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La banque n’a pas à contrôler l’adaptation de son concours à l’activité du bénéficiaire du crédité

L'hypothèse envisagée est celle où le crédit n'a pas permis à son bénéficiaire d'obtenir le résultat recherché : le projet financé n'était pas viable, l'avantage fiscal escompté n'a pas été obtenu.

Le banquier doit-il être tenu responsable de cet échec ? Nous ne le pensons pas. En effet, le banquier est uniquement tenu de vérifier que la situation financière du client permet à celui-ci de rembourser le crédit. Si le non remboursement provient d'une autre cause, alors le banquier ne peut en être déclaré responsable. Ce dernier n'a pas à rechercher si le prêt permettra à celui qui emprunte d'atteindre le but qu'il recherche. Cette question relève de la seule compétence de l'emprunteur. Une fois que le banquier a vérifié que le crédit sollicité était adapté à la situation financière de l'emprunteur, seul ce dernier peut savoir si le recours au crédit est le meilleur moyen d'atteindre le résultat qu'il vise et la banque, dont la compétence est spécifique, n'a pas à intervenir dans la gestion des affaires de son client ni à lui fournir une assistance technique (358).

De telles obligations ne peuvent être rattachées au crédit et il n’est pas sain que le client attende de la banque des conseils sur la façon de mener ses propres affaires : le conseil en ce domaine, ne peut être donné que par une banque qui partage la spécialité de son client. Il constitue alors une prestation spécifique, distincte de l'octroi de crédit et nécessite une rémunération, elle aussi distincte. Mais le client ne peut prétendre au conseil spontané et gratuit.

Ainsi en ont décidé les tribunaux à propos de l’avantage fiscal attaché à la réalisation de travaux de rénovation d’un appartement. Le recours en responsabilité contre la banque a été rejeté par un Arrêt de la chambre commerciale du 18 Novembre 1997 en ces termes :

(358) – P. Le Tourneau, Les professionnels ont-ils du cœur ? D. 1990. I. 21 ; D. Gibirila, La responsabilité d'une banque du fait de l'octroi d'un crédit, note sous Com. 11 Mai 1999, Revue Lamy Droit des affaires, février 2000. 8.

« la Cour d'appel (..) a pu, après avoir relevé que la banque n'est pas intervenue dans le montage de l’opération de rénovation, et que son rôle s'est limité à celui de prêteur de deniers envers les clients qui lui avaient été présentés, retenir qu’il appartenait aux époux Fredouille de veiller au respect des conditions édictées en pareille matière par le Code général des impôts et que la responsabilité de la banque n'est pas engagée » (359).

L'intérêt de cette décision tient à ce qu'elle précise que la banque n'est intervenue qu'en qualité de « prêteur de deniers », ce dont il résulte que le banquier dispensateur de crédit n'a pas à conseiller les clients sur les conséquences fiscales de leurs projets (360).

Un arrêt rendu par la Première Chambre civile le 6 Juin 1990 présente le même intérêt en ce qu'il censure une Cour d'appel qui avait décidé que la banque était tenue de conseiller à ses clients d'arrêter l'exploitation de leur entreprise, sans constater que la banque avait accepté d'assumer un autre rôle que celui de dispensateur de crédit (361).

Une autre décision mérite d’être citée. On sait qu'en vertu d'une jurisprudence traditionnelle (362), le fait que le client soit assisté d'un conseil, au moment où il contracte avec une banque, ne dispense pas cette dernière de son obligation d'information. Or, dans une affaire où un emprunteur reprochait à la banque de ne pas avoir contrôlé la rentabilité de l'opération immobilière qu'elle avait financée, la Cour de cassation a rejeté le moyen tiré du manquement du banquier à son « obligation de conseil » en relevant notamment que, pour préparer l'opération immobilière, l'emprunteur avait eu recours aux services de deux professionnels (363). Ainsi, lorsque la responsabilité de la banque est recherchée pour défaut de rentabilité de l'opération financée, le moyen tiré de l'assistance par un conseil est inopérant alors que le même moyen est de nature à justifier la responsabilité de la banque lorsque celle-ci est recherchée à raison de l'inadaptation du crédit aux facultés de remboursement de l'emprunteur.

Cette décision illustre implicitement l'idée selon laquelle le banquier n’a pas à contrôler l'adaptation de son concours à l'activité du bénéficiaire du crédit.

(359) – Cette citation est la reproduction de l'extrait cité par F. Crédot et Y. Gérard, dans leur commentaire paru à la RDBB 1998. 12. L'arrêt n'est pas publié au Bulletin.

(360) –En ce sens également, Com. 9 Décembre 1997, Bull. n° 328, p. 284 et J.c.p. 1998. E. 198. (361) – Civ. 1ère, 6 Juin 1990, Juris-Data n° 001634. Il a également été décidé que le prêteur de

deniers n'avait pas à vérifier la solvabilité du promoteur de l'opération financée, ni à suivre l'évolution du programme immobilier concerné (Paris, 12 Novembre 1997, Audience solennelle, JCP. 1997. 1. 1299) ; Voir aussi, TGI Chambéry, 3 Juillet 1984, D. 1985, qui décide que l'acquéreur d'une société dont la rentabilité s'est par la suite, avérée décevante, ne peut rechercher la responsabilité de la banque à laquelle il n'avait pas demandé conseil.

(362) – Voir DH 1972. II. Page 99.

(363) – Com. 18 Février 1997, Bull. n° 52, p. 46 et Droit et Patrimoine octobre 1997. 71, n° 1783, obs. B.S.A.

La banque n'a pas, non plus, à vérifier que le client qui souscrit un prêt immobilier sera en mesure d'acquitter les charges de copropriété : dès lors que la banque n'a aucun pouvoir sur la détermination des charges de copropriété, dont elle ne peut connaître le montant, elle n'est pas responsable à l'égard du syndicat des copropriétaires du non-paiement par son client des charges de l'immeuble. La banque n'a qu'à vérifier la proportionnalité entre la charge de remboursement et les capacités de son client. Elle n'est pas tenue de s'assurer qu'après paiement des échéances du prêt, son client disposera d'un crédit suffisant pour traiter avec d'autres créanciers. Par conséquent, le banquier ne peut être responsable du défaut de paiement des charges de copropriété (364). De même, la banque n'a pas à attirer l'attention des emprunteurs sur le fait que les mensualités de remboursements sont d'un montant supérieur aux loyers procurés par l'immeuble financé par le prêt (365), ni que la vente d'un appartement ne suffira pas à rembourser le crédit-relai, souscrit pour l'acquisition d'un autre immeuble (366).

En résumé, nous estimons que le banquier doit s'assurer que le crédit est adapté à la situation financière de son bénéficiaire mais il n'a pas à vérifier que son concours permettra au client d'atteindre l'objectif en vue duquel il a sollicité un concours bancaire.

Pour terminer sur ce point, nous tenons à insister sur les difficultés rencontrées par les emprunteurs pour rapporter la preuve qui leur incombe, de l'erreur commise par la banque dans l'appréciation des facultés de remboursement du bénéficiaire du crédit. Trop souvent, les emprunteurs poursuivis déduisent le caractère fautif du crédit de faits survenus après l’octroi du concours et se bornent à énoncer que ces faits étaient prévisibles ou auraient dû être prévus par la banque. Une telle démonstration est assurément incomplète. Pour que son action prospère, le débiteur doit démontrer que lorsque le banquier a consenti le crédit, il savait qu'il ne pourrait pas être remboursé. C'est à cette seule condition, rarement satisfaite, que le banquier peut être déclaré responsable.

Tels sont les principes qui, selon nous, gouvernent la responsabilité résultant de la décision d’octroyer un crédit.

(364) – En sens contraire Civ. 2ème, 2 Juillet 1997, Bull. n° 212, p. 124 - R.T.D.Com. 1997. 659 ; J.c.p. E. 1997. 220, Chronique de droit des sûretés, P. Simler.

(365) – Civ. 1ère, 22 Juin 1999, R.D.B.B 1999. 185, note F. Crédot et Y. Gérard ; J.c.p. E. 2000. 1086, Chronique de Droit bancaire, n° 2, obs. Gavalda et J. Stoufflet.

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