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El´ ements “mineurs”

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5.3 Le fer dans les roches s´ edimentaires de VRR

5.3.3 Analyses des zones enrichies en fer

5.3.3.3 El´ ements “mineurs”

Les ´el´ements usuellement pr´esents `a l’´etat de mineurs et traces (i.e., pr´esents respectivement entre 0.1-1 wt.% et < 0.1 wt.%) peuvent nous apporter des informations compl´ementaires utiles per- mettant de mieux contraindre la nature de ces phases porteuses de fer. Ces ´el´ements ont des limites de d´etection qui peuvent ˆetre relativement faibles (e.g., ∼5 ppm pour le lithium contre >1% pour les ´el´ements

majeurs ; Maurice et al., 2012; Payre et al., 2017) bien que celles-ci puissent varier suivant la composition de la matrice et les possibles interf´erences de raies. Par ailleurs, leurs variations en concentration suivant le type de min´eral peuvent ˆetre plus importantes que celles observ´ees chez les ´el´ements majeurs, ce qui peut conduire potentiellement `a une meilleure dynamique dans les raies d’´emission LIBS. Les ´el´ements mineurs et traces peuvent ˆetre pr´esents en tant qu’impuret´es dans les phases min´erales par substitution d’´el´ements majeurs ayant des propri´et´es similaires (rayon ionique et charge ´electronique). Cette notion d’´el´ement mineur et trace inclut ´egalement une notion d’´echelle car si ces ´el´ements peuvent ˆetre pr´esents en faibles abondances `a l’´echelle globale de la roche, ils peuvent ˆetre en revanche les ´el´ements constitutifs majeurs de certaines phases (e.g., le Cl dans l’akagan´eite, ou le Mn dans les oxydes de mangan`ese). Les ´

el´ements Li et Mn (exprim´es respectivement en ppm et wt.%), ainsi que H et Cl (exprim´es en aires de raie) montrent des variations avec le fer int´eressantes qui peuvent ˆetre exploit´ees. La Figure 5.9 repr´esente la distribution de ces ´el´ements mineurs et traces quantifi´es par ChemCam `a Pettegrove Point, `a Red Jura et `a Grey Jura, pour deux cat´egories de points d’analyse, diff´erenci´es suivant leurs abondances en fer : inf´erieures `a 23.5 wt.% FeOT et sup´erieures `a 23.5 wt.% FeOT.

Figure 5.9 – Boˆıte `a moustache (ou box plot ) montrant le minimum, le quartile inf´erieur, la m´ediane, le quartile sup´erieur, et le maximum de signal ou d’abondance pour 4 ´el´ements : a) l’abondance en Li (en ppm, pic `a 671 nm), b) l’aire du pic d’´emission de l’hydrog`ene `a 656.6 nm (normalis´ee `a l’intensit´e totale), c) l’air du chlore `a 837.8 nm (normalis´ee `a l’intensit´e totale), d) l’abondance en MnO (wt.%, pic `

a 403.2 et 403.4 nm) dans les roches s´edimentaires de Pettegrove Point (PPM), Red Jura et Grey Jura. Pour chaque couple de boxplot, celui de gauche et celui de droite correspondent respectivement aux points d’observation dont l’abondance est inf´erieure et sup´erieure `a 23.5 wt.% FeOT.

Le lithium est quantifi´e grˆace `a l’aire de la raie `a 670 nm (Payre et al., 2017). Les abondances en cet ´el´ement apparaissent globalement similaire, voire plus faibles dans les points riches en fer que dans le reste des points (Figure 5.9.a). Ceci montre que la phase porteuse du fer n’est pas particuli`erement associ´ee au lithium. Cette observation est coh´erente avec la pr´esence d’oxyde de fer. En effet, le Li n’est pas suppos´e ˆetre particuli`erement associ´e aux oxydes de fer mais plutˆot `a des silicates ferromagn´esiens dans les roches ign´ees ´evolu´ees, ainsi que substitu´e ou/et absorb´e par des phyllosilicates durant leur for- mation (Marshall et Fairbridge, 1999; Cornell et Schwertmann, 2003). En cons´equence, une augmentation de l’abondance en Li associ´ee avec le fer aurait argument´e contre la pr´esence d’oxyde de fer, et favoris´e la pr´esence de phyllosilicates ou min´eraux ign´es, ce qui n’est pas observ´e. Frydenvang et al. (2020) utilisent le lithium comme un proxy pour la d´etection de phyllosilicates `a VRR. Des ´etudes dans des s´ediments terrestres ont effectivement montr´e un lien entre l’abondance en argiles et celle en lithium (e.g., Starkey, 1982; Benson et al., 2017). Cependant, la fiabilit´e de cet indicateur est incertaine car il est tr`es d´ependant de la nature des argiles, par exemple, les smectites triocta´edriques sont plus susceptibles de contenir du Li que les smectites diocta´edriques (Starkey, 1982).

Le signal d’hydrog`ene peut aider `a contraindre l’´etat d’hydratation des phases porteuses de fer. Ici la raie d’´emission de l’hydrog`ene `a 656.6 nm est utilis´ee (normalis´ee `a l’intensit´e totale du spectre). Le signal d’hydrog`ene est plus faible pour les points pr´esentant des enrichissements en fer (Figure 5.9.b), ce qui sugg`ere la pr´esence de phases anhydres. En cons´equence, ce r´esultat semble coh´erent avec l’ab- sence de phyllosilicates, de sulfates hydrat´es et d’oxydes hydrat´es riches en fer tels que peuvent l’ˆetre la ferripyrophyllite, la nontronite, la jarosite et l’akagan´eite identifi´ees par CheMin. L’hydratation de ces phases dans les s´ediments martiens est malheureusement mal contrainte. Les abondances en eau ne sont pas directement mesurables par CheMin. Celui-ci sugg`ere la pr´esence de smectite avec un effondrement des feuillets argileux dˆu `a l’expulsion des mol´ecules d’H2O des sites interfoliaires (Rampe et al., 2020b).

Cependant, les conditions de faible humidit´e relative et de plus haute temp´erature dans l’instrument par rapport `a la surface de Mars pourraient ˆetre responsable de ces effondrements et ainsi modifier la nature des argiles (Bish et al., 2013; Bristow et al., 2015). Pour les mˆemes raisons de contrainte exp´erimentale, l’abondance totale estim´ee par SAM dans les roches de VRR (∼1-2 wt.% H2O ; McAdam et al., 2020)

correspond probablement `a une limite basse car les ´echantillons peuvent ˆetre d´estabilis´es durant leur conditionnement pouvant durer plusieurs heures/jours avant la pyrolyse qui d´ebute entre 35◦C et 75◦C (Mahaffy et al., 2012).

Comme dans nos donn´ees, les roches qui pr´esentent des enrichissements en fer montrent ´egale- ment un faible signal d’hydrog`ene, la pr´esence d’oxydes de fer anhydres comme l’h´ematite ou la magn´etite est donc l’hypoth`ese la plus probable. La magn´etite n’´etant pr´esente qu’`a l’´etat de phases mineures voire absente dans certaines roches de VRR (Stoer : ∼0.3 wt.%, Highfield : ∼0.5 wt.% et Rock Hall : ∼0.0 wt.%), l’h´ematite est le candidat le plus vraisemblable. Il n’est toutefois pas exclu que plusieurs sources min´erales se m´elangent et contribuent aux enrichissements en fer, mais l’h´ematite semble ˆetre la phase y contribuant le plus fortement.

L’absence d’akagan´eite au profit de l’h´ematite est ´egalement soutenue par l’absence de corr´e- lation entre l’abondance relative en Cl et l’abondance en fer. Cette phase peut contenir ∼6 wt.% Cl. La Figure 5.9.c montre que les points riches en fer ne sont pas associ´es `a une augmentation du signal de chlore. Pour ces donn´ees, les points riches en Na ont ´et´e retir´es (Na2O>3.5 wt.%) de mani`ere `a ´eviter la

contribution des min´eraux d’halite dans la comparaison.

La pr´esence d’akagan´eite est particuli`erement attendue dans les roches rouges de Jura o`u Che- Min mesure une concentration ∼6.0±0.5 wt.% (contre 1.2±0.7 wt.% `a Stoer, et aucune d´etection dans les roches grises de Jura), mais aucun enrichissement en Cl associ´e au fer n’est observ´e dans ces roches.

Si dans les roches rouges de Jura, l’akagan´eite est l’oxyde de fer principal en terme d’abondance (devant l’h´ematite), les analyses du site de Rock Hall par CheMin pourraient ne pas ˆetre repr´esentatives de l’en- semble du membre, et l’abondance en akagan´eite surestim´ee. En effet, en s´eparant les points d’analyse effectu´es sur le site de Rock Hall du reste des cibles pr´esentes dans les roches rouges, nous observons que le signal du Cl est clairement plus important pour les cibles du site d’´echantillonnage CheMin de Rock Hall (Figure 5.10). Encore une fois, les cibles pr´esentant de fortes abondances en sodium (Na2O >3.5

wt.%) sont retir´ees de mani`ere `a ´eviter la contribution d’halite. D’un autre cˆot´e, le signal moyen en Cl dans les cibles de Red Jura (en excluant Rock Hall cette fois) montre un niveau comparable avec le signal moyen observ´e `a Pettegrove Point et `a Grey Jura. Ces observations tendent `a montrer que le site de Rock Hall n’est pas repr´esentatif de l’ensemble des roches rouges de Jura et que le niveau d’akagan´eite donn´ee par CheMin repr´esente une limite haute, ou que de l’akagan´eite avec une plus faible abondance en chlore est pr´esente dans le reste de Red Jura.

L’id´ee que Rock Hall pourrait correspondre `a un site particulier est ´egalement soutenue par la concentration plus importante en SiO2compar´ee aux autres roches du membre, et `a la hausse soudaine

de l’indice d’alt´eration chimique ou CIA (Nesbitt et Young, 1982; Frydenvang et al., 2020). Les r´esultats de l’instrument DAN pourraient ´egalement refl´eter cette hypoth`ese. Ce dernier enregistre sur le site de Rock Hall une augmentation d’´el´ements absorbeurs de neutrons (Fraeman et al., 2020a), qui, sur Mars, correspondent principalement au Fe et au Cl (Hardgrove et al., 2011). APXS montre, lui, que le site de Rock Hall poss`ede des enrichissements en Si, Al, Ca, S, Cl, Br, Fe et Ni par rapport au reste de Jura (Thompson et al., 2020). Finalement, les donn´ees orbitales de l’instrument CRISM n’ont pas mis en ´evidence d’akagan´eite `a VRR. L’instrument en a d´etect´e dans le crat`ere Robert Sharp `a 120 km du crat`ere Gale (Carter et al., 2015), mais pas directement dans celui-ci. Ce r´esultat pourrait signifier que l’akagan´eite est globalement absente de Gale. Cependant, il n’est pas impossible que sa signature soit masqu´ee `a VRR par celle de l’h´ematite. Finalement, toutes ces observations sugg`erent que l’akagan´eite pourrait ˆetre pr´esente de mani`ere variable dans les roches de VRR.

Figure 5.10 – Box plot (minimum, quartile inf´erieur, m´ediane, quartile sup´erieur, et maximum) de l’aire du pic d’´emission du chlore `a 837.8 nm, `a Pettegrove Point, Grey Jura, Red Jura (sans les roches du site de Rock Hall ) et le site de forage de Rock. Les cibles pr´esentant une forte abondance en sodium (Na2O

Finalement, seul l’´el´ement Mn semble montrer une l´eg`ere augmentation de concert avec l’aug- mentation de l’abondance en fer dans les roches de Jura (Figure 5.9.d). Dans les sols et les s´ediments, les oxydes de fer et de mangan`ese peuvent former des mixtures intimes (e.g., Halbach et al., 1982), le Mn peut ˆetre adsorb´e `a la surface ou incorpor´e dans la structure de l’oxyde de fer en occupant certains sites (Cornell et Schwertmann, 2003). Le Mn2+ (l’´etat d’oxydation le plus courant pour le mangan`ese) peut

occuper les mˆemes sites que le Fe2+ dans les oxydes de fer r´eduits (ou dans les min´eraux mafiques) du fait de leurs charges et de leurs rayons ioniques relativement similaires (Marshall et Fairbridge, 1999). Le Mn3+ lui peut se substituer de mani`ere plus limit´ee dans les oxydes de fer ferrique (Singh et al., 2000). Cependant, il n’existe pas de corr´elation positive tir-`a-tir entre le Mn et le FeOT dans nos donn´ees, ce

qui implique que les deux ´el´ements ne sont pas localis´es dans les mˆemes phases min´erales. Un enrichis- sement global en mangan`ese dans la roche, associ´e `a un enrichissement en fer, a du sens g´eologiquement parlant car ces deux ´el´ements poss`edent des propri´et´es redox similaires et auront tendance `a se suivre, lors d’´episodes d’alt´eration aqueux par exemple (e.g., Lynn et Bonatti, 1965; Chan et al., 2000). Une attention particuli`ere est donn´ee `a cet ´el´ement et `a son association au m´ecanisme de mobilit´e du fer, qui sera d´evelopp´e dans la partie 5.4.3.

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