• Aucun résultat trouvé

L’électrochimie dans les liquides ioniques à température ambiante

3.2 Les références électrochimiques

3.2.3 L’électrode de référence

3.2.3.2 Les références

Une électrode de référence (RE), contrairement à une quasi-référence, est isolée du milieu réactionnel, par un capillaire fermé par un fritté poreux, afin de conserver un potentiel d’équilibre stable, connu et indépendant du milieu réactionnel.

Les références peuvent être classées en trois catégories distinctes36. Les électrodes de référence de première espèce sont constituées d’une électrode métallique M immergée dans une solution contenant leur ion métallique Mm+. Le second type d’électrode de référence, dites de seconde espèce, se compose de trois phases. Habituellement, il s’agit d’un métal recouvert d’une couche d’un de ses sels métalliques immergé dans une solution contenant l’anion du sel. La dernière catégorie est appelée une électrode de référence redox. Dans ce cas, le matériau de l’électrode est inerte, il sert simplement de contacteur électrique, et est immergé dans une solution contenant l’oxydant et le réducteur d’un couple redox.

Dans la littérature, la référence de première espèce Ag+/Ag est très largement utilisée2,3,9,10,16–18,21,23,27,30,37,38,56,90–105. Cette référence peut être commerciale ou artisanale. Dans le dernier cas, un sel d’argent basé sur le contre ion NO3-, ClO4-, Tf2N- ou SO3CF3- est inséré dans le capillaire de la référence. La référence Cl

-Céline Bonnaud / Thèse / 2017 / Université de Grenoble Alpes

/AgCl/Ag, de seconde espèce, est également très utilisée39,106–110. Cette référence est aussi commercialement disponible mais lorsque sa fabrication est artisanale, elle est souvent réalisée par l’intégration d’un liquide ou sel ionique basé sur l’anion Cl-. Les références redox sont très peu utilisées dans les liquides ioniques, seuls trois exemples sont disponibles111–113, contenant des références basées sur le couple Fc+/Fc ou I2-/I3-.

Quelle que soit la référence utilisée, la solution du capillaire, isolée et contenant les membres du couple électrochimique de référence, n’est pas toujours composée du même liquide ionique que celui du milieu réactionnel. L’acétonitrile est régulièrement utilisé2,9,16,23,27,39,93,98,100–102,105,114 pour modifier les propriétés du LI et faciliter la dissolution des sels ioniques utiles au couple redox de référence. Fâcheusement, si les électrolytes entre le milieu réactionnel et le capillaire de l’électrode de référence ne sont pas identiques, l’apparition d’un potentiel de jonction, indésirable et équivalent à une résistance supplémentaire, peut compromettre les techniques ampérométriques.

P ci si on s ex p ér im en ta le

s L’analyse des électrodes de référence porte sur un exemple d’électrode de chaque espèce : Ag+/Ag (avec le sel AgTf2N) pour la première, Cl-/AgCl/Ag (avec le LI [C1C4Im][Cl]) pour la seconde et la dernière, l’électrode de référence redox, est réalisée avec le couple redox Fc+/Fc (avec le sel FcBF4 pour les raisons évoquées dans la section 3.1.1). Les trois mêmes liquides ioniques que pout l’étude des QRE ont été utilisés. Rappelons qu’ils contiennent tous l’anion [Tf2N]- et les cations [C1C8Im]+, [C1C4Im]+ et [C1C4Pyrr]+. La vitesse de balayage de la voltampérométrie et les concentrations en ferrocène et ferrocénium sont à nouveau les paramètres expérimentaux variables. L’étude de la stabilité de ces électrodes est basée sur l’analyse des potentiels de pic et de ΔEpic sur une échelle de temps allant jusqu’à 15 h.

Pour limiter au maximum les problèmes de dissolution, les contaminations mais aussi le potentiel de jonction liquide, la solution du capillaire de l’électrode de référence est ou se rapproche au maximum du liquide ionique utilisé dans le milieu réactionnel.

Céline Bonnaud / Thèse / 2017 / Université de Grenoble Alpes

3.2.3.2.1 Electrode de référence de première espèce : Ag+/Ag

L’électrode de référence Ag+/Ag est réalisée grâce à la dissolution d’un sel AgTf2N dans le RTIL correspondant au milieu réactionnel. La demi-réaction correspondant à l’équilibre de référence est dans ce cas celle présentée sur l’ (3.4. Les potentiels standards théoriques du couple sont obtenus à partir de données thermodynamiques et s’appliquent normalement dans des solvants aqueux115.

𝐀𝐠++ 𝐞 ⇆ 𝐀𝐠(𝐬) E0 = + 0,799 V 𝑣𝑠. ENH

E0 = 0,399 V 𝑣𝑠. Fc+/Fc

(3.4)

La Figure 3.8 présente des valeurs de potentiel versus Ag+/Ag des pic d’oxydation et de réduction du couple Fc+/Fc dans les trois RTIL. Ces valeurs sont relativement stables pendant 15 h puisque moins de 5 mV de différence entre le début et la fin de l’expérience sont observés pour tous les pics et RTIL, à l’exception du pic d’oxydation du Fc dans [C1C4Pyrr][Tf2N] qui présente une dérive de 40 mV. Aucune explication n’a été trouvée pour justifier cette dérive.

Globalement, cette référence présente donc un potentiel stable dans le temps et centré autour de la valeur de -0,39 V vs. Ag+/Ag, ce qui correspond bien à la valeur de potentiel attendue pour le couple Fc+/Fc (équation 3.4).

Figure 3.8. Potentiel de pic d’oxydation (symboles pleins) et de réduction (symboles vides) du couple redox

Fc+/Fc selon la nature du liquide ionique (légende à droite) à 25°C. Référence Ag+/Ag. Concentration de 10 mmol L-1 en ferrocène. Vitesse de balayage 100 mV s-1.

Céline Bonnaud / Thèse / 2017 / Université de Grenoble Alpes

Toutes les valeurs de potentiel obtenues pour cette électrode de référence sont résumées dans le Tableau 3.6. Lorsque la nature du cation du RTIL est modifiée (essais 1, 2 et 3), les potentiels des pics d’oxydation de Fc+/Fc obtenus sont très similaires tandis que les valeurs de ΔEpic suivent l’ordre [C1C8Im] > [C1C4Pyrr] > [C1C4Im]. Ce sont les différences de solvatation du Fc qui sont mises en cause dans ces variations de ΔEpic. Nous observons que pour les essais 2, 3 et 4 les valeurs de potentiel obtenues sont extrêmement proches les unes des autres, avec seulement 10 mV de différence maximum. Les ΔEpic sont par conséquent également très proches. La structure cationique très proche de ces RTIL permet de supposer que les valeurs de ΔEpic sont bien fonction de la solvatation des espèces. Concernant l’essai 4, nous observons que la vitesse de balayage n’a aucune influence sur les valeurs de potentiel de pic ce qui est bien cohérent avec l’observation d’une réaction réversible.

Toutes ces expériences confirment la fiabilité de l’électrode de référence Ag+/Ag dans les liquides ioniques, dans le cas où le même liquide ionique est utilisé pour le milieu réactionnel et le capillaire de référence et où le sel ionique d’argent possède le même anion que le RTIL.

Essai Cation RTIL υ (mV s-1) [Fc] (mmol L-1) [Fc+] (mmol L-1) Eox (V vs. QR AgCl) Ered (V vs. QR AgCl) ΔEpic (V) 1 [C1C8Im] 100 10 0 -0,29 -0,46 0,17 2 [C1C4Im] 100 10 0 -0,33 -0,44 0,11 3 [C1C4Pyrr] 100 10 0 -0,32 -0,44 0,12 4 [C1C4Pyrr] 10 10 0 -0,32 -0,43 0,11

Tableau 3.6. Résumé des potentiels obtenus avec la référence Ag+/Ag selon les variations expérimentales présentées à gauche.

3.2.3.2.2 Electrode de référence de deuxième espèce : Cl-/AgCl/Ag

Cette électrode s’adapte à une utilisation en liquide ionique grâce au remplacement de la solution aqueuse saturée en KCl par un mélange entre [C1C4Im][Tf2N] et 2 mmol L-1 de [C1C4Im][Cl]. Ainsi, la demi-équation correspondant à l’équilibre de cette électrode devrait être celle de l’équation 3.5. Les potentiels standards

Céline Bonnaud / Thèse / 2017 / Université de Grenoble Alpes

présentés ici sont les potentiels théoriques proposés par Bard et al. dans des solvants aqueux115.

𝐀𝐠𝐂𝐥(𝐬)+ 𝐞 ⇆ 𝐀𝐠(𝐬)+ 𝐂𝐥 E0 = + 0,222 V 𝑣𝑠. ENH E0 = − 0,178 V 𝑣𝑠. Fc+/Fc

(3.5)

La Figure 3.9 présente les valeurs de potentiel de pic obtenues pour le couple Fc+/Fc avec cette référence. Etonnamment, et contrairement à ce que l’on attend d’une « vraie » électrode de référence. Une dérive en potentiel de 50 mV et 40 mV est respectivement observée pour les potentiels de pic d’oxydation et de réduction. L’équilibre électrochimique de cette l’électrode de référence semble donc être modifié au cours du temps. D’après Abbott et al.66, la réaction correspondant à l’(3.6 pourrait être appliquée aux liquides ioniques. Ainsi, le potentiel de notre électrode de référence pourrait progressivement se fixer à une valeur différente de celle attendue.

𝐀𝐠𝐂𝐥(𝐬)+ 𝐂𝐥 ⇆ 𝐀𝐠𝐂𝐥𝟐 (3.6)

La dérive des valeurs des potentiels de pic du couple Fc+/Fc observée nous conduit à ne pas poursuivre les investigations concernant cette électrode. Elle ne sera ainsi pas considérée comme référence utilisable dans notre système.

Figure 3.9. Potentiel de pic d’oxydation (symboles pleins) et de réduction (symboles vides) du couple redox

Fc+/Fc dans le RTIL [C1C4Im][Tf2N] à 25°C. Référence Cl-/AgCl/Ag. Concentration de 10 mmol L-1 en ferrocène. Vitesse de balayage 100 mV s-1.

Céline Bonnaud / Thèse / 2017 / Université de Grenoble Alpes

3.2.3.2.3 Electrode de référence redox : Fc+/Fc/Pt

Dernière catégorie d’électrode de référence à être étudiée, l’électrode de référence redox Fc+/Fc/Pt est réalisée par dissolution des espèces ferrocénium et ferrocène dans le liquide ionique utilisé dans le milieu réactionnel. La demi-réaction de l’électrode de référence et de l’électrode de travail est donc la même et correspond à l’équation 3.7.

𝐅𝐜++ 𝐞 ⇆ 𝐅𝐜 E0 = + 0,400 V 𝑣𝑠. ENH

E0 = 0,00 V 𝑣𝑠. Fc+/Fc

(3.7)

La Figure 3.10 montre, comme pour les références précédemment testées, les valeurs de potentiel des pics d’oxydation et de réduction du couple Fc+/Fc lorsque seul le ferrocène est initialement introduit dans le milieu réactionnel. L’analyse de cette figure montre un comportement très similaire entre l’électrode de référence Ag+/Ag et Fc+/Fc/Pt. Les valeurs de potentiel de pic sont modifiées de moins de 20 mV entre le début et la fin de l’expérience. L’espacement entre les pics est également très stable et compris entre 110 et 140 mV selon la nature cationique du RTIL.

Figure 3.10. Potentiel de pic d’oxydation (symboles pleins) et de réduction (symboles vides) du couple redox Fc+/Fc selon la nature du liquide ionique (légende à droite) à 25°C. Référence Fc+/Fc/Pt. Concentration de 10 mmol L-1 en ferrocène. Vitesse de balayage 100 mV s-1.

Céline Bonnaud / Thèse / 2017 / Université de Grenoble Alpes

Le Tableau 3.7 présente les valeurs des potentiels de pic et de ΔEpic acquises pour l’intégralité des conditions expérimentales testées avec la référence Fc+/Fc/Pt. Les valeurs de Eox et Ered sont globalement très similaires et centrées autour de la valeur de 0 V vs. Fc+/Fc. Ni la vitesse de balayage utilisée, ni l’absence initiale de l’une des espèces électroactives n’a d’influence notable sur les valeurs prises par les pics d’oxydation et de réduction du couple Fc+/Fc. Les comportements observés correspondent donc bien à un couple d’oxydoréduction réversible tel que le couple Fc+/Fc est connu pour l’être dans de nombreux autres solvants. Notons que les valeurs de ΔEpic de ces essais sont similaires à celles obtenues pour la référence Ag+/Ag. Essai Cation RTIL υ (mV s-1) [Fc] (mmol L-1) [Fc+] (mmol L-1) Eox (V vs. QR AgCl) Ered (V vs. QR AgCl) 𝜟𝑬 (V) 1 [C1C8Im] 100 10 0 0,08 -0,06 0,14 2 [C1C8Im] 10 10 0 0,07 -0,04 0,11 3 [C1C4Im] 100 10 0 0,09 -0,04 0,13 4 [C1C4Im] 100 10 10 0,08 -0,05 0,13 5 [C1C4Pyrr] 100 10 0 0,07 -0,05 0,12 6 [C1C4Pyrr] 100 10 10 0,07 -0,05 0,12 7 [C1C4Pyrr] 10 10 10 0,07 -0,04 0,11

Tableau 3.7. Résumé des potentiels obtenus avec la référence Fc+/Fc/Pt selon les variations expérimentales présentées à gauche.

3.2.3.2.4 Conclusion sur les électrodes de références

Dans nos conditions expérimentales, c’est-à-dire dans un RTIL basé sur l’anion [Tf2N]-, l’analyse des électrodes de référence nous indique que les références Ag+/Ag et Fc+/Fc/Pt sont toutes deux utilisables. Ces deux systèmes permettent l’obtention de valeurs de potentiel relativement stables sur une durée de 15 h. Les potentiels de demi-vague E1/2 du couple Fc+/Fc, présent dans le milieu réactionnel, sont de plus cohérents avec les valeurs des potentiels thermodynamiques. Les valeurs importantes de ΔEpic rapportées dans cette étude sont attribuées à l’impact de la solvatation des ions des LI sur l’épaisseur de la couche de Helmholtz.

Céline Bonnaud / Thèse / 2017 / Université de Grenoble Alpes

L’électrode de référence Fc+/Fc/Pt, également notée Fc+/Fc, sera notre électrode de référence pour toutes les mesures électrochimiques à venir. En effet, comme les éléments chimiques contenus dans le capillaire de référence peuvent migrer dans le milieu réactionnel en raison de la pression osmotique, l’électrode de référence Ag+/Ag peut engendrer une électrodéposition d’argent préliminaire ou concomitante à celle des terres rares et n’est donc pas utilisée pour cette raison.

Céline Bonnaud / Thèse / 2017 / Université de Grenoble Alpes

3.3 Caractérisation électrochimique des