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L’approche par l’acteur

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Conscients des limites d’une approche trop globale par la seule prise en compte des caractéristiques organisationnelles, des chercheurs vont adopter une approche plus stratégique en étudiant les rapports de coopération mais aussi d’opposition entre les acteurs dirigeants, ceux élus investis des fonctions politiques, ceux gestionnaires exerçant des fonctions administratives et ceux techniciens exerçant des fonctions techniques. Encore aujourd’hui, cette perception du monde associatif à travers le pouvoir exercé notamment par les bénévoles et les stratégies visant à le conserver est en général mal reçue par le milieu associatif prônant le désintéressement et le dévouement à la chose sportive.

Yerles64 analyse les stratégies et motivations de deux groupes de dirigeants, les élus et les techniciens dans deux fédérations françaises et deux fédérations québécoises de tennis et de volley-ball. L’auteur montre ainsi que les fédérations ne sont pas monolithiques et que les stratégies développées par les groupes d’acteurs ne sont pas

63 Chantelat, 2001, p. 320.

64 Yerles, 1984.

nécessairement les mêmes. Ces stratégies sont davantage des stratégies d’opposition entre des groupes d’intérêt divergents.

Chifflet65 va s’inspirer des travaux de Crozier et de Bernoux pour analyser les jeux de pouvoirs dans les fédérations sportives et leurs logiques de fonctionnement. Il définit trois types de « culture organisationnelle » : la culture associative des élus s’appuyant sur l’esprit fédéral, la culture de service public des cadres fonctionnaires mis à disposition par l’Etat et la culture managériale de la méritocratie, de la performance et de la rentabilité des managers et des experts. L’auteur note que dans les discours des dirigeants fédéraux apparaissent ces trois types de culture mais que c’est la dernière qui pose le plus de problème car elle privilégie le spectacle et la professionnalisation. Malenfant66 note que l’engagement bénévole n’est pas près de disparaître malgré les prédictions qui annoncent la fin du travail volontaire, simplement, il se modifie et se professionnalise. Pour cet auteur, les formes nouvelles que prend le travail volontaire indiquent l’émergence d’un « néo-bénévolat » et de

« nouvelles formes de sociabilités sportives »67. Cauvin souligne l’opposition entre la logique du politique et celle du gestionnaire qui

« entraîne souvent l’émergence d’un combat idéologique »68. Ramanantsoa et Thiéry-Baslé établissent un diagnostic des fédérations sportives sur leurs stratégies, leurs structures, leurs modalités de prises de décision et leurs valeurs culturelles. Les auteurs émettent l’hypothèse que si les fédérations sont fortement attachées à une idéologie associative, les enjeux économiques sont devenus aussi importants qu’incontournables. Dans ce rapprochement de l’association et de l’entreprise, les fédérations connaissent « un nouvel état des rapports sociaux (et) ceci passerait par la recherche d’une autre modalité d’action collective apte à se reconnaître tout aussi managériale qu’associative »69.

Moingeon propose une approche socio-économique pour aborder la fédération sportive prenant en compte à la fois la portée économique des individus mais aussi celle stratégique des acteurs. Il observe que les processus électoraux dans la fédération des sports de glace procèdent de « filtres électifs » permettant de réduire l’imprévisibilité des résultats. Il observe également l’utilisation par les dirigeants de

65 Chifflet, 1989.

66 Malenfant, 1988.

67 Ibid, p. 239.

68 Cauvin, 1989, p. 153.

69 Ramanantsoa et Thiery-Baslé, op. cit., p. 16.

« mécanismes de prise de décision de façon « tactique »70 pour détourner le jeu démocratique à leur avantage. Il reprend la grille de lecture des organisations utilisée par Ramanantsoa et Thiéry-Baslé pour montrer que la structure de l’organisation laisse apparaître une lutte d’influence entre les comités sportifs qui la composent. Il note que, de tous les comités sportifs, le hockey est le mieux doté, c’est là qu’il y a le plus de chefs d’entreprise tentés par une gestion autoritaire de la fédération et le plus de professionnels. C’est aussi ce comité qui détient le plus de postes au comité directeur, lequel a en réalité peu de pouvoir face à des comités sportifs bien plus autonomes que le laisse supposer l’organigramme formel. Pour Suaud, le pouvoir tend à être monopolisé par un groupe social dirigeant qui investit les postes de direction « à partir desquels il (est) possible d’agir concrètement sur les formes à donner à la pratique et d’imposer des valeurs et des significations sportives conformes à leur ethos de classe »71. Rundstadler72 s’intéresse à six clubs de tennis de Grenoble. Il constate que le monolithisme fédéral impose aux clubs un modèle compétitif qui apparaît paradoxal alors que le nombre de structures commerciales augmente. L’esprit club, note-t-il, a disparu. S’inspirant des travaux de Chifflet, il analyse les clubs de tennis à partir de trois approches différentes mais complémentaires : celle systémique prend en compte la structure formelle mais aussi informelle de l’organisation, celle stratégique considère les stratégies des acteurs de l’organisation (l’auteur distingue des logiques d’actions différentes entre les dirigeants et les moniteurs. Pour lui, les dirigeants présentent quatre types de logiques d’actions : celle associative, celle entrepreneuriale, celle environnementale et celle professionnelle alors que les moniteurs s’inscrivent dans une logique d’action essentiellement professionnelle qui peut être associative ou fédérale), enfin celle interactionniste (inspirée de Goffman73 sur les jeux de mise en scène des acteurs) permet à Rundstadler de décomposer les formes d’appropriation de l’espace des moniteurs, leurs rites et leurs façons de se présenter et se représenter. L’objectif de l’auteur est de montrer que les dirigeants et les moniteurs forment des groupes d’acteurs dont les intérêts sont certes différents, voire opposés, mais dont le but est commun et les rejoint : celui de développer l’association (ces logiques d’action des dirigeants de Rundstadler peuvent être d’ailleurs rapprochées de celles

70 Moingeon, 1991, p. 239.

71 Suaud, 1996, p. 30.

72 Rundstadler, 1999.

73 Goffman, 1973.

de Bayle distinguant l’association fermée, l’association entreprise de services marchands et l’association gestionnaire de service public).

Loirand note que les bénévoles constituent souvent « une administration de notables »74 (au sens weberien du terme, c’est-à-dire des individus qui jouissent d’une estime sociale importante). Il souligne, à la suite de Bourdieu, que les actes accomplis par les agents sociaux ne sont jamais gratuits. La professionnalisation notamment de l’encadrement technique constitue une menace pour le pouvoir (qu’il qualifie de patrimonial) exercé par les bénévoles dirigeants. Pour cet auteur, le système d’élection dans les associations sportives est un

« système circulaire d’élection cooptation (consistant) à entretenir le bénévolat ou, mieux, l’ethos bénévole »75 et à se préserver de l’influence grandissante des techniciens professionnels. D’ailleurs, en avril 2000, le rapport « Asensi » (du nom du Député François Asensi, mandaté par le premier ministre et le ministre de la jeunesse et des sports76) insistera sur la nécessité d’améliorer la démocratie sportive fédérale notamment dans la désignation des représentants des assemblées générales des fédérations. Les propositions de ce député conduiront le législateur à modifier la loi sur le sport. S’inspirant des travaux de Bourdieu, Walter77 veut étudier les logiques de l’engagement bénévole dans les associations et établir une

« homologie structurale » entre la trajectoire sociale du bénévole (PCS, position sociale, capital sportif) et la logique qu’il donne à son engagement bénévole. Pour elle, il n’y a pas un esprit bénévole, un corps de valeurs et de moralité propre au bénévole mais en réalité plusieurs « illusio » ou représentations de la signification donnée à l’engagement bénévole78. Walter établit deux types de positions du dirigeant bénévole : celle centrale et celle périphérique. La position centrale correspond au bénévole détenant le plus de pouvoir (président, membre du comité directeur) et concerne surtout les PCS supérieures. Ce bénévole rejette la professionnalisation et revendique son attachement à l’amateurisme et au « sens des responsabilités collectives »79. La position périphérique (encadrant, animateur) concerne davantage les PCS moyennes et intermédiaires. Les

74 Loirand, 2001, p. 278.

75 Ibid., p. 279.

76 Rapport Asensi, « Rapport et proposition pour une réforme des statuts des fédérations sportives », avril 2000.

77 Walter, 2001.

78 Pour Bourdieu, l’illusio, c’est le fait de s’investir dans le jeu et d’accorder de l’importance à un jeu social (cf. Bourdieu, 1994, p. 151).

79 Walter, op. cit., p. 272.

bénévoles ont un intérêt plus personnel dans leur engagement, « dans le sens où ils ne se définissent pas prioritairement en fonction de l’intérêt collectif du club »80. En d’autres termes l’espace associatif n’est pas isolé et différent des autres espaces sociaux composant la société.

La grande diversité en peu de temps des études sur les organisations sportives s’explique par le fait que l’organisation sportive n’échappe pas plus que les autres organisations aux phénomènes de pouvoir et aux problèmes de son adaptation à un environnement évolutif. C’est pourquoi les apports considérables de la sociologie des organisations doivent nous aider à comprendre l’organisation sportive, et pour ce qui nous concerne plus particulièrement, celle fédérale à travers ces processus de bureaucratisation et de professionnalisation et à travers les formes de relations qui s’établissent entre les bénévoles, les amateurs et les professionnels.

Chapitre 2. De l’amateur au professionnel, un bénévolat fédéral

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