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2 Le suppresseur de tumeur p73 et ses homologues

2.2 Contrôle de l’activité et de l’expression de p73

2.2.1 Régulation des fonctions de p73

Les protéines de la famille p53 sont régulées spatialement et temporellement par un très grand nombre de modifications post-traductionnelles et d’interactions protéine-protéine qui régulent leur niveau d’expression et leur activité.

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L’activité de p53 dépend surtout de mécanismes post-traductionnels qui stabilisent la protéine et augmentent son activité transcriptionnelle. Le principal mécanisme contrôlant l’abondance et l’activité de p53 implique l’E3 ubiquitine ligase à domaine RING finger appelée MDM2 (Mouse double minute 2). Elle exerce son effet inhibiteur en se liant directement à p53, ce qui inhibe à la fois son activité transcriptionnelle et provoque sa dégradation par le protéasome424,425. MDM2 fait partie des cibles induites par p53, et cette boucle régulatrice constitue un oscillateur cellulaire qui régule les niveaux de p53 et de MDM2 en réponse à une série de stress cellulaires. L’accumulation de p53 en réponse à un endommagement de l’ADN a lieu suite à sa phosphorylation, qui la rend résistante à sa dégradation induite par MDM2 et permet son interaction avec des coactivateurs transcriptionnels. D’autre part, p53 fut la première protéine n’appartenant pas à la famille des histones à avoir été identifiée comme substrat des histone acétyltransférases (HATs)386.

Figure I-35 : Principales modifications post-traductionnelles de p73426. Représentation schématique

de la localisation des modifications post-traductionnelles jouant un rôle clé dans le contrôle de l’activité de p73 (P = phosphorylation ; Ac = acétylation ; SUMO = sumoylation). Sont également indiqués le résidu ciblé par la modification et la protéine qui en est responsable.

La phosphorylation de p73 par des kinases et son acétylation par des HATs est également essentielle dans la régulation de son activité et de sa stabilité. Ces modifications post-traductionnelles ont des conséquences importantes sur le répertoire d’interactions protéine-protéine de p73, et certaines altèrent sa localisation subcellulaire. Mais contrairement à p53, l’activation de p73 a d’abord lieu au niveau transcriptionnel. Dans la voie de réponse aux dommages à l’ADN, le facteur de transcription E2F1 est acétylé par PCAF

(p300/CBP-associated factor), et phosphorylé par les kinases des points de contrôle du cycle cellulaire

alors au promoteur P1 de p73 pour induire l’expression des isoformes TAp73427–429. Par ailleurs, de multiples kinases de la voie de réponse aux dommages à l’ADN interviennent lors de la stabilisation et de l’accumulation des isoformes TAp73 suite à un traitement chimiothérapeutique, comme les sérine/thréonine kinases ATM (Ataxia telangiectasia mutated) et ATR (Ataxia telangiectasia and Rad3-related) qui sont recrutées au niveau des sites endommagés et interviennent en amont de Chk1/2, ainsi que de la MAPK JNK 427,430.

A la différence de p53, un évènement initial de phosphorylation de p73 médié par la tyrosine kinase c-Abl est nécessaire pour permettre son accumulation431–434. Cette première phosphorylation fait office de prérequis à une série d’autres modifications régulant l’état d’activation de p73 (cf. Figure I-35). La MAPK p38 est aussi activée par c-Abl lors d’un endommagement de l’ADN, elle contribue à stabiliser la protéine p73 par phosphorylation435. La prolyl isomérase PIN1 reconnait des résidus sérine et thréonine phosphorylés par p38 et joue le rôle d’adaptateur dans l’interaction de p73 avec p300. L’acétylation de résidus lysine de p73 par p300 ne se produit qu’en réponse à un endommagement de l’ADN (ex : traitement avec de la doxorubicine)436. La phosphorylation de p73 se produit par ailleurs également au cours du cycle cellulaire. Les kinases dépendantes des cyclines CDK2/CDK1 phosphorylent p73 durant les phases G2 et M en interagissant avec les cyclines A et B, ce qui entrave l’activité transcriptionnelle de p73 et garantit la progression du cycle cellulaire437. Par contraste, la PKCδ phosphoryle et augmente l’activité du second domaine transactivateur de p73 (acides aminés 381-399), qui est uniquement impliqué dans la progression du cycle cellulaire438. De façon remarquable, la PKCδ est clivée par la caspase-3 au cours de l’apoptose, et le fragment généré acquiert la capacité de phosphoryler p73 spécifiquement sur son résidu Ser289, ce qui augmente son activité proapoptotique439.

Par l’intermédiaire de son extrémité N-terminale, les isoformes TAp73 interagissent avec le domaine CH1 de deux coactivateurs transcriptionnels, p300 et CBP, qui augmentent leur activité transcriptionnelle. La protéine MDM2, qui est la principale E3 ubiquitine ligase contrôlant la stabilité de p53, entre en compétition avec p300/CBP pour la fixation à p73 au niveau de la même région protéique (cf. Figure I-36)440. De façon intéressante, l’interaction de MDM2 avec l’extrémité N-terminale de p73 n’affecte pas sa stabilité, mais elle est un prérequis à sa neddylation (conjugaison de polypeptides NEDD8 selon un mécanisme proche de l’ubiquitination), qui retient les isoformes TAp73 dans le cytosol et les rend inactives441–444. Il faut aussi remarquer que tout comme p53, p73 peut induire l’expression de MDM2 et ainsi

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La première E3 ubiquitine ligase ciblant p73 à avoir été identifiée est Itch. Elle possède un domaine HECT et appartient à la famille de NEDD4 (Neural precursor cell expressed

developmentally down-regulated protein 4). En se liant à p73 au niveau de son motif riche en

prolines (PPPY), elle déclenche sa polyubiquitination et son adressage au protéasome445. Le coactivateur transcriptionnel YAP1 (Yes-associated protein 1), qui est un intervenant clé dans la voie de signalisation Hippo, entre en compétition avec Itch pour la fixation au même motif riche en prolines de p73, ce qui stabilise cette dernière446. Des travaux plus récents indiquent également que l’activité MDM2 est requise pour permettre la dégradation de p73 dépendante de Itch dans des MEFs447. De manière intéressante, l’enzyme NQO1, qui est induite suite à l’activation de Nrf2, se lie à p73 et empêche sa dégradation par le protéasome 20S448. Un autre exemple de contrôle compétitif de l’activité de p73 implique son interaction avec c-Myc, qui est un puissant inhibiteur de son activité transactivatrice et un compétiteur de MM1 (Myc

modulator 1) pour la fixation à p73449. La protéine YAP1 est aussi un coactivateur transcriptionnel de p73 bien caractérisé, qui est dépourvu de domaine de liaison à l’ADN mais comporte un domaine WW transactivateur450. La kinase Akt contrôle strictement l’activité de YAP1 en la phosphorylant, ce qui la relocalise dans le cytosol où elle est inactive451.

Figure I-36 : Sites d’interaction des protéines modulant la stabilité et/ou l’activité de p73426. Les

résidus essentiels dans ces interactions sont indiqués dans les apostrophes, et la localisation des domaines est indiquée entre parenthèses.

2.2.2 Expression différentielle des isoformes de p73

Il y a relativement peu de connaissances concernant les mécanismes responsables du différentiel d’expression entre les isoformes TA et ΔN dans les différents tissus et les différentes conditions physiopathologiques. La transcription des isoformes TAp73 à partir du promoteur P1 est principalement contrôlée par le facteur de transcription E2F1, mais aussi par certains autres facteurs comme ZEB (Zinc finger E-box-binding homeobox) et YY1 (Yin Yang 1)452–455. La régulation du promoteur interne P2 est loin d’être clarifiée, mais plusieurs travaux indiquent de façon très intéressante que p53 et TAp73 peuvent induire spécifiquement l’expression de leurs propres antagonistes que sont les isoformes ΔNp73 en se liant à un élément de réponse à p53 situé dans ce promoteur368,456–458. La protéine p53 et les isoformes TAp73 peuvent ainsi activer directement la transcription des isoformes ΔNp73459,460.

L’éventail d’interactions fonctionnelles entre ces régulateurs et les différentes isoformes de la famille p53 n’est pas entièrement caractérisé. Cependant, il est établi que certains facteurs régulent de façon différentielle les niveaux protéiques des isoformes TAp73 et ΔNp73, notamment lors d’un stress génotoxique. Ainsi, l’E3 ubiquitine ligase à domaine RING-H2 nommée PIR2 (p73-induced ring finger protein 2), qui est induite par p53, entraînent la dégradation préférentielle des isoformes ΔNp73, ce qui permet aux isoformes TAp73 d’accomplir le programme apoptotique en réponse à des dommages à l’ADN461. La kinase JNK stabilise quant à elle spécifiquement les isoformes TAp73 par une phosphorylation directe et par l’activation du facteur de transcription c-Jun, qui induit l’expression de YAP1462,430,463.

2.3 Fonctions exclusives de p63 et p73 dans le