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Hervé LAROCHE

STRATEGI QUE

5.5. LES SITUATIONS DE DECISIONS

Plus encore, la notion semble intéressante parce que les stratégies décisionnelles des différents participants contribuent largement, par leur combinaison, à créer des situations de décision. Cette cinquième idée désigne des contextes momentanés, naissant des interactions des stratégies décisionnelles, et conditionnant à leur tour ces stratégies décisionnelles. Ainsi, dans le cas de GEOSYSTEMS, les stratégies d'évitement ou de retrait des différents dirigeants créent une situation de décision ouvrant toute liberté à l'acteur le plus engagé, M. GEO. Cette situation qui ne résulte d'aucune stratégie collective, s'entretient d'elle-même, par le jeu d'une illusion de consensus sur la stratégie menée par M. GEO. Elle durera jusqu'à ce qu'un "fait" incontournable fournisse une occasion de détruire cette illusion, et révèle un consensus inverse bien plus solide.

Les processus qui se jouent ainsi, entre problèmes et participants, à travers les situations de décision, les filtres des structures d'accès et de participation, jusque sur l'agenda, ne prennent sens que dans un contexte plus large, qui est celui de l'identité de l'organisation, et par rapport à un enjeu plus vaste, qui est la stratégie de l'organisation. 6. FORMULATION DES PROBLEMES STRATEGIQUES,

STRATEGIE, IDENTITE.

Les problèmes étudiés à la CSP montrent divers cas de figure. Dans le cas du problème "gestion du personnel", les processus sont très souterrains, très "contraints" (pour reprendre encore la typologie de HICKSON& alii, 1986), puisque le problème est très largement latent et maintenu latent. Dans la mésaventure de GEOSYSTEMS, au contraire, les processus occupent le devant de la scène, se déploient largement, mais de manière heurtée, "sporadique". D'autres problèmes, qui n'ont pas été relatés ici, ont connu un parcours beaucoup moins spectaculaire, beaucoup plus "fluide". Pour rendre compte de ces différences, on pourrait suivre encore les conclusions des Bradford Studies et chercher dans la "nature" du problème (dans le "sujet", "matter"), dans les jeux politiques, et dans les incertitudes internes et externes, les déterminants des processus de formulation des problèmes stratégiques. Toutefois, si ces facteurs jouent parfois indéniablement à la CSP, ils ne semblent pas constituer l'essentiel de la problématique de ces deux cas.

Le facteur fondamental du processus de formulation des problèmes stratégiques ne serait- il pas le rapport du problème à l'identité de l'organisation, telle que cette identité est portée par les dirigeants? Lorsque l'identité arrive à se "saisir" du problème, lorsque les contradictions que le problème contient ou révèle ne sont pas "incompréhensibles" ou inacceptables pour l'identité, alors le processus se déroule de manière relativement "fluide" : le problème a accès à l'agenda stratégique (sans pour autant qu'il y ait une situation de crise), des stratégies décisionnelles "raisonnables" se développent, se rencontrent, un débat a lieu, des options sont considérées, une ligne de conduite à peu près claire se dégage et se maintient. La situation ne se ramène pas pour autant à un processus strictement rationnel. Dans ces contextes apaisés, les problèmes sont construits, interprétés et traités selon le paradigme, les règles, les croyances, les cartes causales, de l'organisation. L'identité, support de ces règles, croyances, etc., est donc très directement à l'oeuvre dans le processus. Elle en fournit les éléments essentiels, qui sont là de nature cognitive.

Par exemple, la CSP a envisagé l'abandon d'une activité lourdement déficitaire depuis plusieurs années. Une telle opération est en contradiction avec l'une des règles stratégiques fondamentales de la CSP, qui est le maintien, par devers les aléas de la conjoncture, de l'ensemble des activités relevant directement du métier principal de l'entreprise. Le problème a été plusieurs fois clairement posé au sein de la Direction Générale, et le PDG a longtemps hésité. La CSP a finalement considéré que le maintien de cette activité était nécessaire, notamment pour des raisons de développement technologique, cette activité étant un des domaines privilégiés de perfectionnement des méthodes. L'identité apparaît là comme un des "points de repère", un "ancrage" des dirigeants. Elle oriente leur réflexion et leur action, en fixe le cadre et les limites.

A l'inverse, lorsque les problèmes sont inacceptables ou incompréhensibles pour l'identité, les processus ne sont pas fluides. Le cas de la gestion du personnel montre que lorsqu'un problème révèle de trop nombreuses ou trop fortes contradictions à l'intérieur de l'organisation, les processus ne peuvent se déployer "normalement" : le problème n'a pas accès à l'agenda, les stratégies décisionnelles sont extrêmes, tranchées, les options sont ignorées, l'action est bloquée. Le problème "gestion du personnel" révèle en effet nombre de contradictions majeures:

- contradiction entre un environnement turbulent et une organisation extrêmement stable; - contradiction entre la position dominante des prospecteurs (actuels et anciens) et leur

importance de moins en moins grande dans la performance et le développement de l'entreprise;

- contradiction entre la position dominante des prospecteurs et leur peu de pouvoir par rapport à l'organisation, puisqu'il ne peuvent la quitter;

- contradiction, pour les rémunérations, entre le marché des compétences, et les pratiques internes à la CSP ;

- contradiction entre la valorisation de qualités de commandement, de dévouement, etc., et le besoin de compétences spécialisées, d'expertise pointue; cette contradiction est inscrite dans le caractère lui-même intrinsèquement contradictoire du métier, qui mêle artisanat et haute technologie.

Le système du clan, les rites et l'imaginaire qui l'accompagnent, étaient la "solution" qui permettait à l'organisation de soutenir ces contradictions. La question de la gestion du personnel menace directement, par nature même, le système du clan. Les diverses formulations révèlent les diverses contradictions. Le questionnement est trop direct, les enjeux trop importants, et les dirigeants trop porteurs de l'identité, pour qu'un espace d'action réfléchie puisse se dégager. Un lourd "couvercle identitaire" se referme alors sur les processus.

Le problème GEOSYSTEMS révèle de son côté les contradictions assez classiques d'une opération de diversification (DETRIE & RAMANANTSOA, 1983). Il s'y dévoile en outre une contradiction interne à l'identité de CSP : celle qui oppose la prudence stratégique à la hardiesse opérationnelle. L'activité traditionnelle de la CSP ne permet guère d'hésiter sur les deux niveaux: on sait assez facilement quand il convient d'être hardi, et quand il convient d'être prudent. Lorsque la distinction s'efface à l'occasion d'un grand projet tel que GEOSYSTEMS, un conflit s'ouvre entre les deux injonctions. Alors que l'identité s'était en quelque sorte refermée sur le problème "gestion du personnel", elle laisse au contraire s'échapper GEOSYSTEMS. Des processus se développent, incontrôlés, presque anarchiques. Les processus se déploient de manière autonome, produisant des effets propres; le résultat est une importante dérive du système. La dérive apparaît quand elle devient détectable par le système de contrôle budgétaire de la CSP, assez sommaire, mais appliqué avec rigueur. Dans cette entreprise si peu bureaucratique, si méfiante envers les systèmes de gestion, c'est, remarquons-le, un des rares éléments de bureaucratie qui sert de butoir aux processus incontrôlés.

Avançons une hypothèse sur les rapports entre décision et formation des stratégies. Dans quelle mesure la stratégie se forme-t-elle à partir des décisions de l'entreprise--? On sait que la stratégie ne se décide pas rationnellement. Mais les théoriciens de l'incrémentalisme (LINDBLOM, 1959 ; QUINN, 1980 ; FREDRICKSON, 1983) conservent l'idée que la stratégie résulte de la somme de décisions, même si elles sont locales, émergentes, voire incohérentes. Le cas de la CSP suggère l'interprétation suivante: lorsque l'identité est "en phase" avec les problèmes, lorsque le processus de formulation a permis une "saisie" du problème par l'organisation, le processus ressemble assez à une décision, ou si l'on préfère, à une action réfléchie. En revanche, lorsque l'identité est menacée par les problèmes, ou qu'elle est désemparée, alors les processus échappent aux acteurs. La stratégie se forme en dehors des décisions: les phénomènes importants sont des blocages, des non-décisions, des attentes, des écarts, des dérives, des actions anarchiques.

La formulation des problèmes stratégiques est peut-être un des éléments manquants du passage entre les micro-processus (décision) et les macro-processus (formation de la stratégie). Elle est peut-être le lieu où dans le processus global de formation de la stratégie se détachent partiellement des processus mieux bornés, dotés d'une certaine logique propre, tout en contribuant, in fine, au processus global. Il nous semble que si les décisions stratégiques considérées isolément peuvent apparaître comme des "épisodes" par rapport à la formation de la stratégie, jusqu'à peut-être en obscurcir la compréhension (selon MINTZBERG & WATERS), l'analyse des problèmes stratégiques est davantage susceptible de montrer, sinon la formation de la stratégie, du moins la stratégie en formation.

L'étude a ainsi montré qu'au cours de la formulation des problèmes stratégiques se dessinaient bien des moments de possible rupture de la continuité stratégique. La continuité stratégique se joue avant l'adoption de tel ou tel choix, elle se joue même avant la reconnaissance de tel ou tel problème: elle se joue dans le processus de formulation du problème, dans la construction de la "molécule", dans le degré de cristallisation de celle- ci. Il est possible que, plus que dans les choix stratégiques, la "création" de la stratégie réside dans les problèmes. La formulation des problèmes stratégiques semble un lieu privilégié du processus d"'enactment" (WEICK, 1969 ; SMIRCICH & STUBBART, 1985) par lequel les organisations fabriquent, ou "mettent en scène"24, à leur propre usage, leur environnement. Les problèmes peuvent apparaître comme des ajouts mineurs à cette mise en scène, se glissant ainsi dans la toile de fond du contexte considéré comme habituel. Les problèmes peuvent aussi, par leur formulation, bousculer cette mise en scène et renverser le décor.

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23 C'est la question soulevée par MINTZBERG& WATERS. 24 Selon l'équivalent proposé par G, KOENIG (1987),

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RAPPORTS

1. Marie-José AVENIER25

C'est avec un vif intérêt que j'ai lu et relu le texte de Hervé Laroche. Pourquoi cet intérêt? • Tout d'abord, mais ceci est anecdotique, parce que les situations décrites présentent de nombreuses similarités avec des phénomènes que j'ai perçus au cours d'une recherche-action dans une entreprise également de service "qualifié" à des entreprises.

25 Chargée de recherche CNRS au GRASCE (URA CNRS 935) Espace Forbin 23, cours Gambetta 13627 AIX EN PROVENCE CEDEX 1

• Une raison plus fondamentale provient de ce que Hervé Laroche aborde le domaine connu sous le nom de "Stratégie d'Entreprise" sous un angle différent de celui adopté dans la littérature managériale traditionnelle:

- l'exploration porte sur les processus plutôt que sur leurs "extrants" (c'est-à-dire plutôt que sur le contenu des résultats des processus) ;

- l'auteur s'intéresse à la formulation des problèmes stratégiques, plutôt que de supposer ces problèmes donnés et de ne se préoccuper que de leur résolution.

Mais bien sûr comme tout travail qui aborde un domaine sous un angle assez peu exploré jusque là, ce texte me parait soulever un certain nombre de questions. Pour les commodités de l'exposé, j'ai regroupé ces questions en deux catégories qui sont évidemment fortement interconnectées : le "comment" et le "quoi", c'est-à-dire d'une part sur les aspects méthodologiques, et d'autre part, sur les aspects "substantifs" ou du contenu proprement dit.

Je vais commencer par le "comment".

Mes questions portent essentiellement sur trois points: - le contexte de l'étude de "terrain",

- la méthode proprement dite, et le type de connaissance que l'on peut produire avec ce genre de méthode,

- le 3ème point se situe à l'articulation entre des considérations épistémologiques et le contenu du travail.

1. En ce qui concerne le contexte de l'étude de "terrain", j'aurais aimé en savoir plus sur: - Pourquoi cette société? Comment a-t-elle été choisie? Cette recherche était-elle liée à

une "intervention" ?

- Qu'est-ce qui a motivé les gens à accepter de répondre à des questions généralement considérées comme confidentielles? Qu'est-ce qui donne à penser qu'ils ont répondu honnêtement?

- Hervé Laroche a-t-il pu consulter des documents, rencontrer d'autres personnes? 2. Dans sa présentation orale, Hervé Laroche à souligné qu'il s'agissait d'une recherche exploratoire destinée à formuler des hypothèses qu'il conviendrait de valider ultérieurement. Quand il discute sa méthodologie, Hervé Laroche indique des limites de "sa stratégie de recherche" (telles que la non-représentativité de l'échantillon, la forte dépendance temporelle, le caractère qualitatif des informations recueillies) : ce sont des limites par rapport à quoi, pour faire quoi ? Découvrir un modèle explicatif, des règles de comportement, des "lois" ? Ou plutôt concevoir un modèle plausible permettant de rendre intelligibles les phénomènes qu'il a perçus?

Ceci conduit à poser deux questions:

avec le type de matériau qu'il a récolté qu'est-ce qu'on peut faire (en termes de production de connaissances) et qu'est-ce qu'on ne peut pas faire? Que peut-on en retirer comme connaissances "scientifiques" (le caractère scientifique dépendant évidemment du référentiel épistémologique dans lequel on se situe) ?

Il est à noter que les critères évoqués par Hervé Laroche, de représentativité, de validation empirique, etc., renvoient implicitement à des référentiels positivistes.

- de façon plus générale, et au-delà des méthodes de recherche utilisées, dans le domaine de la gestion des organisations les référentiels positivistes n'apparaissent-ils pas trop contraignants pour permettre de produire des connaissances susceptibles d'être déclarées scientifiques?

3. Bien qu'à plusieurs reprises Hervé Laroche souligne que les problèmes sont des constructions intellectuelles subjectives, j'ai l'impression que dans ses développements il a tendance à l'oublier et à implicitement considérer qu'il existe des problèmes qui à l'évidence peuvent être qualifiés de stratégiques indépendamment de tout observateur.

L'exemple de la gestion du personnel illustre bien ce phénomène: l'auteur considère que la gestion du personnel constituait à l'évidence un problème stratégique de l'entreprise, et il

souligne que ce problème n'a pas été saisi par l'entreprise; et pourtant cette entreprise est encore en vie aujourd'hui!...

Le rôle des perceptions dans l'appréhension d'un phénomène comme un problème n'est absolument pas abordé.

Cette remarque nous amène directement au 2ème volet: le contenu proprement dit. * Au niveau du "quoi", je distinguerai également deux familles de

commentaires :

- la première porte sur la question des définitions,

- la deuxième vise à attirer l'attention sur ce dont on se prive lorsque, au lieu d'exploiter les ressources que la systémique met à notre disposition, on se cantonne dans une approche analytique.

1. En ce qui concerne la question des définitions, peut-on considérer que procéder par évocation ou métaphore (par exemple la métaphore de la formation d'une molécule pour évoquer l'émergence d'un problème) permet de faire l'économie de définitions lorsque les concepts considérés n'ont pas de signification universellement acceptée? Par exemple:

- problèmes

- stratégiques (problèmes, actions, décisions, etc.)

- structure cognitive centrale (et "qualité" de cette structure) - culture, identité, etc.

sont constamment utilisés sans jamais avoir été définis. En lisant le texte, j'avais parfois l'impression de "surfer"...

S'il avait donné une définition de ce qu'il entend par problèmes stratégiques, peut-être Hervé Laroche n'aurait-il pas été tenté de les traiter comme s'ils avaient une existence indépendante de tout observateur (cf notamment la fig 1P 31 : peut-on dissocier problèmes et participants (qui les ont perçus et qui sont ou non en mesure de les faire accéderà l'agenda), ou p. 33, pour être "saisi" par l'organisation, ne faut-il pas d'abord qu'un problème soit perçu par un participant et que ce participant ait accès à l'agenda ?)

Incidemment, j'aurais aimé en savoir plus sur les procédures d'accès à l'agenda àla CSP : - A quelle fréquence la comité de direction se réunissait-il?

- Comment se présentaient les ordres du jour? Qui pouvait faire inscrire des questions à l'ordre du jour?

- Y avait-il des relevés de décision écrits?

Egalement lié à la question des définitions, je me demande si le travail d'Hervé Laroche ne porte pas plutôt sur les "processus d'émergence de (j'utilise délibérément l'article indéfini) problèmes perçus stratégiques dans des entreprises où il n'existe pas de processus formalisé de réflexion stratégique", que sur les "processus de formulation des (article défini) problèmes stratégiques". En effet, formuler signifie exprimer avec précision, et l'expression "formulation des problèmes stratégiques" ne sous-entend-elle pas qu'il existe