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Les institutions équestres et le poids particulier de l’histoire L’histoire de l’institutionnalisation fédérale de l’équitation, que nous

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Chapitre 1. L’histoire politique et institutionnelle de la fédération d’équitation

4. Les institutions équestres et le poids particulier de l’histoire L’histoire de l’institutionnalisation fédérale de l’équitation, que nous

avons brièvement relatée ci-dessus, n’est qu’une partie de la grande histoire du cheval. Si cette épopée lègue un patrimoine très riche qu’il convient de préserver car il fait le prestige et l’identité de l’institution, ce patrimoine historique peut aussi se révéler très lourd lorsqu’il s’agit de réaliser les changements nécessaires dans un environnement économique et culturel qui se transforme.

4.1. Des cultures équestres cloisonnées

A travers la chronique historique que nous avons retracée précédemment, nous voyons apparaître assez distinctement des

« blocs » matérialisés par chacun des courants équestres et dont les rapports entre eux sont des rapports pour le moins difficiles. Pour mieux identifier le cadre général dans lequel se positionnent ces blocs en interrelations, nous avons procédé à une analyse thématique des entretiens exploratoires que nous avons complétée par l’exploitation de quelques informations fournies par nos questionnaires. Cette analyse que nous présentons ci-après permet de confirmer la présence de ces groupes institutionnels relativement autonomes et cloisonnés et présentant leur propre logique interne.

« L’entretien ne constitue pas une fin en soi ( ). Après avoir fait parler l’interviewé, l’enquêteur fait parler le texte par l’analyse des discours »303 Pour analyser les entretiens exploratoires et pour « les faire parler », nous avons préféré recourir au résumé et à l’analyse thématique en recherchant à la fois une « cohérence singulière » de chacun des entretiens mais aussi ensuite une cohérence transversale, ce que les auteurs précédemment cités appellent « une cohérence thématique inter-entretiens »304. Notre intention est de mieux identifier les principaux groupes d’acteurs que l’analyse précédente a plus ou moins mis en évidence. Nous avons donc construit une grille de lecture qui est pour nous un outil explicatif constitué de quelques grands thèmes permettant de faire émerger les idées fortes émanant de chaque entretien. Sur l’axe vertical, nous avons inscrit les thèmes transversaux et sur l’axe horizontal les blocs ou délégations. Les thèmes que nous avons retenus sont : la structure interne de

303 Blanchet et Gotman, op. cit., p. 91 et 92.

304 Ibid., p. 98.

l’institution, la stratégie des acteurs, l’identité des dirigeants et enfin le processus de prise de décision. Au croisement des deux axes figurent les extraits d’entretiens significatifs appelés « unités de signification » qui constituent les informations collectées nous semblant essentielles et pertinentes. On constate ainsi, à partir de l’analyse longitudinale et transversale des entretiens exploratoires, que les rapports de force se situent essentiellement entre le courant cheval et le courant poney qui entretiennent entre eux des rapports de concurrence. Le courant du tourisme équestre n’exerce au fond qu’une faible influence et la FFE n’a (en tout cas jusqu’à sa grande réforme de 1999) que peu de pouvoir.

La présence de ces blocs relativement cloisonnés peut être d’ailleurs confirmée par le recueil de quelques données rapportées par les questionnaires (pour la présentation de ces derniers, voir l’introduction du chapitre 2). La question n° 5 de notre questionnaire portait sur les affinités que les dirigeants ont ou n’ont pas avec une série d’institutions énumérées. Nous leur demandions de mettre + dans la case correspondant à une institution s’il avait plutôt des affinités avec celle-ci ou de mettre – dans le cas contraire. Dans les réponses relevées, les dirigeants au sein d’un même courant montrent sans conteste qu’ils n’ont pas d’affinités avec ceux des autres courants.

Ainsi, les dirigeants du cheval ont des affinités avec l’assemblée générale, le bureau et surtout le comité directeur de la délégation cheval, et également avec le comité cheval et le comité compétition qui ont remplacé depuis la délégation. Mais ils sont plus de 90 % à n’avoir aucune affinité avec les composantes poney et tourisme. Les dirigeants du poney ont des affinités avec les instances du poney mais eux aussi, de la même manière que les dirigeants cheval, n’en ont que très peu avec les deux autres courants. Il en va de la même manière avec les dirigeants du tourisme. Cela montre que les dirigeants fédéraux, s’ils ont des affinités avec les institutions qui régissent leur courant équestre d’appartenance, n’en ont pratiquement aucune avec les institutions des autres courants. Cela confirme l’idée que chaque courant tend à rester cloisonné au sein d’une fédération qui ne présente pas d’unité réelle. C’est d’ailleurs un constat d’échec que font nos interviewés : « On a essayé de faire trois sous-familles, sport équestre, tourisme équestre, poney et travailler ensemble et on s’aperçoit que les trois restent parfaitement cloisonnées, les gens n’arrivent pas à travailler, à travailler ensemble »305. Ainsi, qu’ils

305 Entretien n° 2.

aient connu l’organisation équestre avant 1999 ou après, il apparaît assez distinctement qu’hier comme aujourd’hui les dirigeants de la fédération restent très attachés au mouvement équestre dans lequel ils ont évolué et ne semblent pas développer beaucoup d’affinités qu’avec leurs homologues des autres composantes. Si, par ailleurs, on considère les réponses en terme d’affinité pour l’ensemble des institutions énumérées dans notre questionnaire, il est intéressant de noter l’existence de liens d’un côté entre le courant cheval et les Haras nationaux306 et de l’autre côté entre le courant poney et le Groupement Hippique National307. Ainsi, il en ressort que les dirigeants du mouvement cheval, dont on verra qu’ils s’inscrivent davantage dans la tradition sportive, se sentent proches (pour près de 60 % d’entre eux) du monde de l’élevage, des courses et de la compétition alors que les dirigeants du poney, qui sont (nous le verrons aussi) plutôt des professionnels vivant de leur activité équestre, déclarent avoir des affinités (à 95 %) avec le monde syndical.

4.2. Stratégies et tensions entre groupes d’intérêt308

A partir de l’analyse des entretiens exploratoires, nous pouvons tenter une synthèse présentée ci-après et dont l’objectif est de mettre en évidence les zones principales de tension entre des courants équestres autonomes formant, au premier abord, des blocs relativement homogènes réunis en leur sein par une « solidarité d’intérêts »309. Il s’établit entre ces blocs des rapports de forces plus ou moins équilibrés à partir desquels se construisent les jeux de pouvoirs.

A ce stade de notre étude, les informations collectées par les recherches documentaires et les entretiens exploratoires nous conduisent à faire les propositions suivantes : Premièrement, il apparaît que la FFE détient, malgré les apparences, des pouvoirs étonnamment faibles (en tout cas jusqu’à ce que soient votés ces

306 Les haras nationaux ont pour mission de réglementer et de réguler l’élevage et les courses de chevaux.

307 Le GHN, créé en 1969 et dénommé depuis 1998 Fédération des Etablissements Equestres de France (FEEF), est avant tout un groupement professionnel, chargé de fédérer et représenter les établissements équestres de tous statuts juridiques. Il est composé des employeurs, des personnels de l’enseignement et des cadres gestionnaires (sources : Statuts adoptés le 4 décembre 1998 et site internet du GHN).

308 Pour rappel, Offerlé définit le groupe d’intérêts comme un collectif d’individus

« par lesquels les « intéressés » sont rassemblées et « intéressés » à leurs intérêts » (Offerlé, 1998, p. 44).

309 Nous avons emprunté cette expression à Max Weber (1921) 1971, p. 347.

nouveaux statuts en 1999) la rendant peu capable de construire une politique fédérale unitaire. Plus encore, il semble justifié de dire que la FFE, jusqu’en 1999, c’est essentiellement la DNSE, c’est essentiellement le courant cheval tant ce dernier apparaît occuper (tout au moins au début) une place hégémonique au sein de la fédération.

Deuxièmement, pour le courant du tourisme équestre, sa position reste marginale et, semble-t-il, voulue comme telle par ses représentants.

Elle fait partie institutionnellement de la FFE mais semble marquer son peu d’intérêt à ce qui se passe. De ce fait, elle ne nous intéresse que peu partant du fait qu’elle joue un rôle à priori mineur dans les conflits qui vont secouer régulièrement la fédération. Restent, troisièmement, les deux autres courants de l’équitation qui, au vu des entretiens exploratoires, vont retenir toute notre attention. Les forces en présence vont rechercher soit la centralisation, soit la décentralisation des pouvoirs selon les intérêts des acteurs en présence. Il nous semble que la stratégie des dirigeants du cheval va viser davantage à rechercher la fusion tant qu’ils sont majoritaires dans la fédération en appuyant leurs arguments sur les dispositions du législateur. Le développement du sport loisir les oblige à accélérer cette fusion fédérale car le facteur temps est en leur défaveur. Puis, face à l’impossibilité de parvenir à la fusion des composantes, il semble que le pouvoir, déjà fortement représenté au niveau régional, se soit renforcé plus encore au sein des anciennes ligues cheval représentant la tradition sportive. Ce processus de décentralisation trouve une légitimité, aux dires de ceux qui le revendiquent, par le besoin de se rapprocher des préoccupations des clubs et de leurs licenciés, par le besoin aussi de s’opposer à la logique économique que défendent les dirigeants du poney. A l’opposé, la stratégie des dirigeants poney va consister à développer la professionnalisation de l’activité équestre en encourageant l’adhésion des structures commerciales et en préférant « jouer la montre ». Ses dirigeants affirment leur légitimité à représenter une grande partie des pratiquants de loisirs équestres, pour qui la compétition n’est pas une priorité essentielle et encore moins une finalité. L’évolution des licences leur garantit une représentation de plus en plus forte dans les instances nationales et incite les dirigeants du poney à retarder le plus longtemps possible la fusion. La figure ci-après est une représentation simplifiée des relations existant entre les composantes de la fédération. Si le courant cheval développe plutôt une stratégie de la fusion tant qu’il est majoritaire, le courant poney opte avant tout pour une stratégie de la croissance par la reconnaissance des professionnels.

Quant au courant tourisme, il préfère la stratégie de la non participation en cultivant sa différence.

Figure n° 5 : Les stratégies et tensions entre les trois

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