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Effets de l’irradiation sur la structure du silicium poreuxporeux

action ion-matière

3.4 Effets de l’irradiation sur la structure du silicium poreuxporeux

3.4.1 Étude qualitative de l’amorphisation du silicium poreux

Des mesures Raman ont été effectuées sur le silicium poreux avant et après irradiation. La figure 3.3 montre l’évolution de la forme de spectre Raman en fonction de la dose d’irradiation pour du silicium poreux à 56% de porosité.

4 0 0 4 5 0 5 0 0 5 5 0 6 0 0 P i c d u s i l i c i u m a m o r p h e P i c d u s i l i c i u m c r i s t a l l i n D os e d' irr ad ia tio n cr oi ss an te 7 0 x 1 01 2 c m- 2 3 0 x 1 01 2 c m- 2 1 0 x 1 01 2 c m- 2 7 x 1 01 2 c m - 2 3 x 1 01 2 c m - 2 1 x 1 01 2 c m - 2 In te ns ité R am an n or m al is ée (u .a .) D é p la c e m e n t R a m a n ( c m - 1) N o n - i r r a d i é

Figure 3.3 Spectre Raman du silicium poreux à 56% de porosité, pour différentes doses d’irradiation. Chaque spectre est normalisé par rapport à l’intensité de son pic le plus élevé. On peut observer que l’intensité du pic du Si amorphe (480 cm−1) augmente relativement à celle du silicium poreux cristallin (≈ 520 cm−1).

L’échantillon non-irradié présente un spectre typique du silicium poreux. Par contre, lorsque la dose augmente, on constate l’apparition d’un pic à 480 cm−1 qui augmente relativement au pic du silicium poreux cristallin (autour de 520 cm−1). Ce pic large à 480 cm−1 est typique du silicium amorphe [251], donc cela montre que l’irradiation crée une phase amorphe dans le silicium poreux, et son importance augmente avec la dose d’irradiation. Nous avons également fait ces mesures sur le silicium poreux à 41% et 75% de porosité, et on observe la même tendance.

3.4.2 Étude quantitative de l’amorphisation du silicium poreux

La procédure détaillée à la section 3.3.2 a permis de mesurer quantitativement la fraction amorphe, ρa, à partir des spectres Raman. La figure 3.4 montre l’évolution de ρa en fonction de la dose d’irradiation pour du silicium poreux non-oxydé, avec trois porosités différentes. On observe que ρa croît de façon monotone avec la dose d’irradiation, jusqu’à atteindre un plateau pour ρa = 100%. On peut voir également qu’à dose égale, la fraction amorphe augmente avec la porosité. 1 0 1 2 1 0 1 3 1 0 1 4 3 0 4 0 5 0 6 0 7 0 8 0 9 0 1 0 0 F ra c ti o n a m o rp h e a ( % ) D o s e d ’ i r r a d i a t i o n ( c m - 2) P o r o s i t é 4 1 % 5 6 % 7 5 %

Figure 3.4 Fraction amorphe, ρa, en fonction de la dose d’irradiation, mesurée par spectroscopie Raman, pour différentes porosités, états d’oxydation, et énergies d’irradiation.

Ces résultats confirment les observations qualitatives de la section précédente. Ils montrent également que la quantité de Si amorphe créée dans le silicium poreux peut être contrôlée par la dose d’irradiation. Finalement, les échantillons très poreux sont plus sensibles à l’irradiation que ceux à plus faible porosité.

3.4.3 Analyse MEB de la microstructure

L’analyse Raman donne de l’information macroscopique sur la structure du silicium poreux. Nous avons ensuite utilisé l’imagerie MEB pour étudier l’effet de l’irradiation à l’échelle microscopique. La figure 3.5 montre des vues en coupe du silicium poreux à 56% et 75% pour différentes doses d’irradiation. On voit qu’il n’y a aucun changement de morphologie visible jusqu’à des hauts niveaux d’amorphisation. D’après ces images, la structure poreuse commence à évoluer pour ρa>83% pour le silicium poreux à 56% de porosité, et entre ρa= 68% et 83% pour le silicium poreux à 75% de porosité. Au-delà, une réorganisation limitée a lieu, mais même lorsqu’on atteint une amorphisation totale, le silicium poreux reste poreux.

Figure 3.5 Images MEB en coupe du silicium poreux à 56% et 75% de porosité pour différentes doses d’irradiation. La dose et la fraction amorphe, ρa, sont indiquées sur chaque sous-figure, et toutes sont au même grossissement.

Ces observations ont été effectuées en haut, au centre, et en bas des couches poreuses. Lorsqu’un changement de morphologie était observé, il n’y avait aucune différence visible en fonction de la profondeur de la couche, donc nous en déduisons que l’amorphisation a eu lieu à travers toute la profondeur de la couche poreuse. De plus, les échantillons de silicium poreux étaient intacts après l’irradiation, et il n’y avait aucun signe visible d’endommagement, c’est à dire de fissuration ou de d’écrasement de la structure.

3.4.4 Effet de l’irradiation sur la chimie de surface du silicium

poreux

La figure 3.6 montre les spectres FTIR du silicium poreux à 56% de porosité pour différentes doses d’irradiation. L’interprétation des spectres a été faite à l’aide des références [169] et [231]. Le tableau 3.3 indique les différents modes de vibrations moléculaires avec leurs équivalents en anglais, plus usités, et leurs abréviations [60]. On rappelle que le FTIR donne uniquement des informations sur la chimie de surface.

7 5 0 1 0 0 0 1 2 5 0 ν ( S i- O - S i) S iO - H ? A b s o rb a n c e ( u .a .) N o m b r e d 'o n d e ( c m - 1) δ ( S i- H )x 2 7 5 0 3 0 0 0 3 2 5 0 3 5 0 0 3 7 5 0 A r t é f a c t 7 0 x 1 01 2 c m- 2 1 0 x 1 01 2 c m- 2 3 x 1 01 2 c m- 2 1 x 1 01 2 c m- 2 N o n - ir r a d ié ν ( S iO - H )

Figure 3.6 Spectres FTIR du silicium poreux à 56% de porosité à différentes doses d’irradiation.

Tout d’abord, on voit que l’échantillon non-irradié est oxydé, avec de l’hydrogène incorporé dans la couche. Suite à l’irradiation, on voit que les modes associés aux liaisons Si-H diminuent en intensité et ceux associés aux liaisons Si-O augmentent légèrement avec la dose. Le mode à 880 cm−1, désigné par « ? » a déja été attribué à des hydroxydes et des oxydes [169], et dans nos spectres on observe que ce pic diminue dans un premier temps avant de réaugmenter.

Tableau 3.3 Les modes de vibrations moléculaires Mode de vibration Abréviation Français Anglais

Élongation symétrique Symmetric stretching ν Élongation asymétrique Asymmetric stretching

Cisaillement Scissoring

δ Rotation pure Rocking

Balancement Wagging γ

Torsion Twisting

On observe les mêmes tendances sur les échantillons à 41% et 75%. Quant au silicium poreux pré-oxydé, il n’y a pas de différence dans les spectres FTIR avec l’irradiation, et les modes des liaisons Si-H ne sont pas présents, puisque l’oxydation à 300C cause justement la désorption de l’hydrogène à la surface du silicium poreux [169].

Il est donc probable que l’énergie fournie par l’irradiation rompt les liaisons Si-H, laissant des liaisons pendantes qui réagissent avec l’oxygène ambiant à la sortie de l’accélérateur. Par contre ces spectres ont été faits plus d’un an après l’irradiation, et les échantillons ont donc été oxydés à température ambiante, comme en témoigne l’échantillon non-irradié. En conséquence, pour les échantillons irradiés il est impossible de séparer l’oxydation due à l’irradiation et l’oxydation à température ambiante. Il est possible que l’irradiation ait simplement accéléré l’oxydation à température ambiante. Cette question pourrait être réglée en faisant du FTIR sur les échantillons directement après l’irradiation.

3.4.5 Discussion de l’amorphisation par irradiation

Nous avons donc démontré que l’irradiation du silicium poreux avec des ions lourds à haute énergie crée une phase amorphe dans celui-ci. Le degré d’amorphisation peut être contrôlé par la dose d’irradiation, et la structure poreuse n’est pas détruite. À des fractions amorphes élevées, on observe une réorganisation partielle de la structure, mais elle reste poreuse.

La structure poreuse ne change pas jusqu’à ρa = 83% et ρa = 68% pour une porosité de, respectivement, 56% et 75%, et s’est seulement partiellement réorganisée pour ρa= 100%. Ceci est remarquable quand on compare aux résultats obtenus dans la littérature pour l’irradiation du silicium poreux à plus faible énergie : en effet, l’irradiation avec des ions 4He+ à 4 MeV résulte en la densification du silicium poreux [246], autrement dit la structure poreuse est détruite. Cela n’est visiblement pas le cas pour nos résultats, bien que des espèces plus lourdes à des énergies bien supérieures aient été utilisées. Quelle est l’explication pour cela ? Nous avons mentionné

dans l’introduction qu’il existe deux régimes distincts décrivant les interactions ion-matière : les régimes nucléaire et électronique. L’importance respective des deux régimes dépend de l’énergie des ions. La figure 3.1 montre les pouvoirs d’arrêt nucléaire et électronique en fonction de l’énergie, calculés grâce au logiciel SRIM [298]. On peut voir que le régime électronique est dominant au niveau d’énergie utilisé dans notre étude (110 MeV). Des interactions au régime nucléaire auraient effectivement causé des dégâts collisionnels dans le silicium poreux, et donc un écrasement de sa structure. Par contre, dans le régime électronique, l’ion laisse simplement une trace amorphe le long de son parcours. Cela explique l’amorphisation du silicium poreux, sans destruction de sa structure poreuse, que nous avons observée.

La distance Rp parcourue par des ions uranium à 110 MeV dans une cible de silicium cristallin non-poreux, calculée par SRIM [298], est de 14 µm. Un des principaux paramètres utilisés dans ce calcul est la densité de la cible, donc nous pouvons estimer Rp dans le silicium poreux en utilisant sa densité effective. Ainsi, pour du silicium poreux à 75% de porosité nous avons calculé Rp = 57 µm. Cela signifie que les ions uranium traversent complètement la couche poreuse (d’une épaisseur de 10 µm environ) et s’arrêtent dans le silicium non-poreux en dessous de la couche poreuse. Les interactions nucléaires deviennent dominantes seulement à des profondeurs proches de Rp, donc la couche poreuse entière devrait être amorphisée. Cela est cohérent avec ce que nous avons vu lors des observations au MEB, c’est à dire que lorsqu’une modification de structure a eu lieu, elle a eu lieu à travers toute la profondeur de la couche poreuse.

Donc, les interactions au régime électronique sont responsables de l’amorphisation du silicium poreux. Cependant, nous avons mentionné dans l’introduction que le silicium cristallin est insensible à l’endommagement au régime électronique lorsqu’il est irradié avec des ions mono-atomiques. Qu’est-ce qui rend l’amorphisation du silicium poreux possible à des niveaux d’énergie qui n’ont pas d’effet sur le silicium cristallin ? L’endommagement au régime électronique peut être décrit par le modèle de la pointe thermique (voir section 3.2). Dans le cas du silicium poreux, il est possible que les faibles dimensions de sa nano-structure (des quasi-colonnes de silicium d’un diamètre d’environ 10 nm, entourées de pores) causent du confinement électronique, ce qui aurait pour effet d’augmenter la densité d’énergie déposée dans le matériau, jusqu’à atteindre des niveaux suffisants pour amorphiser le silicium poreux.

3.5 Impact de l’irradiation sur la conductivité