralisation et peut être utile aussi bien que nuisible en fonction des

conditions de son usage »112. C’est pour cette raison que le stéréotypage est fortement lié à la création des préjugés et de la discrimination (voir section suivante : 2.4).

110 O’SULLIVAN, Tim (dir.). Key concepts in communication and cultural studies. 2nd ed. London ; New York : Routledge, 1994, p. 299‑301. (Studies in culture and communication) ; LÉGAL, Jean-Baptiste et DELOUVÉE, Sylvain.

Stéréotypes, préjugés et discrimination. Paris : Dunod, 2016, p. 13‑16.

111 LEYENS, Jacques-Philippe, YZERBYT, Vincent, SCHADRON, Georges, et al. Stéréotypes et cognition sociale. Sprimont : Mardaga, 1996, p. 12.

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