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Les organisations non gouvernementales (ONG)

a) Définition

Le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a reconnu en octobre 2007 — dans la Recommandation (2007)14 — "la contribution essentielle qu'apportent les organisations non gouvernementales (ONG) au développement et à la réalisation de la démocratie et des droits de l'homme, en particulier à travers la sensibilisation du public et la participation à la vie publique, en veillant à la transparence et à la nécessité de rendre compte pour les autorités publiques".

Cette recommandation donne des ONG la définition suivante : "Les ONG sont des entités ou organisations autonomes volontaires créées pour réaliser les objectifs essentiellement non lucratifs de leurs fondateurs ou adhérents" (OING, 2009).

Le Code de bonne pratique pour la participation civile au processus décisionnel (OING, 2009), adopté par la Conférence des organisations internationales non gouvernementales (OING) du Conseil de l'Europe, utilise le terme pour "faire référence à la société civile organisée, englobant les groupes de bénévoles, les organisations à but non lucratif, les associations, les fondations, les œuvres de bienfaisance, ainsi que les mouvements associatifs et militants d'une communauté géographique ou d'intérêts." Cette nouvelle définition affirme clairement l'équivalence "société civile organisée" et "ONG". Ce faisant, elle soulève la question de la distinction entre société civile et ONG, que nous reprendrons dans la dernière partie.

Dans son livre blanc sur la gouvernance européenne, la Commission européenne (2001) donnait aussi un rôle particulier aux églises et communautés religieuses, parties prenantes de la société civile organisée mais dont la contribution est dite "spécifique".

REPERE est particulièrement concerné par les ONG environnementales, vers lesquelles nous avons logiquement orienté notre analyse.

b) Typologie des ONG environnementales

La sociologue américaine Sheila Jasanoff (1997) constate que le terme d'ONG peut être appliqué en principe à une gamme immense d'acteurs de l'environnement, des coalitions minuscules et issues de la base ("grassroots") pour la protection de la nature ou la défense de victimes de pollutions, aux organisations multinationales bien dotées, matures et expertes techniquement qui possèdent de nombreuses caractéristiques des bureaucraties d'État, mais sans

leur obligation politique à rendre des comptes ("political accountability"). Ces ONG environnementales peuvent se décrire par un ensemble de cercles concentriques (Conca, 1995) :

• au centre, une poignée d'organisations véritablement transnationales comme Greenpeace, Friends of the Earth et le WWF ; ainsi qu'un petit nombre de think tanks2 et réseaux internationaux d'ONG sur l'environnement comme le World Resources Institute (WRI), le Worldwatch Institute, le Third World Network et l'International Institute for Environment and Development (IIED)

• un deuxième cercle composé d'une centaine d'organisations présentes dans les forums internationaux ou capables d'opérer à l'international

• un cercle extérieur comprenant un ensemble croissant d'ONG environnementales locales, régionales ou nationales qui bénéficient d'un accès sporadique aux débats internationaux.

Alors que la littérature spécialisée fait la part belle aux ONG actives politiquement, il ne faut pas non plus oublier les organisations professionnelles, organismes de standardisation, groupes de pression… qui se taillent la part du lion sur le terrain (Raustiala, 1997).

À défaut de trouver une structure commune aux ONG environnementales, leur fonction semble plus facile à établir. Cette fonction est centrée sur le lien entre connaissance et action pour promouvoir des visions spécifiques du bien être social et environnemental, qu'elles portent de trois façons différentes selon Jasanoff (1997) :

critique des cadres de la connaissance environnementale et de la politique de l’État en matière d’environnement (par mise à l’épreuve des démarcations entre science et politique, la mobilisation et inclusion des connaissances locales, la politique des symboles)

élargissement des points de vue ("cultures épistémiques") représentées dans les prises de décision (créant des ponts entre groupes d’intérêt, entre acteurs à différentes échelles, entre science et valeurs)

dissémination de l’information environnementale et transfert de technologies (suppléant le manque de capacité des États dans, par exemple, le monitoring environnemental et la mise en application des politiques nationales et des conventions internationales).

Il faut ajouter également une dimension transversale consistant en l’extension de la participation aux acteurs et populations qui seraient autrement exclus (Jasanoff, 1997).

En ce qui concerne la France, Yves Le Bars et Robert Tibayrenc (2007) rappellent l'exiguïté du monde des ONG : 2000 salariés, 3000 volontaires et 100 000 bénévoles. Le rapport Ferry (2010) avance que "le secteur de la protection de la nature et de l'environnement représente de l'ordre de 1,5 à 3 % du monde associatif selon ce que l'on y inclut". Pour la Fondation sciences citoyennes (2004), c'est la "grande diversité des structures, des objectifs et des pratiques qui caractérise le paysage des ONG "impliquées dans la production d'expertises et de recherches", qu'ils qualifient de "tiers secteur de l'expertise et la recherche

2 Les think tanks, qui apparaissent pour la première fois ici, forment une autre composante importante de la société civile organisée. Mais ce concept n'est pas sans poser des questions, étudiées par un autre pan de la littérature que nous n'avons pas couvert.

associative et citoyenne"3. Malgré sa diversité, le tiers secteur scientifique peut être défini comme un ensemble "d'initiatives émanant de la société civile dans lesquelles des citoyens lambdas, des militants associatifs ou syndicaux (y compris des médecins, ingénieurs et chercheurs portant une expertise dans ce cadre associatif), des usagers (par exemple des malades) et des praticiens (par exemple des agriculteurs) construisent collectivement des connaissances qui sont nécessaires à leurs objectifs citoyens et à leurs existences collectives". Les auteurs ajoutent plus loin que le tiers secteur scientifique s'inscrit pleinement

"par ses valeurs, ses pratiques et ses résultats cognitifs, dans la mouvance plus large de l'économie sociale et solidaire". Ils excluent ainsi des organisations comme l'Association française contre les myopathies "qui a lancé le Généthon, fondé le Génopole, s'inscrit dans une approche scientifique ("tout génétique") et socio-économique (soutien aux start-up privées et au brevetage du vivant) qui ne correspond pas à l'esprit" du tiers secteur scientifique (Fondation sciences citoyennes, 2004).

La Fondation sciences citoyennes (2004) propose une typologie des organisations format le tiers secteur scientifique selon 4 axes :

• en fonction du statut juridique (depuis les associations loi 1901 aux entreprises de service ou cabinets d'avocats militants)

• en fonction du positionnement face à l'État et aux institutions (depuis les structures en opposition forte jusqu'à celles qui participent à certains dispositifs publics)

• en fonction du degré d'implication dans la production des savoirs (depuis les associations qui effectuent des analyses et des recherches jusqu'à celles qui se limitent au travail de dossier, de mobilisation ou d'information)

• en fonction du rapport établi entre non spécialistes et professionnels (depuis la co-production des savoirs par les "profanes" jusqu'à la prestation de service par des "scientifiques professionnels" engagés).

c) L'expertise des ONG et leur légitimité à intervenir

Les ONG généralistes ou spécialisées possèdent "un avantage comparatif dans un ensemble de rôles" (par exemple le plaidoyer, les activités opérationnelles sur le terrain ou le renforcement des capacités des communautés) qui leur confèrent une "plus grande efficacité, emprise sur le terrain et une capacité à encourager une large participation" (Lister, 2003). C'est cette expertise de niche (qu'elle relève de savoirs, de documentation, ou d'expérience) qui les rend légitimes à être "mobilisées comme une ressource par les gouvernements, les médias et les autres acteurs de la société civile" (Collingwood, 2006). Yves Le Bars et Robert Tibayrenc (2007) notent aussi que "la recherche peut tirer parti de la capacité d'influence des ONG et a besoin de leurs capacités intégratrices. Mais il y a des limites à ces relations : les sources de la légitimité ne sont pas les mêmes, et les ONG ne remplacent pas les autorités publiques, les pratiques sont spécifiques."

La redistribution des pouvoirs provoquée par cette légitimisation mais aussi la

"globalisation des marchés et des sociétés ainsi que l'augmentation des entreprises multinationales et les nouvelles technologies de l'information et la communication" a permis aux ONG de "prendre leur essor et jouer un rôle de plus

3 L'expression "tiers secteur scientifique" a été forgée par le secteur associatif mais c'est une réalité dont ont rendu compte les études des sciences (science studies) à travers des travaux qui ont porté principalement sur la santé, l’agriculture (OGM), la téléphonie mobile et plus récemment les nanotechnologies (Charvolin et al., 2008).

en plus décisif dans les arènes politiques et sociales". En contrepartie, l'État-nation a vu son pouvoir se réduire de façon substantielle sur les questions des droits de l'Homme, de la lutte contre la pauvreté et de la protection de l'environnement (Scherrer, 2009).

Mais alors que de nombreux spécialistes voient dans l'essor des ONG un coup dur pour la souveraineté des États et la primauté de l'État dans le droit et les relations internationales, le politiste Kal Raustiala (1997) avance un certain nombre de bénéfices que les gouvernements peuvent tirer de leur coopération avec les ONG (rôle d'information, de surveillance voire d'alerte) pour leur mission de "résolution de dilemmes collectifs". En particulier, grâce à la pléthore d'informations, d'avis et d'évaluations que celles-ci fournissent, les institutions de l'État peuvent maximiser leur niveau d'information tout en minimisant les dépenses associées. Ceci est d'autant plus vrai dans les pays en voie de développement et pour des questions complexes comme le changement climatique, la biodiversité… Ainsi, selon le type de discussion, la configuration des parties prenantes et la place accordée aux ONG ne sera pas la même : dans les phases précoces de négociations, l'expertise des ONG est plus utile que dans les phases d'implémentation où c'est leur rôle de surveillance qui parle, et elles deviennent malvenues aux moments les plus "chauds" de la prise de décision.

L'exemple du Global Environment Facility (GEF) au sein du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) montre que la participation des ONG est un privilège et non pas un droit, qui reste soumis à certaines contraintes (et peut être refusé).

d) La participation des ONG au processus de décision

Le Code de bonne pratique pour la participation civile au processus décisionnel (OING, 2009) recense quatre principes fondamentaux pour la participation des ONG en général au processus décisionnel :

• bien évidemment la participation, qui suppose des processus "ouverts et accessibles et fondés sur des paramètres de participation définis d'un commun accord"

• la confiance entre ONG et pouvoirs publics

• la transparence et le fait de rendre des comptes (tant de la part des ONG que des pouvoirs publics)

• l'indépendance des ONG (qui "ont le droit d'agir en toute indépendance et de défendre des positions différentes de celles des autorités avec lesquelles elles peuvent coopérer par ailleurs").

Cette participation peut se faire selon quatre degrés croissants, lesquels "peuvent s'appliquer indifféremment à toutes les étapes du processus décisionnel, mais ils sont souvent particulièrement pertinents à certains niveaux du processus" (OING, 2009) :

• l'information, utile à toutes les étapes du processus décisionnel,

"consiste d'ordinaire en l'offre unilatérale d'information par les pouvoirs publics sans exigence ou attente d'interaction avec les ONG ni d'implication de celles-ci"

• la consultation, qui concerne toutes les étapes du processus décisionnel, en particulier la rédaction, le suivi et la reformulation, "est une forme d'initiative dans laquelle les pouvoirs publics demandent aux ONG leur avis sur un sujet précis ou sur l'élaboration d'une politique spécifique", les informant ainsi sur les "développements politiques en cours"

• le dialogue, "très apprécié à tous les niveaux du cycle d'élaboration politique mais [qui] revêt une importance déterminante pour l'établissement d'un programme, sa rédaction et sa reformulation", peut être général (échange de vues régulier qui va "des auditions publiques ouvertes à tous aux réunions spécialisées entre ONG et pouvoirs publics") ou collaboratif ("réunions conjointes, souvent fréquentes et régulières, visant à élaborer ensemble de grandes stratégies politiques et conduisant souvent à des résultats acceptés d'un commun accord")

• le partenariat, qui "suppose des responsabilités partagées à chaque étape du processus décisionnel politique de l'établissement du programme, élaboration, la décision et jusqu'à la mise en œuvre de la décision politique".

Une autre présentation des possibilités d'influence des ONG nous est donnée par Alain Robyns et Véronique de Geoffroy (2009), qui expliquent que la stratégie de chaque groupe dépend du dialogue qu'il a déjà instauré avec sa "cible" (les autorités), la disposition des autorités, ou encore la culture de l'organisation. Ils résument dans un tableau la typologie de ces stratégies possibles et les actions qui l'accompagnent. Dans le co-pilotage de la recherche et de l'expertise, il s'avère que l'ensemble du tableau est concerné :

échanger : un dialogue entre les organismes de recherche et d'expertise et les organisations de la société civile permet à ces dernières d'apporter certains éclairages inédits, d'autres types de savoirs, et d'augmenter ainsi le niveau d'information

susciter l'adhésion, convaincre : une ONG ne peut s'en tenir au stade de l'information et va chercher à faire passer ses priorités en plaidant pour la cause qu'elle représente, en motivant ses actions et finalement en éveillant la conscience de ses interlocuteurs

co-construire la décision, négocier : dans des instances devenues mixtes, les diverses forces en présence doivent trouver des solutions qui soient des compromis, proposent des alternatives, orientent d'une façon qui convienne à chacun

imposer : la capacité à s'indigner ou dénoncer ne disparaît pas et les ONG peuvent recourir à des moyens de pression ou rappels à l'ordre pour faire entendre leur voix.

Dans le cas d'actions à l'échelle nationale, les cibles du plaidoyer sont typiquement la présidence, les ministères, le parlement, le conseil constitutionnel, les syndicats et les représentants patronaux. Les actes par lesquels ces actions se concrétisent sont alternativement la constitution ou les lois, ordonnances, décrets, arrêtés, directives, protocoles, normes et standards, politiques, programmes, stratégies, documents d'orientation, et déclarations (Robyns et de

Geoffroy, 2009).

"Au départ surtout portées vers le plaidoyer externe" c'est-à-dire le fait de se faire entendre en passant par l'opinion publique, "un grand nombre d'ONG internationales optent aujourd'hui pour le plaidoyer interne" en s'engageant dans un "travail de démarchage auprès des décideurs politiques, apport d'analyse et expertise, participation aux réunions de travail techniques, négociation dans des conseils consultatifs". Cela permet de développer une position technique plutôt que politique, en développant une relation de co-construction et de partenariat. A contrario, ces négociations directes sont peu visibles du grand public et peuvent manquer de transparence. L'exemple du Comité international de la Croix rouge (CICR) montre que les stratégies

d'influence basées "sur la confidentialité et où le choix de la dénonciation publique est exceptionnel" relèvent d'organisations qui ne sont en besoin "ni de notoriété ni de financement". Les auteurs soulignent ailleurs que "les campagnes de plaidoyer [externe] sont (…) source de visibilité et de récolte de fonds potentiels.

Il n'est pas toujours facile dès lors de faire la différence entre une action de plaidoyer et l'appel à donation aussi appelé mobilisation citoyenne." Au-delà de cette confusion possible "entre marketing et plaidoyer", d'autres risques existent pour les ONG qui s'impliquent dans les politiques publiques, qu'elles doivent prendre en considération : "la concurrence liée à la multiplication des acteurs portant un discours de plaidoyer, les risques de dilution des messages, (…) le risque d'être intégré dans les processus de décision et de perdre son indépendance" (Robyns et de Geoffroy, 2009).

Parmi les outils et mécanismes favorisant la participation de la société civile ans la décision, on peut retenir (OING, 2009) :

• le renforcement des capacités pour la participation afin que les ONG

"puissent être activement associées à la formulation d'une politique, à l'élaboration d'un projet et à la fourniture de services". Le renforcement des compétences peut englober "des séminaires de formation visant à améliorer la compréhension des rôles réciproques des ONG et des pouvoirs publics dans cet engagement ainsi que des programmes d'échange destinés à faciliter la compréhension réciproque des contextes des uns et des autres"

• la mise en place de structures pour la coopération entre ONG et pouvoirs publics : ces instances de coordination peuvent comporter par exemple "des instances gouvernementales (une personne de contact pour la société civile au sein de chaque ministère ou une instance de coordination centrale, par exemple, un interlocuteur unique), des structures conjointes (comités multipartenaires, groupes de travail, conseils d'experts et autres instances consultatives, permanentes ou ad hoc), ou des alliances/coalitions d'ONG qui mettent leurs ressources en commun et développent des positions communes"

• des documents cadres sur la coopération entre ONG et pouvoirs publics, afin de "définir dans les grandes lignes les initiatives, les rôles et responsabilités et les procédures de coopération".

4.2. Le pilotage et l'organisation de la recherche en