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1.2 Synthèse de NO par les NO synthases

1.2.2 Les NO synthases

1.2.2.1 Généralités

La synthèse de NO est catalysée par une famille d’enzymes appelées NO synthases (NOS). Trois isoformes distinctes de NOS ont été décrites chez les mammifères à partir de 198926. Elles sont les produits de gènes indépendants, localisés sur des chromosomes différents, et se distinguent par une localisation subcellulaire et tissulaire, une régulation et des propriétés catalytiques qui leur sont propres. Leur clonage et leur purification ont été réalisés entre 1991 et 1994. La nomenclature la plus couramment utilisée est la suivante : nNOS (aussi nommée Type I, NOS-I ou NOS-1) d’abord isolée du tissu neuronal où elle est prédominante, iNOS (Type II, NOS-II ou NOS-2) qui est inductible dans une grande variété de cellules et tissus, et eNOS (Type III, NOS-III ou NOS-3) pour l’isoforme découverte originellement dans les cellules endothéliales vasculaires.

Les NOS sont également parfois classées selon leur mécanisme d’expression et leur dépendance au calcium : les NOS constitutives (eNOS et nNOS), pour lesquelles une augmentation de la concentration intracellulaire en Ca2+ est nécessaire à la production de NO, et la NOS inductible (iNOS), dont l’activité est indépendante des flux calciques. Le potentiel de synthèse de NO par les NOS constitutives (concentrations nanomolaires) est très inférieur à celui de la NOS inductible (concentrations sub-micromolaires). L’idée selon laquelle la eNOS et la nNOS sont exprimées de façon constitutive tandis que la iNOS est induite durant la réponse immunitaire est vraie dans la majeure partie des situations. Cette classification est toutefois désuète du fait de l’existence de conditions entraînant une hausse de l’expression génique pour les enzymes constitutives : la eNOS voit par exemple son niveau d’expression augmenté dans

certaines situations comme la stimulation par des œstrogènes, l’hyperthermie, l’exercice physique et les forces de cisaillement hémodynamiques27–30. A l’inverse, il existe des conditions physiologiques faisant de la iNOS une enzyme exprimée « constitutivement », comme c’est par exemple le cas dans le colon, la trachée, les poumons et le foie31–33.

1.2.2.2 Localisation tissulaire et subcellulaire des NO Synthases

Si la nNOS et la eNOS tiennent leur dénomination de l’origine tissulaire à partir de laquelle elles furent décrites pour la première fois, cette classification n’est pas absolue34. La nNOS est aussi présente de façon importante dans le muscle squelettique par exemple. La iNOS, initialement purifiée à partir de macrophages activés, est aussi induite dans de très nombreux types cellulaires comme les cardiomyocytes, les fibroblastes, les hépatocytes, les cellules gliales ou les cellules musculaires lisses vasculaires. La eNOS, enfin, fut d’abord purifiée et clonée à partir de l’endothélium vasculaire, mais elle est aussi exprimée dans les cardiomyocytes ou les plaquettes sanguines.

La compartimentalisation intracellulaire des isoformes de NOS est cruciale pour leurs activités de transduction du signal respectives. En plus de dépendre du type cellulaire, l’expression de chaque isoforme est en effet restreinte à des compartiments subcellulaires particuliers. Un exemple très marquant est le cas des cardiomyocytes, dans lesquels les trois isoformes sont exprimées (pour la iNOS seulement en réponse à des stimuli proinflammatoires). Les souris eNOS-/- et nNOS-/- développent une hypertrophie cardiaque liée à l’âge, mais seules les souris nNOS-/- sont hypertensives. Ces phénotypes ont pu être expliqués par une localisation subcellulaire différencielle de ces isoformes : la nNOS est proche du réticulum sarcoplasmique tandis que la eNOS se situe au niveau des cavéoles des cardiomyocytes (avec les récepteurs β-adrénergiques et les canaux calciques de type L)35. Ces isoformes sont également connues pour exercer une régulation différente des flux de calcium : la eNOS inhibe l’influx calcique en réponse à des agonistes des récepteurs β-adrénergiques (et via les canaux calciques de type L), alors que la nNOS facilite la sortie de calcium du réticulum sarcoplasmique. Ceci peut être facilement expliqué par les localisations subcellulaires de ces deux isoformes, qui favorisent respectivement leur interaction avec la cavéoline-3 et les récepteurs à la ryanodine.

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De manière générale, la iNOS se trouve sous forme particulaire (à l’état dimérique) dans le cytosol. Mais elle a aussi été observée sous forme monomérique dans les péroxysomes d’hépatocytes, ainsi qu’au pôle apical des cellules épithéliales où elle s’associe au cytosquelette d’actine corticale36,37. La eNOS est majoritairement exprimée au niveau membranaire dans le Golgi, les cavéoles et les radeaux lipidiques38. La nNOS enfin, a été décrite aussi bien sous forme soluble dans le cytosol, que sous forme particulaire au niveau du réticulum endoplasmique et des zones de densité post-synaptique39.

Figure I-5 : Trafic intracellulaire de la eNOS38. La eNOS est ancrée à la membrane du Golgi

après avoir été myristoylée à l’extrémité N-ter (Gly-2) au cours de sa traduction. Elle est ensuite adressée à la membrane plasmique grâce à sa palmitoylation (Cys-15 et Cys-26), au niveau de radeaux lipidiques ou des cavéoles. Le transport rétrograde de la eNOS de la membrane plasmique au Golgi est initié en cas de dépalmitoylation.

Les NOS peuvent également être transloquées au sein de différents compartiments cellulaires. La eNOS est l’isoforme la plus étudiée du point de vue de son trafic intracellulaire. Elle subit des translocations entre l’appareil de Golgi et la membrane plasmique induites par des modifications post-traductionnelles qui affectent son ancrage lipidique (palmitoylation et myristoylation) (cf. Figure I-5)38. L’association eNOS/cavéoline inhibe l’activité de la eNOS. Après stimulation par un agoniste, la concentration en Ca2+ intracellulaire augmente, induisant alors l’association de la CaM à la eNOS et provoquant dans le même temps sa dissociation de la cavéoline. La eNOS est dépalmitoylée et acheminée jusqu’au Golgi où elle est phosphorylée avant de revenir à la membrane où son activité est la plus élevée. La nNOS peut aussi avoir une

localisation membranaire : grâce à son domaine PDZ (PSD/Disc-large/ZO-1), elle s’associe à la protéine PSD-95 (Post synaptic density-95) qui est palmitoylée, et se localise dans la densité post-synaptique des neurones.

1.2.2.3 Structure des NO Synthases

Les NOS des mammifères sont composées d’un domaine oxygénase (N-terminal) et d’un domaine réductase (C-terminal) (cf. Figure I-6). Le domaine oxygénase des NOS lie l’arginine et deux cofacteurs, la (6R)-5,6,7,8-tétrahydrobioptérine (BH4) et l’hème (coordination avec le cation Fe2+ et la protoporphyrine IX). Le domaine réductase de la NOS peut être subdivisé en deux domaines de liaison aux flavines FAD (Flavin adenine dinucleotide) et FMN (Flavin

mononucleotide). Le domaine réductase lie également le NADPH (Nicotinamide adenine dinucleotide phosphate) qui fournit les électrons nécessaires à la catalyse enzymatique. Il est

apparenté à la cytochrome P450 réductase microsomiale qui permet le transfert d’électrons du NADPH aux cytochromes P450 (métabolisme des acides gras, des stéroïdes, des prostaglandines et de nombreux xénobiotiques). Le domaine de liaison à FMN est connecté au domaine oxygénase par l’intermédiaire d’un segment d’une trentaine d’acides aminés formant le domaine de liaison à la calmoduline (CaM). La forme catalytique des NOS est un homodimère.

Les NOS inductible et constitutives partagent de 51 à 57% d’homologie dans la séquence primaire. Il y a une forte conservation des domaines de liaison aux cofacteurs, mais des divergences au niveau des segments de connexion (ex : domaine de liaison à la CaM) et dans des inserts. La eNOS et la nNOS partagent certaines séquences modifiées (liaison à la CaM) et deux inserts importants : une boucle d’autoinhibition (AI) de 45 acides aminés au sein du domaine FMN, et une extension de 42 acides aminés à l’extrémité C-ter du domaine réductase (CT). L’isoforme nNOS comporte également un domaine PDZ de 220 aa à l’extrémité N-terminale, qui est impliqué dans des changements de localisation subcellulaire de cette isoforme. Pour la iNOS, la liaison à la CaM est de très haute affinité et quasi irréversible, à tel point que la calmoduline est parfois considérée comme une sous-unité de cette isoforme. En conséquence, la iNOS est active de façon permanente et capable de générer du NO sur des périodes longues (plusieurs jours). La structure du domaine de fixation à la CaM est modifiée dans les NOS constitutives, ce qui rend leur activité dépendante des flux calciques, et permet seulement une flambée transitoire de la production de NO40. Certaines modifications post-traductionnelles comme la phosphorylation de la eNOS permettent toutefois de prolonger leur activité41. Pour

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les NOS constitutives, il a aussi été montré que la délétion de la boucle d’auto-inhibition (AI) présente dans le domaine FMN et la délétion de l’extension CT résultaient en une liaison à la CaM pour de plus faibles concentrations en Ca2+, et en une hausse de l’activité du domaine réductase42,43.

Figure I-6 : Organisation des domaines structuraux des isoformes de NOS humaines26. La position

des différents domaines de liaison au substrat et aux cofacteurs est indiquée, tout comme la localisation de l’atome de zinc, du résidu cystéine qui est coordonné à l’hème, du site de fixation de la CaM, de la boucle d’autoinhibition (eNOS et nNOS), des sites de myristoylation (Myr) et palmitoylation (Palm) (eNOS) et de l’interface du dimère.

La technique de cristallisation aux rayons X a permis la détermination de structures à haute résolution des NO synthases, souvent par fragments et avec différents ligands (cf. Figure I-7)44. Les polypeptides AI et CT insérés augmentent la zone de contact entre les domaines FAD et FMN, et influencent la dépendance à la CaM de l’enzyme. La comparaison des structures des différentes isoformes de NOS révèle une organisation générale et une forme moléculaire très proches, avec une orientation relative des cofacteurs et une stéréochimie au sein du centre catalytique similaires45. L’association des NOS en dimères actifs fait intervenir une large interface dans le domaine oxygénase. La BH4 se lie au niveau de cette interface et aide à stabiliser la structure quaternaire de l’enzyme. En plus de la BH4, l’hème et la L-Arginine favorisent la dimérisation et/ou stabilisent les trois isoformes de NOS à l’état de dimère actif46. Les NOS humaines contiennent aussi un cluster zinc-tétrathiolate formé par un cation Zn2+ qui établit une liaison de coordination avec deux motifs CysXXXXCys (un sur chaque monomère). Le zinc se situe à l’interface du dimère de NOS où il joue un rôle majeur dans sa stabilisation47,48.

Figure I-7 : Visualisation 3D d’un dimère de domaines oxygénase de iNOS murine à l’aide de l’application web NGL Viewer. La structure a été résolue par cristallographie aux rayons X avec une résolution de 2,6 Å (Identifiant Protein Data Bank = 1NOD)44. Représentation en rubans des structures secondaires (en rose les hélices α, en jaune les feuillets β) du dimère avec une vue de face (A) et du dessus (B). En (C) et (D) les mêmes représentations avec une couleur différente (rouge ou bleue) pour chaque monomère, et avec les différents ligands du site actif (L-arginine, BH4, hème). La représentation de la surface occupée par les atomes révèle seulement deux poches exposées au solvant (pour chaque monomère), qui permettent d’apercevoir la BH4 (E) et l’hème (F). L’axe de symétrie C2 est représenté en vert. Les acides aminés du domaine oxygénase qui entrent en interaction avec l’arginine (G) et l’hème (H) au niveau du site actif sont également visualisables.

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