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MONTEE DE LA DEPENDANCE

15.3. L'IMPACT DES TECHNOLOGIES

Les grandes tendances au niveau mondial

Le progrès technique avance à grands pas dans le Nord, alimenté par des innovations majeures qui se sont concentrées au sein des technologies dites "génériques" ou structurantes. Il s'agit principalement des techno- logies de l'énergie, des nouveaux matériaux, du traitement de l'informa- tion et des biotechnologies. Ces technologies ont la capacité de pénétrer et de transformer de nombreux secteurs d'activités. Leur insertion dans des secteurs qui paraissaient arrivés à maturité et peu enclins au change- ment apporte des avantages concurrentiels qui peuvent être décisifs. L'in- formatique en particulier s'est montrée apte à cette insertion à cause de la flexibilité d'utilisation du micro-processeur qui est à la base de cette technologie.

L'ampleur des changements induits par ces technologies a poussé certains observateurs à parler d'une troisième révolution industrielle, après celle de la machine à vapeur au XVIIIème siècle et celle de l'électricité à la fin du XIXème. Le Tiers-Monde en général et le Sahel en particulier subiront inéluctablement les conséquences de cette troisième révolution et cela de deux façons différentes :

- ces changements auront un impact fort sur les marchés mondiaux, sur la structure des avantages comparatifs dans le monde et donc sur la divi- sion internationale du travail. On examinera plus loin (paragraphes 19.1 pour l'agriculture et 20.1 pour l'industrie) cet impact;

- le Tiers-Monde aura à sa disposition (une mise à disposition qui ne se- ra généralement pas gratuite) une panoplie plus large de technologies. Pourra-t-il réellement les mettre en oeuvre et quel impact cet élargis- sement aura-t-il sur son développement ?

L'impact sur le Sahel

Certains experts soutiennent que les récents progrès techniques, notam- ment dans l'informatique vont permettre une banalisation de l'emploi des nouvelles technologies et les mettre à la portée de tout le monde et que le problème du transfert de technologie va se poser demain en des termes très différents des termes actuels.

Cela est sans doute vrai dans une certaine mesure et l'utilisation d'un micro-ordinateur demande désormais un temps d'apprentissage très réduit et aucune connaissance approfondie de l'électronique ou de l'informati- que. Mais il est dangereux de confondre l'utilisation d'une technologie

nouvelle par le consommateur, utilisation qui peut être en effet banali- sée (il est facile de monter dans un Boeing 747) et son utilisation par le système de production (il est plus difficile de piloter et d'assurer la maintenance du dit Boeing 747...). En fait, le problème du transfert de technologie entre le Nord et le Sud risque de se poser demain comme hier en termes d'acceptabilité (incluant la rentabilité) et de savoir uti- liser (incluant le savoir entretenir).

Il existe en effet une distinction essentielle (proposée d'abord par Schumpeter) entre :

- l'invention qui est la découverte d'un principe ou d'un procédé nouveau, plus performant, applicable au système de production;

- l'innovation qui est la diffusion de l'invention dans le système de pro- duction.

Cette distinction s'applique aux sociétés sahéliennes autant qu'aux au- tres sociétés humaines. Il existe des "inventions", certaines disponibles depuis fort longtemps : la culture attelée ou mécanisée, l'emploi de pes- ticides et d'engrais naturels ou artificiels etc... qui permettraient d'intensifier le système productif et de diminuer la pression sur l'envi- ronnement. Manifestement, "l'innovation" ne s'est pas faite ou ne s'est pas suffisamment faite pour répondre aux défis des aléas climatiques, de l'augmentation du nombre des hommes et d'une meilleure qualité de la vie.

Des innovations se sont répandues dans des temps anciens : ce fut le cas de la culture du mais, du manioc ou de l'arachide qui sont toutes des espèces d'origine américaine, ou plus récemment : ce fut le cas du déve- loppement du coton. D'autres n'ont connu qu'une diffusion très limitée, comme l'emploi de la culture attelée ou des engrais, et on peut dire que, globalement, la diffusion de l'innovation a été un échec dans le Sahel de ces dernières décennies.

A l'avenir, le problème du transfert de technologies ne se posera sans doute pas en termes essentiellement différents, les inventions futures ne deviendront pas nécessairement des innovations dans les sociétés sahélien- nes. Les questions spécifiques des transferts de technologies dans l'agri- culture (et en particulier du rôle futur des biotechnologies) et dans l'industrie seront traitées dans les chapitres 19 et 20 de façon plus approfondie. On se bornera à ce stade à quelques remarques générales :

- lorsque de nouvelles technologies pourront être employées de façon ren- table dans le contexte socio-économique sahélien et sans qu'il y ait besoin d'une infrastructure matérielle ou intellectuelle de soutien, il sera facile au Sahel de les adapter et d'en tirer avantage;

- au contraire, l'utilisation des technologies impliquant des centres de recherche ou d'entretien et des réseaux de personnels hautement quali- fiés risque de se heurter à des difficultés croissantes et souvent à des impossibilités;

- à l'échelle mondiale, l'essentiel de la recherche technique sera orien- té en fonction de la taille des marchés potentiels. Aussi le Sahel aura- t-il des difficultés à disposer de solutions techniques satisfaisantes lorsque ses problèmes seront spécifiques; il ne sera pas dispensé d'un effort de recherche particulier;

- en revanche, de nouvelles technologies permettront assez souvent de s'affranchir des économies d'échelle qui ont constitué dans le passé des barrières quasi infranchissables pour le développement de certaines activités industrielles dans le Tiers-Monde.