• Aucun résultat trouvé

2 Le suppresseur de tumeur p73 et ses homologues

2.4 Rôles émergents de p53 et p73 dans l’immunité

2.4.2 Contrôle des réponses inflammatoires par p53

Différentes cibles de p53 ont été identifiées au sein des voies impliquées dans la détection de pathogènes, la production de cytokines et l’inflammation499. Si p53 est une molécule centrale dans la réponse aux signaux de stress intrinsèques, NF-κB est un composant central dans la réponse aux signaux de stress extrinsèques (infections, cytokines, etc.), qui active des gènes des

114

réponses immunes innée et adaptative. Un certain nombre d’études faites in vitro indiquent une compétition entre ces deux protéines : p53 se révèle être un suppresseur du potentiel transactivateur de NF-κB500. Dans des cellules LNCaP (carcinome de la prostate humain), l’utilisation d’un dominant négatif de p53 pour réprimer la protéine p53 permet d’augmenter l’induction d’une grande proportion de gènes (environ 50%) induits en réponse au Tα. NF-κB étant l’un des principaux effecteurs de la signalisation dépendante du TNF-α, ces résultats suggèrent en effet que p53 pourrait inhiber l’activité transcriptionnelle de NF-κB de façon généralisée. Cette hypothèse est confortée par des expériences démontrant que p53 WT, mais pas la forme mutante inactive de p53 (R175H), réprime l’activité de promoteurs comportant des sites de liaison à NF-κB.

En 2005, une étude chercha à déterminer si ce phénomène se produit également in vivo, ce qui devrait se répercuter au niveau de l’induction de la réponse inflammatoire501. En comparant la réponse de souris WT et Trp53-/- à un traitement avec du LPS, elle permit de mettre en évidence une plus forte induction de nombreuses cytokines proinflammatoires, chimiokines et récepteurs de chimiokines dans le thymus des souris Trp53-/- (dont 1β, l’IL-6, l’IL-12, le TNF-α, CCR2 et CCR5). L’exacerbation de la réponse inflammatoire chez les souris déficientes en p53 est à l’origine d’une hypersensibilité au choc septique induit par le LPS, qui se traduit par un endommagement accéléré des tissus et une plus forte mortalité. Enfin, l’injection intrapéritonéale de LPS ou de thioglycolate entraine un recrutement plus important de macrophages et une clairance retardée des neutrophiles chez les souris Trp53-/-.

L’antagonisme entre p53 et NF-κB se manifeste aussi dans le contrôle du métabolisme. L’amplification des réponses immunes est un processus qui repose sur une sélection et une expansion clonale de certains types cellulaires produisant de grandes quantités de cytokines. Comme NF-κB conduit ces processus cellulaires qui impliquent la réplication, il peut se comporter comme un oncogène en cas de surexpression. En effet, la division des lymphocytes B et T et la réponse inflammatoire utilisent, tout comme les cellules cancéreuses ou le processus de cicatrisation, des voies métaboliques conduisant à l’effet Warburg. Ce phénomène se caractérise par une forte intensification du processus de glycolyse, qui devient utilisée préférentiellement pour générer de grandes quantités d’énergie et fournir assez de substrats pour permettre une fréquence de division élevée. Dans ces cellules pourtant non privées d’oxygène, une réorientation du métabolisme glucidique est opérée, le pyruvate étant utilisé comme substrat pour la fermentation lactique plutôt que dans le cycle de Krebs. De très hauts niveaux

de NADH sont générés pour tempérer ce système hautement aérobie qui produit beaucoup de ROS. Les réponses immunes emploient donc NF-κB pour modifier les voies métaboliques et diriger la division cellulaire, dans le but de mettre en place la sélection clonale. De façon intéressante, p53 agit de façon opposée. La protéine p53 induit l’expression de TIGAR

(TP53-inducible glycolysis and apoptosis regulator), aussi connue sous le nom de

fructose-2,6-bisphosphatase, qui ralentit le rythme de la glycolyse. p53 induit aussi l’expression de SCO2 (Short chain alcohol oxidase), qui permet l’assemblage des sous-unités de la cytochrome c oxydase et augmente le fonctionnement de la phosphorylation oxydative (consommation des substrats, baisse de la consommation de glucose, et hausse de l’efficacité de la production d’énergie)421. Il existe ainsi une relation antagoniste et réciproque entre p53 et NF-κB en ce qui concerne le contrôle de la prolifération cellulaire et du métabolisme.

Figure I-39 : Potentialisation de la réponse des récepteurs TLR par p53499. Les agents anticancéreux

qui induisent un stress chromosomique (ex : rayonnements ionisants, doxorubicine, 5-fluorouracile) provoquent une accumulation de p53, qui potentialise l’expression de la plupart des récepteurs TLR et la réponse inflammatoire, ce qui participe aussi à l’immunité antitumorale. Les mutants perte de fonction de p53, à la différence des mutants de changement de son spectre d’activités, perdent cette capacité à induire l’expression des TLR. Certains agents chimiques (ex : nutline-3, RITA) peuvent toutefois rétablir la fonctionnalité de p53 et ainsi restaurer cette boucle amplificatrice.

Une autre interaction entre p53 et le système immunitaire inné a récemment été mise à jour, avec la découverte que les changements d’expression ou d’activité de p53 dans des lignées primaires et tumorales humaines affectent l’expression de la plupart des TLR (cf. Figure

I-116

39)494,502–504. Les TLRs sont exprimés dans plusieurs types cellulaires du système immunitaire incluant les splénocytes, les lymphocytes T et B, les cellules dendritiques et les macrophages. Ces récepteurs sont des glycoprotéines membranaires qui reconnaissent une variété de motifs moléculaires associés à des agents pathogènes. Des dérégulations de l’expression et de l’activité des TLRs sont associées au développement de maladies auto-immunes et de maladies inflammatoires chroniques, telles que le lupus érythémateux systémique, les maladies inflammatoires de l’intestin, les diabètes de type I, la sclérose en plaque et la polyarthrite rhumatoïde505.

Tous les gènes codant pour les récepteurs TLR humains contiennent dans leur promoteur au moins un demi-site canonique de l’élément de réponse à p53. Dès lors, l’induction de dommages chromosomiques chez des individus sains (traitement avec la nutline-3, la doxorubicine ou avec des rayonnements ionisants) modifie le profil d’expression de tous les TLR dans plusieurs types cellulaires comme les lymphocytes du sang périphérique et les macrophages alvéolaires, et cela de façon dépendante de p53. De façon surprenante, l’analyse phylogénétique des promoteurs des TLR révèle que la régulation de l’expression des TLR par p53 semble réservée aux primates.

2.4.3 p53 dans le contrôle de l’autoimmunité et de