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Les méthodes indirectes d’évaluation économique

2.3.1.1.Le principe de base de la Méthode des Coûts de Déplacement (MCD)

Basés sur les travaux de Hotelling en 1947 et de Clawson et Knetsch en 1966, les premiers développements de la METHODE DES COUTS DE DEPLACEMENT (MCD) sont connus sous le nom

de METHODE ZONALE DES COUTS DE DEPLACEMENT (Zonal Travel Cost Method). Cette approche

part de l’intuition que les personnes vivant loin d’un site s’y rendent moins souvent à cause du

45 Pour une présentation détaillée de la méthode, le lecteur est renvoyé au chapitre 10 de (Champ, Boyle et al.

2003). Voir également (Willis et Benson 1989) qui discutent des potentialités d’application de cette méthode aux services récréatifs.

46 (Tyrväinen 1997) étudie par exemple la valeur des forêts urbaines de Joensuu (Finlande) à partir du prix de

vente des appartements. Les variables retenues pour caractériser l’actif environnemental sont sa taille ainsi que des critères de distance. On pourra citer également l’étude de (Horak et Marušić 2004) sur la valeur des forêts côtières de Croatie à partir du prix des chambres d’hôtel.

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coût de transport mais également du temps nécessaire pour s’y rendre (Bontems et Rotillon 1998). Elle modélise le nombre de visites d’une personne sur un site (sa demande) pour une période de temps donnée (Parsons 2003). Le coût de déplacement est fonction de la distance entre sa zone d’origine et le site, la seconde variable pertinente étant le nombre total de visiteurs parcourant la même distance (Desaigues et Point 1993a). La MCD zonale suppose qu’une personne effectuera des visites jusqu’à ce que le bénéfice marginal du dernier voyage soit exactement égal à son coût marginal (Faucheux et Noël 1995, Assouline et Lemiale 1998).

La MCD zonale postule également que les agents sont indifférents (à la marge) entre une augmentation de leur coût de déplacement et une hausse équivalente (ou l’instauration le cas échéant) du droit d’entrée sur le site (Bishop et Heberlein 1979). Des zones concentriques ayant pour centre le site sont alors définies et leur coût de déplacement et taux de fréquentation associés sont calculés. Cette démarche fournit l’évolution du nombre de visites en fonction du prix et permettent, sur la base de la distribution de la population entre les différentes zones, de déterminer la fonction de demande (Bontems et Rotillon 1998). Le premier point de la courbe de demande correspond au nombre total de visiteurs pour un coût de déplacement nul. Le nombre de visites hypothétiques de chaque zone est alors déterminé en lui appliquant, successivement, le coût des zones plus éloignées (Bonnieux et Desaigues 1998). Cet ajout peut par exemple être analysé comme un droit d’entrée fictif sur le site, droit qui augmenterait avec la distance (Kolstad 2000). Ceci revient, pour chaque zone, à calculer le nombre de visites « achetées » à différents « prix ».

Si elle se révèle facile à mettre en œuvre (Smith et Kaoru 1990), la MCD zonale est néanmoins confrontée à un certain nombre de problèmes économétriques et statistiques. En particulier, elle n’intègre pas le fait que, si la population de la zone d’origine est importante, les différences de caractéristiques entre les visiteurs risquent de l’être également (Hanley et Wright 2003). Dès lors, (Brown et Nawas 1973)ont enrichi la MCD zonale en proposant de ne plus se fonder sur la population mais plutôt sur le visiteur. La METHODE INDIVIDUELLE DES COUTS DE

DEPLACEMENT (Individual Travel Cost Method) ainsi présentée s’intéresse donc aux micro-

données. Elle permet une meilleure prise en compte de la théorie micro-économique mais oblige surtout à recueillir un nombre beaucoup plus important de données (Hanley et Wright 2003) notamment sur les caractéristiques socio-économiques des visiteurs. Cette approche fournit en conséquence la fonction de demande individuelle (i.e. le nombre de visites d’un individu selon

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ses caractéristiques personnelles) exprimée comme une fonction du coût de déplacement (Freeman 1993), et le surplus d’un visiteur moyen. Ce dernier est ensuite extrapolé à la population totale de la région d’où viennent ces visiteurs pour estimer le surplus total (McConnell 1985b).

La nécessité de recueillir des informations supplémentaires sur les visiteurs ouvre la voie à de nouvelles questions théoriques (Tableau 9).

HYPOTHESE DE LA MCD

(Freeman III 2003, p. 421)

REFERENCES DISCUTANT

CETTE HYPOTHESE

Le taux de salaire horaire sert d’indicateur du coût d’opportunité du temps.

Bishop et Heberlein (1979), Bockstael et

al. (1987), Englin et Shonkwiler (1995),

Feather and Shaw (1999), McConnell (1985a), McKean et al. (1995)

Le temps passé sur le site est le même pour tous les visiteurs47.

McConnell (1985a, 1992 )

Le temps de trajet ne procure ni utilité ni désutilité et ne peut donc être un élément de l’expérience récréative.

McConnell (1975), Seller et al. (1985)

Le trajet n’a d’autre objectif que de se rendre sur le site.

Bishop et Heberlein (1979) et Parsons et Wilson (1997)

Les visiteurs n’ont accès à aucun site substitut. Kuosmanen et al. (2003), McConnell (1985a), Walsh et al. (1992)

Le choix du lieu d’habitation ne dépend pas des préférences pour le site.

Common et al. (1999), Parsons (1991), Randall (1994)

Tableau 9 Exemples de questionnements théoriques avec la MCD

Une autre amélioration importante de la MCD consiste en l’introduction des caractéristiques des sites (Hanley et al., 2003b). En effet, les évolutions théoriques permettent de s’intéresser plus finement aux comportements des visiteurs (supposés jusqu’à lors être influencés uniquement par le coût de déplacement) et d’introduire la qualité du site récréatif c’est-à-dire ses attributs (Freeman, 2003b, p. 443).

47 Dans le cas contraire, il est considéré comme une variable de choix devant être expliquée par une équation

(McConnell 1985a). CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref

2.3.1.2.La qualité des sites dans la MCD : vers les méthodes multi-attributs

Nous avons vu comment l’utilité retirée d’une visite pouvait augmenter avec la qualité du site, mesurée par le niveau d’un ou plusieurs attributs. La première des méthodes multi-attributs est probablement la MCD HEDONISTE (Hedonic Travel Cost Method) proposée par Brown et Mendelsohn en 1984. Elle considère que, le nombre de visites sur un site étant fonction de ses attributs, la valeur de ces derniers peut être estimée (Freeman, 2003b, p. 443) et se base pour cela sur le coût supplémentaire de l’accès à un site dont la qualité récréative serait meilleure (Bockstael et al., 1987a). Cette méthode repose sur deux étapes : la régression du coût individuel de visite d’un site en fonction de ses caractéristiques puis l’estimation de la fonction de demande (CAP marginal) pour ces attributs (Bockstael et al., 1987a). Elle a toutefois été vivement critiquée (Freeman, 2003b, p. 445 ; Phaneuf et Smith, 2004, p. 50). Selon Bockstael et al. (1987a), elle présente en effet l’inconvénient de ne pas prédire les modifications de comportements des agents qui pourraient intervenir suite à des modifications de la qualité (Bockstael et al., 1987a) car toute modification de la qualité d’un des sites obligerait à recalculer la fonction de prix hédoniste. Freeman (, 1993, In : Pendleton (1999)) considère également que les variations de qualité ne sont pas dues à des modifications du prix du service offert et que, en ce sens, la MCD hédoniste ne peut fournir une allocation d’équilibre48. Certains auteurs (Freeman, 2003b, par exemple) notent enfin que les attributs apparaissent souvent valorisés de manière négative et qu’il peut être difficile de trouver un ensemble de sites qui ne varient que pour un seul attribut à la fois (Price, 1989, p. 284).

Un autre développement important de la MCD traite de la manière dont une quantité fixe de visites se répartit entre différentes destinations (Hanley et al., 2003b). Il s’agit de la MCD BASEE

SUR DES MODELES D’UTILITE ALEATOIRE49 (Random Utility Models – RUM) dont les études de

48 Remis en cause par Pendleton (1999).

49 Mobiliser la théorie de l’utilité aléatoire présente l’avantage de rendre possible la comparaison des préférences

entre différentes sources de données, quelle que soit la manière dont elles ont été recueillies (Louviere, 2001a). Les valeurs estimées grâce aux méthodes directes et indirectes peuvent donc être comparées.

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Parsons et Kealy (1992) et Parsons et Massey (2003) sont de très bonnes illustrations50. Ces modèles ne s’intéressent plus aux quantités demandées mais au site sélectionné (Parsons, 2003). Le choix s’effectue sur la base des caractéristiques et du coût de déplacement (Bockstael et al., 1987a) et sous contrainte du revenu et du temps disponible (Sandefur et al., 1996), l’objectif restant l’identification des conséquences d’une modification de sur le nombre de visites (Parsons et al., 1999).

Le modèle statistique utilisé prédit à la fois la probabilité de participation et, le cas échéant, la destination choisie51 (Freeman, 2003b, p. 434). Il suppose que plus l’accueil sera de qualité sur un site, plus la probabilité qu’un individu s’y rende, et donc sa valeur, sera élevée (Sandefur et al., 1996). Il se résout comme un modèle de choix discret quand la MCD traditionnelle modélise une demande continue exprimée en nombres de visites (Kling et Crooker, 1999) en ce sens que chaque visite est analysée comme une décision de participation indépendante (Smith et Kaoru, 1986).

La collecte des données se révèle ainsi particulièrement importante puisqu’il faut recueillir de l’information sur les caractéristiques des sites étudiés mais également sur l’ensemble de leurs substituts (Sandefur et al., 1996) tout en s’assurant de ne pas omettre des destinations pour lesquelles la probabilité de visite est supérieure à zéro (Freeman, 2003b, p. 434). Cette approche nécessite également de s’intéresser aux non-visiteurs puisqu’elle modélise la décision de participation (Smith et Kaoru, 1986).

Dans cette méthode, le nombre total de visites est toutefois fixé (Sandefur et al., 1996). Afin de lever cette hypothèse restrictive, le chercheur peut soit répéter les RUM et, de cette manière, modéliser simultanément le nombre de voyages et la destination (mais le nombre d’occasions de choix est alors limité), soit les combiner avec des modèles de comptages et procéder à une estimation jointe (Hanley et al., 2003b).

50 Voir également la comparaison des différentes approches basées sur des RUM proposées par Parsons et al.

(1999) et la discussion des avantages et inconvénients de cette approche réalisée par Pendleton (1999).

51 Ainsi, conformément à la règle de décision de la Théorie de l’Utilité Aléatoire (RUT) préalablement indiquée,

en présence de deux sites et strictement identiques en termes d’attributs et de coût, la probabilité qu’un individu se rende sur l’un plutôt que sur l’autre est de 50 % (Freeman III, 2003b, p. 434).

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2.3.2. Les méthodes d’analyse des préférences déclarées

Les méthodes directes consistent en la création d’un marché (généralement hypothétique (Kolstad, 2000, p. 297)) du bien que l’on cherche à évaluer (Desaigues et Point, 1993, p. 109). Confrontés à une situation hypothétique (par exemple décrite dans une enquête en face à face), les individus sont incités à révéler leur CAP (ou leur CAR) associés à ces changements. Dans le cas d’une amélioration par exemple, l’individu aurait ainsi à répondre à une question du genre :

« si on devait améliorer tel ou tel équipement, combien accepteriez vous de payer en plus de l’éventuel droit d’entrée que vous acquittez déjà ».

Dans ce cas d’un CAR, on aurait un schéma du type :

« Quelle compensation financière accepteriez vous si nous devions fermer x% du site ».

Il existe naturellement un large panel de formats de modalités, associés à des formats de question et des représentations théoriques des comportements sous jacents. Cela dit, toutes supposent que les agents économiques sont rationnels et qu’ils sont en mesure de réaliser des arbitrages entre leurs dépenses allouées à la consommation des biens marchands et celles allouées à l’amélioration de la qualité de l’environnement (Bonnieux et Desaigues, 1998, p. 236).

Les méthodes d’analyse des préférences déclarées sont (Freeman, 2003b, pp. 161-162) :

la METHODE D’ÉVALUATION CONTINGENTE (Contingent Valuation Method) qui consiste, sur la base de scénarios hypothétiques proposant une description de l’évolution de la qualité de l’environnement (notée ) et y associant un mode de paiement, à faire révéler leur CAP/CAR aux enquêtés (Amigues et al., 1995, p. 109). On suppose que les réponses des enquêtés sont le reflet de la valeur qu’ils accordent au bien (Faucheux et Noël, 1995, p. 231) ;

l’ANALYSE CONJOINTE (Conjoint Analysis, parfois appelée Choice Modelling), basée sur un

certain nombre de scénarios hypothétiques combinant des modifications dans la fourniture des caractéristiques du bien, scénarios que les enquêtés doivent noter, comparer ou classer et qui vise à déterminer les arbitrages entre attributs ;

Le COMPORTEMENT CONTINGENT (Contingent Behaviour) qui a pour objectif l’identification du comportement des agents (leur demande en services récréatifs) suite à des modifications de . En replaçant ce comportement (nombre de visites) dans le cadre d’une méthode de révélation des préférences (par exemple la MCD), les CAP/CAR pour le bien non marchand peuvent être estimés (e.g. Alberini et al. (2005) ou Christie et al. (2007)).