• Aucun résultat trouvé

Exemples de régions et pays impliqués

5. Galerie d'exemples et études de cas

5.3. Exemples de régions et pays impliqués

a) Le monde anglo-saxon

"Il apparaît que le monde anglo-saxon est bien plus en avance sur ces questions : les partenariats entre recherche et ONG sont plus naturels qu'en France du fait, notamment, d'un cloisonnement moins important entre ces réseaux et d'une plus grande mobilité des chercheurs (passant d'une sphère à l'autre). La tendance semble être à l'amélioration en Europe, avec une volonté commune d'avancer et d'échanger apparaît, notamment avec le développement de plus en plus important des Think Tank. En France, la réforme des Universités et du secteur de la recherche semble prendre la direction de celle adoptée dans le monde anglo-saxon, laissant espérer que certaines barrières soient levées pour rendre les échanges plus faciles" (Bastid et de Geoffroy, 2009).

b) Le Québec

"Créé en 1983, par la Loi favorisant le développement scientifique et technologique du Québec, le Conseil de la science et de la technologie (CST) contribue, depuis maintenant un quart de siècle, à alimenter de façon continue la réflexion québécoise sur les politiques de la science, de la technologie et de l'innovation." Le CST relève du ministre québécois responsable de la recherche et de l'innovation. Il a pour mandat de conseiller son ministre de rattachement sur toute question relative à la science et à la technologie. "De nombreux rapports et avis portant sur le développement de l'ensemble du système d'innovation québécois et sur des composantes particulières le préparaient à lancer, sur une base expérimentale, un projet de prospective en science et technologie qui convienne à la réalité québécoise et mette à contribution un grand nombre d'acteurs de milieux différents." Ce projet dit "Perspectives STS" se proposait essentiellement d'interroger la population du Québec pour identifier les grands défis socio-économiques que la société québécoise allait affronter au cours des 15 à 20 prochaines années. Avec la participation des chercheurs, il visait ensuite à orienter une partie de l'effort de recherche et d'innovation vers les thématiques retenues. Très tôt, les trois fonds de subvention du Québec (pour la recherche en santé, la recherche sur la nature et les technologies, et la recherche sur la société et la culture) ont soutenu le projet, parce que ses résultats allaient aider à définir les cibles de programmes de soutien à la recherche stratégique (Bergeron, 2009).

Le projet s'est organisé en deux phases, s'étalant sur près de deux ans chacune.

Dans la première phase, la confrontation de l'offre et de la demande se déroule en séquence : "la détermination des préoccupations et des défis s'effectue d'abord par la population, sans tenir compte d'un apport possible de la recherche, les scientifiques prenant ensuite le relais pour sélectionner, parmi l'ensemble des défis proposés par la population, ceux auxquels la recherche, selon eux, est appelée à apporter la plus grande contribution à moyen terme." L'étape 2 (atelier de prospective) réunit notamment 102 personnalités "issues d'un large éventail d'horizons économiques ou sociaux différents", suite à un appel lancé à plus de 400 associations ou regroupements d'envergure nationale (Bergeron, 2009).

La seconde phase s'est déroulée non plus séquentiellement mais avec sept groupes de travail "composés pour moitié de chercheurs reconnus dans un domaine pertinent par rapport au défi, et pour moitié d'"utilisateurs" des résultats de la recherche, c'est-à-dire d'acteurs de terrain et de décideurs provenant de différents milieux de pratique." Ainsi, les stratégies définies devaient être

"beaucoup plus robustes sur le plan scientifique et sur le plan de la pertinence sociale que si les groupes de travail avaient été formés exclusivement de l'une ou l'autre des deux catégories". Autre conséquence : les recommandations accordent une grande importance au renforcement de la collaboration chercheurs / utilisateurs, en facilitant par exemple la recherche participative (Bergeron, 2009).

La "France est reconnue pour plusieurs de ses exercices de priorisation menés depuis les années 1960. Pensons aux exercices « technologies clés » du ministère de l'Économie, de Finances et de l'Industrie (MINEFI) ou aux nombreux exercices de prospective menés par des organismes tant publics que privés" (Conseil de la science et de la technologie, 2009). Pour autant, ces exercices sont aux mains des experts et acteurs du système de recherche, et mettent l'accent sur des technologies clés plutôt que sur la résolution de grands problèmes sociaux. Force est de constater avec Alain Bergeron (2009) que "même si l'on voit se multiplier depuis quelques années les recherches de type collaboratif, où des chercheurs et des acteurs de terrain conçoivent et réalisent ensemble un projet, il est beaucoup plus rare que l'on fasse négocier autour d'une même table des chercheurs et des praticiens pour élaborer conjointement des stratégies complètes de développement de la recherche, intégrant autant les préoccupations scientifiques des uns que la vision utilitariste des autres" (Bergeron, 2009).

c) La Suisse

D'après les recommandations de l'exercice de prospective Agora 2020, la Suisse propose un modèle intéressant pour gérer les programmes de recherche finalisée, dont il faudrait s'inspirer. Il s'agit de mettre l'accent "à la fois sur la

co-construction de questions à la recherche et sur l'évaluation ex post des réponses apportées par les chercheurs" (Maujean et Theys, 2009).

5.4. Conclusion

Lors troisième colloque "Living knowledge – Quand chercheurs et citoyens coproduisent les savoirs et les décisions scientifiques et techniques" qui s'est tenu en 2007, Budd Hall et Rajesh Tandon (pionniers de la recherche participative, respectivement en Amérique latine et en Inde) "ont souligné combien la recherche participative relevait d'une vision du monde bien plus que d'une liste de

« recettes » de méthodes participatives". Au-delà des réussites ("success stories"), il ne faut pas oublier qu'il existe des distinctions "entre les trajectoires et les situations qui dotent les acteurs et les institutions d'expertises diversifiées", et que "les catégories de « société civile » ou de « collectifs » mériteraient sans doute d'être à leur tour davantage questionnées, afin d'éviter un risque de lissage de la multiplicité des groupes d'acteurs en cause qui sont en fait dotés de compétences variables et d'identités hétérogènes". Or trop souvent, les innovations participatives laissent ouverte "la question des critères d'évaluation de leurs résultats ainsi que celle des conditions de leur généralisation" (Granjou, 2008).

6. Questions transversales 6.1. Recherche vs. expertise

Le COMOP Recherche constate qu'en matière de développement durable, de nombreux sujets émergents "n'ont pas fait au préalable l'objet d'une formalisation scientifique et technique et (…) échappent à ce titre, en partie ou en totalité, à la définition et à la programmation des priorités nationales de recherche". Or, si les exercices de prospective ne permettent pas de les identifier car ils "ne sont révélés souvent que par des signaux faibles ou diffus", ces sujets émergents doivent faire l'objet de recherches d'une part ("en évitant la dispersion des équipes et des moyens") et de travaux d'expertise d'autre part, "impliquant le cas échéant une autosaisine des opérateurs de recherche", pour "préciser les questions scientifiques qui y sont attachées et (…) adapter rapidement les programmes de recherche" (Guillou, 2008, p. 19). On constate donc ici une forte imbrication de la recherche et de l'expertise, qui laisse derrière la prospective considérée comme insuffisante.

Mais autrement, il est vrai que "la confrontation entre la démarche scientifique qui vise à faire reculer à moyen ou long terme les frontières de la connaissance et le recours à l'expertise qui doit les définir dans un délai court, en réponse aux questions posées par ses commanditaires, introduit dans l'opinion publique un clivage de nature paradoxale entre deux activités qui sont de fait en étroite filiation." Pour le COMOP Recherche (Groupes transversaux « Recherche et expertise » et « Science et société »), ces deux pratiques et ces deux temporalités doivent être conciliées et s'enrichir mutuellement. "L'expertise renforce les liens entre la recherche et la demande sociale. Dans la gestion des ressources humaines des opérateurs de recherche elle doit contribuer au développement des compétences." (Guillou, 2008).

6.2. Co-construction vs. co-pilotage

La co-construction (au sens de "participation à la recherche") et le co-pilotage (entendu comme "participation à la programmation") sont deux pôles de l'axe des concertations possibles. Plusieurs attitudes existent concernant ces extrêmes et leur imbrication. Pour certains groupes comme la FNSEA, des orientations peuvent être définies par le public (lors de conférences de citoyens ou de Grenelles) mais l'aval n'est pas négociable : "on donne des orientations mais après il faut laisser les gens travailler" (PSx2, 2008b). Pour le projet européen FAAN, la co-construction joue aussi au niveau de la programmation de la recherche, puisque ces projets permettent de "développer une connaissance des directions du changement, prévoir les résultats des politiques futures dans le domaine" (Karner et al., 2009).