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Comment évaluer la douleur chez les animaux d’élevage ?

3.2. Critères physiologiques

Les paramètres physiologiques indicateurs de la douleur reposent essentiellement sur le fait que les systèmes de réponses au stress (axe corticotrope et système sympathique) sont activés en cas de douleur. La variation de ces paramètres n’est donc pas spécifique de la douleur et leur interprétation doit donc tenir compte du contexte.

3.2.1. Chez le porc et les ruminants

La liste des mesures possibles et des perturbations observées en cas de douleur sont indiquées dans les tableaux 1 et 2.

Tableau 2. Principaux critères physiologiques de douleur chez les bovins (d'après Anil et al., 2002; Bateson, 1991; Roger, 2008)

Système stimulé

par la douleur Critères de douleurs correspondants

Différence douleur/normea

[catécholamines]sang Üd

Fréquence cardiaque, pression artérielle Ü Perfusion tissulaire périphérique, température cutanée

ou oculaire Þ Température centrale Ü Fréquence respiratoire Ü Diamètre pupillaire Ü Sudation Ü Système Nerveux Autonome

Glycémie, [AGNEe]sang Ü

[ACTH]sang Ü

Axe

corticotropec [cortisol]sang, [cortisol]salive Ü

a Indique comment varient les paramètres décrits chez un animal douloureux par rapport à la normale. d Ü pour augmentation, Þ pour diminution.

e Acides Gras Non Estérifiés. [ ] Concentration

Parmi les critères physiologiques utilisés, le cortisol est le plus fréquemment utilisé chez les mammifères d’élevage. De très nombreuses études ont montré l’augmentation du cortisol plasmatique après une intervention douloureuse chez le porc (castration : (Carroll et al., 2007; Prunier et al., 2005) ; Figure 2), le veau (castration : (Cohen et al., 1990; Fisher et al., 1996) ; écornage : (Morisse et al., 1995; Sylvester et al., 1998) ou l’agneau (castration : (Lester et al., 1996; Lester et al., 1991); coupe de queue : (Lester et al., 1991)).

0 100 200 300 400 -30 0 30 60 90 120 150 180 Time (min) P las m a c or ti s o l (ng/ m l) * * * * 0 100 200 300 400 500 600 -30 0 30 60 90 120 150 180 Time, min Pl a s m a AC T H ( p g/ m

l) CAST SHAM NOHA

* * * * 0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 -30 0 30 60 90 120 150 180 Time (min) P la s m a nor a dr enal ine ( pg/ m l) 0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 -30 0 30 60 90 120 150 180 Time (min) P las m a ad renal ine ( pg/ m

l) CAST SHAM NOHA

Figure 2. Comparaison de l’influence de la castration (groupe CAST), de la manipulation mimant la castration (SHAM) ou de l’absence de traitement (groupe NOHA) sur les concentrations plasmatiques d’ACTH*, de cortisol* et de catécholamines à différents moment par rapport à l’intervention réalisée à au temps « 0 » chez des porcelets âgés de 5-6 jours (Prunier et al., 2006; Prunier et al., 2005), * : la concentration diffère significativement à P< 0,05 avec celle mesurée avant le temps 0).

Pour ce faire, des prélèvements sanguins sont effectués à intervalles réguliers sur des animaux contrôles et sur des animaux castrés. Dans certaines études, les auteurs ont comparé différentes méthodes pour une même pratique (par exemple castration avec pose d’élastique ou castration par incision) et ont comparé les profils de cortisol chez des animaux recevant ou non un traitement antalgique (anesthésique local tel que la lidocaïne couplé ou non à un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS*) tel que le kétoprofène, la flunixine, le diclofénac ou le méloxicam). Ces études ont clairement montré une augmentation transitoire de la concentration de cortisol pendant quelques heures, voire quelques jours pour certaines interventions, sauf après la coupe de queue et l’épointage des dents chez des très jeunes porcs. Par ailleurs, on constate que la seule manipulation des animaux témoins n'occasionne pas d’augmentation du cortisol (exemple chez le porc : (Prunier et al., 2005) ; exemple chez l’agneau : (Mellor & Murray, 1989a) ; exemple chez le veau : (Lay et al., 1992)). Par conséquent, toute augmentation de la concentration sérique du cortisol chez les animaux soumis à l’une des interventions est considérée comme imputable à cette intervention. L’utilisation d’une anesthésie locale* ou péridurale permet de réduire l’amplitude et la durée du pic de cortisol qui suit l’intervention, par exemple après la castration chez l’agneau (Graham et al., 1997; Molony et al., 2002), le porc (Prunier et al., 2002) ou le veau (Stafford et al., 2002; Ting et al., 2003), après la coupe de la queue chez l’agneau (Graham et al., 1997; Mellor & Murray, 1989a; Turner et al., 2006) et après l’écornage chez le veau (revue bibliographique : Stafford & Mellor, 2005). Cependant, dans le cas de l’écornage, on observe deux pics de cortisol et tout se passe comme si la sécrétion de cortisol augmente dès que l’anesthésie locale ne fait plus d’effet si bien que les concentrations deviennent supérieures à celles des animaux sans anesthésie, 6 à 8 heures après l’écornage. Plusieurs expériences ont également montré que l’anesthésie épidurale ou l’utilisation d’un AINS permet de réduire l’augmentation du cortisol plasmatique après la castration par exemple chez le veau (Earley & Crowe, 2002; Stafford et al., 2002; Ting et al., 2003) ou la coupe de queue par exemple chez l’agneau (Graham et al., 1997). L'anesthésie locale et l'injection d'un AINS ayant pour

objectif de supprimer la douleur liée à l’intervention, les différences constatées entre les courbes de cortisol des animaux soumis aux différentes interventions sont imputables à la douleur qu'elles occasionnent. Ces études illustrent l'intérêt du cortisol pour évaluer la douleur dans un contexte expérimental. Ces mesures sont néanmoins peu spécifiques car sujettes à variation du fait de réactions liées au stress, notamment lorsque les animaux ne sont pas cathétérisés pour l’espèce porcine (les veines sont très difficilement accessibles et les animaux doivent être tenus pour les prélèvements) ou ne sont pas habitués à la procédure chez les ovins et bovins. De plus, ces mesures sont peu, voire pas accessibles en routine sur le terrain.

La mesure de l’ACTH* dans le plasma est encore plus sensible à l’effet des interventions sur les animaux que la mesure du cortisol (exemple de la castration chez le porc : (Prunier et al., 2005), Figure 2). L’amplitude de l’augmentation est plus forte et le pic est observé plus rapidement. Cependant, cette hormone est encore plus sensible à l’effet d’un éventuel stress provoqué par la prise de sang elle-même ou toute perturbation de l’environnement.

Pour évaluer la réponse du système sympathique, il est possible de mesurer directement les concentrations plasmatiques des catécholamines, adrénaline et noradrénaline, ou de manière indirecte celles de métabolites sanguins dont la libération est stimulée par les catécholamines (cf. ci-dessus). A notre connaissance, ceci n’a été fait que dans quelques expériences et montre une augmentation très rapide mais de courte durée de l’adrénaline (porc après la castration : (Prunier et al., 2006) ; agneau après l’écornage : (Mellor et al., 2002)), plus lente mais durant plus longtemps de la noradrénaline (porc après la castration : (Prunier et al., 2006); agneau après l’écornage : (Mellor et al., 2002)). Ces deux neuropeptides sont encore plus sensibles à l’effet d’un éventuel stress provoqué par la prise de sang elle-même ou par toute perturbation de l’environnement ce qui les rend très difficile à utiliser même en situation expérimentale.

La réponse du système sympathique peut également être évaluée par la mesure de la température de l’œil à l’aide d’un thermomètre infrarouge. Ainsi chez le veau, on observe quelques minutes après l’écornage une diminution significative de la température chez des animaux écornés sans analgésie en comparaison à des animaux non écornés ou des veaux écornés avec une anesthésie locale (Stewart et al., 2008). La mesure du rythme cardiaque et du rythme respiratoire de même que celle de la pression artérielle peuvent aussi montrer une activation du système nerveux sympathique. Ainsi, une augmentation de ces paramètres a été mise en évidence lors d’une intervention douloureuse comme par exemple la castration chez le porc (rythme respiratoire et cardiaque : (White et al., 1995), pression artérielle : (Haga & Ranheim, 2005; Haga et al., 2001), le veau ou la vache (marquage au fer rouge : (Haga & Ranheim, 2005; Haga et al., 2001)). Cette augmentation diminue en cas d’application d’une anesthésie locale comme cela été montré chez le porc soumis à la castration (Haga & Ranheim, 2005; Haga et al., 2001; White et al., 1995). L’effet de la douleur sur la variabilité du rythme cardiaque a été peu étudiée alors que ce critère pourrait être très utile pour étudier les douleurs chroniques (von Borell et al., 2007a). A notre connaissance, une seule étude a été réalisée chez le cheval et a montré une modification de la variabilité du rythme cardiaque suggérant une diminution du tonus sympathique au profit du tonus vagal lorsque des animaux souffrant de boiterie sont traités avec un AINS (Rietmann et al., 2004).

A ces marqueurs de l’activation de l’axe corticotrope et du système nerveux autonome, on peut adjoindre des marqueurs de l’activation des structures du système nerveux impliquées soit dans la détection et la perception de la douleur, soit dans le contrôle de la douleur. Il s’agit par exemple de l’expression de gènes d’activation précoce tels que le gène c-fos dans la corne dorsale de la moelle épinière après la castration chez le porc (Nyborg et al., 2000). Par ailleurs, en réponse à la douleur, l'organisme sécrète des opioïdes endogènes qui permettent de réduire la douleur, tels que des endorphines comme cela a été montré par exemple chez le cheval (McCarthy et al., 1993; Raekallio et al., 1997). Ils peuvent donc être également utilisés comme révélateurs de la douleur. Cependant, l’intérêt de la mesure des concentrations plasmatiques des endorphines s'est révélé limité car ce paramètre manque de spécificité chez le cheval (McCarthy et al., 1993). Ce paramètre vient d’être utilisé chez le

porc pour comparer les effets de différentes interventions (castration, pose de boucle à l’oreille, épointage des dents (Marchant-Forde et al., 2009). Les effets sont peu marqués et l’augmentation observée après la castration pourrait s’expliquer par la perte de sang.

L’activité électrique du cerveau peut être modifiée sous l’effet de stimuli nociceptifs. Cette activité est analysée à partir d’enregistrements graphiques (électroencéphalogramme, en abrégé EEG*) des variations du potentiel électrique qui se produisent au niveau de l’écorce cérébrale et qui sont détectées grâce à des électrodes placées sur le crâne. Les activités électriques du cerveau sont classées selon leurs fréquences en quatre types : delta (< 4 Hz), thêta (4-7 Hz), alpha (8-13 Hz) et bêta (>13 Hz). Les ondes alpha et bêta sont caractéristiques de l’état de veille. Les ondes de type delta sont observées pendant le sommeil à ondes lentes chez les hommes adultes, mais aussi chez le jeune enfant éveillé. Ces dernières deviennent plus abondantes sous l’effet d’agents pharmacologiques anesthésiants. En utilisant cette technique, il a été possible de montrer chez des porcelets anesthésiés à l’halothane (ce gaz anesthésiant n’a pas de propriété antalgique) que la puissance des ondes alpha et thêta diminue dans les minutes qui suivent la castration chirurgicale et que cet effet disparait en grande partie lorsque les animaux reçoivent au préalable une anesthésie locale à la lidocaïne (Haga & Ranheim, 2005). Des modifications similaires ont été observées chez le veau après l’écornage (Gibson et al., 2007).

De la même manière que l’approche lésionnelle peut révéler des sources potentielles de douleur, la mesure des protéines de la phase aiguë de l'inflammation constitue un indicateur indirect de douleur en révélant une inflammation tissulaire car on sait que l’inflammation est généralement source de douleur. Ainsi, il a été montré que les concentrations sériques de certaines protéines comme l’haptoglobine, le fibrinogène, la céruloplasmine ou la sérum amyloïde A augmentent lors d'inflammation (revue bibliographique : Murata et al., 2004). Ce sont des indicateurs sensibles de l'inflammation qui peuvent permettre de caractériser une inflammation subclinique (Petersen et al., 2004). Ces indicateurs restent néanmoins à l'heure actuelle des outils trop complexes à mettre en œuvre en dehors d'un cadre expérimental.

3.2.2. Chez les oiseaux

Les paramètres physiologiques utilisés pour évaluer la douleur sont principalement les modifications cardiovasculaires, la mesure des glucocorticoïdes circulants et la modification de l’électrocardiogramme.

L’exposition à un stimulus nociceptif aigu entraîne le plus souvent une accélération de la fréquence cardiaque (épointage du bec, exposition à un agent inflammatoire dans l’œsophage (Servière et al., 2002)). Cependant, dans certains cas comme celui de l’arrachage des plumes (Gentle & Hunter, 1991), la fréquence cardiaque est ralentie chez 20% des animaux avec un retour à la fréquence basale au bout de 100 secondes alors que 62% des poules présentent une élévation de la fréquence cardiaque. Dans le cas de travaux expérimentaux où la stimulation nociceptive est provoquée par le dépôt d’huile de moutarde, la tachycardie persiste pendant 2 à 4 heures (Servière et al., 2002). Aucun travail sur la variabilité de la fréquence cardiaque lors d’un épisode douloureux n’est disponible chez les volailles. Cette méthode utilisée pour évaluer l’équilibre sympatho-vagal chez les mammifères reste peu employée chez les oiseaux (von Borell et al., 2007b).

La pression artérielle est augmentée sous l’effet de l’activation sympathique. Ce paramètre a été peu mesuré chez les oiseaux du fait de la difficulté technique à réaliser cette mesure sans stress de contention. L’augmentation de la pression artérielle moyenne (systolique et diastolique) varie suivant le stimulus et est rapidement compensée par des phénomènes de barorégulation (Gentle & Hunter, 1991).

Les processus vasculaires périphériques peuvent être évalués cliniquement par la couleur de la crête qui pâlit lors des périodes de vasoconstriction périphérique. Ceci est noté lors de l’arrachage des plumes, mais cette modification n’est pas constante dans le temps et varie suivant les animaux et leur réaction comportementale (Gentle & Hunter, 1991).

Les EEG sont recueillis à partir d’électrodes implantées à la surface du télencéphale plusieurs semaines avant la mesure (Gentle, 1974; Gentle & Hunter, 1991). Les ondes sont

réparties en deux classes, l’une où le signal est de faible amplitude et de fréquence (0 à 30 Hz) et l’autre où le signal est de forte amplitude et de fréquence un peu plus faible (essentiellement de 0-15 Hz). Les ondes à forte amplitude représentent la majorité du spectre. Immédiatement après l’arrachage d’une plume, le signal perd son amplitude et bascule vers des fréquences plus élevées. Cette modification réapparaît plusieurs secondes après le retrait, mais elle n’est pas spécifique d’un signal nociceptif puisqu’elle a été observée également chez les oiseaux lors de l’immobilité liée à des situations effrayantes, appelée immobilité tonique.

Actuellement plusieurs études ont comparé l’activation neuronale ou la libération de neuromédiateurs chez des oiseaux témoins ou potentiellement douloureux (exposés à de l’huile de moutarde, épointage du bec à différents âges), mais aucune étude n’a permis de mettre en évidence de différences significatives qui suggèrent une relation entre ces données et les phénomènes douloureux (Den Boer Visser & Dubbeldam, 1997; Servière et al., 2002).

3.2.3. Chez les poissons

Comme chez les oiseaux et les mammifères, l’application d’un stimulus de stress chez les poissons conduit à la libération très rapide de catécholamines dans le sang et à l’activation de l’axe corticotrope qui résulte en une augmentation des concentrations plasmatiques de cortisol. Associées à ces réponses neuroendocriniennes, des réponses secondaires de stress sont observées au niveau de différentes fonctions physiologiques, comme la respiration, le système cardio-vasculaire, l’osmorégulation, le métabolisme énergétique (revue bibliographique : Wendelaar Bonga, 1997). Alors que de nombreuses études concernent ces réponses physiologiques chez des poissons exposées à des situations de stress, très peu d’études ont porté sur l’analyse de ces paramètres de stress en présence de stimulus nociceptif. Cependant, Sneddon et ses collaborateurs ont montré que l’application d’un stimulus nociceptif modifie les battements de l’opercule du poisson ce qui indique une augmentation de la ventilation des branchies et donc du rythme respiratoire (Sneddon, 2003). A notre connaissance, aucune étude n’a été réalisée sur l’activité de l’axe corticotrope suite à l’exposition à un stimulus nociceptif mais, compte tenu des connaissances acquises sur la physiologie du stress chez les poissons, un tel stimulus devrait induire, à court terme, une augmentation du cortisol plasmatique. En conclusion, au regard de ce qui est connu chez les oiseaux et les mammifères et de l’intérêt des paramètres physiologiques pour caractériser les effets de stimuli nociceptifs, il serait très intéressant de développer des études plus complètes sur ces réponses chez les poissons.

3.2.4. A l’abattage

La plupart des articles sur l’efficacité de l’étourdissement et/ou la saignée font appel à des mesures indicatrices de l’état de conscience ou de la capacité du cerveau à percevoir des stimuli venant de l’environnement. En effet, on considère que l’animal ne perçoit pas de douleur s’il est inconscient ou s’il ne perçoit pas les informations sensorielles provenant de son corps. Pour cela, on analyse les différentes ondes dans l’électroencéphalogramme et dans certains cas on soumet l’animal à des stimuli auditifs, visuels ou somato-sensoriels et on vérifie si ces stimuli induisent des modifications du tracé de l’EEG (potentiel évoqué ou PE). Dans le contexte de la douleur, les stimuli somato-sensoriels les plus appropriés pour identifier la présence de PE* sont les stimulations thermiques et électriques qui impliquent un nerf nociceptif. Les autres types de stimuli évaluent de manière indirecte la capacité qu’a l’animal à ressentir de la douleur puisqu’on s’intéresse à sa capacité à percevoir une stimulation qui n’est pas douloureuse. En d’autres termes, il est possible que l’animal puisse réagir par exemple à un stimulus lumineux par une modification de l’EEG sans que son cerveau soit réellement capable de percevoir la douleur. Les données expérimentales manquent pour infirmer ou confirmer cette hypothèse.

Sur un électroencéphalogramme, on identifie les activités électriques cérébrales rythmiques. Ces rythmes cérébraux sont classés selon leur fréquence et permettent

d'identifier ou de caractériser différents états psychologiques ou neurologiques (cf. ci- dessus). L’anesthésie profonde et la mort cérébrale sont caractérisées par un EEG plat ou presque. Cependant, en pratique, il est très difficile d’évaluer précisément la capacité de perception du cerveau. En se basant sur les similitudes comportementales, physiologiques et (neuro-) anatomiques entre l’homme et l’animal et sur les études réalisées chez l’homme, on a identifié (Daly & Whittington, 1986; Devine et al., 1986; EFSA, 2004) un certain nombre d’indicateurs d’un état cérébral supposé incompatible avec la conscience et la capacité à ressentir de la douleur chez la majorité de nos animaux d’élevage (voir chapitre 2 pour les incertitudes) :

• EEG épileptiforme (>1000 µV, 3-13 Hz), • Absence de PE,

• EEG contenant des ondes delta (< 4 Hz),

• EEG avec une amplitude < 10µV de manière durable,

• EEG avec une puissance de moins de 10% par rapport à l’activité normale (avant étourdissement) ou isoélectrique de manière durable.

La multiplicité des critères est en partie liée à la difficulté d’interpréter des données de l’EEG mais aussi à la difficulté technique de la mesure. On remarque parfois l’absence de cohérence entre différentes mesures. Ainsi, l’EEG épileptiforme empêcherait le cerveau d’intégrer normalement les informations. Toutefois, on a observé chez le mouton la présence de PE en même temps qu’un EEG épileptiforme (Gregory & Wotton, 1985). De même, on a observé l’absence de PE malgré un EEG normal chez des bovins étourdis par tige perforante (Daly et al., 1988) ou encore des PEs chez des animaux ayant un EEG plat (Gregory & Wotton, 1986). Ces incohérences s’expliquent en partie par l’utilisation de différentes techniques mesurant différents aspects du fonctionnement du cerveau. Le contexte des études est également techniquement difficile. Une étude a montré que l’apparition d’ondes delta ou d’un EEG isoélectrique avait peu de lien avec l’inconscience indiquée par l’absence de PE (Daly et al., 1988). Les auteurs ont suggéré que les mesures de PE sont probablement plus fiables et que la persistance d’un EEG apparemment normal est probablement un artéfact dû à la technique de mesure (à la surface de du cerveau) et à l’environnement (interférences électriques).

Chez l’homme, un EEG durablement plat est considéré comme indicateur de la mort. Dans le contexte de l’étourdissement, un EEG peut être plat de manière transitoire comme cela a été démontré chez la volaille étourdie par l’électronarcose tête seulement (Richards & Sykes, 1967).

Comme l’espèce, le type de l’animal (âge, sexe, patrimoine génétique) et la technique de l’étourdissement (y compris le paramétrage dans le cas de l’électronarcose) influencent le fonctionnement du cerveau. Malgré les efforts considérables qui ont donné lieu à plus d’une centaine de publications sur les effets de l’étourdissement, il reste encore énormément d’inconnus.

On considère que l’abolition des PEs indique une perte de réponse cérébrale et donc la perte de conscience chez beaucoup d’espèces. Le retour des PEs semble coïncider avec les signes comportementaux du retour de conscience. Toutefois, l’interprétation doit prendre en compte l’espèce et le contexte car la présence de PE n’indique pas toujours que l’animal est conscient (EFSA, 2004).

La mesure de la pression artérielle pendant la saignée a également été utilisée pour évaluer la qualité de l’étourdissement (Anil et al., 1995; Bager et al., 1988; Newhook & Blackmore, 1982). En effet, si la pression sanguine est nulle ou proche de zéro, le cerveau cesse de fonctionner normalement. De même, l’échange de substances entre le sang et les tissus ne peut se faire que si le sang circule sous une certaine pression. Le délai exact de perte de conscience à une pression sanguine de zéro n’est pas connu, mais chez les rongeurs de laboratoire il est estimé entre 3 et 6 secondes (Holson, 1992).

Des mesures comportementales sont plus faciles à obtenir dans le contexte de l’abattage mais elles présentent des inconvénients. Pour l’électronarcose et l’étourdissement

mécanique (tige perforante ou non perforante), les signes d’un étourdissement efficace (EFSA, 2004) sont l’effondrement immédiat, un état tonique transitoire, l’absence de respiration et l’absence d’une réponse à une stimulation douloureuse. Dans le cas de l’étourdissement mécanique on observe également la perte du réflexe cornéen. Dans le cas de l’électronarcose on observe après l’état tonique, des mouvements cloniques. Elle

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