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1.3 NO est une molécule de signalisation cellulaire

1.3.4 Les défenses cellulaires en réponse aux dommages induits par NO

1.3.4.1 Aperçu général des mécanismes de défense antioxydante

Les mécanismes de défense permettant aux cellules de se protéger des dommages induits par un stress oxydant et nitrant sont cruciaux pour la survie, la différenciation et la croissance cellulaire94. Au moins trois mécanismes de défense ont été communément adoptés par les cellules pour se protéger des effets cytotoxiques de NO. Le premier est la mise en place d’un environnement réducteur et protecteur composé de molécules de faible poids moléculaire et comportant des thiols avec un groupement sulfhydryle actif d’un point de vue redox (ex : GSH, TRX). A cela s’ajoute l’expression d’enzymes antioxydantes (ex : SOD, catalase, GPX). Les superoxyde dismutases (SOD) ont un rôle fondamental dans la limitation des effets toxiques de NO. Elles accélèrent en effet la réaction de dismutation des anions O2

détoxification est ensuite prise en charge par la GPX (Glutathione peroxidase) ou la catalase. A noter que deux des trois types de SOD exprimées par les cellules eucaryotes sont impliquées dans la défense contre la cytotoxicité de NO : une SOD constitutivement exprimée dans le cytosol (Cu,Zn-SOD) et une SOD mitochondriale dont l’expression est largement modulée par divers stimuli (Mn-SOD, qui est induite par NO). Enfin, la réponse antioxydante reposant sur le système Nrf2 (NF-E2-related nuclear factor 2) – Keap1 (Kelch-like ECH-associated protein

1) constitue un troisième mécanisme critique de défense contre la cytotoxicité de NO.

1.3.4.2 L’activation de Nrf2 est une voie centrale de détoxification des xénobiotiques et des espèces oxydantes

Le système Keap1-Nrf2 est au centre d’une voie majeure de détoxification des xénobiotiques et de réponse aux stress oxydant et électrophile95. A l’état basal, la protéine Nrf2 réside principalement dans le cytoplasme où elle est liée à Keap1, elle-même ancrée au cytosquelette d’actine et qui réprime son activité96. L’exposition des cellules à des espèces oxydantes ou électrophiles libère Nrf2 de Keap1, conduisant à la translocation nucléaire de Nrf2 et à l’activation coordonnée de gènes régulés par des ARE (Antioxidant response elements). Nrf2 est apparenté au facteur de transcription NF-E2 (Nuclear factor-erythroid 2) et appartient à la famille Cap’n’collar. Il possède un domaine bZIP (Basic region-leucine zipper) lui conférant la capacité de se lier à ces éléments de réponse. Nrf2 déclenche l’expression d’enzymes de phase II qui détoxifient les intermédiaires électrophiles générés suite à la première étape de métabolisation des xénobiotiques (assurée par les cytochromes P450)97.

On compte parmi ces enzymes NQO1 (NAD(P)H quinone oxidoreductase 1) et la sous-unité Ya de la GST (Glutathione S-transferase). NQO1 est une flavoprotéine qui catalyse la réduction à deux électrons des quinones à chaîne courte (ex : ubiquinone, benzoquinone) en hydroquinones, ce qui évite la formation d’espèces radicalaires issues de leur réduction mono-électronique. La sous-unité Ya de la GST assure la conjugaison d’électrophiles hydrophobes ou de ROS avec le glutathion, qui sont ensuite excrétés. Nrf2 induit également une batterie de gènes antioxydants codant pour HO-1 (Heme oxygenase 1), GCL (Glutamate cysteine ligase), PRX (Peroxyredoxine) ou encore SRX (Sulfiredoxin). HO-1 catalyse l’étape limitante du catabolisme de l’hème ; GCL est responsable de la première réaction de la voie de biosynthèse du GSH ; SRX réduit le thiol du résidu cystéine catalytique des PRX lorsqu’elles sont suroxydées (les faisant passer de l’état d’acide sulfinique -SO(OH) à l’acide sulfénique -SOH, qui peut être réduit à nouveau par TRX afin de régénérer l’activité de la PRX).

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Figure I-15 : Activation de gènes cibles de Nrf2 en réponse à des stress cellulaires95. En absence de

stress cellulaire, Nrf2 est maintenue dans le cytoplasme par Keap1, qui dirige constamment sa dégradation par le protéasome. L’exposition à des molécules électrophiles ou oxydantes perturbe le complexe et le rend inactif. Les protéines Nrf2 synthétisées de novo échappent à la dégradation et subissent une translocation nucléaire. Elles s’associent ensuite aux petites Maf et se lient à des ARE pour induire l’expression d’enzymes de détoxification et de protéines antioxydantes.

En plus des intermédiaires issus du métabolisme des xénobiotiques, Nrf2 est activée par beaucoup d’autres molécules au caractère électrophile telles que la tert-butylhydroquinone (t-BHQ), le sulforaphane (présent en quantité dans des légumes crucifères comme les brocolis) ou le curcumin98–100. Certains métaux lourds (ex : chlorure de cadmium), des ROS (ex : O2•-, H2O2) et des RNS (ex : ONOO-) peuvent aussi être à l’origine de son activation. Les ROS et RNS étant produites dans de multiples situations physiologiques comme par exemple l’activation des neutrophiles au cours d’une inflammation ou d’une infection, et la phosphorylation oxydative, la réponse Nrf2 fait partie des mécanismes vitaux mis en place par les cellules eucaryotes pour survivre face aux stress cellulaires induits par ces molécules.

Deux mécanismes de dissociation de Nrf2 et Keap1 ont jusqu’à présent été identifiés. Il y a d’une part l’activation par un stress oxydant ou électrophile de la PKC (Protein kinase C) qui phosphoryle Nrf2 au niveau du résidu C40, et d’autre part la perturbation du complexe par des inducteurs ciblant des résidus cystéine de Keap1101,102. Keap1 est une protéine adaptatrice qui sert d’échafaudage à la formation d’un complexe avec Nrf2 et Cul3 (Culline 3), une E3

ubiquitine ligase responsable de la poly-ubiquitination de Nrf2 et de sa dégradation protéasomale. Keap1 est une protéine riche en cystéines, dont certaines présentent une forte réactivité avec les électrophiles et les ROS : elles sont localisées dans le domaine d’homodimérisation de Keap1 (C151), dans son domaine de liaison à la Culline 3 (C273/C288), ainsi que dans son domaine de liaison à Nrf2 (C434). Les modifications chimiques (oxydation, S-nitrosylation, etc.) de ces thiols induisent des changements conformationnels de l’homodimère Keap1 qui inactivent le complexe Keap1-Cul3 et perturbent la liaison avec Nrf2, empêchant la poly-ubiquitination de résidus lysine de cette dernière. Les dernières découvertes supportent plutôt un modèle selon lequel Nrf2 ne se dissocie pas complètement du complexe Cul3-Keap1, rendant ce dernier inactif103. Les protéines Nrf2 nouvellement synthétisées échappent ainsi à la dégradation protéasomale et peuvent s’accumuler dans le noyau où elles activent des gènes cibles (cf. Figure I-15).

Plusieurs mécanismes d’activation de Nrf2 par NO ont été rapportés. Le stress nitrosant induit par NO peut activer Nrf2 en passant par la voie PI3K-Akt, via une S-nitrosylation de la phosphatase PTEN (Phosphatase and TENsin homolog, régulateur négatif de la voie PI3K-Akt)104. De plus, le produit de nitration du GMPc (8-nitro-cGMP) possède des propriétés électrophiles lui permettant de cibler Keap1 (S-guanylation de C434)105. Enfin, la S-nitrosylation directe de Keap1 (C151) a également été observée lors d’une activation de la voie Nrf2 par NO dans les cellules PC12106.

Nrf2 ne comporte pas de domaine de liaison à l’ADN. Sa fixation à l’ADN et son activité transactivatrice de gènes cibles nécessitent la présence de partenaires hétérodimériques, les petites Maf (Musculoaponeurotic fibrosarcoma : MafG, MafK et MafF), dont la spécificité de reconnaissance est réservée aux seuls ARE (cf. Figure I-16). Les facteurs de transcription de la famille des petites Maf ne contiennent pas de domaine de transactivation et présentent la caractéristique de pouvoir former des homodimères qui se comportent comme des répresseurs transcriptionnels107.

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Figure I-16 : Séquences ADN consensus de reconnaissance des protéines de la famille CNC et des

petites Maf 97. La séquence consensus des éléments de réponse antioxydants (ARE) est proche de celle

du site de liaison du facteur de transcription NF-E2. Les hétérodimères composés d’un membre de la famille des Cap’n’collar à domaine bZIP et d’une petite Maf interagissent avec ces éléments. D’autres protéines à domaine bZIP comme c-Jun et c-Fos peuvent également se lier aux ARE, mais seules les petites Maf reconnaissent les séquences MARE (Maf recognition elements).

1.4 Les fonctions physiologiques et les effets