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Section 2. Les situations triangulaires inversées

A. Les solutions conventionnelles

1. Les principes apparemment contradictoires

La première remarque est de noter, qu’en réalité, le texte de l’article 11 du Modèle de convention fiscale et le texte des commentaires de ce même article traitent de deux sujets partiellement différents.

Le traité, comme nous l’avons noté, n’envisage que quelques situations triangulaires, principalement bilatérales, lorsque l’établissement stable est localisé dans l’un des Etats contractants ou lorsque le siège de l’emprunteur est dans un Etat tiers.

Il ne couvre pas la question lorsque l’établissement est dans un Etat tiers. Dans cette situation, le traité B/R ne vise pas la question et dans le traité B/P la question n’existe pas puisque l’établissement est, par hypothèse, localisé dans l’un des Etats contractants et non dans un Etat tiers.

Les commentaires de l’OCDE ont donc deux fonctions :

- La première est de justifier le choix retenu, à savoir le risque de rattachements fictifs à un établissement d’intérêts et la double imposition en résultant212.

- La seconde est de proposer une solution alternative.

On peut s’interroger sur la logique de cette approche. Cette question relève, à notre avis, plus du Modèle de convention fiscale lui-même que des commentaires. Les deux solutions devraient donc être incluses dans le texte du traité lui-même. C’est probablement en raison de l’absence de consensus politique, sans en nier l’importance pratique, que la solution alternative est mentionnée dans les commentaires.

Cette stratégie semble justifiée dans les commentaires inclus dans le rapport sur les situations triangulaires213 :

« Il a été décidé de ne pas traiter ce cas dans la Convention. L'Etat contractant où résiderait le débiteur n'est donc pas tenu de renoncer à son

COIN, Raphaël| Thèse de doctorat | Juillet 2016

imposition à la source au profit de l'Etat tiers où serait situé l'établissement stable pour le compte duquel l'emprunt aurait été contracté et qui supporterait la charge des intérêts. Si ce n'était pas le cas et si l'Etat tiers ne soumettait pas les intérêts à la charge de l'établissement stable à la retenue à la source, il serait possible d'essayer de se soustraire à l'imposition à la source dans l'Etat contractant par l'utilisation d'un établissement stable situé dans cet Etat tiers. »214

Ici encore, la justification de l’opportunité d’une proposition contraignante se heurte au risque présumé d’une interposition d’un établissement stable faiblement imposé, ligne conductrice de la réflexion de l’OCDE à l’époque. Justifier une double imposition systématique par un risque d’évasion fiscale ne nous semble pas une solution adaptée, surtout si l’on considère que l’interposition de l’établissement n’aboutit pas systématiquement à l’obtention d’un avantage fiscal global, comme nous le démonterons dans la seconde partie de nos travaux. Ceci se heurte aux évolutions actuelles des travaux de l’OCDE qui se concentrent désormais sur l’évitement de la reconnaissance d’un établissement plus que l’interposition d’un établissement stable215.

Une autre solution proposée est d’utiliser une procédure amiable, mais en application du traité R/P:

« L'Etat de résidence du payeur (Etat R) et l'Etat tiers où est situé l'établissement stable (Etat P) pour le compte duquel l'emprunt a été contracté et qui supporte la charge des intérêts, revendiquaient l'un et l'autre le droit de taxer lesdits intérêts à la source, rien ne s'opposerait à ce que ces deux Etats ainsi, éventuellement d'ailleurs, que l'Etat de la résidence du bénéficiaire des intérêts (Etat B), se concertent pour remédier à la double imposition qui résulterait de ces prétentions en ayant

213 Modèle de convention fiscale : « Cas triangulaires », adopté par le Conseil de l’OCDE le 23 juillet 1992.

214 Com. 29 Modèle de convention fiscale : quatre études, « Cas triangulaires », adopté par le Conseil de l’OCDE le

23 juillet 1992.

recours si nécessaire à la procédure amiable (telle qu'elle est envisagée au paragraphe 3 de l'article 25) »216

Les commentaires ajoutés en 2005 proposent, une autre solution, soit la mise en place d’une convention multilatérale, ce qui peut paraître plus une clause de style à l’époque qu’une véritable recommandation217, soit de donner un droit exclusif d’imposition à l’Etat de résidence. La solution n’est donc pas trouvée directement dans le traité R/B, mais en combinant des dispositifs dans le traité R/B et le traité P/B et surtout une interprétation extensive qui n’est pas totalement claire, même dans les commentaires qui précisent :

« Comme l’indique le paragraphe 29, une telle double imposition pourrait être évitée soit au moyen d’une convention multilatérale soit si l’Etat de résidence du bénéficiaire et l’Etat de résidence du payeur étaient d’accord pour donner au texte de la deuxième phrase du paragraphe 5 la teneur suivante, de telle sorte que les paragraphes 1 et 2 de l’article ne puissent s’appliquer aux intérêts, auxquels s’appliqueraient alors les dispositions des articles 7 ou 21 :

« Toutefois, lorsque le débiteur des intérêts (Etat R/R1), qu’il soit ou non un résident d’un Etat contractant, a dans un Etat autre que celui dont il est un résident (Etat P/P1)218 un établissement stable pour lequel la

dette donnant lieu au paiement des intérêts a été contractée et qui supporte la charge de ces intérêts, ceux-ci sont considérés comme provenant de l’Etat où l’établissement stable est situé. »219

Ce texte permet de résoudre certaines difficultés, mais en aucun cas toutes celles-ci.

216 Modèle de convention fiscale : « Cas triangulaires », adopté par le Conseil de l’OCDE le 23 juillet 1992.

217 Les mentalités semblent évoluer sur ce thème à la suite de l’initiative BEPS même si les conséquences pratiques de cette

évolution restent très incertaines.

218 A comparer avec « a dans un Etat contractant » couvrant ainsi implicitement la situation dans laquelle l’établissement est

dans l’un des Etats R/B, à l’instar de l’article 11(5) du Modèle mais aussi celle dans laquelle l’établissement est dans un Etat tiers comme dans les commentaires de l’article 11 paragraphe 30.

COIN, Raphaël| Thèse de doctorat | Juillet 2016