• Aucun résultat trouvé

L’enseignement des langues étrangères dans les pays européens

Gestion linguistique

4.1 La politique linguistique en Europe

4.1.6 L’enseignement des langues étrangères dans les pays européens

Pendant longtemps, l’enseignement des langues classiques était la seule option offerte par les systèmes éducatifs européens. Au XVIIIe siècle, on voit apparaître un enseignement de langues étrangères dans l’enseignement secondaire. Cependant, dans la plupart des pays, l’enseignement systématique des langues étrangères n’a vraiment commencé qu’au XIXe siècle316.

Jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, l’apprentissage des langues étrangères a été réalisé sous un angle politique ; les langues comme le français, l’anglais et l’allemand avaient leurs propres pays d’influence. Après les années 1950, la situation a changé. Des langues traditionnellement enseignées, comme le français ou l’allemand, ont perdu graduellement leur prépondérance ; l’influence de l’anglais dans les autres pays d’Europe se constate avec la montée en puissance des pays anglophones, et notamment des États-Unis après la Deuxième Guerre mondiale, et l’invasion de la langue anglaise dans les médias317. En Europe occidentale, l’anglais a commencé à devenir la première langue étrangère ; en Europe de l’Est, le russe a affirmé sa domination dans des pays comme la Hongrie, la Pologne ou la Tchécoslovaquie et l’allemand est demeuré la première langue d’enseignement. Dans le bloc communiste, le français n’était enseigné qu’en Roumanie et en Bulgarie. En Europe de l’Est, cette situation a changé avec la chute de l’Union soviétique. Quant à la France, l’anglais a progressivement remplacé l’allemand, qui, jusque dans les années 1960, était la première langue étrangère enseignée318.

En ce qui concerne l’enseignement des langues en Grèce, on remarque que l’anglais est une matière scolaire à laquelle les jeunes Grecs donnent une grande importance. Cela soulève la problématique suivante : en quoi l’anglais est-il différent de l’allemand, de l’espagnol ou du français pour les jeunes Grecs, et pourquoi acceptent-ils de consacrer leur temps à l’anglais plutôt qu’aux autres langues étrangères ?

Au cours des années 1970, plusieurs pays changent leur politique d’enseignement des langues étrangères. Depuis le milieu des années 1970, la gamme des langues proposée s’est progressivement étendue. En Finlande, dans les années 1970, les élèves, en plus de la langue officielle, ont pu choisir l’une des langues suivantes comme première langue étrangère

316 MINGUEZ, Maria Luisa Garcia, BAIDAK, Nathalie et HARVEY, Angelika. Foreign language teaching in schools in

Europe. Brussels : European Commission, Eurydice European Unit, 2001, p. 47.

317 CRYSTAL, David. English as a global language. Cambridge : Cambridge University Press, 2003, p. 72‑83. 318 TRUCHOT, Claude. L’anglais en Europe: Repères. Strasbourg : Conseil de l’Europe, Division des politiques linguistiques Direction de l’éducation scolaire, extrascolaire et de l’enseignement supérieur, 2002, p. 6‑8.

114 obligatoire : l’anglais, l’allemand, le français ou le russe ; cependant, c’est l’anglais qui a fait l’objet du choix le plus populaire. Ainsi, Henry, dans sa thèse de doctorat en Finlande, nous explique que « dans les pays où le niveau de connaissances de la langue anglaise fait d’elle une

langue seconde, plutôt qu’une langue étrangère (comme la Suède, la Norvège, l’Espagne, la Grèce, etc.), l’anglais qui a la place d’une langue dominante, peut avoir une influence négative sur la motivation des élèves à apprendre une autre langue étrangère »319. En Norvège, le programme national de formation obligatoire en 1974 a ajouté l’allemand, le français, l’espagnol et le russe à la liste des langues facultatives. De même, en Islande, dans le cadre du programme d’études obligatoires de 1976, les écoles ont proposé une troisième langue (généralement la langue allemande) en tant que matière facultative pour les élèves de dernière année320.

Des années 1970 jusqu’aux années 1990, l’enseignement des langues étrangères dans les pays membres de l’UE a subi diverses réformes, affectant le statut de l’enseignement des langues étrangères au niveau primaire, s’agissant de la gamme des langues proposées, de la méthodologie, de l’utilisation de la langue étrangère comme langue d’enseignement, de la formation initiale et continue des professeurs de langues étrangères, de l’utilisation des technologies de l’information et de la communication dans l’enseignement des langues étrangères, et du temps consacré aux langues étrangères dans le cursus. Au fil du temps, dans tous ces pays, le statut de l’enseignement des langues étrangères a changé. Auparavant facultatif, cet enseignement devient obligatoire. De plus, on constate la prolongation de la durée des cours, ainsi que l’enseignement de la première langue étrangère à partir d’un âge plus précoce321. La période d’introduction des langues étrangères dans les écoles primaires diffère d’un pays à l’autre. Hormis le Luxembourg et la communauté germanophone de Belgique où l’allemand et/ou le français sont enseignés dans les écoles primaires à partir de 1912 et jusqu’à la fin des années 1940, les pays nordiques ont été les pionniers dans l’introduction de l’enseignement des langues étrangères dans les premières années de scolarité obligatoire. Dans le cadre des réformes de leur système éducatif, le Danemark (1958), la Finlande (1970), la Suède (1962), l’Islande (1973) et la Norvège (1969) ont jugé nécessaire de proposer aux élèves une, voire deux langues étrangères obligatoires dès les premières années de scolarisation322.

319 HENRY, Alastair. L3 Motivation. Thèse de doctorat. Göteborg : Göteborgs Universitet; Department of Education and Special Education, 2012, p. 19.

320 MINGUEZ, Maria Luisa Garcia, BAIDAK, Nathalie et HARVEY, Angelika, op. cit., p. 47‑48. 321 HENRY, Alastair, op. cit., p. 19.

115 Durant les années 1980 et 1990, la majorité des pays de l’UE ont mis en place des réformes faisant des langues étrangères des matières obligatoires du programme d’enseignement primaire. Ainsi, l’Autriche (1983), les Pays-Bas (1985) et le Portugal (1989) ont introduit des langues étrangères dans le groupe des matières obligatoires de base dans le primaire au cours des années 1980. Dans un certain nombre de pays, les autorités ad hoc ont pris des mesures similaires dans les années 1990 : Espagne (1990), Grèce et Italie (1992), France (progressivement, depuis 1992), Liechtenstein (1996), Communauté française de Belgique (1998)323. Sur ce point, un effort majeur a été fait pour diversifier autant que possible la gamme des langues étrangères proposées dans le cadre de l’enseignement obligatoire. À partir de la fin des années 1980 et surtout dans les années 1990, de nombreuses initiatives ont été lancées pour offrir un plus large choix de langues. Néanmoins, on constate que certains pays ont commencé à faire des réformes dans ce domaine au cours des années 1970, voire encore plus tôt. En Pologne, par exemple, dans le cadre de la réforme de l’éducation de 1965, il y a eu une promotion de l’apprentissage des langues de l’Europe de l’Est. Dans le même temps, dans l’ancienne République fédérative tchèque et slovaque, avec la séparation de l’enseignement secondaire général en deux flux (sciences et sciences humaines), l’apprentissage précoce des langues étrangères a été introduit dans un nombre limité d’écoles324. Cela a représenté la première occasion d’apprendre une langue obligatoire autre que le russe dans le système scolaire. Puis, en Roumanie, la gamme des langues étrangères offertes a été étendue en 1968 à des langues, autres que le russe, qui avaient perdu leur statut obligatoire quelques années auparavant (1965) ; les langues proposées étaient l’anglais, le fran çais, l’allemand, l’italien et l’espagnol325.

Dans la même optique, d’autres pays ont remodelé dans les années 1980 la gamme des langues offertes dans leurs programmes scolaires. En 1983, l’Autriche a commencé à enseigner les langues des pays voisins dans les écoles primaires. De nouveau, en Finlande, on constate dès 1985 qu’en offrant la possibilité d’étudier une langue étrangère facultative à partir de la cinquième année d’enseignement obligatoire, les autorités éducatives ont incité les élèves à choisir une langue étrangère en plus de l’anglais, qui restait la plus populaire. De plus, la Slovénie a introduit l’italien et le français, respectivement en 1981 et 1985, en tant que langues étrangères facultatives au

323 Ibid., p. 58‑60. 324 Ibid., p. 60‑63. 325 Ibid., p. 61‑63.

116 premier cycle. Et, dans une réforme de 1989, le Portugal élargit l’offre d’apprentissage des langues à trois langues étrangères326.

Au début des années 1990, un grand nombre de pays ont pris des mesures pour é largir la gamme des langues offertes. Aux Pays-Bas, le cursus de 1991 a introduit une nouveauté : la possibilité de choisir la langue des sujets d’examen (espagnol, arabe, turc ou russe), si ces langues sont disponibles dans l’école327. En même temps, la loi limite le nombre de langues étrangères à un maximum de trois dans l’enseignement secondaire, pour éviter de trop mettre l’accent sur les langues. Il est néanmoins possible de présenter d’autres matières que celles obligatoires lors de l’examen final, ou de choisir une langue étrangère comme matière d’examen supplémentaire. Depuis l’introduction du nouveau cursus dans toutes les écoles secondaires générales en 1999-2000, l’italien a été ajouté à la gamme offerte. De surcroît, en 1994, le Danemark a introduit le français comme deuxième langue étrangère, en tant qu’alternative à l’allemand, et, à partir de 1994, en Suède, les élèves pouvaient, pour la première fois, choisir indifféremment le français, l’allemand ou l’espagnol comme deuxième langue étrangère. Par la suite, Finlande a lancé en 1996 un projet national visant à diversifier l’enseignement des langues étrangères (projet Kimmoke 1996-2000)328. Suivant les mêmes principes, dans les anciens pays communistes, des changements importants se sont produits dans ce domaine au début des années 1990, suite aux bouleversements politiques. Plus particulièrement, en Hongrie (1989), en République tchèque et slovaque, en Lituanie et en Pologne (1990), en Lettonie (1991), en Estonie (1992) et en Bulgarie (1993), le ru sse a perdu son statut de langue prioritaire dans les systèmes éducatifs, devenant une langue étrangère parmi d’autres329.

Dans certains pays, cette tendance à la diversification dans la gamme des langues proposées a néanmoins été compensée par des exigences concernant, notamment, le choix de la première langue étrangère obligatoire, l’anglais étant souvent doté d’un statut prioritaire. En Suède (1962), à Chypre (1965), en Norvège (1969), au Danemark (1970), aux Pays-Bas (1985), en Grèce (1992), au Liechtenstein (1996) ou en Lettonie (année scolaire 1997/98), l’anglais est devenu obligatoire

326 Ibid., p. 64‑68.

327 KUIKEN, Folkert et VAN DER LINDEN, Elisabeth. Language policy and language education in the Netherlands

and Romania. Dutch Journal of Applied Linguistics. Octobre 2013, Vol. 2, n° 2, p. 205‑223.

328 JAKKU-SIHVONEN, Ritva. Evaluation and outcomes in Finland: main results in 1995-2002. Helsinki : National Board of Education, 2002, p. 13.

117 en tant que première langue étrangère de la scolarité obligatoire330. Par ailleurs, au Luxembourg, l’allemand et le français sont obligatoires en primaire depuis 1912. Et, depuis la fin des années 1940, le danois a été la première langue étrangère obligatoire en Islande, enseignée à partir de l’âge de 13 ans, et l’anglais, la deuxième, enseignée dès 14 ans ; puis, depuis 1999/2000, l’anglais a remplacé le danois en tant que première langue étrangère obligatoire. L’anglais y est enseigné à partir de l’âge de 10 ans, alors que la langue danoise (deuxième langue étrangère obligatoire) est enseignée à partir de 12 ans331.

Pendant les années 2000 et 2010, les réformes portent sur l’âge du début d’apprentissage de la première langue étrangère comme matière obligatoire ; pour la grande majorité des pays, l’âge varie entre 6 et 9 ans. Par exemple, en Belgique (communauté germanophone), tous les élèves commencent à apprendre une langue étrangère dès 3 ans, avant même le début de l’enseignement élémentaire332. À l’autre extrémité de l’échelle se situe le Royaume-Uni, où tous les élèves commencent à apprendre une langue étrangère comme matière obligatoire à l’âge de 11 ans, à l’entrée dans le secondaire. À Chypre, depuis septembre 2011, l’anglais est une matière obligatoire pour tous les élèves à partir de l’âge de 6 ans. En Slovaquie, depuis 2008/2009, les écoles introduisent l’enseignement obligatoire d’une langue étrangère à partir de 8 ans. Quant à la Lettonie, le pays a lancé une réforme en 2013/2014 selon laquelle la première langue étrangère est obligatoire à partir de l’âge de 7 ans333.

330 TRUCHOT, Claude. Europe: l’enjeu linguistique. Paris, France : la Documentation française, 2008, p. 138‑143. 331 MINGUEZ, Maria Luisa Garcia, BAIDAK, Nathalie et HARVEY, Angelika, op. cit., p. 61‑63.

332 Ibid.

333 EUROPEAN COMMISSION. Key data on teaching languages at school in Europe - 2012 Edition. Brussels : Education, Audiovisual and Culture Executive Agency, Eurostat, Eurydice, juillet 2012, p. 25.

118