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Identification et enchaînement des phases

une situation de gestion se présente lorsque des participants sont réunis et doivent

1. Identification et enchaînement des phases

c -

Gestion du personnel

Une caractéristique de ce levier est de s'appuyer sur des flux de personnes. Pour qu'il y ait mémorisation des pratiques instaurées, il faut ou bien systématiser les flux de personnes qui n'étaient pas habituels, ou bien formaliser les pratiques pour qu'elles perdurent alors que les acteurs n'ont pas les mêmes compétences.

Pour préciser le processus d'apprentissage nous distinguerons les phases présentées sur le schéma ci-après. Pour construire ce schéma nous nous sommes appuyée sur le travail de H. Mintzberg, D. Raisinghani et A. Théorêt52àpropos des processus de décision. Nous insisterons cependant sur quelques points de différence.

Dans une tôlerie Citroën par exemple, il est très fréquent que de jeunes ingénieurs aient la fonction d'AM2; une gestion du personnel appropriée leur permet de rester quelques années dans cette fonction. A Poissy par contre, lorsqu'on a confié ce rôle à de jeunes ingénieurs, on comptait sur eux pour mettre au point des indicateurs, des dispositifs. Il n'y a pas eu mémorisation de l'adéquation du profil ingénieur au rôle d'AM2.

De notre point de vue, ce qui différencie fondamentalement une conception en termes d'apprentissage d'une conception en termes de décision est l'importance accordée à la "mise en oeuvre". Nous avons donc introduit cette phase dans notre schéma, phase pendant laquelle il y a évolution des pratiques suite au changement. Identifier une telle phase permet de prendre en compte les marges de manoeuvre des "acteurs visés", mais aussi le caractère incomplet des savoirs sur l'organisation mobilisés par l'agent d'apprentissage53lorsqu'il décide un changement.

d - L'instrumentation

L'instrumentation a un effet structurant sur les pratiques-v que nous avons souligné dans le cas de la fiabilité>! . Il en est de même pour les "groupes de travail ad hoc": tant qu'ils existent, il y a construction d'une expertise, de savoirs et de solutions techniques. Pour qu'il y ait mémorisation, il faut que ces indicateurs, dispositifs et expertises soient utilisés. Les indicateurs et dispositifs qui ont vocationàêtre permanents sont mémorisésà condition qu'il y ait appropriation par les acteurs et jugement sur les résultats. Les facteurs de stabilité soulignés pour la structure sont aussi valables pour l'instrumentation. Cependant, si l'on a souligné que le levier structure était fréquemment utilisé, les changements d'instrumentation sont plus rares. Le risque est surtout l'oubli.

Dans la plupart des modèles de décision, cette phase n'est pas même mentionnée; puisque la décision la précède, le modèle s'arrête avant. Or, pour nombre de processus de décision, on ne sait pas au moment du choix si la solution retenue est définitive ou si elle ne constitue qu'une étape, une phase transitoire, dans la recherche d'une solution satisfaisante. Le côté expérimental et l'évaluation a posteriori d'une décision sont passés sous silence. Ce n'est en effet qu'une fois la décision mise en oeuvre que l'on peut véritablement évaluer son impact. Et cette évaluation est à la base des bouclages.

Conception OK Décision Mise en oeuvre Autorisation Choix Diagnostic

l

1 \

Elaboration

V

..

1 Evaluation Détection

e - Recours

à

l'extérieur

La mémorisation de l'expertise construite dans le cadre d'un groupe de travail, suppose que l'expert ne quitte pas l'organisation ou qu'il transmette son expertise de manière formalisée ou directement par "compagnonnage".

Si l'agent d'apprentissage a recoursàun acteur extérieuràla tôlerie pour participeràune partie du processus d'apprentissage, ce dernier sera amené à mobiliser les leviers mentionnés ci-dessus: proposition d'une nouvelle structure, d'une formation (qu'il peut éventuellement dispenser lui même), mise àprofit de ses compétences sur une question particulière, formalisation et instrumentation des pratiques, participation

à

des groupes de travail. La mémorisation de ce type d'action pose les mêmes questions que celles soulevées ci-dessus.

Nous avons caractérisé les acteurs intervenant dans le processus d'apprentissage ainsi que les actions qui le ponctuent. Nous voudrions mettre maintenant l'accent sur la

49 Il Ya des flux importants au niveau des professionnels intérimaires. Cette catégorie de personnel est cependant gérée de façon relativement indépendante, il est très rare par exemple qu'elle bénéficie de formation.

50 BERRY M., 1983, Une technologie invisible'! L'impact des instruments de gestion sur l'évolution des systèmes humains. Ecole Polytechnique,

51 CHARUE F., 1991. Apprentissages organisationnels et mutation industrielle: le de la robotisation des tôleries automobiles, Thèse de doctorat "Ingénierie et Gestion" Ecole des Mines de Paris

52 MINTZBERG RAISINGHANI D. et THEORET A., 1976, ''The Structure of "Unstructured" Decision Processes", Administrative Science vol. 21, Juin, pp 246-275.

53 CHARUE F.. &MIDLER C.,1990, op. cit. 124

2. Définition et caractérisation de ces phases

Nous n'avons présenté qu'une structure formelle, nous voudrions donc préciser le contenu des phases et tenter de les caractériser.

a - Evaluation-Détection

Cette phase correspond à "l'interprétation des expériences" dans les termes de B. Levitt et J.March. La question qui se pose est: cette expérience est-elle un succès ou un échec? Il y a confrontation entre une réalité perçue à travers un certain nombre de filtres (indicateurs, point de vue d'acteurs ... ) et les projets que l'agent de changement avait formulés lors de l'action. Les acteurs ayant participé à la boucle de décision précédente ou étant impliqués dans la mise en oeuvre de la décision, perçoivent un certain nombre d'indices médiatisés par des indicateurs en place et par les points de vue des acteurs visés ou périphériques. Cette activité permet de révéler un fonctionnement plus ou moins décalé par rapport à la cible projetée. Elle est donc centrale pour éclairer les phénomènes de "bouclage" ou d'essai-erreur; c'est par cette phase que commence ou se termine toute boucle du processus.

Prenons l'exemple de la séparation des fonctions d'AM2 et de chef d'atelier à Poissy. Suite à la définition de la fonction d'AM2 et à la suppression des chefs d'atelier (juillet 87), une certaine insatisfaction a émergé des résultats globaux de la tôlerie (février 88). Une phase de théorisation des phénomènes observés a alors commencé. Sur la base de ce diagnostic, la fonction d'AM2 a été renforcée, la mission de coordination du flux étant confiée à un nouvel acteur. Pour identifier les principaux déterminants de cette étape nous avons cherché à répondre à trois questions : qui évalue? Comment cette évaluation est-elle élaborée ? A quelle échéance y a-t-il évaluation?

Les acteurs participant à l'évaluation et l'échéance à laquelle il y a évaluation sont deux dimensions essentielles de cette phase comme de l'ensemble du processus. Les échéances auxquelles l'évaluation est formulée sont conditionnées par l'ensemble du processus. Ce critère de durée qualifie également la mise en oeuvre: de combien de temps disposent les acteurs visés pour faire leurs preuves? Elle dépend essentiellement des marges de manoeuvre et des attendus des personnes ayant donné leur aval à la décision. On peut donc appréhender cette dimension en analysant le rythme des transformations qui se mettent en oeuvre.

Plus spécifiquement, pour caractériser cette phase dans les dynamiques étudiées, nous chercherons à répondre à deux questions :

- y a-t-il eu recours

à

une personne extérieure pour l'évaluation?

- Y a-t-il eu mise en place de mesures spécifiques permettant d'évaluer les changements introduits?

b - Diagnostic

L'activité de diagnostic correspond à la recherche de théories en mesure d'expliquer les pratiques observées et ouvrant des pistes d'évolution. Il ya donc à la fois remise en cause de représentations de la réalité et de théories progressivement formées au fil des expériences, et construction de nouvelles théories.

Pendant cette phase, l'agent d'apprentissage élabore un savoir permettant de comprendre ce qui a été perçu lors de la phase précédente, un savoir sur les modes de fonctionnement existants et sur l'impact de décisions antérieures.

Il est difficile de caractériser cette phase parce que par nature, son résultat est peu ou mal connu. Les interprétations restent dans la tête de ceux qui les formulent sauflorsqu'il ya volonté de l'agent d'apprentissage de les faire partager à un plus grand nombre d'acteurs.

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Nous chercherons à identifier dans le processus étudié l'existence, ou non, de discours accompagnant et explicitant les théories qui sous-tendent les changements introduits54et les cibles imaginées.

c - Recherche et élabomtion

Par rapport à l'activité de diagnostic, il s'agit là de rendre opérationnels les grands axes d'amélioration que l'on a définis précédemment. Ce qui est produit au cours de cette activité est une action, un plan d'action ou une décision. Nous regroupons la recherche et l'élaboration qui constituent deux facettes indissociables de la conception d'un changement. L'agent d'apprentissage combine des solutions vues dans d'autres organisations ou les expériences qu'il a pu observer et les spécificités de l'organisation (son histoire, son personnel...),

Le diagnostic peut être modelé par des idées de solutions, l'élaboration est influencée par l'anticipation de ce qui peut être accepté (autorisation) et la projection des diverses réactions susceptibles d'émerger pendant la mise en oeuvre de la solution retenue (mise en oeuvre). Il apparaît donc à ce stade que l'acteur central dans la phase de conception, se voit contraint d'intégrer les points de vues et indirectement les enjeux des personnes qui l'entourent.

Nous proposons de caractériser cette étape par trois dimensions.

Les influences majeures viennent-elles d'expériences développées dans d'autres sites par d'autres personnes? On parlera alors de transferts intersites. Les transformations sont-elles uniquement le fruit des savoirs qui se sont élaborés à partir des expériences précédentes?

La formulation de l'action intervient à cette phase et puisque nous avons déjà identifié plusieurs variables d'actions, les leviers d'actions mobilisés qualifieront cette phase de conception.

Enfin, on cherchera à savoir si l'on peut parler de démarche globale de transformation visant à prendre en compte des aspects divers afin d'aboutir à une cohérence entre les différents rôles, missions, objectifs assignés aux personnes.

d -Lamise en oeuvre

Cette phase qui n'apparaît absolument pas dans les travaux sur les processus de décision nous semble essentielle par rapport au processus d'apprentissage. Une spécificité des changements que nous avons étudiés est que l'objectif est une évolution des pratiques, une orientation différente des apprentissages individuels des acteurs visés. Or lorsque la décision concerne une transformation des modes de fonctionnement existants, il est probable que l'évolution rencontrera des obstacles et ne se déroulera pas exactement comme prévu. Les réajustements que l'on a pu observer dans les boucles de décision sont une matérialisation dans la vie de l'entreprise de cette difficulté à tout prévoir. Bien que les théories et les représentations construites lors de la phase de diagnostic permettent de contourner certaines difficultés, ces savoirs ne sont pas complets; toutes les réactions, toutes les "résistances au changement" n'auront pas été anticipées. La complexité des phénomènes en jeu et la multiplicité des acteurs et de leurs enjeux rendent leur mise

à

plat irréalisable. De plus, il ya des équilibres, des habitudes et des valeurs qui ne se révèlent que si l'on essaye de les déplacer, et c'est d'ailleurs par ce processus que se génèrent de nouveaux savoirs sur l'organisation et que l'on tente de modifier les règles du jeu entre acteurs, règles qui se trouvent être l'objet de l'apprentissage des theory in use.

Le diagnostic tend donc à anticiper, dans la mesure du possible et au vu des expériences passées, les comportements dans telle ou telle nouvelle situation créée. Cependant, des

54 On retrouve ici la notion de esposed theory deC.ARGYRIS et O. SCHON, 1978, op .. cit. 127

écarts entre les évolutions recherchées et les pratiques observées ne peuvent être attribués uniquement

à

un diagnostic "mauvais" ou inexistant.

Les évolutions sont déclenchées par la mobilisation d'un levier d'action. La mise en oeuvre est un test de l'efficacité du levier actionné. Cette phase de mise en oeuvre est à la fois une mise à l'épreuve des savoirs mobilisés et une codification de ces savoirs. Des pratiques nouvelles se forment progressivement. La répartition des rôles, les indicateurs et dispositifs pertinents, le profil ou la formation suivie par des acteurs occupant un rôle sont des "savoirs organisationnels". Si les changements engagés permettent des fonctionnements satisfaisants pour l'agent d'apprentissage, alors il y a stabilisation des nouveaux modèles construits.

Nous caractériserons cette phase par deux paramètres. Le changement ne concerne-t-il qu'un secteur expérimental ou l'ensemble de la tôlerie? Le changement est-il progressif et ponctué de différentes étapes?

3.4. SYNTHE SE

Nous regrouperons les différentes caractéristiques soulignées autour de trois dimensions. Le déploiement temporel renvoie à la formalisation de l'apprentissage en un processus ponctué de mises en oeuvre, convergeant vers la stabilisation de nouvelles pratiques. Chaque étape est'l'aboutissement des différentes phases distinguées plus haut. Caractériser le processus d'apprentissage suppose de s'interroger sur le rythme auquel les étapes se succèdent et le nombre d'itérations. Il s'agit également de spécifier les phases qui déclenchent une remise en cause des pratiques en place et qui conditionnent la durée entre la remise en cause et la mise en oeuvre. Nous insisterons donc sur les modalités d'évaluation et la nature du discours mobilisé, les modalités de mise en oeuvre.

Le déploiement organisationnel caractérise le processus à partir des leviers d'action mobilisés.

Identifier les niveaux d'apprentissage consiste à s'interroger sur les agents d'apprentissage mais aussi sur les expériences mobilisées dans le processus et les échanges entre sites.