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Les premiers clubs de tennis réservés à l’aristocratie

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Tableau n° 1 : Les cultures identitaires des dirigeants bénévoles de la FFE

Chapitre 1 : Histoire politique et institutionnelle de la fédération de tennis

1.2. Les premiers clubs de tennis réservés à l’aristocratie

Au début du 20ème siècle, le tennis est largement répandu sur tout le territoire national, mais il reste réservé aux gens de bonne société :

« les accessoires, le cadre de la pratique et l’allure de ses pratiquants (…) font du tennis (à côté du golf, du ski et des bains de mer) un signe de distinction sociale »443. Le tennis est comme le golf, le tir ou le polo, un sport noble « ouvert à un monde choisi »444. La diffusion du tennis dans la première moitié du 20ème siècle se fait de manière sélective. C’est à l’occasion des vacances qu’ils viennent passer notamment sur la côte dieppoise mais aussi à Biarritz, à Cannes ou à Menton que les bourgeois et aristocrates anglais introduisent le tennis

440 Notons également les propositions à titre expérimental de la modification de la troisième manche transformée par un jeu décisif et d’aménagement des tie-breaks dans le but de rendre le jeu plus attractif.

441 Sous le nom alors de « Coupe de la Fédération », la Fed Cup est une réponse à une forte croissance du tennis féminin. Cette compétition est la descendante d’une coupe féminine plus ancienne ; la « Wigtman Cup » née en 1923.

442 Wimbledon, l’US Open, l’Open d’Australie et Roland Garros forment désormais les quatre grands tournois incontournables du grand Chelem.

443 Renaud et Rollan, op. cit., p. 45.

444 Ibid., p. 55.

en France. Ce sont parmi ces gens, note Saint Martin, qu’on trouve les plus « actifs propagandeurs »445 du tennis. C’est à ce moment que naissent les premiers clubs très fermés et sélectifs. Dans les années 1880, on en recense déjà quelques dizaines dont notamment le club de l’île de Puteaux qui rassemble, souligne Waser446, tout ce que le

« bottin mondain » compte de membres prestigieux, adhérents également au Jockey-club et à l’Automobile club. Le tennis n’est pas la seule activité de ces clubs, on s’y retrouve pour discuter, pour s’échanger des services et se distraire entre gens de même condition sociale et partageant un même style de vie. « Lieux de sociabilité, ces clubs sont l’occasion de rendez-vous mondains. Le raffinement de la technique, l’harmonie des gestes, l’élégance des tenues (…) et la courtoisie des échanges sont des qualités par lesquelles se reconnaissent les « fines raquettes » »447. Le sport est vécu comme une démonstration de bienséance où l’effort est maîtrisé et dénué de toute brutalité. « C’est en quelque sorte un jeu dans le jeu où l’objectif n’est ni de démontrer sa compétence technique, ni même de s’imposer comme en témoigne le fait que les joueurs ne comptent pas les points.

Le jeu consiste plutôt à donner l’occasion au joueur le moins fort de se mettre en valeur par des coups réussis involontairement qui surprennent le partenaire en le mettant en difficulté. Le rapport entre les joueurs est ici inversé par rapport à la logique proprement sportive. C’est le plus fort qui se met au niveau du plus faible en lui offrant l’occasion de le dominer, alors que dans la compétition sportive, le plus fort protège son jeu afin de ne pas s’exposer aux agressions du plus faible »448. Veblen, en son temps, avait déjà souligné ce jeu de bienséance qui veut que l’on utilise les arts, les cultures ou les sports pour se montrer et accomplir des exploits qui font la réputation de l’homme de la bonne société cultivant son savoir-vivre. « Fortement imprégné des idées, des mentalités et du système d’habitudes d’un groupe social d’une époque449, le tennis de la bourgeoisie va pourtant se démocratiser (contrairement au golf apparu à la même époque). Ces compétitions en public, ces rencontres sur les plages vont faciliter en partie sa diffusion dans les couches sociales.

En partie car si le tennis se démocratise, il ne touche pas pour autant les classes ouvrières, largement absentes dans ce sport. Et même pour

445 Saint Martin, 1989, p. 27.

446 Waser, 1995.

447 Ibid., p. 16.

448 Ibid., p. 22.

449 Reneaud et Rollan, op. cit., p.13.

les classes moyennes qui se mettent au tennis, le rapprochement avec les classes les plus élevées est loin d’être réel.

Au lendemain de la première guerre mondiale, dans un contexte où la jeunesse doit être sportive, le mouvement ouvrier revendique l’accès du sport pour tous. Il a l’appui de Pierre De Coubertin qui réclame des terrains municipaux ouverts gratuitement. Pourtant, la diffusion du tennis en dehors de l’élite sociale reste peu évidente. « Dans les années vingt, il est très difficile de faire admettre l’ouverture sociale des sports en général, du tennis encore plus »450. Le tennis participe comme bon nombre d’autres sports « au processus global de filtrage, de classement social par le sport »451. L’augmentation du temps libre, déjà effectuée en 1919 (la journée de travail passe à huit heures et la semaine de travail à quarante-huit heures ), est à nouveau à l’ordre du jour sous le Front populaire. C’est la semaine de quarante heures et les quinze jours de congés payés. Ces nouvelles conditions de vie vont faciliter le processus général de diffusion des sports. Si le tennis notamment est de plus en plus prisé par les classes moyennes, les classes populaires se passionnent davantage pour le football, le cyclisme, la boxe ou la gymnastique. Les politiques publiques et notamment municipales sont pour beaucoup dans ce processus de vulgarisation du tennis en permettant de réduire le coût de la pratique.

Mais l’acteur public n’est pas le seul à favoriser la démocratisation du sport. Le rôle des patronages catholiques affiliés à la Fédération Gymnastique et Sportive des Patronages de France (FGSPF) créée en 1898 et des écoles libres affiliées à l’Union Générale et Sportive de l’Enseignement Libre (UGSEL) créée en 1908 est aussi considérable.

De l’aristocratie, on passe à la haute et moyenne bourgeoisie puis c’est le tour des employés et des ouvriers. Le tennis classé par Bourdieu parmi les sports chics va peu à peu s’ouvrir et contribuer à renforcer le rôle de la fédération chargée de le gérer. Comme le note Saint Martin, c’est à mesure qu’arrive une clientèle plus diversifiée et surtout de plus en plus populaire que « la plupart des aristocrates s’en excluent ou sont exclus, y compris des fonctions de dirigeants ou de présidents de sociétés dans lesquelles pourtant ils tendent à rester plus longtemps »452. Pourtant, si la démocratisation du tennis semble attestée, il reste qu’elle apparaît aujourd’hui encore inachevée. La différenciation persiste mais sous des formes différentes. Comme le

450 Ibid., p. 62.

451 Ibid., p. 17-18.

452 Saint Martin, op. cit., p. 28.

note Waser, les effets de la diffusion du tennis dans les couches sociales « semblent davantage repérables au niveau des modalités de pratique : les groupes se démarquant les uns des autres en s’appropriant une façon de faire, une manière d’être, un type de langage, un lieu, etc. »453. Le tennis est certes pratiqué par tous mais le processus de différenciation sociale reste fort encore aujourd’hui et l’étude sociologique des dirigeants nationaux va d’ailleurs le confirmer.

Ainsi, le développement du tennis se caractérise par une croissance d’abord contenue dans quelques clubs très fermés réservés à l’aristocratie et à la grande bourgeoisie. Cultivant les traditions et les bonnes manières, les missions de ces organisations locales sont de rassembler des personnes de mêmes conditions sociales et partageant les mêmes styles de vie. Ces organisations, porteuses d’une idéologie forte, réservent l’accès à des personnes répondant à une même préoccupation de distinction sociale et dont les intérêts sont convergents et les profits similaires. L’activité tennistique comme celle équestre représentent alors un loisir très apprécié où le but n’est pas de gagner ou de montrer sa force physique mais bien davantage de savoir se mouvoir avec grâce et élégance. Comme le dit Bourdieu, le tennis à ses origines « doit sans doute une part de son intérêt (…) aux profits de distinction sociale qu’il procure »454. Ce n’est que progressivement que le tennis va connaître un essor dans les couches sociales de plus en plus populaires. L’apparition du tennis sur les côtes françaises (à Dinard ou à Cannes) puis en région parisienne s’inscrit, donc, de notre point de vue, dans la première étape du cycle de vie de l’organisation fédérale alors naissante qui n’obtiendra son autonomie qu’un peu plus tard à l’issue d’un conflit qui l’opposera à l’USFSA.

1.3. Les débuts de la sportivisation du lawn tennis : La

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