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Les roches du Mont Sharp

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1.4 La mission Mars Science Laboratory

1.4.3 Les roches s´ edimentaires de Gale

1.4.3.2 Les roches du Mont Sharp

Les premi`eres unit´es du Mont Sharp sont atteintes en 2014 et marquent le d´ebut de l’entr´ee du rover dans la formation de Murray, qu’il est toujours actuellement en train d’investiguer. La formation de Murray est divis´ee en diff´erents membres g´eologiques bas´es sur des changements de faci`es. Pahrump Hills en est le premier, et est compos´e de roches s´edimentaires `a grains tr`es fins (mudstone), finement lamin´ees, coh´erentes avec un d´epˆot lacustre (Grotzinger et al., 2015). La pr´esence de quelques fentes de dessiccations, de cibles riches en Na et Cl (halite) (Thomas et al., 2019) et sulfates de calcium et de magn´esium (Rapin et al., 2019) sugg`ere que le lac a pu ˆetre par moments ass´ech´e. Cependant, ces obser- vations sont tr`es localis´ees, et leur raret´e indique d’une mani`ere g´en´erale un lac d’une grande long´evit´e. Les roches s´edimentaires de Murray poss`edent un indice d’alt´eration chimique (CIA) plus important que les roches de Bradbury, indiquant une alt´eration en syst`eme ouvert avant ou apr`es d´epˆot des s´ediments pendant la diag´en`ese (Mangold et al., 2019).

Les roches s´edimentaires plus jeunes de Stimson (groupe Siccar Point ) `a grains plus grossiers (sandstone), localis´ees dans la partie basale du Mont Sharp (Naukluft Plateau et Marias Pass), recouvrent de mani`ere discordante Murray et sont vraisemblablement d’origine ´eolienne (Banham et al., 2018). Des halos d’alt´eration associ´es `a des fractures sont observ´es dans ces roches, riches en silice et en soufre et poss´edant un ratio pyrox`ene/feldspath diminu´e d’un facteur 2 par rapport aux autres roches de Gale. Elles sont interpr´et´ees comme un lessivage par des eaux diag´en´etiques acides, post-lithification, riches en soufre (Yen et al., 2017).

Figure 1.13 – a) Localisation le long de la traverse et images MAHLI des 26 forages r´ealis´es par Cu- riosity depuis son atterrissage `a Bradbury jusqu’au membre de Glen Torridon. Cr´edit : NASA/JPL- Caltech. b) Abondance min´eralogique des d´epˆots fluvio-lacustres de Gale d´etermin´ee par l’instrument CheMin. La proportion en phases amorphes n’est pas incluse, mais correspond `a 25-60 wt.% de la frac- tion totale dans chaque roche. JK = John Klein, CB = Cumberland, WJ = Windjana, CH = Confi- dence Hills, MJ=Mojave2, TP=Telegraph Peak, BK=Buckskin, OU=Oudam, MB=Marimba, QL=Quela, SB=Sebina, DU=Duluth, ST=Stoer, HF= Highfield, RH = Rock Hall (d’apr`es Rampe et al., 2020a).

Parmi les 15 roches analys´ees par CheMin d’origine fluvio-lacustre, 13 sont d’origine lacustre. Une certaine variabilit´e min´eralogique est observ´ee (Figure 1.13.b), t´emoignant de sources s´edimentaires et/ou de conditions g´eochimiques des fluides d’alt´eration changeants. Les proportions relatives des phases primaires (mafique et felsique), des sulfates, des phases amorphes, des argiles et des oxydes de fer sont effectivement variables le long de la stratigraphie. Les phyllosilicates identifi´es par CheMin dans les premi`eres roches analys´ees (Yellowknife Bay) sont des smectites triocta´edriques contenant Fe2+ et Mg2+ dans les sites octa´edriques (Bristow et al., 2015). Plus haut dans la section, ce sont des m´elanges de smectites triocta´edriques et diocta´edriques qui sont enregistr´es. Pour ces derniers, Fe3+et Al3+occupent les sites octa´edriques, et correspondraient `a des nontronites et/ou des Fe-montmorillonites (Bristow et al., 2018). Dans les membres de Blunts Point, Pettegrove Point, et Jura les smectites deviennent uniquement diocta´edriques (Rampe et al., 2020b). Ces observations sugg`erent un changement progressif dans les condi- tions d’alt´eration, qui deviennent de plus en plus oxydantes. Ces observations sont ´egalement coh´erentes avec SAM qui enregistre des changements dans la structure des smectites `a partir des temp´eratures de d´egazage des mol´ecules d’H2O lors de ses exp´eriences de pyrolyse (Ming et al., 2014; Bristow et al., 2018).

Les oxydes de fer montrent ´egalement un changement dans leur nature, qui confirme les va- riations de conditions redox. La magn´etite est l’oxyde de fer pr´evalent dans les terrains inf´erieurs (Fi- gure 1.13.b) jusqu’au Hartmann’s Valley (i.e., ∼20 premiers m`etres de la formation de Murray). Dans les unit´es stratigraphiquement sup´erieures, et jusqu’`a VRR, l’h´ematite devient majoritaire (Bristow et al., 2018). Ces changements ont ´et´e identifi´es par CheMin mais ´egalement `a travers les absorptions ferriques des spectres de r´eflectance Mastcam et des spectres passifs ChemCam (Wellington et al., 2017; Johnson et al., 2016; Jacob et al., 2020). Un changement de couleur globale des roches for´ees est effectivement vi- sible depuis le gris vers le rouge `a Murray refl´etant en partie ce changement de min´eralogie (Figure 1.13.a). Un mod`ele permettant d’expliquer ces diff´erences de min´eralogie propose que le lac a ´et´e stratifi´e (Fi- gure 1.14 ; Hurowitz et al., 2017). Les eaux peu profondes et proches de la surface seraient oxydantes, par la photolyse UV directe et/ou par incorporation d’O2produit photochimiquement dans l’atmosph`ere. En

revanche, les eaux plus profondes du lac seraient anoxiques du fait de leur d´econnexion avec l’atmosph`ere. Les eaux souterraines alimentant le lac seraient charg´ees en Fe2+ (et Mn2+) dissous, issu de r´eactions

entre l’eau et les roches le long du trajet d’´ecoulement. L’´epanchement de fluides souterrains dans la por- tion lacustre peu profonde et oxydante entraˆınerait la pr´ecipitation d’h´ematite. En revanche, l’´ecoulement d’eaux souterraines dans les eaux plus profondes et anoxiques conduirait `a la pr´ecipitation de magn´etite. Un tel processus est ´egalement coh´erent avec la pr´esence d’une augmentation de la concentration en Mn (lui aussi sensible au processus redox), associ´ee aux faci`es riches en h´ematite (Hurowitz et al., 2017).

Figure 1.14 – Vision sch´ematique du mod`ele de lac stratifi´e `a Gale (Rampe et al., 2020a ; modifi´e d’apr`es Hurowitz et al., 2017).

Par comparaison avec un taux de s´edimentation terrestre, les 400 m`etres de d´epˆots s´edimentaires `

a Murray analys´es par Curiosity n´ecessitent des centaines de milliers, voire de millions d’ann´ees (Grotzin- ger et al., 2015; Rampe et al., 2020a). Par ailleurs, l’activit´e aqueuse n’est pas uniquement associ´ee aux eaux du lac, mais ´egalement `a la percolation d’eau souterraine qui est susceptible d’alt´erer les s´ediments bien apr`es leurs d´epˆots, prolongeant l’histoire aqueuse apr`es l’´episode lacustre. On distingue la diag´en`ese pr´ecoce qui impacte les s´ediments au moment de leur d´epˆot ou juste apr`es (avant lithification), de la diag´en`ese tardive qui se produit apr`es l’induration des s´ediments. Bas´e sur la diag´en`ese, (Rampe et al., 2017) propose une seconde hypoth`ese pour expliquer la s´egr´egation magn´etite/h´ematite `a Murray. La magn´etite aurait pu se former de mani`ere authig´en´etique dans l’ensemble du lac, en condition alcaline et relativement anoxique avant lithification, ou comme min´eraux d´etritiques. Ensuite, une alt´eration diag´en´etique acide et/ou oxydante aurait transform´e dans la partie sup´erieure de Murray uniquement la magn´etite en h´ematite. La pr´esence de fluide acide est support´ee par la d´etection de jarosite dans plu- sieurs forages (Rampe et al., 2017). Il est g´en´eralement difficile de d´eterminer pr´ecis´ement si une phase est form´ee `a partir des eaux du lac ou par des eaux souterraines plus tardivement durant la diag´en`ese. Cependant, par son abondance en potassium, il est possible de dater cette jarosite (i.e., par datation K- Ar) grˆace `a SAM, et celle-ci indique un ˆage de 2.12±0.36 Ga (Martin et al., 2017). Ce r´esultat implique que la percolation de fluides souterrains, plus ou moins ´episodiques, s’est produite jusqu’`a ∼1.5 Ga apr`es les d´epˆots s´edimentaires fluvio-lacustres de Bradbury et de Murray, d´emontrant une histoire aqueuse `a Gale complexe et diverse.

La diag´en`ese `a Murray se manifeste ´egalement par la pr´esence de concr´etions. Dans la partie inf´erieure de Murray, ce sont des concr´etions riches en Mg, S, Ni et Cl qui sont rencontr´ees (Thompson et al., 2015; Nachon et al., 2017). Plus haut dans la colonne stratigraphique, des concr´etions riches en Mn, Fe, P, Mg et Zn d’une part (Thompson et al., 2017; Meslin et al., 2018; Gasda et al., 2018), et riches en Ca et S d’autre part (Sun et al., 2019) sont ´egalement observ´ees. Ces diff´erences de chimies sugg`erent de multiples ´episodes diag´en´etiques avec des fluides de compositions variables. Finalement, les veines de sulfates de calcium, omnipr´esentes `a Murray, t´emoignent d’´episodes diag´en´etiques tardifs avec des fluides riches en Ca et S (et parfois F) circulant dans les r´eseaux de fractures (Nachon et al., 2014, 2017; Forni et al., 2015). Ces veines contribuent fortement `a l’´echantillonnage des roches par CheMin (et APXS), et il est difficile d’estimer la proportion de sulfate de calcium pr´esente dans la matrice. Cependant, mˆeme en consid´erant une contribution par ces figures diag´en´etiques, les r´esultats de CheMin montrent une abondance totale en sulfate moindre que dans la formation de Burns `a Meridiani (∼28 wt.%, McLennan et al., 2005, ce qui semblerait indiquer que les eaux du lac ´etaient relativement peu salines (Rampe et al., 2020a).

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