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Conclusion

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Bien que les instruments LIBS puissent souffrir d’effets de matrice importants, qui se r´epercutent sur les performances analytiques, les nombreux avantages dont ils b´en´eficient en font des techniques attrayantes pour des ´etudes g´eochimiques terrestres et extraterrestres. La m´ethode est en plein essor, notamment pour l’´etude des diff´erents corps du syst`eme solaire. Aujourd’hui plusieurs autres projets ou missions d’´etude plan´etaire ont d´ecid´e d’embarquer des instruments LIBS, ce qui d´emontre le fort int´erˆet de la communaut´e scientifique pour la m´ethode. En effet, la NASA a financ´e un programme d’´etude de la surface et de l’atmosph`ere de V´enus par LIBS et RAMAN (SAGE ; Clegg et al., 2014). Cependant, ce projet n’a malheureusement pas d´epass´e la phase A du d´eveloppement (Concept and Technology Development ). Autrement, bien qu’il ne soit pas parvenu `a se poser `a la surface de la Lune, le rover lunaire Chandrayaan-2 de l’agence spatiale indienne (ISRO) ´etait ´equip´e d’un instrument LIBS (Laxmiprasad et al., 2020). Le rover europ´een ExoMars dans sa phase initiale de d´eveloppement devait ´egalement porter un instrument LIBS-RAMAN (Winnendael et al., 2005) `a la surface de Mars, mais le projet fut finalement abandonn´e. En 2020, les agences spatiales chinoise et am´ericaine ont programm´e d’envoyer deux autres rovers `a la surface de Mars, tous deux ´equip´es d’instruments LIBS. L’instrument MarsCode `a bord de Tianwen-1 (ou HX-1 ; Ren et al., 2018) et SuperCam embarqu´e `a bord de Perseverance combinant LIBS, Raman et Infrarouge (Mars2020 ; Wiens et al., 2017) sont actuellement en phase de croisi`ere vers Mars. SuperCam b´en´eficie de l’h´eritage technologique direct de l’instrument ChemCam. Ces deux nouveaux rovers devraient porter `a trois le nombre d’instruments LIBS pr´esents `a la surface de la plan`ete.

Bien que ChemCam soit actif depuis maintenant plus de 8 ans, aujourd’hui encore, un important travail de calibration et d’´etude de laboratoire de cas analogues sont n´ecessaires pour interpr´eter ses donn´ees, ce qui en illustre la complexit´e. La quantification des ´el´ements chimiques `a partir des donn´ees ChemCam est toujours en d´eveloppement pour certains ´el´ements. Par exemple, des m´ethodes pour la quantification du soufre sont en pr´eparation (Clegg et al., 2018, 2019; Rapin et al., 2019). Outre les ´

el´ements actuellement non quantifi´es, la m´ethode MOC de quantification peut encore ˆetre d´efaillante et am´elior´ee pour certaines compositions inhabituelles et/ou extrˆemes (e.g., m´et´eorites de fer ou certaines phases pures, cf. Chapitre 4).

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Etude des sols avec ChemCam

3.1

Objectifs de l’´etude

Les sols martiens correspondent `a l’accumulation de s´ediments meubles provenant de sources diverses. Ils se forment `a partir de larges zones d’´erosion de la croˆute et refl`etent par cons´equent une composition chimique moyenne `a grande ´echelle. Cette propri´et´e a ´et´e utilis´ee pour estimer une compo- sition chimique de la croˆute martienne `a partir des sols et de la poussi`ere (Taylor et McLennan, 2009; McSween et al., 2009). Du fait de ce m´elange `a grande ´echelle, caract´eriser les produits secondaires pr´esents dans ces s´ediments peut nous renseigner sur des ´episodes d’alt´eration majeurs pass´es `a la surface de Mars. De plus, par leur faible granulom´etrie et leurs grandes surfaces r´eactives en comparaison des roches, les sols sont particuli`erement efficaces pour enregistrer des processus d’alt´eration aqueux durant la p´edogen`ese (McSween et al., 2010). Les instruments orbitaux sensibles aux informations min´eralogiques et chimiques ne sont pas les plus performants pour l’´etude des milieux granulaires du fait de la complexit´e d’interpr´etation des m´elanges sol-roche (e.g., Karunatillake et al., 2006). En revanche, les instruments in situ, et notamment ChemCam par sa fine r´esolution d’analyse, sont particuli`erement adapt´es pour caract´eriser les particules des sols. ChemCam permet d’observer des tendances de compositions lorsque le nombre de tirs est cons´equent, `a la diff´erence d’APXS, qui ne permet d’obtenir qu’une composition moyenne de la cible. Pour les sols grossiers, il permet pour la premi`ere fois des analyses in situ tr`es pr´ecises, presque grain `a grain. ChemCam a montr´e que si la composition chimique globale des sols de Gale ´etait sensiblement similaire aux autres sites d’analyse in situ diss´emin´es sur Mars (e.g., Meslin et al., 2013; Cousin et al., 2015), des variations locales et des signatures particuli`eres sont pr´esentes, attribu´ees `

a des m´elanges de grains de compositions chimiques et de tailles diff´erentes (cf. Chapitre 1.4.4).

Cependant, ChemCam repr´esente la premi`ere utilisation de la technique LIBS sur une autre plan`ete, et l’interpr´etation de ses donn´ees dans les sols est compliqu´ee dans l’environnement martien en raison de cette grande diversit´e de tailles des particules combin´ee `a l’´etat physique inconnu (i.e., le type de m´elange) de certains de ses constituants, en particulier celui de la composante amorphe. Cette derni`ere correspond `a une fraction non ou insuffisamment cristallis´ee pour ˆetre identifi´ee par la m´ethode de diffraction des rayons X de CheMin. Des ´etudes ont ´et´e r´ealis´ees sur les performances du LIBS sur des cibles non indur´ees (voir par exemple l’´etude synth´etique de Harmon et al., 2013), mais tr`es peu en condition atmosph´erique martienne (e.g., Rapin, 2016; Belgacem, 2016).

← Image d’illustration : Sols de Rocknest observ´es par l’instrument MAHLI (sol 58). NASA/JPL-Caltech/MSSS

La premi`ere partie de cette ´etude se focalise sur des exp´eriences instrumentales de labora- toire, tandis que la seconde partie concernera la mise en application de nos observations sur les donn´ees martiennes. Les r´esultats de cette ´etude ont fait l’objet d’une soumission (actuellement en revue) pour publication dans la revue Icarus.

La partie exp´erimentale porte sur l’interaction du faisceau laser avec deux types de m´elanges qui se produisent ou pourraient se produire dans les sols martiens. Cette ´etude a pour but de mieux comprendre l’influence de l’´etat physique des constituants des sols sur les mesures ChemCam et les instruments LIBS en g´en´eral. La complexit´e de l’interaction laser-mati`ere est difficile `a mod´eliser car elle int`egre de nombreux param`etres (transport des grains, dynamique du plasma, transferts radiatifs, param`etres physiques et chimiques de la cible. . . ). Notre approche sera donc fond´ee sur des analyses en laboratoire d’´echantillons analogues simples pour isoler et comprendre l’influence de certains param`etres, dans le but d’interpr´eter les donn´ees fournies par l’instrument martien.

Deux types de m´elanges sont ´etudi´es. Le premier type correspond `a des m´elanges m´ecaniques de deux populations de grains de compositions chimiques distinctes (Figure 3.1). Ces m´elanges peuvent s’appliquer `a deux populations de grains cristallins (e.g., les min´eraux mafiques et felsiques identifi´es par Meslin et al. (2013) et Cousin et al. (2015) dans les sols), mais ´egalement `a une population de grains amorphes mˆel´es `a des grains cristallins.

Figure 3.1 – Repr´esentation sch´ematique des deux types de m´elanges analys´es dans cette ´etude : m´elanges m´ecaniques de deux populations de grains de compositions chimiques distinctes (gauche), et des grains pr´esentant un vernis de surface (droite)

Le second type de m´elanges consid´er´e correspond `a un mat´eriau formant un vernis `a la sur- face des grains, de composition distincte des grains eux-mˆemes (Figure 3.1). Les contextes g´eologiques dans lesquels de tels m´elanges pourraient se produire incluent la pr´ecipitation d’´evaporites (e.g., sulfates) `

a partir d’une solution satur´ee pour laquelle les grains servent de noyaux de nucl´eations ; des aur´eoles d’alt´eration dues `a des processus aqueux ; ou encore des vernis form´es par des particules fines de poussi`ere qui adh`erent aux grains en raison de forces ´electrostatiques. L`a encore, le revˆetement `a la surface des grains peut ˆetre de nature cristalline ou amorphe. L’effet de la poussi`ere et de la pr´esence de vernis sur les roches indur´ees a ´et´e ´etudi´e `a des fins d’interpr´etation des donn´ees ChemCam (Graff et al., 2011; Lanza et al., 2015), mais pas dans le but de comprendre les propri´et´es des sols. Dans les sols naturels, plus com-

plexes, les deux types de m´elanges pr´ec´edemment cit´es peuvent survenir simultan´ement, par exemple, dans le cas de m´elanges entre des phases primaires, ces mˆemes phases avec un revˆetement d’alt´eration, et des fragments d´eriv´es du produit d’alt´eration. Nous ´etudierons dans ce chapitre les deux types de m´elanges de mani`ere s´epar´ee, de fa¸con `a faciliter l’interpr´etation des r´esultats.

Bien que ce travail sur les milieux granulaires puisse s’appliquer plus largement que le contexte martien, cette probl´ematique est particuli`erement pertinente pour la composante amorphe pr´esente dans les sols de Gale. En effet, si la caract´erisation chimique de cette composante amorphe est n´ecessaire, il est ´

egalement important de d´eterminer comment celle-ci est pr´esente physiquement dans les sols, car c’est une ´etape vers une meilleure compr´ehension de son origine. Les phases amorphes des sols peuvent ˆetre originaires de processus primaires (e.g., verre volcanique ou d’impact) ou de processus secondaires (e.g., produits d’alt´eration superg`ene ou hydrothermale ; Certini et al., 2020). Elles pourraient ˆetre port´ees par la poussi`ere ´eolienne qui recouvre les grains d’une fine pellicule de surface, ou bien former des par- ticules discr`etes de tailles plus grossi`eres. La composition chimique estim´ee de la composante amorphe des diff´erents sols martiens ne semblent pas pouvoir s’expliquer uniquement par un verre volcanique ou d’impact (Rampe et al., 2020a). D’autres phases min´erales sont donc tr`es probablement pr´esentes, telles que des sulfates amorphes, de l’hising´erite (ou de la silice combin´ee `a des oxydes de fer, e.g., ferrihydrite), de l’allophane et des nanophases d’oxydes de fer (Bish et al., 2013; Dehouck et al., 2014; Rampe et al., 2017). L’allophane a ´et´e propos´ee car elle permet de reproduire le diffractogramme de CheMin, mais il est vraisemblable qu’il s’agisse d’un substitut car la faible abondance en aluminium dans la composante amorphe n’est pas favorable `a la pr´esence d’une telle phase (ou uniquement `a l’´etat de phase mineur). Contraindre ces phases amorphes permettrait d’obtenir des informations sur l’´etendue de l’alt´eration aqueuse dans ces s´ediments. Par exemple, la pr´esence quasi-exclusive de verres basaltiques, facilement alt´erables, t´emoignerait d’une activit´e de l’eau tr`es limit´ee (Gislason et Eugster, 1987). Autrement, la pr´esence de sulfates, d’allophane ou d’hising´erite t´emoignerait en revanche d’une implication de l’eau plus importante dans la formation des sols (Eggleton et al., 1987).

Dans la seconde partie de cette ´etude, quelques applications de nos r´esultats de laboratoire aux sols martiens de Rocknest et Bagnold seront pr´esent´ees, dans le but d’apporter des premiers ´el´ements de r´eponse notamment sur les types de m´elanges. Une attention particuli`ere sera port´ee au signal d’hydrog`ene dans les sols, car il pourrait servir de marqueur des phases d’alt´eration. Cependant, des ´etudes pr´ec´edentes ont mis en ´evidence qu’il est fortement influenc´e par un effet de matrice physique entre roches et mati`eres non indur´ees (Schr¨oder et al., 2015; Rapin, 2016), et donc potentiellement entre les diff´erentes fractions granulom´etriques d’un sol.

Dans un deuxi`eme temps, nous nous int´eresserons plus particuli`erement `a la composition chi- mique de cette composante amorphe hydrat´ee, pour essayer d’en d´eduire une min´eralogie associ´ee. Les ´

etudes pr´ec´edentes (e.g., Blake et al., 2013; Dehouck et al., 2014; Achilles et al., 2017) se sont focalis´ees sur des bilans de masses, qui consistent `a soustraire de la composition chimique globale mesur´ee par APXS la chimie des phases cristallines d´etect´ees par CheMin. Ici, nous utiliserons une approche originale et ind´ependante de ces deux instruments qui consiste `a utiliser le signal d’hydrog`ene de ChemCam.

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