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Quel est le destin des cellules exposées à de fortes concentrations en NO ?

1.3 NO est une molécule de signalisation cellulaire

1.3.3 Quel est le destin des cellules exposées à de fortes concentrations en NO ?

NO est une molécule aux multiples facettes : A de faibles concentrations, elle agit comme une molécule de signalisation régulant de très nombreux processus physiologiques. A de fortes concentrations essentiellement générées par une activité iNOS prolongée, elle favorise l’apparition de mutations et altère le fonctionnement de nombreuses protéines. Le destin des cellules confrontées à de fortes concentrations de NO va dépendre du contexte cellulaire et de

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la sévérité des dommages, qui soit pourront être réparés, soit aboutiront à la mort cellulaire apoptotique voir nécrotique en cas de déplétion en ATP (Adenosine triphosphate).

La plupart des dommages macromoléculaires sont causés par des espèces réactives formées à partir de dérivés de NO (N2O3, ONOO-, NO2). Au niveau de l’ADN, NO et le peroxynitrite provoquent respectivement des désaminations et des oxydations de bases mutagènes81. L’analyse des mutations induites par une exposition prolongée à NO révèle une fréquence élevée de substitutions de bases, mais aussi la présence de cassures double brin, de délétions et d’insertions. Les modifications post-traductionnelles (S-nitrosylation, nitration) de protéines induites par NO peuvent également inactiver des enzymes cruciales dans le métabolisme (ex : aconitase) ou la détoxification (ex : Mn-SOD), et inhiber la réparation de l’ADN (ex : Ribonucléotide réductase). L’inhibition de la respiration cellulaire par NO fut l’un des premiers mécanismes de cytotoxicité dépendante de NO à être mis en évidence82. NO module en effet le fonctionnement de la mitochondrie en interagissant avec différents composants de la chaîne respiratoire mitochondriale. En concentration subnanomolaire, NO induit une inhibition réversible de la respiration grâce à une S-nitrosylation du complexe IV (cytochrome c oxydase) au niveau du fer ferreux (Fe2+) héminique ou du cuivre cuprique (Cu2+) de son centre bimétallique56. Des concentrations en NO plus fortes inhibent la chaîne respiratoire au niveau du complexe I (NADH déshydrogénase), cette fois de manière irréversible via l’oxydation ou la S-nitrosylation de groupements thiols spécifiques83.

De très nombreux travaux ont révélé une modulation par NO de la mort cellulaire par apoptose84. NO induit l’apoptose dans des types cellulaires variés dont les macrophages, les neurones, les cellules β-pancréatiques et les hépatocytes. La voie mitochondriale semble être la voie apoptotique induite le plus fréquemment par NO. Elle se caractérise par une accumulation de la protéine suppresseur de tumeur p53, des changements d’expression des membres pro- et antiapoptotiques de la famille Bcl-2 (B cell lymphoma-2) et la formation d’un pore de transition de perméabilité mitochondriale. La perméabilisation de la membrane mitochondriale et la chute subséquente du potentiel de membrane mitochondrial entraînent un relargage cytoplasmique de facteurs proapoptotiques (cf. Figure I-14). Le cytochrome c est l’un de ces facteurs qui, en s’associant avec la procaspase-9 et APAF-1 (Apoptotic peptidase activating factor-1), constitue l’apoptosome et active des caspases effectrices comme la caspase-385. Dans certains types cellulaires comme les cellules de neuroblastome et les cellules leucémiques HL-60, il a toutefois été rapporté une activation précoce des caspases initiatrices -2 ou -8, suggérant que la voie

extrinsèque de l’apoptose peut également être déclenchée par NO. Cette seconde voie fait appel à une hausse de l’expression du récepteur à domaine de mort Fas/CD95 dépendante de p5386,87. Dans nombre de ces situations, la protéine p53 apparait comme un médiateur critique de l’apoptose induite par NO. Ceci est très bien illustré par les découvertes réalisées sur les cellules WTK-1, qui sont transformées par infection avec le virus d’Epstein-Barr. Cette lignée porte une mutation de perte de fonction de la protéine p53 à l’origine d’une forte instabilité génomique. Le traitement de ces cellules avec de fortes doses de NO, bien qu’induisant des dommages très conséquents à l’ADN, résulte en une abrogation de la réponse apoptotique88.

Figure I-14 : Mécanismes moléculaires de mort cellulaire induite par NO5. La génération simultanée

de flux de NO (par les NO synthases) et d’anions O2•- (ex : fuite d’éléctrons de la chaine respiratoire mitochondriale, NADPH oxydase, xanthine oxydase, découplage de NOS) favorise considérablement la formation de peroxynitrite (ONOO-). La cytotoxicité du peroxynitrite provient d’une panoplie d’effets variés tels que la peroxydation lipidique, l’oxydation et la nitration de protéines, les dommages oxydatifs de l’ADN, l’activation de métalloprotéases matricielles ou l’inactivation d’une série d’enzymes clé dans le fonctionnement de la cellule. Les enzymes mitochondriales sont particulièrement vulnérables aux attaques du peroxynitrite, ce qui conduit à une réduction de la formation d’ATP et à l’ouverture d’un pore de transition de perméabilité mitochondriale (PTP) qui dissipe le potentiel de membrane mitochondrial. Ces évènements aboutissent à une interruption de la chaine de transport d’électrons, à l’arrêt de la synthèse d’ATP, au gonflement des mitochondries et à la perméabilisation de leur membrane externe, ce qui provoque un efflux de facteurs proapoptotiques comme le cytochrome c et AIF. Ces derniers activent en aval des effecteurs comme les caspases, qui conduisent à la fragmentation nucléaire. Le peroxynitrite inflige des dommages supplémentaires au niveau de l’ADN qui provoquent l’activation de la PARP. Les dommages modérés de l’ADN activent la machinerie de réparation de l’ADN. Les dommages excessifs provenant d’un stress nitrant et d’un stress oxydatif entrainent la mort de la cellule par apoptose ou par nécrose en cas d’ouverture étendue du PTP ou de suractivation de la PARP (consommation massive de NAD et effondrement du niveau d’ATP).

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Il existe également des situations dans lesquelles NO exerce au contraire un effet protecteur contre l’apoptose. Parmi les mécanismes biochimiques sous-jacents, la voie NO/GMPc intervient dans l’inhibition de l’apoptose induite par des ligands comme le TNF-α (Tumor necrosis factor-alpha) et Fas-L, lors d’un stress oxydatif ou d’une privation en facteurs de croissance89–92. La S-nitrosylation de protéines comme les caspases effectrices -3 et initiatrices -8 et -9 ou celle des facteurs de transcription AP-1 (Activator protein 1) et NF-κB interfère aussi avec le programme d’exécution de l’apoptose. Enfin, NO agit dans certains cas comme un piégeur de ROS, limitant leurs effets cytotoxiques dans des cellules qui y sont particulièrement exposées comme par exemple les macrophages93.

Les niveaux toxiques de NO produits par les cellules inflammatoires peuvent infliger des dommages cellulaires et macromoléculaires aux cellules situées dans leur voisinage, dont le destin dépend de la gravité des dommages et de leur capacité de réparation de l’ADN. Les cellules présentant des dommages mineurs à l’ADN peuvent les réparer de façon complète sans autre conséquence, tandis que celles touchées par des dommages sévères meurent par apoptose ou par nécrose. Dans les situations où les lésions de l’ADN sont trop importantes pour être réparées mais où la mort cellulaire n’est pas déclenchée, ces cellules peuvent acquérir de nouvelles mutations qui vont initier et renforcer la carcinogenèse. Ainsi, l’apoptose peut être considérée comme une réponse cellulaire protectrice lorsque les dommages causés par NO sont trop conséquents.

1.3.4 Les défenses cellulaires en réponse aux dommages