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LISTE DES SIGLES

1.1.4 Les matériaux d’isolation thermique

Nous allons maintenant examiner les divers matériaux qui peuvent servir comme isolant thermique dans les MEMS.

Utilisation de substrats isolants

Une approche est de remplacer le substrat de silicium par un substrat isolant. Cela a été évoqué dans la revue des dispositifs, avec l’utilisation de substrats de verre et de céramiques LTCC. Cette solution assure de bonnes performances, mais limite les options en termes de micro-fabrication (surtout de volume), puisque la majorité de ces procédés ont été développés pour le silicium [155]. Cela exclut également l’intégration de circuits électroniques sur le même substrat.

Oxydes de silicium SiO2 épais

L’oxyde de silicium a une faible conductivité thermique (1.4 W.m−1.K−1) et peut être utilisé comme matériau de membrane, dans les structures suspendues présentées précédemment, ou être utilisé en couche épaisse directement sur un substrat. Dans ce dernier cas, plus la couche est épaisse, plus l’isolation thermique sera bonne (par épais on entend > 1 µm).

La couche d’oxyde peut être obtenue de plusieurs façons. La première est par oxydation thermique du silicium. Cependant, cette technique est beaucoup trop lente pour être utilisée à cette fin. En effet, à 1200C, une couche de 10 µm nécessiterait environ 100 h par oxydation humide, et environ 2000 h par oxydation sèche [64] ! Ces couches peuvent également être déposées par LPCVD ou PECVD (Plasma enhanced chemical vapour deposition, ou dépôt chimique en phase vapeur assisté par plasma). Le procédé LPCVD se déroule à des températures moyennes à élevées (300 à 800°C), donc la couche contient des contraintes intrinsèques importantes. Le dépôt d’oxyde PECVD se fait à faible température, mais la couche déposée ainsi est de moins bonne qualité. Un recuit de densification peut être utilisé, mais causera l’apparition de contraintes résiduelles également [50]. Si les contraintes sont trop importantes, elles entraînent la courbure, voire la rupture du substrat. Finalement, avec les techniques CVD (Chemical vapour deposition, ou dépôt chimique en phase vapeur), on est quand même limité à une épaisseur d’une dizaine de microns, ce qui n’est toujours pas optimal du point de vue de l’isolation thermique.

Une autre technique a été proposée, pour former des couches de SiO2 pouvant aller jusqu’à 100 µm [294]. Dans cette méthode, des tranchées sont formées par DRIE (deep reactive ion etching, ou gravure ionique profonde), et ensuite oxydées. En ajustant la taille des tranchées afin de compenser le gonflement latéral lors de l’oxydation, on peut obtenir une couche épaisse d’oxyde. Ainsi, on obtient des caissons isolants épais à l’intérieur du substrat. Du point de vue de l’isolation, c’est une solution très efficace. Par contre, l’oxydation se fait à haute température (800 à 1000C), donc la couche comprend encore des contraintes résiduelles. De plus, l’état de surface est mauvais, puisque les tranchées oxydées entraînent une surface non-plane. Une autre façon de fabriquer ce genre de couche est par la formation de couches de silicium méso- [69] ou macroporeux [15], qui peuvent être oxydées selon la même méthode. Ces méthodes ne réduisent pas le problème des contraintes résiduelles (le problème est même accentué dans [69]), mais ont l’avantage de ne pas nécessiter de gravure DRIE, qui utilise des équipements onéreux. La technique présentée dans [69] a été utilisée dans la fabrication d’un débitmètre, et un élément chauffant a été fabriqué et testé sur les couches d’oxyde formées dans [294].

Les matériaux polymères

L’utilisation de divers polymères a été proposée pour l’isolation thermique [29, 150, 177, 273]. Les propriétés pertinentes de certains de ces polymères sont données dans le tableau 1.1. Ces matériaux ont tous des conductivités thermiques faibles, ce qui en fait de bons isolants thermiques. La résistance chimique est bonne pour la plupart d’entre eux. Par contre, leur plage de température d’opération est restreinte, bien que le BCB (benzocyclcobutène) et le polyimide

puissent aller jusqu’à 350C. De plus ils ont tous un module de Young faible, ce qui n’est pas adapté aux conditions mécaniquement exigeantes.

Tableau 1.1 Propriétés de polymères pouvant être utilisés pour l’isolation thermique. κ est la conductivité thermique, E, le module de Young, et Tg la température de transition vitreuse.

Matériau κ

(W.m−1.K−1) E (GPa) Tg (°C) Résistancechimique Méthode de dépôt

Parylène 0.084 [205] 4-5 [97] 150 [97] Très bonne inertie,

même aux solvents. Gravure plasma possible [172].

CVD

BCB 0.29 [177] 2-2.9

[177] 350 [177] Gravé par KOH chaud[177], piranha, acide

nitrique concentré [70]

Par « spin coating ». Photosensible. Épaisseur jusqu’à 100 µm [164].

SU-8 0.2 [176] 2 [176] 200 [176] Bonne inertie [68] Par « spin coating ».

Photosensible. Épaisseur jusqu’à 600 µm [25] Polyimide 0.28 [29] 2,5 [72] 500 (feuille) [29] 350 (« spin coating ») [29] Dépend des formulations. Bonne résistance aux solvents organiques. Moins résistant à certains acides et bases concentrés [72]. Feuille ou « spin coating » PDMS 0,2 [170] 7.5×10−4

[170] -125 [137] Mauvaise résistanceaux solvents [165] Par moulage

L’aérogel de silice

Les aérogels sont obtenus à partir de gels colloïdaux, où on fait évaporer la phase liquide pour ne conserver que la phase solide. On obtient ainsi un solide poreux, comparable à une mousse. L’aérogel le plus commun est l’aérogel de silice.

Des porosités record de 99.99% ont été atteintes pour l’aérogel de silice [17]. Avec une porosité aussi élevée, l’aérogel peut aussi atteindre des valeurs extrêmement faibles de conductivité thermique, jusqu’à 0.006 W.m−1.K−1 [293], ce qui est plus faible que celle de l’air (0.025 W.m−1.K−1). Toutefois, la tenue mécanique à des porosités si élevées n’est pas bonne. Lors d’un « scotch test » (test d’adhérence fait avec du ruban adhésif) sur de l’aérogel, le simple

fait d’appliquer le ruban adhésif était suffisant pour détruire les couches avec une porosité supérieure à 95% [105] !

L’aérogel peut être appliqué en couche mince sur des substrats, grâce à des procédés de fabrication particuliers, et les propriétés thermiques sont très dépendantes du procédé de dépôt [17]. Pour de l’aérogel en couche mince, avec des porosités entre 30 et 77%, des valeurs entre 0.1 et 0.3 W.m−1.K−1 ont été mesurées [17, 52, 67, 106]. Des mesures de nanoindentation sur de l’aérogel à 72% ont montré que l’aérogel avait un module de Young de 2 GPa et une dureté de 12 MPa [285].

Le procédé de fabrication de l’aérogel est délicat, puisqu’il y a un risque que la structure poreuse ne s’effondre lors de l’évaporation de la phase liquide. La plupart des couches déposées ont une épaisseur de l’ordre du micron [17, 52, 67, 106, 285].

L’aérogel de silice a été intégré comme matériau d’isolation thermique, notamment dans des imageurs infrarouges [52, 89, 225]

Le silicium poreux

Le silicium poreux est obtenu à partir de la gravure électrochimique du silicium cristallin. Sa structure est formée de pores qui se propagent à partir de la surface du substrat de silicium, laissant des structures de silicium de faible taille. Selon la taille des pores, on parle de silicium microporeux ou nanoporeux (pores < 5 nm), mésoporeux (pores entre 5 et 100 nm), et macroporeux (pores > 100 nm). La figure 1.4 montre un exemple de silicium mésoporeux.

(a) Substrat de silicium de 100 mm de diamètre. Les six zones colorées correspondent à des zones poreuses.

(b) Vue en coupe d’une couche de silicium mésoporeux.

Figure 1.4 Le silicium poreux

Le silicium poreux a de nombreuses propriétés le distinguant du silicium massif, entre autres la particularité d’avoir une faible conductivité thermique. La figure 1.5 résume les principales

mesures de la conductivité thermique du Si mésoporeux et nanoporeux en fonction de la porosité qu’on retrouve dans la littérature. Les valeurs présentées ont été mesurées avec différentes techniques. On peut voir que la conductivité thermique varie avec la taille des pores et la porosité, mais pour le silicium nano- et mésoporeux, elle est en général 2 à 3 ordres de grandeur plus faible que celle du silicium cristallin (156 W.m−1.K−1 [86]).

2 0 3 0 4 0 5 0 6 0 7 0 8 0 9 0 0 . 0 1 0 . 1 1 7 9 8 0 8 1 D r o s t 1 9 9 5 G e s e l e 1 9 9 7 B o a r i n o 1 9 9 9 L y s e n k o 1 9 9 9 A m a t o 2 0 0 0 P é r i c h o n 2 0 0 0 a B e r n i n i 2 0 0 5 L e t t i e r i 2 0 0 5 K i h a r a 2 0 0 5 G o m è s 2 0 0 7 ( R a m a n ) G o m è s 2 0 0 7 ( S T h M ) C on du ct iv ité th er m iq ue (W .m -1 .K -1 ) P o r o s it é ( % )

Figure 1.5 Valeurs de la conductivité thermique du Si poreux en fonction de la porosité publiées dans la littérature et mesurées avec diverses techniques. Les symboles pleins correspondent au silicium mésoporeux, et les symboles creux au silicium nanoporeux. Ces valeurs ont été publiées dans les références [71], [85], [24], [159], [5], [212], [19], [151], [130], [87].

Pourquoi la conductivité thermique du silicium poreux est-elle si faible, comparée à celle du Si massif ? Lorsqu’on rend un matériau poreux, on enlève de la matière, qui est remplacée par de l’air, de conductivité thermique négligeable. Cela entraîne une réduction de la conductivité thermique d’un facteur (1 − Φ), où Φ est la porosité. Donc, pour du silicium poreux à 90% de porosité, la conductivité thermique du Si poreux devrait être 10 fois plus faible que celle du Si massif. Or, on voit sur la figure 1.5 que cela n’est pas le cas, puisque la conductivité thermique est environ trois ordres de grandeur plus petite que celle du Si massif. Donc la simple présence de pores ne suffit pas à expliquer la faible conductivité thermique du silicium poreux.

Afin d’expliquer l’origine de la diminution de la conductivité thermique du silicium poreux, nous allons nous servir d’un modèle décrivant la conductivité thermique en fonction de la porosité, d’abord proposé par Gesele [85], et raffiné par Lysenko [159]. Dans ce modèle, la conductivité

thermique du Si poreux, κP Si, est donnée par :

κP Si= (1 − Φ) (1 − Φ)2 κSi 1 + 43ΛSi

rCr

(1.9)

où Φ est la porosité, κSi est la conductivité thermique du Si massif, ΛSi le libre parcours moyen des phonons, et rCr le rayon moyen des cristallites formant le silicium poreux. On retrouve le facteur (1 − Φ) qui correspond à l’introduction de pores, mais l’équation comporte deux termes additionnels. Le premier, en (1 − Φ)2 décrit la percolation dans le matériau [85]. Le dernier terme exprime le fait que le transport phononique est perturbé, puisque la taille des cristallites, de l’ordre de 10 nanomètres, est inférieure au libre parcours moyen Λ dans le silicium massif, qui est de 43 nm à température ambiante [49]. Donc, en nanostructurant des substrats de Si massif, on peut obtenir des réductions de leur conductivité thermique supérieure à ce qu’on devrait obtenir seulement grâce à la présence de pores.

Le silicium poreux a été utilisé comme isolant dans plusieurs dispositifs, notamment un débitmètre [121], un bolomètre [179], un micro-réacteur biochimique [51], et un capteur biologique [213]. En général on préfère le silicium mésoporeux pour cette application, puisqu’il constitue un bon compromis entre propriétés mécaniques et thermiques.

On peut utiliser des matériaux en couche mince comme masque lors du procédé de porosification [65]. De cette manière on peut définir les zones du substrat de silicium cristallin qui seront porosifiées. Par ailleurs, on peut aisément fabriquer des couches d’une centaine de microns d’épaisseur [192]. Cela veut dire qu’il est possible de créer des zones isolantes épaisses à l’intérieur même du substrat de silicium, tout en conservant le silicium massif en dehors des zones poreuses. De plus, le silicium cristallin est le matériau de base pour la grande majorité des circuits intégrés et MEMS, et le Si poreux devrait donc pouvoir s’intégrer facilement dans les procédés de fabrication.

Cependant, le silicium poreux a aussi des défauts, qui constituent des obstacles à son intégration.

1. Étant donné sa surface spécifique élevée, le silicium poreux est très sensible à la gravure chimique par certains produits, en particulier les hydroxydes comme KOH, NaOH et TMAH [138]. Plusieurs développeurs de photorésine standard sont à base d’hydroxyde, par exemple le développeur MF-319 peut dissoudre une couche de silicium mésoporeux en quelques minutes (voir chapitre 6). Cela exclut donc la photolithographie si le développeur est en contact avec le silicium poreux. De plus, la photorésine a tendance à rentrer dans les pores, et devient très difficile à enlever [138].

2. La porosité réduit les propriétés mécaniques du silicium poreux. Selon les auteurs, le module de Young diminue de façon quadratique [119] ou cubique [215] lorsque la porosité augmente. Lorsqu’on sèche le silicium poreux, les forces de capillarité créées par l’éva-poration de l’eau suffisent à fissurer le silicium poreux ; si sa porosité est suffisamment élevée [6, 18, 192].

3. La structure du silicium poreux devient instable à des températures élevées : dès 400C on observe une redistribution morphologique de la couche poreuse, avec un grossissement des pores et une réduction de la porosité [101, 286]. Cependant, la structure du silicium poreux peut être stabilisée en l’oxydant pendant une heure sous O2 sec à 300C, ce qui la rend stable jusqu’à 800C [101, 286].

4. À cause de sa surface spécifique élevée, le silicium poreux s’oxyde plus rapidement et à de plus faibles températures que le silicium massif et de plus, étant donné la faible taille des structures composant le silicium poreux, il est plus facile de l’oxyder complètement. Par exemple, une couche de silicium mésoporeux peut être complètement oxydée en 50 min à 800°C [286]. Lorsqu’une couche de silicium poreux est oxydée, elle gonfle fortement [215], rendant impossible les étapes de micro-fabrication subséquentes, et devient fortement sous contrainte. Le silicium poreux ne peut donc pas être utilisé sous atmosphère oxydante à des températures supérieures à 400C sans traitement préalable.

1.1.5 Discussion

On remarque qu’il y trois structures de base pour l’intégration de matériaux d’isolation thermique : i) l’utilisation d’un substrat à faible conductivité thermique, ii) la membrane suspendue (voir la figure 1.6a), et iii) une couche plus ou moins épaisse déposée sur un substrat de silicium, comme illustré à la figure 1.6b. Il existe également de nombreux matériaux d’isolation thermique, certains d’entre eux pouvant être intégrés dans toutes ces structures.

L’utilisation d’un substrat à faible conductivité thermique est simple et assez efficace du point de vue de l’isolation thermique. Ces matériaux seront à priori du verre ou une céramique peu conductrice. Or la majorité des procédés de micro-fabrication sont conçus pour le silicium, donc cela limite les possibilités de fabrication, et l’intégration de circuits électroniques sur le même substrat est exclue.

Les structures suspendues permettent d’atteindre un très bon niveau d’isolation thermique puisque, en réduisant l’épaisseur de la membrane et la section des poutres de suspension, et en augmentant la longueur de ces dernières, on peut obtenir une résistance thermique élevée entre la membrane et le substrat. Cette solution est d’ailleurs utilisée dans des dispositifs

Figure 1.6 Géométries typiquement utilisées pour l’isolation thermique, a) la mem-brane suspendue et vue en coupe b) la couche « épaisse » déposée sur le substrat.

commerciaux, comme les bolomètres ou les capteurs de gaz. Cependant, cette solution comporte plusieurs désavantages. Ces structures sont fragiles, et un soin important doit être apporté lors de la fabrication, puisque chaque dispositif cassé diminue le rendement et augmente le coût par dispositif. Citons par exemple la référence [264], où les auteurs ont fabriqué des micro-réacteurs sur des membranes d’une épaisseur de 1 µm ! Cela est impressionnant d’un point de vue technique, et assure évidemment une isolation thermique excellente. Par contre, lors de leurs premiers tests de fabrication, avec de la micro-fabrication classique, le rendement était proche de 0%, ce qui les a obligés à développer des procédés non-standards spécifiques à leur application. De plus cette structure impose des contraintes au niveau de la conception, et n’est tout simplement pas utilisable dans certains dispositifs (la microturbine par exemple). Malgré ces désavantages, la structure suspendue est très utilisée dans plusieurs des dispositifs que nous avons présentés. Une des raisons pour cela est probablement que l’alternative -l’utilisation de couches plus ou moins épaisses - n’est pas vraiment au point.

D’abord, pour les matériaux présentés, sauf certains des polymères, l’épaisseur maximale du matériau est environ 10 µm ce qui limite les performances d’isolation thermique. L’oxyde de silicium est un bon isolant, mais il contient des contraintes élevées, qui augmentent avec l’épaisseur. Les polymères sont une solution intéressante, ayant une très faible conductivité thermique. Cependant certains ont une mauvaise résistance chimique, et tous sont plus ou moins limités en température (350C pour les plus performants). De plus leur module de Young est très faible. L’aérogel de silice permet certes d’atteindre des valeurs de conductivité thermique extrêmement faibles, mais au prix d’une fragilité excluant toute application pratique. De plus la synthèse de ce matériau est compliquée, son épaisseur limitée à quelques microns, et sa mise en forme suite au dépôt n’est pas simple.

Le silicium poreux a plusieurs avantages par rapport aux autres solutions d’isolation que nous avons présentées. C’est un bon isolant, ayant une conductivité thermique légèrement inférieure à celle du verre, et il est possible de fabriquer sans problème des couches de l’ordre 100 µm d’épaisseur. Son avantage majeur est qu’il est fabriqué à partir des mêmes substrats de silicium qui sont utilisés pour la micro-fabrication de circuits intégrés et de MEMS. Il est donc compatible avec les procédés de micro-fabrication standards, ce qui facilite son intégration. De plus, par l’utilisation de masques lors de la porosification, on peut limiter sa formation aux seuls endroits où l’isolation est nécessaire. Un exemple d’une telle structure est donné à la figure 1.7. Autrement dit, la porosification permet de nanostructurer localement un substrat de silicium, et de le transformer d’un matériau conducteur thermique en un isolant thermique.

Figure 1.7 Caisson isolant de silicium poreux à l’intérieur d’un substrat

Nous avons mentionné que dans les dispositifs micro-fluidiques, le verre est apprécié pour sa faible conductivité thermique, et le silicium pour sa conductivité élevée, ce qui permet d’assurer une température uniforme. Avec le silicium poreux il est devient possible d’avoir ces deux propriétés sur une même puce et avec un seul substrat, en conservant le silicium non-poreux là où l’uniformité de température est nécessaire, et en le porosifiant là où il y a besoin d’isolation. Cela facilite aussi l’intégration de l’électronique sur les parties non-poreuses, qui sera en plus isolée des zones chauffées.

Il est vrai que le silicium poreux ne peut pas forcément atteindre le niveau de performances d’une membrane mince suspendue, mais elle propose en contrepartie une plus grande souplesse lors de la conception et la fabrication d’un dispositif. En effet, elle permet d’avoir un substrat monolithique et relativement robuste sur lequel effectuer les étapes subséquentes de micro-fabrication. De plus, sa résistance thermique peut être ajustée en changeant la porosité ou l’épaisseur de la couche, ce qui donne un degré de liberté supplémentaire lors de la conception. Comparé aux structures suspendues le silicium poreux permet, en première approximation, de diviser par deux les pertes par radiation (celles qui se font par le dessous de la membrane)

et, pour les dispositifs qui fonctionnent à pression ambiante, divise par deux les pertes par conduction gazeuse aussi. Dans une structure suspendue, ces pertes peuvent être diminuées en augmentant le gap avec le substrat, mais cela est également limité. De plus, le silicium poreux pourrait même être utilisé pour augmenter l’efficacité des structures suspendues, en le fabriquant au niveau des points d’ancrage sur le substrat, puisque c’est par les poutres et leurs points d’ancrage que se font toutes les pertes par conduction thermique. Cela permettrait soit de diminuer encore les pertes de chaleur vers le substrat, ou de diminuer la longueur ou augmenter la section des poutres de suspension, les rendant moins fragiles. On pourrait même ajouter de la fonctionnalité à la couche poreuse en l’utilisant comme « getter » (ou piège à gaz) dans les dispositifs encapsulés sous vide [178].

Ultimement, le choix du matériau dépend des besoins de chaque application, mais le silicium poreux est un candidat intéressant. Par contre il est instable au-delà de 400C, n’a pas une bonne tenue mécanique, et a une mauvaise résistance chimique à plusieurs produits, notamment des produits communément utilisés en micro-fabrication. Ces désavantages limitent actuellement son adoption dans des applications à grande échelle, en particulier pour des applications en environnement exigeant.

1.2 Problématique, objectifs et approche

1.2.1 Problématique

Nous avons vu qu’il n’y a actuellement pas de solution parfaite pour l’isolation thermique : d’un côté les structures suspendues, de l’autre les couches isolantes déposées sur un substrat, et aussi, le silicium poreux, qui est intéressant au niveau de l’intégration, mais pas adapté à l’utilisation en environnement exigeant.

Il y a donc un besoin pour une solution d’isolation thermique qui puisse être utilisée dans des applications exigeantes, qui propose de bonnes performances thermiques, et qui soit facile à intégrer dans les procédés de micro-fabrication.