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Les nécessaires atténuations à la responsabilité du banquier

S’inscrivant dans le vaste mouvement consumériste de ces dernières années, la tendance actuelle de la jurisprudence est de mettre à la charge du banquier un devoir de conseil vis-à-vis de sa clientèle. Il n’en demeure pas moins vrai que dans certains cas certes limités, la responsabilité du banquier sera écartée.

Il existe des atténuations à la responsabilité du banquier en fonction des circonstances et de la qualité de profane ou non du cocontractant du banquier.

Il est fréquent de voir un client ayant bénéficié des conseils du banquier et ayant connu par la suite des déboires, invoquer la faute de la banque qui l’aurait mal conseillé.

Si le banquier est redevable de conseil à l’égard de sa clientèle, c’est bien en fonction de ses connaissances et de l’ignorance du client.

Devant la technicité des produits offerts sur le marché, le banquier dispose d’un savoir-faire qui lui donne un avantage sur son client.

Mais cet avantage n’existe, n’est réel que devant un client profane. Si celui-ci peut prétendre que le préjudice subi est directement issu des mauvais conseils qui lui ont été donnés, ce ne sera pas le cas du client rompu aux opérations financières et disposant d’une connaissance des activités de marché.

L’étendue du devoir de conseil de la banque sera appréciée en fonction de la qualité du client : opérateur expérimenté ou non. De nombreuses décisions de justice ont écarté la responsabilité de la banque lorsqu’elles considéraient que le client était un opérateur averti, donc quasiment un professionnel.

Dans une décision du 18 Octobre 1989 (477), le Tribunal de Grande Instance de Paris précise que le manquement à l’obligation de conseil du banquier doit s’apprécier au regard de la qualité du client.

En l’occurrence, le client ne pouvait se prétendre aussi ignorant et aussi inexpérimenté qu’il le soutenait, dès lors qu’il effectuait des opérations à terme depuis deux ans et demi.

Le Tribunal de Grande Instance de Lille dans un Arrêt du 6 Décembre 1990 (478) a souligné que l’étendue du devoir de renseignement et de conseil est fonction de la personnalité et des compétences du donneur d’ordre, et en tout état de cause limitée à la fourniture des informations nécessaires à la compréhension des mécanismes du marché et à

(477) – Cité Revue Droit Bancaire et de la Bourse, Mars-Avril 1990, p. 76. (478) – T.G.I, Lille 8/12/1990, banque et Droit 1991. 244.

la surveillance des événements pouvant affecter le titre objet de l’opération. Il a estimé que cette obligation ne saurait permettre à des clients même profanes, de reprocher à l’intermédiaire de ne pas les avoir mis en garde contre leurs excès spéculatifs, lorsqu’ils se traduisent par des opérations malheureuses.

Le Tribunal a écarté la responsabilité de la banque au titre du manquement à l’obligation de conseil en considérant que le client était un “amateur éclairé” et qu’il ne pouvait reprocher à la banque de ne l’avoir pas mis en garde contre lui-même.

Si la quasi unanimité de la jurisprudence et de la doctrine admet que la position sociale du donneur d’ordre est un élément déterminant dans l’appréciation de la responsabilité du banquier, il faut toutefois relativiser cette tendance. En effet, la qualité de profane du client n’est pas une prime à l’inconscience.

Nul doute que l’épargnant, même non familiarisé avec la technique boursière, ne pourrait soulever la responsabilité du banquier lui ayant conseillé l’achat d’actions ou d’obligations, en invoquant le fait qu’il ignorait que les cours des titres étaient susceptibles de fluctuations entraînant ainsi une perte en capital, dès lors qu’il est de notoriété publique que les placements boursiers ont une part de risque aussi infime soit-elle dans certaines circonstances.

Il ne faut admettre l’ignorance ou la naïveté du client que si celle-ci est légitime (479). De plus, la banque ne peut garantir la sécurité du placement auquel elle incite éventuellement son client, ni la certitude de plus-value des titres souscrits (480).

Quant à la pertinence du conseil donné, elle doit s’apprécier au moment où il est donné et non a posteriori, même si les conseils ont été exploités par le client à une date ultérieure, où ils ne correspondent plus aux réalités économiques et financières du moment. En effet, les soubresauts du marché peuvent déjouer les prévisions.

La conjoncture et l’avenir prévisible ne doivent pas être perdus de vue dans l’appréciation de la valeur des conseils donnés. Ainsi, il serait difficile de retenir la responsabilité d’une banque qui aurait expressément conseillé à son client soucieux de préserver à long terme la valeur de ses titres et la qualité de ses revenus par rapport l’évolution du taux de l’inflation, de souscrire des obligations à taux variables, même si peu de temps après, la tendance à la baisse des taux se confirme sans que l’on puisse juger à l’évidence qu’elle se poursuivra (481).

(479) – Crédot et Bouteiller, opcit, p. 624.

(480) – Paris 6 Mai 1975, J.c.p. 1976 Ed. G. II. 16128, note Boitard. (481) - Crédot et Bouteiller, opcit, p. 624.

La responsabilité du banquier est écartée lorsque les conseils fournis sont ensuite démentis par les événements, dès lors qu’ils s’appuyaient sur un raisonnement logique (482) et qu’il n’est pas établi qu’ils étaient objectivement mauvais au moment où ils ont été donnés (483).

On ne peut pas saluer cette position réaliste de la jurisprudence, car le banquier n’a pas un don divinatoire. Une autre raison souvent invoquée par les banquiers pour se dégager de toute responsabilité, est la liberté de choix du client.

Certains banquiers ont fait valoir que les conseils qu’ils prodiguent sont purement indicatifs, et que le client se décide en toute liberté. Certaines décisions de justice sont allés dans ce sens. La Cour d’Appel de Nîmes dans un Arrêt du 13 Novembre 1963 (484) avait estimé que « le simple conseil n’engage pas la responsabilité de celui qui le donne, celui qui le reçoit, restant libre de ne pas le suivre ». Un tel arrêt nous paraît critiquable.

Nous n’adhérons pas à ce point de vue. Soutenir une telle position, c’est faire fi du degré de persuasion attaché au conseil prodigué par le banquier. Ce dernier est un professionnel, le client est amené à lui faire confiance et à suivre aveuglement ses conseils. Cet argument souvent avancé par les banquiers pour se libérer de leur responsabilité, ne nous paraît pas justifié.

A notre avis, un tel argument ne serait être valable que dans le cas où le banquier, après avoir fourni les conseils à son client, l’aurait mis en garde, en l’informant des probabilités de réussite de l’opération et des conséquences éventuelles au cas où ses espoirs de gain seraient déçus.

Finalement, il n’apparaît pas que l’exercice par les banques de l’activité d’information et de conseil des entreprises et des particuliers soit pour elles à l’origine de responsabilités dissuasives.

L’application des principes juridiques d’une part, la jurisprudence existante d’autre part, témoignent que, du point de vue de l’appréciation de leur responsabilité, les banques sont placées dans une situation qui leur ménage une indéniable liberté d’initiative, sans qu’elles aient à craindre des retombées catastrophiques (485).

(482) – Cass. Com. 12/07/1971, D. 1972, n° 163, note Gavalda. (483) – Colmar, 30/06/1962, Banque 1962. 1262, L. Martin. (484) – Nîmes, 13/11/1963, J.c.p. 1965. I. 1862, n° 26.

(485) – M. Vasseur, « Des responsabilités encourus par le banquier à raison des informations, avis et conseils dispensés à ses clients », Banque, 1983.943 et s.

Paragraphe II

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