• Aucun résultat trouvé

La professionnalisation du mouvement équestre

Dans le document Td corrigé TABLE DES MATIERES pdf (Page 138-143)

Figure n° 5 : Les stratégies et tensions entre les trois courants équestres

Chapitre 2. La professionnalisation des dirigeants bénévoles de la FFE, du lien amateur au lien professionnel

2. Du professionnalisme au bénévolat, une trajectoire identitaire ambivalente des dirigeants du poney

2.3. La professionnalisation du mouvement équestre

402 Entretien n° 3.

403 Entretien n° 4.

404 Entretien n° 3.

Si la comparaison entre le courant poney et le courant cheval montre une très nette différence dans leur perception pédagogique et utilitaire de l’activité, il est possible également d’opposer les deux visions dans leur organisation administrative. L’originalité du mouvement poney (d’où il puisera sa force) est de mettre en place un service de prestations visant à favoriser le développement des centres équestres organisés sous forme commerciale. Cette organisation de l’activité poney ne peut être anodine. Elle s’inscrit dans un processus général d’évolution des sports s’orientant vers une plus grande reconnaissance de la professionnalisation du secteur équestre405. La multiplication des structures équestres commerciales est l’une des illustrations de cette professionnalisation du milieu équestre. Comme le relate un de nos interviewés et acteur de cette professionnalisation, certains dirigeants de l’époque prennent conscience qu’une évolution est nécessaire : « il faut arrêter de nous considérer comme des bénévoles, on est des pros et on va gérer le Poney Club comme si c’était notre centre équestre »406.

Pour autant, il ne faut pas croire que la professionnalisation des centres équestres n’a concerné que ceux proposant des activités poney et tourisme. Ce sont tous les courants équestres, et même le courant des sports équestres à cheval pourtant attaché à la gestion sous forme associative, qui vont connaître la professionnalisation de leurs activités à travers la transformation de leurs clubs en sociétés commerciales407. Si la fédération, en tant qu’association délégataire d’une mission de service public, ne peut reconnaître que des associations parmi ses composantes nationales, régionales et départementales408, cela n’empêche nullement que ces délégations acceptent en leur sein des organismes commerciaux. C’est ce qui va se faire. La fédération comptabilise dès lors de plus en plus de sociétés commerciales parmi ses affiliés et ce phénomène touche les trois courants équestres et s’amplifie jusqu’à inverser le rapport entre

405 La mise en place de la convention collective du personnel des centres équestres en 1975 (la première dans le sport suivie par le football en 1983 et le golf en 1995) ainsi que la constitution d’une commission paritaire (la Commission Paritaire Nationale de l’Emploi des Entreprises Equestres) en 1996 ne sont pas anodines et témoignent de la professionnalisation précoce de ce secteur.

406 Entretien n° 5.

407 Notons qu’il existe différents types de sociétés parmi les établissements équestres.

On compte l’établissement en nom propre, la société à responsabilité limitée (SARL), l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL), la société anonyme (SA), la société par action simplifiée (SAS) ou encore la société en nom collectif (SNC).

408 Article premier des statuts de la FFE du 25 avril 1987.

structures associatives et structures commerciales. Pour l’année 1997, la répartition entre structures associatives et structures commerciales est ainsi la suivante : pour la délégation cheval, respectivement 664 et 1324, pour la délégation poney, 455 et 1170 et pour la délégation tourisme, 350 et 808. Au total, cette répartition est d’un tiers, deux tiers, la délégation cheval comptant 66 % de structures commerciales, la délégation poney 65 % et la délégation tourisme 67 %409.

Ce n’est donc pas la proportion d’établissements équestres commerciaux parmi l’ensemble des centres équestres affiliés à leur délégation respective qui peut distinguer les trois courants équestres mais davantage, de notre point de vue, leur considération par les dirigeants nationaux. Il semble bien que les professionnels équestres vont être différemment valorisés selon leur courant d’appartenance et c’est bien dans celui du poney qu’ils vont trouver la place qu’ils souhaitent et commencer à peser sur les stratégies fédérales410. Comme le souligne Pascal Marry dans une note de 1997 où, relevant que bon nombre d’associations affiliées à la délégation cheval sont des

« associations paracommerciales contraintes à la compétitivité », il constate que « les dirigeants de ces établissements sont écartés des responsabilités, mais ne peuvent être insensibles indéfiniment aux évolutions de l’environnement et à la logique de l’entreprise »411. Si,

409 Annuaire 1999 ECUS UNIC et la lettre fédérale n° 3 du 26 janvier 1999.

410 Notons d’ailleurs que les statuts de la délégation poney de 1994 précisent ainsi que l’association se compose de groupements équestres affiliés qui peuvent être des personnes physiques ou morales exploitant un poney club ou des associations d’individuels ; pour ce qui est des membres de l’assemblée générale, ils sont élus directement par les groupements affiliés selon les dispositions suivantes : « L’assemblée générale se compose des représentants des groupements équestres affiliés ou de leur mandataire, (…) Chaque groupement équestre affilié dispose d’un nombre de voix déterminé par le nombre de licences qu’il délivre : 1 licence = 1 voix ». Il apparaît ainsi que la représentativité des établissements commerciaux au sein des courants équestres n’est pas la même. Si elle est particulièrement forte dans la délégation poney, c’est parce que l’élection des membres de l’assemblée générale de la délégation poney se fait selon un processus démocratique direct sans intermédiaires, qui garantit de ce fait à tous les dirigeants de centres, que ces centres soient associatifs ou commerciaux, la possibilité de s’exprimer par les urnes, c’est aussi parce que les dirigeants de cette dernière ont la particularité d’être ou d’avoir été des professionnels, enseignants et directeurs de centre équestre. C’est probablement là une différence essentielle entre eux et les dirigeants du cheval (pour qui les représentants nationaux sont élus par les grands délégués présidents de clubs, de comités départementaux et/ou régionaux de forme associative). A travers cela, ce sont deux logiques difficilement conciliables : celle associative et celle professionnelle.

411 Note de Marry P. du 15 avril 1997 portant sur la situation des activités équestres (archives fédérales). Ces établissements ne pouvant voter à la délégation cheval en raison de leurs statuts, le seul moyen qu’ils trouvent pour s’exprimer est alors de fonder

pour le ministère des sports, seule une modification législative « pour l’instant hypothétique » peut permettre « d’ouvrir dans des conditions qui restent à déterminer la possibilité pour les établissements sportifs professionnels de participer directement à la désignation des organes dirigeants des fédérations »412, si, pour le président de la fédération de l’époque, l’organisation associative et pyramidale du sport fédéral,

« c’est une réalité » à laquelle il faut continuer de se conformer413, force est de constater que cette position juridique et idéologique va de moins en moins correspondre à la réalité du terrain. En outre, bien que les chiffres démontrent que la professionnalisation de l’équitation touche l’ensemble du mouvement équestre, nous pensons que ce clivage entre le mouvement associatif et le mouvement professionnel se situe moins à la base de la pyramide fédérale qu’à son sommet. Il apparaît même que les conflits entre les sensibilités sportives vont concerner davantage les dirigeants politiques nationaux que les responsables locaux confrontés à des difficultés matérielles et financières qui dépassent le cadre idéologique. La variété des situations et expériences des dirigeants peut fournir une explication aux incompréhensions et tensions qui en résultent. Si, comme nous l’avons abordé précédemment, les dirigeants cheval ont plutôt eu la charge de gérer bénévolement des structures équestres associatives, les dirigeants du poney et du tourisme ont plutôt eu la responsabilité d’exploiter en tant que professionnels des établissements équestres commerciaux (cela concerne 44 % des dirigeants poney et 53 % des dirigeants tourisme parmi ceux qui gèrent ou ont géré un établissement équestre).

Soulignant une « vraie dichotomie »414 entre des structures de moins en moins associatives et des structures de plus en plus commerciales, un de nos interviewés et ancien salarié de la fédération, justifie cette évolution vers la professionnalisation par le besoin de rentabiliser une activité qui coûte cher. Il compare le mouvement poney à « une société de service pour ses affiliés415. Pour lui, les structures équestres

des associations écrans qui leur donnent une légitimité au sein de la fédération.

412 Lettre du directeur des sports du ministère de la Jeunesse et des Sports du 12 décembre 1996 adressée au président de la FFE (archives du ministère). Notons que le projet de loi en cours d’étude devant modifier la loi sur le sport de 1984 prévoit d’autoriser les représentants des établissements commerciaux à siéger dans les instances dirigeantes de leur fédération à hauteur d’un pourcentage maximal qui reste à déterminer (probablement 20 %).

413 Lettre du président de la FFE au président de la DNEP du 13 décembre 1996 (archives fédérales).

414 Entretien n° 4.

415 Ibid.

sont des « lieux de profit d’entreprises (…) qui elles-aussi sont confrontées à la loi économique où un cheval, de toute manière, doit gagner sa pitance pour survivre, même en terme associatif il y a automatiquement nécessité de rentabiliser l’activité autrement elle meurt »416. Il ne fait pas de doute que la logique économique des responsables du poney, composés de directeurs de centre équestre et d’enseignants d’équitation tirant leurs ressources du monde équestre, va servir les intérêts des établissements commerciaux. L’organisation poney va devenir en peu de temps une société au service de ses adhérents, avec des procédures administratives simplifiées au maximum pour répondre au plus vite à leurs membres. Il s’agit alors

« de simplifier au maximum tout ce qui est administratif, donc, des démarches plutôt faciles, un fonctionnement plutôt facile, que ce soit pour le passage des examens ou pour la prise de licences, (…) et au niveau de la pratique, (il s’agit) de faire en sorte de proposer des produits attrayants qui puissent attirer vraiment le plus grand nombre et adaptés bien sûr au public jeune »417. Il s’agit alors de faciliter et d’encourager le fonctionnement des nouveaux centres équestres constitués sous forme commerciale et entrepreneuriale. Face aux sports équestres à cheval où les relais départementaux et surtout régionaux alourdissent considérablement la machine administrative, le mouvement poney va rechercher l’efficacité en réduisant le plus possible les procédures administratives ascendantes et descendantes.

« Le Poney Club, nous raconte un ancien responsable, devient une sorte de mouvement organisé qui rassemble les entreprises commerciales »418. Les gérants d’entreprises équestres voient un mouvement qui leur ressemble : « il fonctionne comme nous, parce qu’il est sur le même domaine que nous, il est sur le problème de la rentabilité »419. Le mouvement poney se met au service des professionnels en centralisant toutes les demandes, en simplifiant les relations avec les affiliés, en simplifiant les relations entre la base et le siège national, en réduisant le plus possible les délais de traitement.

Pour illustrer ces propos, nous pouvons relater cette anecdote rapportée par un responsable du ministère des sports : « je me souviens de cette bagarre où la DNSE n’était pas foutue de sortir une licence en moins de trois semaines ou un mois. (…). Alors qu’on était arrivé avec le patron d’ici, à une assemblée générale, (le président de

416 Ibid.

417 Entretien n° 2.

418 Entretien n° 5.

419 Ibid.

la DNEP) nous avait demandé notre nom, notre prénom et notre date de naissance et il nous avait sorti une licence comme ça dans les cinq minutes, (…) pour bien montrer à tout le monde qu’ils étaient performants, et donc les professionnels ont beaucoup aimé ça, et c’est ça qui a fait la montée de l’équitation sur poney »420. La préoccupation des professionnels étant de rentabiliser leur activité, il leur faut diversifier la clientèle et la fidéliser. Alors que le mouvement fédéral connaît une baisse générale de ses licenciés et un taux d’abandon très important (on peut se référer sur ce point aux travaux de Vérène Chevalier et à son application du diagramme de Lexis sur la population des cavaliers421), les dirigeants des centres équestres vont se soucier beaucoup plus de satisfaire leurs clients et de les garder que de s’acquitter des contraintes administratives imposées par l’institution fédérale. Cette stratégie est une nécessité pour tous ces centres équestres exposés à des frais de fonctionnement et d’entretien des chevaux très importants. Le but est d’adapter l’offre à la demande et donc d’adapter au plus vite l’outil pédagogique à des pratiquants de plus en plus jeunes. Il s’agit « de ne plus traiter le client comme une recrue devant tenir à cheval mais comme un client qu’il faut conserver au sein de la structure »422. Le but en définitive, c‘est « de faire venir du monde à l’équitation et de fidéliser la clientèle »423.

2.4. Une identité d’enseignants professionnels en équitation

Dans le document Td corrigé TABLE DES MATIERES pdf (Page 138-143)

Outline

Documents relatifs