• Aucun résultat trouvé

5. Galerie d'exemples et études de cas

5.1. Exemples d'initiatives concrètes

a) L'initiative "Drugs for Neglected Diseases" (DNDi)

Créée en 2003 à l'initiative de MSF et avec l'Institut Pasteur, la DNDi (Drugs for Neglected Diseases initiative) regroupe des pôles de recherche publics ou privés, tous à but non lucratif. L'objectif est la mise sur le marché de nouveaux médicaments contre des maladies négligées par la recherche parce qu'elles touchent des patients jugés trop pauvres pour constituer un marché rentable (maladie du sommeil, maladie de Chagas, leishmaniose viscérale,...).En organisant un partenariat public-privé mais aussi ONG-organismes de recherche à travers une organisation tiers, MSF s'est en réalité mêlée des priorités de recherche de l'Institut Pasteur. (Bastid et de Geoffroy, 2009).

b) Les boutiques de science

Les boutiques de science sont nées dans les universités hollandaises dans les années 1970 pour offrir aux organisations de la société civile un accès aux connaissances scientifiques et à la recherche, gratuit ou à bas coût, afin de les aider à remplir leurs missions sociales ou environnementales. Depuis, elles se sont développées en Autriche, Allemagne, Roumanie, Espagne, France, au Danemark, Royaume-Uni… avec environ 70 boutiques de science en Europe.

Certaines sont rattachées à des universités, d'autres sont indépendantes. On constate qu'en général, les ONG approchent les boutiques de science pour trouver une solution à un problème qu'elles rencontrent, une observation qu'elles font, ou des idées et des besoins qu'elles ont. Un des attraits des boutiques de science, par rapport aux départements ou unités de recherche, est leur moindre bureaucratie et leur ouverture explicite vers la société : cela lève des obstacles et les rend plus accessibles aux ONG. Les équipes de recherche, elles, sont réfractaires à s'impliquer quand elles ne voient pas leur intérêt et notamment la possibilité d'obtenir des résultats publiables. En Allemagne, une étude de cas montre que les universités sont plus intéressées par les gros projets, bien financés, avec des partenaires importants, que par les petits projets apportés par les ONG. L'impact de ces dispositifs va dans les deux sens et les universités y trouvent de nouveaux thèmes de recherche, même si la plupart de ces projets de recherche sont en réalité conduits par des étudiants. Ainsi, les demandes répétées des ONG auprès de la boutique de science de l'Université technique du Danemark, dès les années 1985, ont conduit celle-ci à mettre progressivement en place un enseignement et une activité de recherche sur l'agriculture biologique (Jørgensen, 2003). En tout, 20 à 25% des boutiques de science rapportent avoir un impact sur l'agenda de recherche et les méthodes de recherche de leur université (Jørgensen et al., 2004).

c) Le programme-cadre de recherche et développement de l'Union européenne

En matière de recherches en SHS, le Programme-cadre de recherche et développement (PCRD) de l'Union européenne propose un instrument appelé

"social platform". Celui-ci est "conçu pour réunir des organisations de la

société civile et des chercheurs afin qu'ils définissent ensemble les programmes de recherche à venir". Une telle concertation a déjà eu lieu sur les villes, une deuxième sur la famille devait démarrer en 2009, sans compter de nombreuses autres à suivre (Willis-Mazzichi, 2009).

Lors de la conception du 7ème PCRD, un groupe d'ONG et OSC lancèrent une campagne pour une plus grande transparence et une responsabilité accrue des institutions européennes. Leur pétition avançait par exemple que les propositions pour le 7 ème PCRD placent trop de pouvoir dans les mains du lobby industriel et ne sont pas assez influencées par le grand public. Ils appelaient par exemple à ce que les thèmes du programme se recentrent sur des objectifs sociaux, environnementaux et de santé publique. Ce réseau informel a pu ainsi entrer en contact avec certains membres de la Commission européenne qui travaillent sur ces sujets, et la Commission a mis en place un groupe de travail "Science et gouvernance" à laquelle Claudia Neubauer (Fondation sciences citoyennes) participe en tant que représentante de la société civile (Wilson et al., 2005).

d) L'Advisory Group on Public Involvement du Medical Research Council

En Grande-Bretagne, le Medical Research Council (MRC) possède depuis 2000 un groupe d'individus ne représentant pas nécessairement la société civile mais apportant un regard extérieur et public sur les décisions : l'Advisory Group on Public Involvement (AGPI). Même s'il n'est pas toujours facile de connecter l'AGPI avec les autres structures au sein du MRC, ses membres assistent à un certain nombre de réunions des principaux Conseils de la recherche où se décident la stratégie et les priorités. Depuis l'automne 2005, c'est même le Directeur général du MRC qui préside les réunions de l'AGPI, signe de son importance grandissante (Wilson et al., 2005).

e) Débats citoyens en France

"La Fondation Sciences Citoyennes occupe une place particulière au sein des OSC puisqu'elle s'est spécifiquement constituée autour du projet de démocratisation des choix scientifiques et techniques. En 2004 elle a organisé dans plusieurs régions des débats sur le thème « Ouvrons la recherche. Pour une agriculture durable et une bonne alimentation, dans un environnement sain et des campagnes vivantes ». L’objectif était de réunir des élus, des chercheurs, des agriculteurs, des organisations de la société civile, des citoyens, en vue d’examiner comment ouvrir et améliorer la recherche sur l’agriculture, l’alimentation et l’environnement" (PSx2, 2008b).

f) Essai de porte-greffe transgénique de vigne résistant au court-noué

Au moment de lancer un essai de porte-greffe transgénique de vigne à Colmar, l'Inra a organisé en 2002 une consultation sur l'opportunité et le suivi des expérimentations. Terre et Vin du Monde aurait souhaité participer à la consultation mais n'a pas été retenue. "Cette consultation menée par l'INRA a par ailleurs fait l'objet d'un texte très virulent signé par une douzaine d'OSC (Greenpeace, FNE, Mouvement de Culture Biodynamique, Fondation Science Citoyenne, Nature & Progrès, Confédération paysanne, ATTAC, FNAB, FRAPNA-07, GIET, OGM Dangers) dont le titre est très évocateur de la façon dont elles ont perçu cette procédure : « L'expérience pilote OGM-vigne : un programme de manipulation de l'opinion »" (PSx2, 2008b).

g) Programme CAP-Environnement de l'Inra

En 2003, la Fondation sciences citoyennes (2003) proposait "que l'INRA lance, pour son projet « INRA 2020 » un exercice de prospective scientifique associant la société civile à la définition de ses priorités de recherches à l'horizon 2020, pour une agriculture durable et une alimentation de qualité". Plus tard, de 2006 à 2007, le projet Concertation avant programmation sur l'environnement (CAP-Environnement) a fait réfléchir les chercheurs "avec des partenaires (pouvoirs publics, conseils territoriaux, journalistes, associations), dans des ateliers. Les associations sont entrées dans le jeu, malgré quelques critiques sur la méthodologie." Les chercheurs ont réagi favorablement. Lors de cet exercice, les associations ont pu faire entendre leur demande d'être "associées d'un bout à l'autre de la "chaîne de décision" (définition du sujet de recherche, objet de la recherche, étapes de la recherche, évaluation)" (Le Bars et Tibayrenc, 2007).

h) Proposition d'un Conseil de la recherche marine, maritime, littorale et portuaire, doté d'une gouvernance à 5

Lors du Grenelle de la mer, le Comité opérationnel Recherche et innovation a émis la recommandation suivante : "Entreprendre et mener à bien un [Programme Mer ambitieux] nécessite de s'appuyer non seulement sur des instances spécialisées comme nous venons de le voir [la récente alliance pour l'environnement AllEnvi, le Comité stratégique et technique de la flotte hauturière et côtière qui regroupe les forces de la flotte océanographique française, côtière et hauturière, les axes prioritaires de la Stratégie nationale de recherche et d'innovation], mais surtout de disposer d'une instance de prospective, de débat et de gouvernance, le COMER, pour dialoguer avec tous les acteurs de la mer, proposer des pistes de stratégies d'innovation et de recherche, adopter des points de vue synthétiques, valoriser des approches originales. Le Conseil de la recherche marine, maritime, littorale et portuaire, doté d'une gouvernance à 5 et dénommé COMER, est ce que nous proposons comme instance de coordination entre acteurs de la recherche, coordonnée au conseil national de l'archipel France en cours de création" (Gaill, 2010).

Plus exactement : "Le COMER aura un double objectif. En premier lieu, il devra constituer un lieu d'interface entre acteurs scientifiques et parties prenantes au développement durable de la mer et à la gestion collective des espaces marins et littoraux. En second lieu, pour remplir ce rôle d'interface, le COMER sera légitime pour formuler des avis sur les sujets de recherche et de formation relevant de domaines marins et littoraux, avis portant sur l'adéquation de ces sujets à une vision intégrée de la recherche en appui au développement durable. Le COMER pourra donc formuler des recommandations à l'attention des pouvoirs publics, mais sera aussi une instance consultative capable de s'auto-saisir." En particulier (recommandation 17), le COMER aura le mandat "de proposer des modalités techniques et financières pérennes d'association des parties prenantes non-scientifiques à l'élaboration et à la mise en œuvre de projets de recherche et/ou d'expertise, en particulier sur les sujets relevant de la pêche, de l'aquaculture et de la biodiversité" — ce qui en ferait donc une structure à cheval sur la co-production et le co-pilotage de la recherche (Gaill, 2010).

i) Vice-présidence "Science en société" de l'université de Strasbourg

Parmi les acteurs institutionnels ouverts à la société civile organisée, les universités tirent déjà leur épingle du jeu : "il apparaît plus facile [pour une ONG], semble-t-il, de travailler avec le laboratoire d'une université ou d'une

grande école, qu'avec un établissements public national de recherche ", et ce pour plusieurs raisons probables — présence d'une "porte d'entrée" facile d'accès (avec en particulier un site web clair et utile), planning moins contraint par les exigences de la production scientifique canonique, moindre orientation de programmation créant parfois de la rigidité et permettant aux enseignants chercheurs de travailler "souvent plus sur une base individuelle, (…) plus souple"

(Le Bars et Tibayrenc, 2007). L'université de Strasbourg a souhaité creuser cette veine en créant une vice-présidence "Science en société" — même si, comme l'affirme l'ancien président de l'université Louis-Pasteur Bernard Carrière (2007), cela pourrait s'envisager également au sein des organismes et existe déjà "peut-être à l'INSERM". "Dans les universités, après le colloque de 1982, des vice-présidences « relations industrielles et valorisation » ont été assez rapidement mises en place. Ce n'est qu'un volet de l'interface science/société, et l'adhésion, au-delà des réticences premières des chercheurs, a été assez importante parce que, derrière cet enjeu, se posait la question des moyens des laboratoires." Pour donner la même place à la société civile, la vice-présidence proposée par Carrière pourrait être chargée "de la définition de projets de recherche « co-construits » et d'aider sur des cas concrets, selon une politique de sites, à réunir les conditions d'une véritable expertise co-construite selon des modalités adéquates, comme par exemple des forums, et à définir les conditions de la restitution de l'expertise." Cette vice-présidence confiée à Bernard Ancori a été créée en juin 2007, "création unique dans le paysage universitaire français" (Ancori, 2009). Sa première action a été la mise en place d'une cellule d'expertise organisant des forums hybrides autour de questions sociotechniques controversées.

j) Consultation prospective Agora 2020

"Visant à susciter un dialogue constructif entre chercheurs, acteurs sociaux et responsables des politiques publiques de recherche, Agora 2020 est une vaste consultation prospective (plus de 700 personnes consultées entre 2003 et 2007) qui a mis au jour un grand nombre de questions, parfois nouvelles, et d'orientations concrètes pour les politiques scientifiques futures, à l'horizon 2020-2030, destinées à alimenter les stratégies de recherche dans des domaines tels que la ville, les transports, l'habitat, l'aménagement du territoire, la vulnérabilité des systèmes, etc." Pour la première fois en Europe, cet exercice de prospective mené par le Ministère chargé de l'environnement (et sa Mission prospective) a

"essayé de prendre en compte de manière symétrique la demande et l'offre de recherche, les attentes et les préoccupations qui sont celles de la société, et les exigences ou les logiques qui sont celles des scientifiques" (Maujean et Theys, 2009).

Les trois groupes d'acteurs ont été consultés séparément, dans le cadre d'ateliers

"homogènes", pour mettre en évidence dans un premier temps "la diversité des visions du monde portées par les différents acteurs" : chercheurs et institutions productrices de recherche, porteurs de politiques publiques sectorielles et grand public. Ce faisant, il a été constaté que les attentes et anticipations de la société vis-à-vis de la recherche et de l'innovation "divergent à ce point (…) qu'aucune préoccupation ne semble véritablement partagée". Puis les interpellations ont été rassemblées sous forme de 15 thèmes transversaux ("Quel avenir pour le passé

?", "Société vulnérable"…) donnant lieu à autant d'ateliers où "les principaux acteurs du monde de la recherche sont chargés d'aboutir à une série argumentée et restreinte d'"axes précurseurs de programmes"" (Maujean et Theys, 2009).

Au-delà d'une consultation prospective, Agora 2020 a tenté une "traduction en questions scientifiques et en programmes de recherche d'attentes et de questions exprimées par la société". Ainsi, plutôt que de chercher à définir des priorités pour l'ensemble de la recherche française, il s'agissait de "donner une consistance un peu plus forte à ce que l'on appelle traditionnellement le troisième pilier de la recherche, celui qui est tourné vers la réponse aux attentes de la société" (un pilier qui vient après l'amélioration des connaissances et l'innovation industrielle). Il a fallu pour cela "passer de questions à la recherche à des questions de recherche". Bien que les conclusions de l'exercice soient devenues presque redondantes avec "la mise en place conjointe du nouveau Ministère du Développement durable et du Grenelle de l'environnement", elles ont déjà servi à orienter le PUCA, le Predit 4… (Maujean et Theys, 2009).

Il est intéressant de noter qu'on retrouve, parmi les recommandations formulées en matière d'organisation et de structuration des institutions de recherche, l'idée de "donner une place spécifique aux usagers dans les instances de pilotage des programmes incitatifs ou organismes de recherche finalisée, et ménager dans ces structures la possibilité d'une gouvernance en collèges séparés (de type "gouvernance à cinq" du Grenelle de l'environnement)" (Maujean et Theys, 2009).

5.2. Exemples d'organismes, institutions et