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2.4.4. Approche phylogénétique de la douleur

2.4.4.2. Les oiseau

Notre société semble admettre que les oiseaux ressentent de la douleur, ce qu’atteste le débat sur le gavage des oies et des canards, ou l’appréciation négative souvent portée sur vec d’importants effectifs de poulets pour s’en convaincre.

des définitions précédemment citées, des particularités ne

qui ont des propriétés comparables à celles des mammifères. Dans l’état actuel des connaissances, les

et

de l’arrachage répété des plumes par les congénères, on observe des mo

membre qui présente une arthrite induite ex

tudiés n’é

les élevages collectifs a Cependant, au regard

uroanatomiques du système nerveux aviaire par rapport à celui des mammifères et des manifestations comportementales des oiseaux, la question des caractéristiques de la douleur et de la nociception chez ces espèces mérite d’être examinée sous différents angles.

L’argument de l’anatomie comparée

Les mécanismes physiologiques de la nociception existent chez les oiseaux et sont comparables à ceux des mammifères. Les études électrophysiologiques menées chez le poulet et le pigeon en particulier ont montré que ceux-ci possèdent des nocicepteurs

différents contrôles qui s’effectuent au niveau médullaire ne présentent pas de différences importantes par rapport à ce qui est connu chez les mammifères. Toutefois, les connaissances restent beaucoup plus parcellaires que chez les mammifères utilisés en recherche expérimentale (Necker, 2000). Si les oiseaux possèdent des récepteurs aux opioïdes au niveau du tronc cérébral et du télencéphale (Felix et al., 1979; Hogg et al., 1994), les données là encore restent moins abondantes que pour les mammifères (137 références pour les oiseaux depuis 1979 et 22.464 chez les mammifères, toutes espèces confondues, sur la même période - base de données PubMed).

Les oiseaux expriment des comportements évocateurs d’une perception nociceptive.

Ainsi les modifications de posture sont particulièrement fréquentes lors de boiteries qui peuvent entraîner des suppressions complètes de l’appui sur le membre douloureux (Cherel

al., 1991; Corr et al., 1998; Gentle, 1997; Kestin et al., 1992; Leterrier & Nys, 1992). Par ailleurs, lors

difications comportementales phasiques (Gentle & Hunter, 1991) : dans un premier temps, les animaux s’agitent, essaient de s’échapper (sauts, battements d’ailes), voire vocalisent (Collias, 1987) alors que dans un second temps, ils s’accroupissent et restent immobiles ce qui évoque une attitude de résignation. De nombreux comportements peuvent ainsi être décrits suggérant que l’animal essaie de se soustraire à la stimulation nociceptive, présente des comportements de défense ou dans des stades considérés plus ultimes présente un abattement et une absence de fuite.

Ces manifestations comportementales ont un contrôle complexe et peuvent être modulées par des mécanismes d’analgésie endogène, provoqués par des motivations pour d’autres comportements. Ainsi, la poule qui se prépare à la ponte va reprendre appui sur ses deux pattes alors qu’elle supprimait l’appui sur le

périmentalement (Gentle & Corr, 1995). De même, une forte motivation alimentaire peut supprimer l’expression de la douleur articulaire chez le poulet (Wylie & Gentle, 1998).

Plusieurs expériences montrent que les comportements provoqués par les stimulations supposées nociceptives sont réduits ou disparaissent par l’injection de morphine chez le poulet, le pigeon ou la caille (Evrard & Balthazart, 2002). Cette suppression des symptômes par la morphine montre, en outre, que les anomalies de la marche des animaux é

taient pas dues à un handicap fonctionnel, mais bien à des phénomènes nociceptifs induisant une adaptation posturale. L’injection d’anti-inflammatoires non stéroïdiens ou AINS

(par exemple le carprofène) permet également d’améliorer la démarche de poulets précédemment boiteux. Il reste que les arguments pharmacologiques et comportementaux démontrent avant tout l’existence de récepteurs à des substances telles que les morphiniques ou les opiacées (Gentle & Tilston, 1999), ce qui est en accord avec les données apportées par des études phylogénétiques démontrant par exemple l’existence de familles de récepteurs présents dans la quasi totalité du phylum des vertébrés (cas des récepteurs opioïdes) et parfois même chez des invertébrés marins les plus primitifs. Ceci montre le fort degré de conservation de mécanismes élémentaires au cours de l’évolution.

Toutefois, la décérébration corticale du poulet (Gentle, 1997) réalisée par une équipe anglaise n’a pas entraîné de modification essentielle du comportement postural de prévention de l’appui (repli de la patte soumise à l’injection d’un cristal d’urate), ce qui laisse ouverte la possibilité que ce type de comportement de protection puisse être contrôlé au niv

de modifications comportementales et physiologiques, dont certaines sont spécifiques de la nature de l’émotion. Il semble probable qu

; Hazard et al., 2008; Valance et al., 2008; Valance et al., 2007). Les réponses de

réa phénomènes

no

eau des relais du tronc cérébral (par exemple au niveau de la substance grise périaqueducale), dont la participation à des activités de type émotionnel conscient n’ont jamais été formellement mise en évidence.

Les oiseaux ressentent des émotions

Une émotion est une réponse affective intense face à une situation et résulte de l’évaluation que l’individu fait de cette situation (Dantzer, 2002a; Dantzer, 2002b). Le vécu émotionnel de l’individu s’accompagne

e cette diversité des émotions soit influencée par l’environnement éco-éthologique de l’espèce, ou des ancêtres sauvages en ce qui concerne les espèces destinées à l’élevage. Chez l’animal, le vécu émotionnel n’est pas directement accessible, il est inféré des réponses physiologiques et comportementales et des caractéristiques des situations (Désiré et al., 2002).

Il a été montré chez l’oiseau qu’il existe des réactions comportementales et physiologiques intenses (activation de l’axe corticotrope et du système ortho-sympathique) dans des situations effrayantes, ou encore de frustration alimentaire, de séparation sociale (Gallup, 1973

peur ont été plus largement étudiées. Elles s’accompagnent d’activation de structures centrales comparables à celles qui contrôlent les émotions chez les mammifères ; ce sont des structures du télencéphale dites « archaïques » : archipallium et amygdale palliale postérieure qui seraient homologues de l’amygdale mammalienne, noyau de la strie terminale, noyau paraventriculaire de l’hypothalamus. Ces réactions ne dépendent pas directement du stimulus, mais de l’évaluation qui est faite de la situation. Elles sont modulées en particulier par les apprentissages préalables. L’élaboration des émotions fait en effet appel à des processus mnésiques de complexité variable. Les mécanismes mnésiques ont été étudiés en particulier dans le cas de la peur conditionnée. Il s’agit d’une émotion provoquée chez l’animal en le plaçant dans un environnement où il a préalablement reçu des stimulations aversives ou en le stimulant avec un son ou une lumière précédemment associées à de telles stimulations. Ces études chez l’oiseau ont montré que, comme chez les mammifères, la peur conditionnée provoque une activation de l’hippocampe (Reis et al., 1999).

Relation entre les systèmes nociceptif et émotionnel chez les oiseaux

La définition de la douleur donnée par l’IASP met en avant la conjonction des phénomènes nociceptifs et émotionnels lors de douleur. Nous ne disposons pas actuellement de données d’imagerie médicale sur le sujet, mais les études neurobiologiques

lisées chez le pigeon montrent que les situations qui ont généré des

ciceptifs entraînent d’importantes réponses émotionnelles et que les structures impliquées dans ces réponses sont équivalentes à celles observées chez les mammifères. Il a aussi été montré que des poulets ayant associé la perception de chocs électriques à un son, présentent ultérieurement des comportements de peur exacerbés lors de l’audition de ce son, alors que celui-ci n’est plus associé aux chocs électriques (Gallup, 1973). De même il a

été montré que des pigeons ayant subi un conditionnement de peur au son présentaient une élévation de leur fréquence cardiaque à l’audition de ce bruit (Ferrari et al., 1999). Cette élévation est supprimée par une lésion de l’archipallium. Or l’archipallium n’est pas impliqué dans la régulation de la fréquence cardiaque mais serait, comme nous l’avons dit précédemment, un analogue de l’amygdale des mammifères impliqué, comme elle, dans l’élaboration et le contrôle des émotions. Ces études montrent donc que le système de nociception, et les processus mnésiques qu’il entraîne, provoquent l’activation des structures centrales impliquées dans les émotions. Ces données neurobiologiques corroborent les données comportementales et physiologiques qui indiquent que les stimulations nociceptives entraînent une réponse émotionnelle dans cette classe phylogénétique et qu’à ce titre, il semble possible de parler de douleur, et pas seulement de nociception chez les oiseaux ; toutefois la réalité du phénomène perceptif douloureux tel qu’il est appréhendé chez les mammifères fait encore l’objet de débats.

Il convient en effet de rappeler que la classe des oiseaux regroupe des animaux aux capacités cognitives très différentes ; les gallinacés, les palmipèdes ou les cailles qui constituent la majorité des oiseaux d’élevage, ont des capacités cognitives très réduites par rapport à certains autres oiseaux. Les travaux réalisés sur des geais (Clayton & Dickinson, 19

la douleur, va

tive phylogénétique est adoptée pour évaluer des actions

ph reptiles

qu’apparaissent les premières manifestations associées à des formes de conscience (ve

98) montrent qu’ils possèdent une mémoire de type épisodique comparable à l’un des mécanismes mnésiques les plus complexes chez l’homme. Les performances cognitives les plus élevées sont démontrées chez les corvidés et les psittacidés. Certains de ces derniers semblent capables de compter, d’associer formes et couleur à partir de consignes orales, d’indiquer l’emplacement d’un objet absent, au point que certains auteurs considèrent qu’ils possèdent une forme de conscience « d’ordre supérieur» (Pepperberg, 2006; Pepperberg & Lynn, 2000). Il reste donc possible que des capacités cognitives diverses s’accompagnent de niveaux de conscience primaire différents et induisent des degrés de complexité variable de la perception du phénomène douloureux entre différentes espèces d’oiseaux.

En conclusion, même si les oiseaux sont capables d’exprimer des comportements de protection et d’échappement d’origine nociceptive, et des manifestations émotionnelles associées, il est probable que, tout comme pour les diverses espèces mammaliennes, le niveau de conscience et les caractéristiques du vécu sensoriel et émotionnel de

rient suivant l’espèce. Il convient de rappeler que la classe des oiseaux regroupe des animaux aux capacités cognitives très différentes. Il est possible que ces capacités cognitives diverses s’accompagnent de niveaux de conscience différents. Enfin, les données neurobiologiques corroborent les données comportementales et physiologiques. Elles indiquent que les stimulations nociceptives entraînent une réponse émotionnelle dans cette classe phylogénétique et qu’à ce titre, il est possible de parler de douleur et pas seulement de nociception chez les oiseaux, même si ce point fait encore l'objet d'un débat dans la communauté scientifique en particulier pour certaines espèces d'élevage.

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