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Comment évaluer la douleur chez les animaux d’élevage ?

3.1. Critères lésionnels

L’examen clinique des animaux, l’autopsie ou l’analyse histo-pathologique peut révéler des lésions susceptibles d’engendrer des douleurs. Fractures, lésions cutanées, abcès, inflammations, névromes* sont susceptibles de provoquer des douleurs chez les mammifères et les oiseaux, ou d’être nociceptifs chez les poissons.

3.1.1. Chez le porc et les ruminants

Chez les mammifères, l’innervation des tissus et les mécanismes de la douleur sont proches de ceux observés chez l’homme si bien que l’on considère que des lésions sources de douleur chez l’homme sont sources de douleur chez l’animal

L’analyse histo-pathologique a été utilisée notamment pour déterminer si la coupe de la queue induit le développement de névromes* connus pour être à l’origine de phénomènes hyperalgiques voir allodyniques ou de douleurs fantômes (cf. Chapitre 2) chez des personnes amputées. Chez le porc, de telles structures ont été décrites à partir de coupes histologiques de moignons de queue (Done et al., 2003; Simonsen et al., 1991). Cette approche a également été utilisée chez le porc pour évaluer les effets à long terme de l’épointage des dents. L’analyse histologique de sections longitudinales des dents à différents âges montre effectivement de nombreuses anomalies lorsque les dents sont épointées le lendemain de la naissance : effraction de la cavité pulpaire, fracture de la

dentine, hémorragie, pulpite, abcès, ostéodentine*, nécrose (Hay et al., 2004, Figure 1; Hutter et al., 1994).

Dent prélevée à 7 jours d’âge (x25) Dent prélevée à 28 jours d’âge (x25)

1 : Dentine 2 : Pulpe 3 : Os maxillaire 1 : Dentine 2 : Pulpe 4 : Débris de dent 5 : Fracture 6 : Hémorragie 3 : Os maxillaire 4 : Abcès

Figure 1. Coupe histologique longitudinale de dent de porcelet coupée à la pince le lendemain de la naissance (Hay et al., 2004) )

Une approche beaucoup plus classique consiste à relever les blessures, les meurtrissures, les abcès et, dans des cas extrêmes, les fractures. Parmi les critères utilisés le plus fréquemment figurent le nombre et la gravité des lésions cutanées ou des onglons dans toutes les espèces et les blessures à la queue, spécifiquement chez le porc. Cette approche a été utilisée par exemple chez le porc pour évaluer l’effet de l’épointage des dents des porcelets sur l’état des tétines des truies ou sur les porcelets eux-mêmes (Brown et al., 1996; Gallois et al., 2005). Elle peut également être très utile lors de regroupements d’animaux non familiers qui entraînent très souvent des lésions cutanées (Erhard et al., 1997; Francis et al., 1996) suite aux combats entre animaux (Gillman et al., 2009; Mouttotou et al., 1999a; Mouttotou et al., 1999b). Il existe de très nombreux autres exemples dans la littérature et nous n’en citerons que quelques uns : lésions à la queue ou aux oreilles des porcs (Guise & Penny, 1998; Penny & Hill, 1974; Penny & Mullen, 1976; Valros et al., 2004; Widowski et al., 2003), lésions aux pieds des porcs ou des vaches (Capion et al., 2009; Logue et al., 1994). A partir du dénombrement de ces lésions et/ou de l’importance de leur gravité, il est possible d’établir des scores comme cela a été fait dans le programme Welfare Quality®1 (Welfare Quality Consortium ®, 2009a; Welfare Quality Consortium ®, 2009b; Welfare Quality Consortium ®, 2009c).

3.1.2. Chez les oiseaux

Des mesures de l’état des plumes et des plaies entraînés par le picage chez les poules pondeuses permettent d’avoir une mesure indirecte de la gravité du phénomène. De même, les scores utilisés pour mesurer les pododermatites* chez le poulet permettent d’évaluer s’il ne s’agit que d’une simple inflammation ou d’un ulcère surinfecté (Allain et al., 2009). Les scores élevés sont associés à des réactions de retrait au toucher qui suggèrent des phénomènes douloureux.

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Le projet Welfare Quality® est un projet européen de recherche dont l’un des objectifs est de développer un système d’évaluation du bien-être des animaux de ferme. Ce système comporte 12 types de critères qui sont agrégés pour obtenu un score final. Parmi les critères retenus, il y a les blessures révélées par les boiteries et les altérations du tégument (e.g. pertes de poils ou lésions) ainsi que la santé évaluée au travers des problèmes respiratoires (e.g. toux), digestifs (e.g. diarrhées) et de reproduction (e.g. écoulements vulvaires), de la mortalité et du taux de renouvellement. Des

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Peu d’études anatomo-pathologiques sont disponibles pour nous éclairer sur l’aspect douloureux des lésions tissulaires. Ceci a été fait lors de l’étude de l’épointage du bec, pratique qui consiste à couper ou brûler la pointe de la partie supérieure du bec et qui vise à réduire les blessures induites par les coups de bec des animaux entre eux. L’examen du bec de poulets ayant subi une section tardive révèle la formation de névromes douloureux (Breward & Gentle, 1985), néanmoins ces anomalies ne sont pas retrouvées dans une étude ultérieure chez le dindon (Gentle & Corr, 1995), or en l’absence de névromes il n’a pas été mis en évidence de douleur chronique (Grigor et al., 1995).

Lors d’injection de Mycoplasmes* dans l’articulation tarsienne, le poulet développe une synovite* aiguë accompagnée d’une sensibilisation des fibres nerveuses (Gentle et al., 2003). Après 49 jours, cette synovite persiste mais elle n’est plus accompagnée de signes comportementaux évocateurs de douleur (suppression d’appui, etc.), ni d’activité des fibres nociceptives, ce qui ne permet pas de conclure sur le caractère douloureux de la lésion à ce stade. Cet exemple montre la difficulté de conclure à un phénomène nociceptif sur la base d’un simple examen lésionnel.

3.1.3. Chez les poissons

L’existence de lésions tissulaires est décrite chez les poissons en élevage (Abbott & Dill, 1985; Turnbull et al., 1998). Les lésions les plus souvent décrites sont des érosions de nageoires ou de la peau ou des lésions au niveau des yeux. Les causes de ces lésions peuvent être très variées (infections bactériennes ou virales, lumière UV, carence alimentaire, attaque de prédateurs,…). Ces lésions ont des conséquences importantes sur le bien-être et la bonne santé des animaux atteints (Turnbull et al., 1998) mais, pour autant, aucune étude n’a été réalisée pour savoir dans quelle mesure de telles lésions pourraient avoir un caractère nociceptif.

3.1.4. A l’abattage

La situation en abattoir est complexe avec une forte pression des cadences à respecter. Aussi, la possibilité de relever des indicateurs de douleur est réduite. Le plus souvent, les mesures se font post-mortem, sur la carcasse. Les critères utilisés sont généralement liés à des douleurs supposées fortes (meurtrissures, fractures,…). Ces critères indiquent des problèmes ayant eu lieu avant ou pendant (évaluation de la qualité de l’étourdissement et de la saignée) l’abattage.

Le nombre de lésions cutanées et de meurtrissures et leur degré de gravité peuvent être évalués sur l’animal vivant (porcins) mais surtout sur les carcasses avec une meilleure précision (ovins, porcins, bovins, volailles). Elles sont dues à des combats entre animaux (porcs, gros bovins), ou à d’autres comportements susceptibles d’induire des lésions comme les chevauchements chez les taurillons. Des fractures des pattes et/ou des ailes et des luxations peuvent être observées chez les différentes espèces. Les fractures des pattes chez les ovins, bovins et porcins sont souvent le résultat de glissades et de chutes, dues à des sols lisses ou à des pertes d’équilibre pendant le transport (Costa et al., 2006; Tarrant, 1990). Les fractures et les luxations des pattes et des ailes ainsi que les hémorragies intramusculaires chez les volailles sont souvent dues au ramassage dans l’exploitation et à l’accrochage à l’abattoir (Knierim & Gocke, 2003; Kranen et al., 2000).

Des fractures des vertèbres peuvent être observées chez les porcs et sont souvent dues à une électronarcose effectuée avec des paramètres incorrects (Wotton et al., 1992). Ces fractures sont à l’origine de douleurs seulement si l’animal a été mal étourdi. Chez les bovins et d’autres espèces, à partir de la fin de la saignée, l’évaluation de l’emplacement de la tige perforante permet d’estimer si son application a été efficace (Gregory et al., 2007).

L’évaluation des paramètres utilisés pour une technique d’étourdissement donnée est un des moyens d’évaluer son efficacité (Gregory, 1998). Par exemple, on connaît les paramètres du bain électrifié permettant d’étourdir correctement des volailles (Raj, 2006). De même, la tige perforante et la cartouche choisies doivent être en rapport avec l’espèce, le sexe et l’âge de l’animal concerné (Gregory et al., 2007).

En conclusion, les critères lésionnels sont un élément important pour détecter les sources de douleur chez tous les animaux d’élevage. Cependant, l’appréciation du caractère douloureux ou nociceptif des lésions observées doit être validée par des observations complémentaires mais elle s’avère souvent difficile.

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