• Aucun résultat trouvé

BIAIS STRATEGIQUE

Les enquêtés peuvent être incités à ne pas révéler leurs véritables préférences s’ils savent qu’ils peuvent, de cette manière, influencer le processus de décision (Bennett et Blamey 2001a). On parle alors de REPONSES STRATEGIQUES (Willinger 1996). Ce biais est lié notamment au problème du PASSAGER CLANDESTIN (Assouline et Lemiale 1998), chaque individu pouvant en effet penser que la qualité de l’environnement, bien public, sera maintenue quelle que soit sa participation financière mais que, au contraire, ses paiements futurs dépendront de la réponse donnée (Freeman III 2003, p. 181) et avoir ainsi intérêt à sous(sur)-estimer son CAP (CAR) (Bontems et Rotillon 1998, p. 44).

BIAIS DE « YEA-

SAYING »

Ce biais apparaît lorsque les enquêtés acceptent de payer, non pas en raison de leurs préférences, mais parce qu’ils espèrent faire plaisir à l’enquêteur (Bennett et Blamey 2001a) ou au commanditaire (supposé ou réel) de l’étude (Bateman, Carson et al. 2002, p. 302). BIAIS

D’INCLUSION

D’après Hanemann (1984b), ce terme englobe plusieurs effets :

- BIAIS DE CHAMP, lorsque le CAP est le même, quelle que soit la taille du bien (Kahneman et Knetsch 1992) ;

- BIAIS DE RANG,lorsque la valorisation d’un bien dépend de son rang dans la séquence d’évaluation (Randall et Hoehn 1996, Carson, Flores et al. 1998). On parle également de BIAIS DE SEQUENCE D’AGREGATION (Willinger 1996) ;

- BIAIS DE SOUS-ADDITIVITE,lorsque la valeur d’un bien composé d’attributs diffère de la somme des valeurs de ces derniers (Hoehn 1991) ;

- BIAIS GEOGRAPHIQUE, lorsque l’échelle géographique n’est pas prise en compte (Dachary-Bernard 2004a, p. 76)

BIAIS

HYPOTHETIQUE

Mis en évidence par Bishop et Heberlein (1979), ce biais se rencontre lorsque les individus ne sont pas à même de valoriser correctement leurs préférences car la question qui leur est posée est hypothétique (Willinger 1996). En effet, puisqu’ils ne consomment (payent) pas actuellement le bien, leur comportement réel pourrait très bien différer des réponses données (Amigues, Bonnieux et al. 1995a, p. 33). Inhérent à la méthode, il est difficile à éviter.

BIAIS DE CONCEPTION

Le véhicule de paiement retenu (Willinger 1996), le contexte (Bontems et Rotillon 1998, p. 45) ou encore la question posée (Bateman, Carson et al. 2002, p. 303) peuvent influencer le CAP. Par ailleurs, dans certaines situations, les estimations ne tiennent pas compte de la disponibilité réelle des substituts (Bennett et Blamey 2001a).

BIAIS DE SATISFACTION MORALE

Certains enquêtés peuvent accepter de payer pour la « satisfaction morale » (la « bonne

conscience » (Willinger 1996)) que cela leur délivre et non parce qu’ils souhaitent

effectivement préserver le bien (Kahneman et Knetsch 1992). BIAIS DE

PROTESTATION

Si les enquêtés ne disposent pas d’informations suffisantes ou s’ils rejettent le principe même de l’évaluation, ils peuvent donner des réponses délibérément erronées ou ne pas répondre du tout (Strazzera, Genius et al. 2003). Le cas le plus fréquent est le FAUX ZERO

(protest zeros) (Freeman III 2003, p. 165) ou CAP faussement nul53. BIAIS

RELATIONNEL

Ce biais se produit lorsque la description du bien à évaluer le lie à un autre bien procurant de l’utilité à l’enquêté (Bateman, Carson et al. 2002, p. 302).

Tableau 11 Principaux biais de la MEC

Le principal problème des questions ouvertes est qu’elles confrontent généralement les agents à une tâche qui ne leur est pas familière (Hanemann, 1994) puisque, sur le marché, ils sont plutôt

53 Le faux zérone correspond pas nécessairement à un refus de donner une réponse quelle qu’elle soit (Pearce, Özdemiroglu et al. 2002).

CemOA

: archive

ouverte

d'Irstea

amenés à choisir entre différents biens dont les prix sont fixés à l’avance (Freeman, 2003b, p. 163). Il est par ailleurs discutable qu’ils aient des CAP préformés pour des biens qui ne leur sont pas familiers (Brown T., 1998) tels les biens environnementaux. Il est en effet fort probable qu’ils n’aient participé à leur financement qu’au travers de taxes ou de donations, paiements dont le montant n’est généralement pas lié à la quantité disponible de bien (Brown T., 1998). Des biais de protestation sont susceptibles de résulter de ces difficultés cognitives dans la mesure où les enquêtés peuvent éprouver des difficultés à déterminer la valeur exacte de leur CAP (Dachary- Bernard, 2004, p. 75). Par ailleurs, ainsi que le note Hanemann (1994), même s’ils n’étaient pas disposés à payer pour le bien, le processus d’évaluation peut les amener à donner une valeur. « Le

processus d’évaluation crée [alors] la valeur qu’il cherche à estimer ». Enfin, le biais stratégique

prend avec ce format de questions toute sa dimension (Hanley et al., 2001).

Les cartes de paiement proposées par la suite par Mitchell et Carson (1981, In : Boyle (2003a)) semblent être les plus à même d’éviter les biais d’ancrage et de « yea saying » (Boyle, 2003a). Toutefois, des études ont prouvé que les estimations sont affectées par des montants amputés de leurs valeurs extrêmes (Boyle, 2003a). Par ailleurs, le véritable CAP de l’enquêté n’est pas disponible ; il se situe dans l’intervalle entre et la proposition immédiatement inférieure.

L’ensemble de ces limites ont conduit Bishop et Heberlein (1979) à introduire la MEC AVEC

FORMATS DE REPONSES DICHOTOMIQUES (Dichotomous Choice Contingent Valuation Method –

DCCVM) également parfois qualifiée de MEC à question fermée (closed-ended format) (cf. Cameron et James (1987a) par exemple). Cette méthode propose aux enquêtés des montants « à prendre ou à laisser » (take-it-or-leave-it) (Loomis et al., 2004). Pour répondre, ils sont supposés réaliser des arbitrages entre les caractéristiques du scénario proposé et son prix (Bennett et Blamey, 2001b). La DCCVM place donc l’enquêté dans un contexte qui lui est plus familier (acquérir ou non un bien à un prix donné) et la question semble plus évidente que les précédentes (Freeman, 2003b, p. 167). On peut donc s’attendre à ce que leur comportement soit analogue à celui qu’ils auraient sur un marché réel (Amigues et al., 1995, p 31). Ce type de question est recommandé par le panel de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) (Arrow et al., 1993, p. 21). CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref

Toutefois, si elle comporte de ce fait une incitation forte à la révélation des préférences et évite les observations aberrantes (Bateman et al., 2002, p. 139), la DCCVM ne s’affranchit pas totalement du biais hypothétique qui semble même plus important que pour les autres types de questions (Boyle, 2003a). Surtout, le véritable CAP de l’enquêté n’est pas directement disponible mais est supposé être contenu dans l’intervalle

[

+∞ s’il accepte l’enchère et

[

]

−∞

]

s’il la refuse. De ce fait, et en raison d’un probable biais de « yea-saying », les estimations obtenues lors des applications empiriques sont beaucoup plus élevées qu’avec les approches précédemment citées (Boyle, 2003a). Enfin, la DCCVM est, dans sa formulation initiale, basée sur un format de choix dichotomique unique et nécessite de recueillir un plus grand nombre de données pour garantir des résultats statistiques satisfaisants (Kolstad, 2000, p. 362). Cette approche peut donc rapidement se révéler coûteuse (Foster et Mourato, 2003).

Une première forme de questions répétées a été introduite par Hanemann et al. (1991, In : Bonnieux et Desaigues (1998, p. 240)) avec la MEC avec choix dichotomique doublé (Double

Bounded Dichotomous Choice Contingent Valuation Method). Cette méthode consiste à proposer

une seconde question « à prendre ou à laisser » dont l’enchère est supérieure à la première dans le cas d’une acceptation et inférieure dans le cas d’un refus (Hanemann et Kanninen, 1999, p. 3). Mais elle possède les mêmes inconvénients que la DCCVM (Bateman et al., 2002, p. 141) et pose aussi le problème d’ancrage des cartes de paiement (Boyle, 2003a). Des risques de corrélation positive existent par ailleurs entre les réponses qui obligent à réduire le réalisme des scénarios54 (Champ, 2003 ; Pearce D.W. et al., 2002, p. 46). En outre, en ce qui nous concerne, ces types de MEC ne sont pas adaptés à l’étude des changements multi-dimensionnels (Hanley et

al., 2001). Certains auteurs proposent donc d’adapter le protocole à ces problématiques

spécifiques (voir par exemple Bateman et al. (2002, p. 123 et suivantes)).

Laitila et Paulrud (2006) ont dès lors proposé une extension multi-attributs de la DCCVM qu’ils nomment la MEC MULTI-ATTRIBUTS (Multiple Attribute Contingent Valuation Method – MACVM). Dans cette méthode, les enchères ainsi que les attributs varient entre les répondants. Cette description en termes d’attributs présente un avantage certain lorsque les enquêtés ne sont

54 Le scénario est plus hypothétique que si le répondant était confronté à une seule question d’évaluation (Pearce

D.W. et al., 2002, p. 46). CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref

pas familiers avec le bien dont on cherche à estimer la valeur (Rolfe et Bennett, 2001). Chaque enquêté se voit assigner une question d’évaluation dans laquelle il doit choisir entre un statu quo théorique (qui n’est pas présenté), proposé à un prix , et un scénario hypothétique proposé à un coût nul. Les auteurs supposent que, pour répondre, il compare les bénéfices du site proposé (le scénario hypothétique) et l’utilité maximale procurée par un des sites existants (le statu quo). En d’autres termes, cette méthode évite la collecte de données sur les sites substituts telle qu’elle doit être pratiquée avec les modèles de comptage par exemple (Laitila et Paulrud, 2006). Toutefois, elle consiste toujours en un format de choix dichotomique unique.

2.3.2.2.La Méthode des Programmes55 (MP)

2.3.2.2.1. Présentation générale

La METHODE MULTI-PROGRAMMES (MP) autorise au contraire la répétition des questions

d’évaluation. Cette méthode a été proposée pour la première fois par Cameron et James (1987b) qui supposent que « le chercheur peut faire varier non seulement le prix proposé mais également

les niveaux de tous les autres attributs du bien ». Dans son format initial (Hoehn, 1991), la MP se

base sur la décomposition d’une politique en différents attributs ou « programmes » et sur une procédure d’évaluation séquentielle qui consiste à ajouter à chaque étape un nouveau programme dans la politique (Santos, 1998, p. 41). En d’autres termes, cela revient à proposer la séquence d’évaluation suivante :

(

)

puis

(

)

puis

(

)

puis… puis

(

)

et enfin

(

)

. Ces différentes versions de la politique se voient attribuer

un prix et sont opposées, à chaque question d’évaluation, à un statu quo dont le coût est nul. Le format de question est dichotomique ; il peut être simple ou doublé (Hanemann et Kanninen, 1999, p. 3).

Dans cette méthode, et contrairement à la MACVM, les deux alternatives sont décrites aux enquêtés. Ces derniers savent donc, comme les enquêteurs, exactement ce à quoi le statu quo fait

55 À notre connaissance, cette appellation a été utilisée pour la première fois par Hailu et al. dans un article

présenté au colloque annuel de l’American Agricultural Economics Association en 1997 puis publié dans la revue

Environmental and Resource Economics (Hailu et al., 2000).

CemOA

: archive

ouverte

d'Irstea

référence et n’ont pas à construire leur propre interprétation des scénarios. Ces choix sont par ailleurs identiques pour toutes les personnes interrogées et décrits par les mêmes attributs. La MP présente enfin les avantages liés à la répétition des choix et rend notamment possible l’utilisation de plus petits échantillons (Pearce D.W. et al., 2002, p. 52).

La MP s’attache en premier lieu, comme toute méthode d’évaluation économique, à estimer les CAP des visiteurs pour des variations de qualité de l’environnement. Elle se base pour se faire sur les arbitrages réalisés par les enquêtés entre le prix d’une politique et les différents programmes qui la composent. Mais, et c’est là sa particularité, elle a également vocation à identifier les relations entre ces derniers (Rambonilaza et al., 2007).

La méthodologie de l’expérimentation et plus particulièrement la construction du questionnaire repose sur ces deux objectifs et suit un processus en six étapes (Tableau 12) .

ÉTAPE OBJECTIFS

CARACTERISATION

DU PROBLEME

Il s’agit ici d’identifier le problème (Kolstad 2000, p. 357), c’est-à-dire de définir les variations de la qualité dont on souhaite étudier les conséquences (bénéfiques ou non) sur les agents (Bennett et Adamowicz 2001).

SELECTION DES ATTRIBUTS

Une fois le bien que l’on cherche à évaluer identifié et défini (Kolstad 2000, p. 357, Bateman, Carson et al. 2002, p. 62), les attributs pertinents sont choisis au travers d’une revue de la littérature, d’enquêtes auprès des usagers et/ou de focus groups et de consultations d’experts. Si la pertinence peut se définir du point de vue de la demande comme de l’offre, seul un attribut dont l’absence affecterait les choix des enquêtés doit être pris en compte (Lancaster, 1991, In : Blamey et al. (2001)).

CREATION DES

POLITIQUES

Les politiques consistent en des combinaisons d’attributs, appelés PROGRAMMES

(Cummings, Ganderton et al. 1994). Un statu quo leur est opposé. Il correspond à une situation dans laquelle tous les attributs sont proposés à leur niveau de dégradation (Santos 1998b, p. 58). Les politiques alternatives proposent au contraire de maintenir la qualité de l’environnement sur un ou plusieurs attributs. En d’autres termes, il existe pour chaque attribut deux niveaux.

ATTRIBUTION

D’UNE ENCHERE

Les enchères sont constituées et assignées aux politiques. La situation de référence est quant à elle proposée à un coût nul.

CHOIX DE LA PRESENTATION DES POLITIQUES

Les questions étant répétées, l’effet de rang peut avoir un impact sur les estimations (Randall et Hoehn 1996). L’ordre de présentation des politiques doit donc être déterminé de manière à éviter cela.

MESURE DES

PREFERENCES ET ESTIMATION

Les préférences des agents sont mesurées sur la base de leurs choix. La question d’évaluation doit prévenir les risques de comportements stratégiques (Louviere, Train et al. 2005). Les estimations sont réalisées grâce à la Méthode du Maximum de Vraisemblance. Les résultats sont ensuite interprétés.

Tableau 12 Les étapes d’une enquête par la MP

Une variante proposée par Hailu et al. (2000) présente aux enquêtés des scénarios décrits par plusieurs caractéristiques, chacune ayant un prix fixé, et les personnes interrogées peuvent en

CemOA

: archive

ouverte

d'Irstea

sélectionner plusieurs. Supposons par exemple que la première question offre un attribut au prix et un attribut au prix . L’enquêté peut :

- privilégier ou . Il est alors supposé payer respectivement ou - sélectionner les deux attributs pour un prix

(

+

)

;

- ne choisir aucun des deux.

Selon les auteurs, cette approche permet également d’étudier les relations qui pourraient exister entre les attributs.

La détermination du prix des politiques nécessite tout d’abord de choisir le véhicule de paiement le plus approprié (Boyle, 2003a). Cette étape est un élément crucial (et non neutre (Bateman et al., 2002, p. 132)) d’une enquête d’évaluation et, pourtant, il n’existe aucune règle précise en la matière (Pearce D.W. et al., 2002, p. 49). Le mode de paiement choisi doit à la fois être le plus réaliste possible en relation avec le bien à évaluer (Arrow, 1986, In : Amigues et al. (1995, p. 35)) et le plus plausible (Bennett et Adamowicz, 2001). En effet, pour inciter les individus à révéler leurs préférences réelles, il faut que l’expérimentation se rapproche au maximum des choix qu’ils sont amenés à faire sur des marchés existants (Louviere, 1988, In : Ryan et Wordsworth (2000)). Cette question est donc d’autant plus complexe lorsque l’on souhaite estimer la valeur de biens environnementaux pour lesquels ils n’ont pas l’habitude de payer (Ryan et Wordsworth, 2000). Au final, le choix du véhicule de paiement repose sur un arbitrage entre réalisme et risques de rejet (Mitchell et Carson, 1989, In : Boyle (2003a)). Une fois le véhicule de paiement sélectionné, il est nécessaire de définir s’il se réalise en une fois, chaque fois que l’agent consomme le bien ou le service évalué ou s’il se répètera sur plusieurs années (voire indéfiniment) (Boyle, 2003a).

Encadré 3 Le choix d’un vecteur de paiement en Evaluation Contingente