• Aucun résultat trouvé

MONTEE DE LA DEPENDANCE

18.3. LES MIGRATIONS VERS L'ETRANGER

Deux pays sahéliens connaissent une émigration importante vers des pays non sahéliens : le Burkina Faso et dans une moindre mesure le Mali(**). En 1975, il y aurait eu 1.700.000 Burkinabé hors de leur pays, notamment en Côte d'Ivoire. Les données permettant d'évaluer comment ont évolué les flux migratoires au cours des dix dernières années manquent presque tota- lement.

A l'avenir, plusieurs éléments doivent être pris en considération avant de faire des hypothèses sur les flux migratoires :

- Il est peu probable que les pays d'Europe occidentale ouvrent grandes leurs portes aux migrants venant du Sahel (cf. paragraphe 15.1) : il est donc vraisemblable que ce type d'émigration, qui n'a pas pris jusqu'à présent des proportions significatives à l'échelle du Sahel, ne modifiera pas fondamentalement à l'avenir les situations démographiques;

(*) seule la Gambie a déclaré à l'OMS des cas de SIDA, mais il est proba- ble que le virus est aujourd'hui présent dans la totalité des pays sahéliens !

(**) le Cap Vert est un cas tout à fait particulier : il y aurait au moins 420.000 Capverdiens en Amérique, en Europe et en Afrique contre 350.000 sur le territoire national.

Mais, même s'il ne joue pas un rôle quantitatif important, ce type d'émigration jouera sans doute un rôle croissant par la qualité des migrants. L'exode des cerveaux, des diplômés qui ne trouvent pas au Sahel des conditions de vie conformes à leurs aspirations risque de s'accélérer.

- Il en a été tout autrement des migrations vers les pays côtiers de l'Afrique occidentale humide, et en particulier vers la Côte d'Ivoire. Y aura-t-il des mouvements de rejet de migrants jugés trop nombreux à l'instar de ce qui s'est produit au Nigéria en 1983 et en 1985 ? Ou les pays côtiers continueront-ils à trouver profitable cet appoint de main d'oeuvre ? L'Afrique a toujours été traversée par de grands courants de migrations et il serait surprenant que cette situation disparaisse du jour au lendemain. Mais les frontières tracées par les colonisateurs et déclarées intangibles sont un fait nouveau. Les nationalismes sont une réalité qui se développe. La croissance démographique forte et les pro- blèmes que pose un espace qui se réduit sont aussi une réalité pour les pays côtiers. Aussi serait-il surprenant que l'émigration des Sahéliens vers ces pays côtiers de l'Afrique occidentale humide puisse se poursui- vre indéfiniment sans frein.

- L'émigration vers la Côte d'Ivoire, le Nigéria et le Ghana sera-t-elle relayée par une émigration vers des terres plus lointaines ? A long terme, il est difficilement concevable que coexistent des régions très peuplées en Afrique de l'ouest (avec plus de 200 millions d'habitants en 2010, le Nigéria aura une densité de plus de 220 au Km2, plusieurs provinces sahéliennes auront des densités supérieures à 120 au Km2) et des régions quasi-vides (quelques habitants au Km2) en Afrique centrale où la population croît à un taux annuel inférieur aux taux constatés en Afrique de l'ouest. Mais l'émigration vers ces pays éloignés, culturel- lement assez différents du Sahel, ne sera pas aussi aisée.

Dans le scénario tendanciel, nous ferons l'hypothèse qu'il n'y aura ni arrêt brutal, ni à plus forte raison retour massif des émigrés, mais qu'il n'y aura pas aussi d'accélération des migrations, mais plutôt à terme, un certain ralentissement.

18.4. LA POPULATION DE 2010

Rappelons d'abord quelques exercices de prévision de la population sahé- lienne en 2000, faits à partir des données de 1980 :

- par le SEQI (Ministère français de la Coopération), qui conduisait pour le Sahel continental (Cap Vert et Guinée Bissau exclus) à 46,75 millions de Sahéliens, soit un taux moyen d'accroissement de 2,1% par an;

- par le groupe SCET-SEDES (Une Image à long terme de l'Afrique au sud du Sahara) qui conduisait pour la même région à une population de 49,6 millions d'habitants en 2000 (taux d'accroissement : 2,3% par an) et de 62 millions en 2010 (taux d'accroissement : 2,25% par an);

- par les Nations-Unies qui conduisait toujours pour la même région à une population de 54,17 millions, soit un taux de croissance de 2,8% par an.

Les deux premières estimations ne sont pas cohérentes avec les hypothèses de notre scénario tendanciel. La stabilité de la fécondité et de la morta-

lité, le ralentissement des migrations conduisent plutôt à un taux d'ac- croissement annuel de l'ordre de 2,8%.

Si nous retenons ce taux en partant des estimations de la population à la mi-1985 par les Nations-Unies, soit :

35,7 millions de Sahéliens on arrive, en 2010, à :

70 millions de Sahéliens, qui pourraient être l'estimation du scénario tendanciel.

Autour de ce chiffre, quel peut être le champ des estimations envisagea- bles, en faisant des hypothèses plausibles ?

- en admettant que la fécondité reste très élevée, voire augmente légère- ment, que la mortalité recule et que les migrations extérieures soient pratiquement arrêtées, une croissance moyenne de la population à un taux de 3% n'est pas invraisemblable et conduit à 75 millions de Sahé- liens en 2010. Nous admettrons qu'il s'agit là du scénario le plus haut raisonnablement envisageable;

- en admettant une diminution significative de la fécondité, une légère augmentation de la mortalité (une augmentation forte serait incompati- ble avec une baisse notable de la fécondité) et un maintien des migra- tions extérieures, il paraît difficile d'envisager un taux de croissan- ce annuelle moyen inférieur à 2,1% qui conduirait à 60 millions d'hom- mes en 2010. Il s'agit sans doute là du scénario le plus bas actuelle- ment envisageable.

Compte tenu des nombreuses incertitudes qui affectent le volume actuel de la population, ses taux de natalité et de mortalité, nous admettrons qu'un scénario tendanciel conduit à une population comprise entre 66 et 70 millions d'hommes en 2010 et qu'au-delà de ces limites, on serait dans des scénarios bas ou haut.

18.5. L'URBANISATION

Avec 7 millions de citadins (mais ce chiffre est peut-être très sous-esti- mé) en 1985, le Sahel a un taux d'urbanisation de l'ordre de 20%, infé- rieur à celui de l'ensemble du continent africain, qui est sans doute de l'ordre de 30%.

Le nombre de citadins a été multiplié par un facteur supérieur à 5 au cours de la période 1960-1985. Un prolongement de la tendance conduirait à près de 38 millions de Sahéliens dans les villes en 2010, soit un taux d'urbanisation de 54%. Une telle extrapolation est-elle plausible ?

On notera d'abord qu'un tel taux d'urbanisation en 2010 serait encore in- férieur à celui des pays développés (67%) et de l'Amérique Latine (65%) en 1985. Mais, il se situerait au-dessus des prévisions des Nations-Unies qui situent le taux d'urbanisation de l'ensemble du continent africain vers 46% en 2010.

On a vu (paragraphe 4.3) les facteurs non économiques qui entraînent un fort exode rural et ce ne sont certes pas les hypothèses qui ont été fai- tes quant à l'évolution des valeurs sahéliennes qui sont susceptibles de provoquer un freinage de cet exode. Au contraire, on a vu (paragraphe 16.2) qu'elle devait amener une déculpabilisation de ceux qui abandonnent la société traditionnelle villageoise.

A l'avenir, le freinage de la croissance urbaine ne pourrait être le fait que de causes économiques : une dégradation relative des conditions de vie des citadins par rapport aux conditions de vie dans les campagnes. Or, on verra que dans le scénario tendanciel, les revenus des ruraux n'ont guère de chance de s'améliorer de façon substantielle alors que, sous réserve de l'hypothèse d'un maintien de l'aide extérieure, à un niveau élevé, les revenus urbains y compris ceux des populations des périphéries urbaines ne devraient pas trop se dégrader au moins pendant un certain temps.

Certains observateurs soutiennent que l'on peut déceler des signes d'un freinage de l'exode rural dans plusieurs provinces sahéliennes, sous l'action notamment des ONG qui redonnerait des raisons de vivre au villa- ge. Certains prétendent même que, dans quelques cas, le flux migratoire s'est inversé. En sens inverse, on observe des migrations vers la ville encore jamais vues : les jeunes filles Dogon se sont mises à émigrer au cours de ces toutes dernières années, ce qui est totalement nouveau.

Aujourd'hui, on est obligé d'avouer que l'on manque de données fiables sur une éventuelle inflexion de l'exode rural.

On admettra que les hypothèses qui sous-tendent le scénario tendanciel conduisent au scénario d'urbanisation suivant :

- à moyen terme, disons jusque vers la fin des années 1990, aucune raison déterminante de freinage de l'exode rural n'apparaît et l'urbanisation

se fait sensiblement au taux annuel constaté depuis le début des années 1970;

- au-delà, un certain freinage est possible, dû à la dégradation des con- ditions de vie dans les périphéries urbaines.

En partant de l'estimation de 7 millions de citadins en 1985 et en rete- nant un taux annuel d'accroissement des populations urbaines de 7% jus- qu'en 2000 et de 5% au-delà, on arrive à une population des villes de :

31,5 millions d'habitants en 2010(*)

soit un taux d'urbanisation de 45%, le Sahel rejoignant ainsi vers cette époque le taux moyen d'urbanisation du continent africain.

Mais on ne saurait trop insister sur la fragilité de cette estimation.

Il est vraisemblable que la croissance des très grosses agglomérations se relentira à cause des difficultés de la vie dans ces villes et que les agglomérations moyennes verront au contraire leur expansion s'accélérer. En dépit de cette différenciation (dont il est difficile de supputer l'am- pleur), il semble inévitable que certaines agglomérations soient attein- tes de gigantisme. On trouvera ci-après les estimations de la SCET-SEDES, qui sont plausibles mais dont on soulignera le caractère hypothétique :

(en milliers d'habitants) 1980 2010 . Dakar ... 1.300 6.200 . Bamako ... 536 3.200 . Niamey ... 300 2.100 . Ndjamena ... 330 1.500 . Ouagadougou .. 251 1.550 . Nouakchott ... 210 750 . Banjul ... 60 350 . Bissau ... 116 400

(*) Ce chiffre de 31,5 millions est aussi celui de l'estimation du groupe SCET-SEDES (étude citée), mais l'estimation de la population globale étant de 62 millions, le taux d'urbanisation atteindrait 51% en 2010.

CHAPITRE 19

LE MONDE RURAL DE DEMAIN 1

On décrira d'abord le contexte mondial dans lequel sera plongée demain l'agriculture sahélienne, en portant une attention particulière aux pro- ductions alimentaires, notamment céréalières, dont on sait l'importance pour la région, et une attention particulière aux mutations technologi- ques qui vont affecter les activités agricoles dans le monde.

Quel impact pourront avoir ces mutations sur le Sahel ? Quelle pourrait être l'évolution tendancielle des différentes composantes du système agri- cole sahélien (agriculture vivrière, agriculture d'exportation, élevage) ? Et quelles conséquences cette évolution aura-t-elle sur le milieu rural ? autant de questions auxquelles on essaiera d'apporter une réponse.