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Les nouveaux enjeux tactiques et stratégiques

Ainsi, l’effondrement des fronts russe et italien créait de nouvelles conditions tac-tiques et stratégiques qui conjuguaient leurs effets avec l’épuisement dont les Allies souffraient. Pétain dut en tenir compte pour y faire face. Il prit alors la décision de rédiger la directive n , tout en formulant de nouvelles exigences, qui supposaient un besoin urgent de main-d’œuvre.

. La directive n 

La directive n  de Pétain, lancée le  décembre  du fait des négociations d’armistice germano-russes, assigna aux armées « une attitude expectante et orienta leur activité première vers le renforcement des organisations défensives », tout en affirmant « la nécessité de recourir à la contre-offensive pour battre l’ennemi » par-tout où cela serait possible. Cette directive, dite de seconde position, devait arrêter les offensives allemandes. Elle exigeait cependant un formidable besoin de main-d’œuvre dans la zone des armées. Pour Pétain en effet, il ne s’agissait plus de tenir coûte que coûte la ligne de front, sans céder un seul pouce du territoire national, mais bien plutôt de développer la conception d’un « champ de bataille d’armée²» étalé sur deux voire trois positions fortement défendues à quatre ou cinq kilomètres de distance l’une de l’autre. La première position devait affaiblir l’attaque ennemie,

. Giorgio R, « Les Italiens dans la deuxième bataille de la Marne »,op. cit., p. . . Guy P,Pétain général en chef...,op. cit., p. .

 L   …

la deuxième la stopper et la troisième, s’il y avait lieu, la disloquer. Le comman-dant en chef reprenait ainsi à son compte les enseignements de la tactique que les Allemands utilisaient avec succès depuis plus de trois ans sur le front occidental.

. De nouvelles exigences

Mais cette logique défensive exigeait beaucoup : une transformation radicale de l’état d’esprit qui régnait dans les sphères de commandement depuis trois ans, habi-tuées à la guerre statique sur la ligne de front ; de gros moyens en artillerie lourde (pour éviter également des pertes trop importantes) et surtout une main-d’œuvre abondante dans la zone des armées, main-d’œuvre d’autant plus indispensable que les ressources des armées en travailleurs avaient diminué considérablement.

Les hommes des vieilles classes avaient en effet été renvoyés à l’intérieur (départ du reliquat de la classe , des agriculteurs de la classe , des réservistes de l’armée territoriale — RAT — père de cinq enfants ou veufs père de quatre enfants). La durée des permissions avait augmenté, les besoins de l’agriculture à laquelle la zone des armées apportait son concours, soit sur demande, soit bénévolement, croissaient, et les territoriaux des classes plus jeunes avaient été poussés vers l’avant. Il fallait également tenir compte désormais de l’obligation d’équiper tous les sec-teurs du front, de l’accroissement constant des matériels et approvisionnements de toute nature à fournir aux armées, des manutentions rendues plus difficiles par l’in-troduction des gros calibres, et de la fatigue consécutive à trois années et demi de campagne sévissant plus particulièrement sur des réservistes de l’armée territoriale installés parfois dans des conditions matérielles précaires surtout dans les secteurs agités.

. Un besoin urgent de main-d’œuvre

Au total, d’après un rapport sur les besoins en main-d’œuvre de la zone des armées rédigé vers le  décembre , les rappels depuis le  janvier  « se sont élevés, rien qu’en ce qui concerne les troupes dépendant directement du Général en chef à   hommes, sur un effectif, au  janvier , de   hommes¹». La solu-tion passait par un appel massif à une main-d’œuvre étrangère,   hommes environ (dont il restait encore à fournir le  décembre ,   hommes) comprenant   à   Chinois,   Indochinois,   Américains,   prisonniers autrichiens et   Nord-africains.

E  ’I  Or, le  octobre , Pétain estima les « besoins actuels en main-d’œuvre de la zone des armées, en ne tenant compte que des plus urgents, à   hommes¹». Cinq mille hommes avaient été fournis par cinq bataillons malgaches et indochi-nois. Il restait encore à trouver plus de   hommes pour les travaux jugés les plus urgents. Les autorités françaises pensèrent alors aux Italiens.

Ainsi, tout un faisceau de causes, à la fois profondes et conjoncturelles, expli-qua les raisons qui poussèrent les autorités françaises à faire appel aux Italiens pour leur venir en aide et qui encouragèrent les autorités italiennes à répondre à leurs demandes. Le poids de la fraternité latine qui puisait ses racines dans l’héritage gari-baldien et dans l’histoire de l’immigration italienne en France ne peut être disso-cier des structures franco-italiennes qui permettaient aux hommes des deux pays de travailler et de collaborer ensemble, du niveau le plus simple dans le cadre de comité de soutiens franco-italien, au niveau le plus important, par le biais de la Mission militaire italienne en France et à l’occasion de conférences interalliées asso-ciant politiques, diplomates et militaires des deux pays. Le plan de Pétain fut adapté sans doute le mieux aux nouvelles données tactiques et stratégiques découlant de l’effondrement du front russe, du rétablissement difficile du front italien sur le Piave après la débâcle de Caporetto, et de l’afflux massif de renforts allemands sur le front du nord-est qui augurait d’offensives ennemies pour le printemps , mais il fut aussi excessivement exigeant en une main-d’œuvre que les ressources coloniales et autres n’arrivaient pas à fournir. Il fallut bien s’en remettre aux Italiens pour obtenir ce dont les Français avaient un urgent besoin pour continuer la guerre.

. SHD/GR,  N / : lettre du commandant en chef des armées du nord et du nord-est n . au ministre de la Guerre, GQG le  octobre .

C II