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La définition de l'initié

La définition de l'initié est largement tributaire de celle proposée pour le profane et elle évolue inversement : autant les tribunaux ont une conception extensive du profane, et même objective, autant leur conception de l'initié est restrictive et subjective. Elle, est indissociablement liée au degré de compétence que l'on suppose au contractant et il ne semble pas exister de paramètre strict pour distinguer à coup sûr le profane de l'initié. Comme la compétence doit se prouver dans chaque espèce, c'est dire que la situation du débiteur de l’obligation est fort délicate bien que certains indices soient susceptibles de lui faciliter la tâche. En réalité, les possibilités sont assez limitées : ou le débiteur de l’obligation sait que son client a personnellement pratiqué la discipline en cause et qu’en conséquence il la connaît, ou le débiteur peut déduire de la profession exercée par son client qu’il a les connaissances nécessaires pour l’obtention de la qualité d’initié (155).

La pratique habituelle d’un certain type d’opérations implique sans aucun doute la qualité d’initié. Mais ce critère ne peut intervenir que dans un domaine bien précis, celui des affaires où la comparaison entre les connaissances et les compétences de chacun des co-contractants peut être conduite avec moins de vigueur que dans des disciplines plus techniques. La pratique des affaires devient donc le premier indice utilisable pour distinguer l’initié (156).

Dans un arrêt ancien, le banquier devient ainsi un homme d’affaires considéré parfaitement apte à discerner tout ce qui lui convient pour la défense de ses intérêts car il est habitué aux opérations commerciales. Dans l’hypothèse d’une cession de créance, il doit

(155) – Il ne sera pas traité ici de l’initié qui devient créancier d’une obligation de conseil soit en raison de la conclusion d’un contrat de conseil au sens strict, soit en vertu d’une disposition expresse de conseil incluse dans le contrat ; Cf. Civ. 1ère, 6 Décembre 1978, J.c.p. 1980 . II. 19404, note M. Dagot ; Dijon ; 20 Décembre 1944, D. 1945, 176. Par ailleurs, la jurisprudence considère que le fait par le client de consulter une société de conseil prouve que ce client n’entend pas se fier à ses propres connaissances ; Colmar 9 Novembre 1973, Gaz. Pal. 1973. 1. 289.

(156) – Civ. 1ère, 6 Juillet 1971, J.c.p. 1972. II. 17151, note C. Gavalda ; dans le même sens ; Grenoble, 24 Mars 1874, D.P. 1875. 2. 197 ; Req. 12 Février 1883, D.P. 1884. 1. 255 ; Gaz. Pal. 1884. 1. 410 ; S. 1883. 1. 171 ; Req. 20 Octobre 1891, D.A. 1893. 1. 170 ; S. 1892. 1. 585 ; Pau, 20 Juin 1892, D.P. 1893. 2. 161, note Cohendy.

être considéré comme expérimenté par le notaire (157). Est également un homme d’affaires éclairé, un ancien conservateur des hypothèques en Suisse qui se livre à des opérations financières pour son propre compte et pour celui d’un groupe financier (158). Pour la chambre commerciale de la cour de cassation, le client d’une banque lorsqu‘il est un spéculateur averti, est censé connaître les usages bancaires (159).

Une autre décision de cette même chambre commerciale apporte quelques précisions supplémentaires en considérant qu’un médecin est averti de la pratique boursière lorsqu’il l’a utilisée avec des agents de change et que dans un certain nombre d’opérations en bourse, il a été donneur d’ordres (160).

Toutefois, c’est là une indication qu’il conviendra de manier avec beaucoup de circonspection. Ce n’est pas parce que le client a déjà utilisé les mécanismes que manipule quotidiennement le professionnel, qu’il les maîtrise intégralement. Au contraire, sa connaissance peut être très partielle et sauf exception, elle n’est jamais spécialisée. Ainsi que l’observe M. Gavalda : « il est hardi de considérer que tout exportateur ou importateur est un initié à la réglementation du commerce extérieur » (161).

Dans ces conditions, la tâche du professionnel débiteur de l’obligation de conseil se complique singulièrement. D’une part, il doit détecter le degré d’initiation du client et si cette étude est aisée, surtout lorsqu’il s’agit d’un client habituel, il est en revanche presque impossible pour le débiteur de discerner le moment où son client passe de l’état de profane à celui d’initié. Il ne peut y avoir de barème-type et dans les rares occasions où la jurisprudence aurait pu apporter quelques précisions, il faut constater qu’elle a été d’une discrétion exemplaire. De toute façon, on peut raisonnablement penser que la jurisprudence exigera une pratique assez conséquente du type d’opération envisagée et en tout état de cause, il est peu probable qu’elle revienne en ce qui concerne l’obligation de conseil sur la solution dégagée en matière d’obligation de renseignements selon laquelle l’utilisateur d’un produit ne peut être considéré comme pleinement éclairé sur ses conditions d’utilisation pour

(157) – Req. 8 Juillet 1909, D.P. 1909. 1. 533.

(158) – Civ. 1ère, 7 Octobre 1975, Bull. Civ. 1975. I. n° 259 ; Comp. Pour un receveur de l’enregistrement : Lyon 3 Juillet 1868, D.P. 1868. 2. 229.

(159) – Comm. 6 Juillet 1964, J.c.p. 1965. II. 14024, note C. Gavalda.

(160) – Comm. 28 Octobre 1974, J.c.p. 1976. II. 18251, note M. Boltard ; D. 1976. 373, note Decamme ; Comp. Civ. 1ère, 15 Janvier 1974, D. 1974, Somm. 80.

l’avoir déjà employé l’année précédente (162).

D’autre part, le débiteur de l’obligation devra deviner l’attente de ces “initiés”, essentiellement variable selon les circonstances, soit qu’ils n’espèrent aucune assistance particulière du professionnel, soit au contraire qu’ils formulent la même demande implicite que les véritables profanes. Cette dernière hypothèse sera certainement la plus fréquente et elle comportera un danger pour le professionnel dans la mesure où la qualité d’initié du client peut être sujette à caution.

Aussi, vu l’orientation jurisprudentielle actuelle, le débiteur de l’obligation de conseil, pour se faire une idée de la compétence de son client, sera mieux avisé de considérer le métier de son partenaire : l’exercice d’une profession commune fait supposer que le client ne peut être totalement considéré comme profane. C’est ainsi que pour la 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation, une gérante de société doit être considérée comme une femme d’affaires avertie face à un intermédiaire professionnel, agent immobilier (163). Il ressort aussi d’une décision de la première chambre civile de la Cour Suprême que l’architecte peut-être considéré comme un initié par le notaire ; la Cour a en effet jugé qu’il n’avait pas à peut-être éclairé sur la portée de la mention d’un acte, relative à l’existence d’un plan d’urbanisme (164).

Mais ce dernier indice s’il peut se révéler efficace est aussi d’une utilisation limitée pour un certain nombre de raisons : la notion d’initié est d’abord entendue strictement par la jurisprudence. Spécialement dans le secteur des “affaires”, l’incertitude qui règne quant aux connaissances qui doivent accompagner ceux qui interviennent dans un tel domaine, implique que l’on fasse preuve de beaucoup de complaisance à l’égard de certains clients pour ne pas leur attribuer la qualité d’initié.

C’est ainsi que la Cour d’Appel de Toulouse en 1968 a pu décider que « bien que le prêteur ait été accompagné de son frère (promoteur immobilier) et qu’il ait compris, comme il l’a reconnu, que l’hypothèque n’avait d’effet qu’au bout de deux ans, cela n’exclut pas, vu leurs professions réelles et leur formation que l’un et l’autre aient été abusés sur la signification et les conséquences véritables de la convention » (165).

(162) – CiV. 1ère, 9 Décembre 1975 (2ème espèce), J.c.p. 1977. II. 18588, obs. Ph. Malinvaud : « Cependant l’acheteur d’une machine à étiqueter les bouteilles du fait de sa profession de viticulteur confirmé, a été considéré comme un initié. En réalité, la cour de cassation a confondu deux notions : celle d’initié qui implique une certaine compétence en la spécialité professée et celle de bon père de famille qui oblige l’utilisateur d’une machine à adopter une conduite prudente et à s’abstenir d’intervenir sur une machine en marche dans l’espoir de réparer un disfonctionnement ; Civ. 1ère, 11 Juin 1980, Rev. Trim. Dr. Com. 1981, 349, obs. J. Hémard. (163) – Civ. 3ème, 30 Mars 1978, Gaz. Pal. 1978. 2. Pan. Jur. 264.

(164) – Civ. 1ère, 2 Mars 1964, Bull. Civ. 1964. I. n° 122. (165) – Toulouse, 4 Mars 1968, D. 1968. 480, concl. Feixas.

Cet arrêt n’est pas le seul qui laisse rêveur sur l’étrange conception qu’ont certains tribunaux de la compétence de certains professionnels. Ainsi le Tribunal Civil de la Seine, le 30 Avril 1957 avait déjà refusé de suivre l’argumentation d’un agent d’affaires qui imputait l’omission de garantie accompagnant la vente, au client parce que, en sa qualité d’ancien greffier en chef du tribunal de commerce de la Seine, il était parfaitement compétent pour apprécier les modalités du contrat (166).

Pour aggraver le tout, cette qualité d’initié doit s’apprécier par rapport au contenu de l’obligation de conseil qui peut être très spécifique. Le notaire, client d’un architecte a été considéré comme spécialement averti de la législation en matière de subventions et l’architecte s’est vu dégagé de toute responsabilité (167). A l’inverse, l’acquéreur, arbitre près d’un tribunal de commerce et gérant d’une société immobilière, doit malgré son expérience des affaires être informé d’une réglementation législative spéciale n’ayant qu’à s’appliquer exceptionnellement dans la région parisienne (168). Etant donné les faits de l’espèce, la décision était parfaitement équitable, mais il faut avouer qu’elle ne facilite en rien la tâche du débiteur de l’obligation.

Il est d’ailleurs rare que celui-ci soit amené à contracter avec un professionnel de sa spécialité (169). Le plus souvent, il s’adressera à des professionnels de spécialités voisines, mais néanmoins distinctes. Dans le secteur de la construction, c’est un phénomène fréquent et le problème de la compétence technique du promoteur illustre de façon idéale ces difficultés auxquelles sont confrontés les débiteurs de l’obligation. En effet, sauf exception, le promoteur n’est pas considéré comme notoirement compétent pour ce qui relève de l’art de construire proprement dit, même si l’on éprouve une certaines réticence à le regarder comme un profane à part entière (170) et même si certains auteurs préfèreraient retenir “l’apparence de compétence” (171). Par contre, il retrouve sa qualité de professionnel avisé lorsque son action se situe dans le domaine administratif ou commercial puisque tel est l’objet de sa spécialité (172), lorsque des collaborateurs qualifiés et des services compétents sont à sa disposition (173) ou encore lorsqu’il est lui-même soit architecte, soit entrepreneur.

(166) – Trib. Civ. Seine, 30 Avril 1957, D. 1957. 441.

(167) – Civ. 3ème, 15 Décembre 1981, J.c.n. 1982. Prat. 651 : Rappr. pour un promoteur dans ses rapports avec un architecte : Civ. 10 Février 1982 préc.

(168) – Civ. 1ère, 23 Mars 1966, Bull. Civ. 1966. I. n° 205. (169) – Civ, 1ère, 2 Janvier 1970, D. 1970, Somm. 71.

(170) – A. Caston, La responsabilité des constructeurs, Ed. du Moniteur 1979, n° 526, p. 240 ; Ph. Jestaz, Les malfaçons de l’immeuble. Par qui et à qui la garantie est-elle dûe ? Gaz. Pal. 1969. 2. Doct. 227.

(171) – B. Boubli, Cité par A. Caston, opcit.

(172) – A. Caston, opcit, n° 109, p. 71 ; Civ. 3ème, 10 Février 1982, J.c.n. 1983, Prat. 14 ; Rappr. Civ. 3ème, 30 Mai 1984, J.c.p. 1984. IV. 253.

(173) – Ph. Jestaz, opcit, D. 1969. 74 ; Cass. Civ. 3ème, 28 Novembre 1974, D. 1975 ; I.R. 50 ; Bull. Civ. 1974. III. n° 419.

Ainsi, celui qui cumule les fonctions de promoteur, de maître de l’ouvrage et d’entrepreneur général pour la construction d’un ensemble immobilier, n’est pas un profane en la matière (174).

En conclusion, on peut donc faire observer que peu de clients d’un professionnel pourront avoir la qualité d’initiés et cette remarque rejoint celle qui avait été formulée précédemment à savoir que la jurisprudence entendait fort extensivement la notion de profane (175).

La hiérarchie des compétences peut venir renforcer cette tendance ; car la compétence de l’entrepreneur général comparée à celle de l’entrepreneur spécialisé est loin d’être évidente, et que peut-être alors la compétence du médecin généraliste par rapport au spécialiste ? Néanmoins, il n’est pas certain que l’on puisse considérer les premiers comme de simples profanes. Qu’on le regrette ou au contraire qu’on l’approuve, il y aura toujours déséquilibre des connaissances entre les hommes, mais ce déséquilibre irréductible lorsqu’il est limité ne devrait pas impliquer la qualité de profane. Il est tout à fait inéquitable de considérer comme un profane l’entrepreneur général qui sous-traite un marché avec une autre entreprise au motif que cette dernière est plus spécialisée que lui.

En fait, la définition de l’initié ne s’explique que par le principe jurisprudentiel qui constitue la solution à un problème beaucoup plus vital pour les contractants, celui de savoir si l’initié est ou n’est pas créancier de l’obligation de conseil.

Aucune réponse globale ne peut être apportée à cette question en raison de l’indigence de la jurisprudence et de l’absence de solution qui aurait valeur de principe général. Cependant, les décisions jurisprudentielles intervenues en la matière et qui concernent exclusivement deux catégories de débiteurs de l’obligation permettent de dégager une politique à laquelle adhère pour l’instant l’ensemble des juridictions françaises.

Le notariat constitue l’une de ces catégories professionnelles débitrices par excellence de l’obligation de conseil, qui ait à traiter couramment avec des initiés. Lorsque ceux-ci ont entendu engager la responsabilité du notaire, la jurisprudence a dû se pencher principalement sur la diligence qui aurait du être celle de l’officier ministériel et s’est donc implicitement préoccupée de l’existence de l’obligation.

Si l’on analyse les arrêts sous le seul angle de la solution qui a été donnée au litige, on est amené à conclure que chaque fois que le client était expérimenté, la responsabilité du notaire disparaissait. Il y avait donc relativité du devoir de conseil, mais cette relativité impliquait-elle disparition du devoir de conseil ? En d’autres termes, la création de l’obligation

(174) – Aix en provenance, 19 Mai 1969, Gaz. Pal. 1970. 2. Somm. 63. (175) – Cf. Gavalda, Dp. 1989, p 30.

obéit-elle aux mêmes règles que le contenu de l’obligation, dépend-t-elle de la seule qualité de profane d’une personne ou au contraire, est-elle indifférente aux qualités du client ?

La jurisprudence n’a guère eu d’occasion de s’expliquer que ce point et sa prudence est extrême (176). C’est ce qu’exprime la formule embarrassée du Tribunal Civil de la Seine qui a jugé que le devoir de conseil “paraît cesser en jurisprudence” lorsqu’il est absolument manifeste que le client est à même par son expérience des affaires de faire des vérifications très simples (177) ; mais cesser de s’exprimer ou d’exister ?

Les études menées par la doctrine sur l’obligation de conseil s’accordent pour reconnaître que le notaire n’est pas obligé d’éclairer son client lorsque celui-ci a une telle expérience du droit ou des affaires que tout conseil serait de sa part inutile (178). Mais c’est aussi se référer au contenu de l’obligation de conseil, à son expression. Qu’en est-il vraiment de l’existence de l’obligation ? Deux arguments peuvent être avancés en faveur de l’existence de l’obligation face à un client expérienté.

Depuis 1921 (179), la jurisprudence a constamment réaffirmé le principe du caractère absolu et général du devoir de conseil du notaire, devenu une obligation professionnelle.

D’autre part, la jurisprudence a parfois fait expressément obligation au notaire d’attirer l’attention de son client alors que celui-ci est expérimenté. C’est ainsi que dans une revente d’exploitation agricole, la Cour d’Appel de Reims a laissé une part de responsabilité à la charge du notaire dont le client exploitant agricole avait la réputation d’être un professionnel particulièrement avisé des questions agricoles. La cour a jugé que si le notaire ne pouvait rien lui apprendre de ce qu’il savait déjà, il lui aurait été cependant loisible avant de dresser l‘acte litigieux d’attirer solennellement son attention sur l’irrégularité de la vente projetée et de lui faire signer une décharge de responsabilité (180). La Cour d’Appel de Paris refuse au notaire toute atténuation de responsabilité à raison de la qualification professionnelle de son client qui était marchand de biens au motif que cette circonstance ne pouvait à l’évidence l’autoriser à se soustraire à un devoir qui lui incombait en propre en sa qualité d’officier ministériel (181). De même, dans un arrêt beaucoup plus ancien, la Cour d’Appel de Bourges a estimé que le fait pour la partie lésée par l’acte de se livrer « habituellement à des opérations d’achat et de revente de fonds de commerce ne saurait dispenser le notaire de

(176) – Cf. Par exemple : Colmar, 30 Juin 1982. Banque 1982, p. 1262, note L.M. Martin ; Paris, 11 Mai 1886, S. 1888. 2. 110.

(177) – Trib. Civ. Seine, 22 Janvier 1934, S. 1934. 2. 89. (178) – H. Senamaud, Th. préc. p. 69 ; J. Deneux, Th. préc. (179) – Civ. 1ère, 21 Juillet 1921, D. 1925. 1. 29.

(180) – Reims, 7 Mars 1977, J.c.p. 1978. IV. 318. (181) – Paris, 13 Mars 1990, D. 1990. I.R. 113.

remplir son devoir de conseil, soit comme rédacteur de l’acte, soit comme mandataire » (182).

L’obligation de conseil du notaire existe donc dans son principe même si elle ne s’exprime pas en raison de facteurs psychologiques ; ce qui est le plus souvent en cause, c’est l’intensité de l’obligation et non son existence. C’est d‘ailleurs cette opinion qu’adopte la doctrine (183). Mais on conviendra que la position du débiteur de l’obligation est délicate et que la plus élémentaire prudence doit souvent le conduire à donner à l’initié les mêmes conseils qu’à un profane en raison des erreurs qu’il pourrait commettre dans son estimation de la compétence du client, et de l’allégement très relatif du devoir de conseil puisque le notaire est seulement dispensé d’informer son client des points qu’il peut connaître (184).

L’existence de l’obligation de conseil entre initiés dans le secteur de la construction ne fait non plus aucun doute et est affirmée par la doctrine et la jurisprudence, J. Mazeaud note qu’en cas d’erreurs de plans, les techniciens du bâtiment doivent faire au maître d’ouvrage notoirement compétent « les observations qui s’imposent… comme ils ont le devoir de le faire en toute occasion » (185), mais que « l’autorité technique du maître de l’ouvrage » conditionne leur responsabilité (186). La jurisprudence admet aussi que l’architecture doit informer au titre de son devoir de conseil les techniciens qui travaillent sous ses ordres (187) ou la société, maître de l’ouvrage, bien qu’elle soit composée de professionnels spécialement avertis des questions du bâtiment (188). De même, l’entrepreneur général a vis-à-vis de son sous-traitant une obligation de conseil qui permettra à ce dernier d’engager sa responsabilité s’il a été mal conseillé ou surveillé (189). Inversement, le sous-traitant a un devoir de conseil vis-à-vis de l’entrepreneur général (190) et l’entrepreneur, une obligation

(182) – Bourges, 20 Mars 1899, D.P. 1899. 2. 493 : - Sur ce point, voir également : T.G.I. Nevers, 2 Mai 1973, D. 1973. Somm. 91 ; Riom, 17 Mai 1979, D. 1980. 12, note G.A. ; Defr. 1980. 389, note Aubert ; Civ. 1ère, 12 Novembre 1987, Bull. Civ. 1987. I. n° 288 ; D. 1987. I.R. 239 ; Civ. 1ère, 25 Janvier 1989, D. 1989, I.R. 46 ; Comp. Civ. 1ère, 2 Janvier 1970, D. 1970. Somm. 71. (183) – J. de Poulpiquet, opcit, n° 85, p. 99, n° 87, p. 103.

(184) – J.L. Aubert, note sous Civ. 1ère, 10 Février 1972, D. 1972. 712.

(185) – J. Mazeaud, note sous Cass. Civ. 17 Octobre 1972, D. 1973. 315 :Cf. également Req. 29 Mars 1893, D. 1896. 1. 289 ; Soc. 18 Février 1944, D.A. 1944. 63 ; Civ. 3ème, 14 Janvier 1975, D. 1975. I.R. 67.

(186) – J. Mazeaud, opcit, p. 315 ; P.I., note sous Paris, 26 Avril 1979, J.c.p. 1980, Ed. C.I. 13256. (187) – J. Mazeaud, Contrat d’entreprise, Rep. Dr. Civ. Dalloz, n° 189.

(188) – Civ. 3ème, 10 Mars 1981, J.c.p. 1981. IV. 191 ; Comp. pour une limitation des diligences lorsque le maître de l’ouvrage est une société spécialisée : Civ. 3ème, 20 Novembre 1974, J.c.p. 1975. IV. 9.

(189) – J. Mazeaud, opcit, n° 152 ; Civ. 1ère, 20 Décembre 1961, Bull. Civ. 1961. 1. n° 619 ; Comm. 20 Octobre 1965, D. 1966, Somm. 57 ; Cass. Civ. 15 Octobre 1974, D. 1974. Somm. 143.

(190) – Civ. 3ème, 20 Juillet 1976, J.c.p. 1976. IV. 311 ; Contra : Civ. 3ème , 13 Mai 1958, Bull. Civ. 1958. III. n° 188, où il a été jugé que le sous-traitant n’a pas à apprécier et pas davantage à redresser les erreurs de conception commises par l’entrepreneur.

de conseil envers le maître d’ouvrage (191).

Il sera toujours possible d’objecter que les fonctions des constructeurs sont parfois nettement différenciées, qu’elles ont tendance à se spécialiser et que le degré d’initiation des participants à l’opération de construction peut être très variable. Il est cependant impossible de les considérer dans leurs rapports, comme de purs profanes en raison du tronc commun des connaissances qu’ils partagent.

L’examen de ces deux domaines d’activité, notariat et construction, permet de conclure à l’existence d’une obligation de conseil indépendamment de la qualité des parties, pratiquement, la distinction qu’établit la jurisprudence entre profane et initié, se réduit à une simple modification du contenu de l’obligation, la délivrance de l’avis exigeant plus de soins que dans le cas d’un destinataire profane.

Hormis ces deux secteurs, le principe de l’obligation de conseil entre initiés est des plus douteux. En effet, la limitation du domaine de l’obligation entre initiés se justifie

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