• Aucun résultat trouvé

L'intégration économique européenne des débuts à la « relance » des années quatre-vingt : la transition vers l'Europe du « big business »

3. La transition vers une stratégie de constitution de l'Europe : entre épuisement de la stratégie des champions nationaux, affirmation de la primauté macroéconomique stratégie des champions nationaux, affirmation de la primauté macroéconomique

3.1.1 Les limites de la stratégie des champions nationaux

La stratégie des champions nationaux est en grande partie permise par les performances exceptionnelles des capitalismes européens durant les années qui suivent la réhabilitation de l'Allemagne par les États-Unis et jusqu'en 1973. Le taux annuel moyen de croissance du PIB de l'Europe occidentale s'établit à 4,79% pour la période 1950-1973254. Cette croissance soutenue permet un élargissement

substantiel des marchés domestiques des États-membres de la Communauté, ce qui rend viable une stratégie politique de constitution de grandes firmes dont les débouchés se trouvent essentiellement dans leurs marchés d'origine. La décennie de crise qui s'annonce avec la crise pétrolière de 1973 change radicalement cette donne. Le taux annuel moyen de croissance du PIB pour la période 1974-1985 pour l'Europe des Quinze chute à 2%255. Le ralentissement de la croissance des marchés nationaux limite les possibilités de réalisation d'économies d'échelle supplémentaires dans ce cadre. Les surcapacités de production que le ralentissement génère stimulent un long processus de restructuration, accélérant le déclin des secteurs de la première révolution industrielle (chantiers navals, charbonnages, textile), qui bien souvent ne peut plus être accompli par une consolidation du capital à l'intérieur du cadre national.

L'étroitesse des marchés nationaux est accentuée par le fait qu'une série de développements économiques accroissent la taille minimale optimale des firmes256. Parmi ceux-ci, il y a au premier chef la généralisation d'innovations techniques, comme la robotisation et l'informatisation de la production,

254 Maddison, 2007, p. 380.

255 Cassiers, 2006, p. 17.

256 Defraigne, 2004, pp. 221-232 ; Defraigne, 2006. La taille minimale optimale est le niveau de production à partir duquel les coûts unitaires de production diminuent, ce qui permet la réalisation d'économies d'échelle

79

découlant des progrès des technologies électroniques (qu'on appellera par la suite la « troisième révolution industrielle »). Les investissements fixes nécessaires à leur introduction augmentent le volume de production à partir duquel ces investissements commencent à être amortis et renforcent le besoin d'avoir accès à un marché beaucoup plus large que les seuls marchés nationaux, soient-ils ceux des plus grands États-membres.

Un deuxième développement qui accentue la pression en faveur de l'accroissement de l'échelle de production est la stratégie de différentiation et de renforcement de la qualité des produits (« la montée en gamme ») comme moyen d'obtenir un avantage concurrentiel face à des concurrents produisant à plus faibles coûts de production. Cette stratégie est permise par l’élévation substantielle du niveau de vie (du PIB par tête) des consommateurs européens induite par la croissance de la période 1950-1973. Elle est également stimulée par la montée de la concurrence des nouveaux pays industrialisés, du Sud-Est asiatique principalement, qui exportent massivement des produits de bas de gamme et dont l'avantage compétitif provient du différentiel très important et incompressible des coûts du travail. La différentiation et le renforcement de la qualité nécessitent une augmentation substantielle du volume des dépenses en R&D (et de marketing) tout en raccourcissant le cycle de vie des produits. L'augmentation de l'intensité en R&D de la production a le même effet sur le volume de production nécessaire à l'amortissement de ces coûts que l'introduction des innovations techniques.

Les secteurs industriels les plus intensifs en R&D, c'est-à-dire les secteurs de haute technologie comme l'électronique, l'aéronautique, l'aérospatial ou le nucléaire, sont d'emblée concernés par cette problématique de l'étroitesse foncière des marchés nationaux, c'est-à-dire dès les années soixante257. Qui

plus est, ces secteurs se situent à la frontière technologique et sont donc par définition des industries naissantes dans lesquels le rôle des politiques industrielles publiques est déterminant. Dans ces secteurs les tentatives de poursuivre une stratégie autonome de champions nationaux sont plutôt rares, sauf dans certains segments particuliers comme l'électronique militaire, les télécommunications ou le secteur nucléaire.

A ces développements d'ordre économique vient s'ajouter un autre. La crise de la décennie 1974-1983 et la montée du Japon en tant que puissance industrielle de premier rang aiguisent fortement la concurrence internationale. Servan-Schreiber avait déjà noté dans Le Défi Américain que durant les années soixante les États-Unis tendent à accroître leur avance dans les secteurs de haute technologie. Or, l'aiguisement de la concurrence internationale coïncide avec le renforcement de l'importance relative de ces secteurs. Entre 1968 et 1984, les industries en expansion dans les principaux pays avancés sont, outre

80

les services financiers, les secteurs manufacturiers de haute technologie. Non seulement les États-Unis mais également le Japon sont les premiers à prendre le virage de ces nouvelles technologies, distançant ainsi les principaux pays européens258. La pression pour développer une politique industrielle européenne en faveur de « champions européens » s'accentue d'autant plus.

Le dernier élément qui explique l'épuisement de la stratégie des champions nationaux durant les années soixante-dix tient à la surestimation de l'importance de l'effet de la grande taille par les élites économiques et politiques des États-membres259, et en particulier françaises. Durant les années soixante, il se développe un quasi-réflexe chez ces élites qui consiste à encourager inconditionnellement les opérations de concentration jusqu'à la constitution d'une ou de deux grandes firmes nationales par secteur d'activité. Cette situation, combinée à la fragmentation persistante du marché commun par les barrières non tarifaires débouche sur la multiplication de « géants endormis »260, c'est-à-dire des firmes géantes qui jouissent de positions quasi-monopolistiques sur leurs marchés nationaux et ne sont donc pas exposées à la concurrence nécessaire censée les inciter à innover et améliorer leur productivité. Cette situation est loin de ressembler à la généralisation de la cartellisation défensive de l'entre-deux-guerres, mais l'effet d'engourdissement qui en résulte n'en est pas moins réel. L'une des politiques identifiées durant les années soixante-dix comme nécessaire pour stimuler la compétitivité des grandes firmes européennes est l'achèvement du marché commun par le biais de l'élimination des barrières non tarifaires et le raffermissement de la politique de la concurrence à l'échelle communautaire afin de les exposer davantage aux pressions des forces du marché.

3.1.2 La nouvelle dynamique d'intégration « par le bas »

L'ouverture commerciale des deux décennies précédentes et la stratégie des champions nationaux elle-même préparent, cependant, le terrain pour l'approfondissement de l'intégration économique une fois que les limites de cette stratégie sont atteintes.

Cela est illustré par l'ampleur limitée des mesures protectionnistes auxquelles les gouvernements ont recours pour gérer les effets de la crise. Durant les années soixante-dix, non seulement les mesures d'abaissement des tarifs douaniers prévues par le Kennedy round sont introduites, mais un autre round, le Tokyo round, est conclu avec succès malgré une interruption des négociations pendant trois ans suite

258 Foreman-Peck and Federico, 1999, p. 446.

259 Geroski and Jacquemin, 1985.

81

à la crise pétrolière. Le taux moyen des tarifs pour les pays avancés baisse d'environ 10% à moins de 5% entre 1971 et 1979. Plutôt que des tarifs, les instruments de ce nouveau protectionnisme sont les barrières non tarifaires, allant des normes techniques aux aides publiques en passant par des restrictions volontaires à l'exportation négociées entre pays importateurs et exportateurs261. Cependant, dans une étude qui fait

référence dans le domaine de l'économie politique internationale sur le sujet, Helen Milner a démontré que le degré de développement de l'interdépendance économique entre les principaux pays industrialisés, qualitativement bien supérieure à celle qui avait cours durant l'entre-deux-guerres, contribue à contrecarrer durant les années de crise l'attrait des politiques protectionnistes262. La croissance du nombre de firmes fortement dépendantes des marchés à l'exportation, ayant de nombreuses filiales étrangères ou ayant organisé leurs réseaux de production sur une base internationale (ce qui accroît le commerce international intrafirme) renforce le camp des firmes libre-échangistes au détriment des firmes protectionnistes. Les firmes internationalisées (les « multinationales ») craignent que le recours à des mesures protectionnistes ne provoque des mesures de représailles restreignant l'accès à leurs marchés à l'exportation. Pour ce qui est de l'Europe, ces firmes s'opposent au protectionnisme intra-européen dans la mesure où celui-ci entraverait le commerce intra-européen intrafirme qui se développe à toute vitesse à mesure que les firmes européanisent leurs opérations et leurs structures de gestion.

En effet, la réalisation de l'union douanière en 1968 mais également l'expérience de la concurrence des grandes firmes américaines, soit en Europe soit aux États-Unis pour les firmes européennes s'y étant implantées durant les années soixante, stimulent un processus d'européanisation croissante de la production et de l'organisation des grandes firmes européennes qui s'accélère à partir des années soixante-dix263. Les statistiques de la CNUCED sur les flux sortants d'investissements étrangers pour les grands

États-membres de la Communauté indiquent un décollage à partir de 1970. Pour la France, ces flux passent de 365 millions de dollars en 1970 à 1704 en 1976. Pour l'Allemagne, les chiffres équivalents sont 1070 et 2612264. Ce mouvement implique la rationalisation à l'échelle européenne au sein des firmes de leurs opérations et l'implantation des unités de production en fonction des avantages de localisation que peuvent offrir les différentes régions du marché commun. Outre les firmes européennes déjà implantées aux États-Unis qui sont à l'avant-garde de ce mouvement, celui-ci est dans un premier temps le fait des firmes européennes dans les secteurs les moins fragmentés du marché commun, comme

261 Milner, 1988, p. 11 (taux des tarifs) ; Gillingham, 2003, p. 108. Les restrictions volontaires à l'exportation s'apparentent à des quotas d'exportation qui ne disent pas leur nom, une tactique nécessaire afin de contourner les clauses du GATT interdisant les restrictions quantitatives.

262 Milner, 1988.

263 Franko, 1976, pp. 163 (concurrence américaine) et 186-212 (européanisation) ; Defraigne, 2004, pp. 224-225.

82 l'automobile ou l'électroménager.

La combinaison des limites atteintes par la stratégie des champions nationaux et l'accélération du processus d'internationalisation des grandes firmes européennes suscite une nouvelle dynamique politique d'intégration « par le bas » où les principaux champions nationaux des différents États-membres se mettent à militer en faveur d'un approfondissement du marché commun par la suppréssion des barrières non tarifaires afin de pouvoir réaliser des économies d'échelle supplémentaires et pouvoir faire face à la concurrence des firmes américaines et japonaises265. Cette dynamique « par le bas » tranche avec la situation des années cinquante, lorsque l'impulsion en faveur de l'intégration commerciale européenne (notamment en France) provient des gouvernements et des bureaucraties et que les mouvements patronaux y sont réticents en raison de leur attachement aux ententes et aux cartels. Cette dynamique est d'autant plus forte dans les secteurs où les économies d'échelle escomptées par l'élimination des barrières non tarifaires sont importantes266. Les firmes de l'industrie informatique, par exemple, y sont unanimement favorables, tout comme celles de la chimie, de la construction électrique ou de l'automobile. Cette nouvelle dynamique « par le bas » débouche en 1983 sur la constitution du principal lobby patronal paneuropéen, à savoir la Table Ronde des Industriels Européens (ERT), regroupant justement des représentants des grandes firmes industrielles européennes et dont le principal cheval de bataille durant les années quatre-vingt est l'achèvement du marché commun. La création de l'ERT augure d'un mouvement plus général, à savoir l'émergence d'un activisme (grand-)patronal paneuropéen et la constitution d'une « corporate élite » (ou d'une « bourgeoisie financière » selon le terme d'André Granou) paneuropéenne qui se renforce à mesure que le processus de constitution de l'Europe économique avance et que les champions nationaux des années soixante et soixante-dix se muent en champions européens durant la période qui fait l'objet de ce travail doctoral267.

3.1.3 Les premières tentatives d'une politique industrielle européenne

A mesure que la stratégie des champions nationaux atteint ses limites, des tentatives de définir une stratégie des champions européens sont également formulées. De ce point de vue, l'ouvrage de Servan-Schreiber est l'exemple le plus marquant en Europe d'un plaidoyer public en faveur de la

265 Chase, 2005, chapitre 5.

266 Ibid, pp. 157-161.

267 Le développement de l'activisme patronal paneuropéen et l'émergence de la « corporate élite » européenne sont examinés dans le chapitre 3.

83

définition d'une politique industrielle ambitieuse, d'autant plus qu'il est très largement inspiré par Michel Albert, à l'époque jeune énarque détaché à Bruxelles où il est directeur au sein de la Direction Générale des affaires économiques et financières (DGII) des structures et du développement économiques268.

La stratégie industrielle euro-fédéraliste prônée dans cet ouvrage (pilotée par la Commission afin d'éviter le problème du « juste retour » et de la duplication des efforts dans le but de maximiser le rendement des investissements) reflète donc directement la doctrine interventionniste en matière industrielle qui se développe au sein d'une partie de la bureaucratie bruxelloise, autour de la DGII et de la DGIII (marché intérieur) et dont les principaux acteurs sont de nationalité française et italienne269.

Selon Arthe van Laer, cette doctrine domine au sein de l'exécutif supranational durant une période de vingt ans, s'étalant du milieu des années soixante au milieu des années quatre-vingt. Elle combine deux approches : d'abord, un approfondissement du marché commun par l'élimination des barrières non tarifaires, l'ouverture des marchés publics et des mesures juridiques et fiscales en faveur des concentrations transnationales ; ensuite, des mesures sectorielles et/ou horizontales favorisant le développement des industries naissantes et la constitution de champions européens dans ces industries en particulier et dans les autres plus généralement270. Cette stratégie trouve dans un premier temps une expression dans deux documents de la Commission, le mémorandum Colonna de 1970 sur la politique industrielle, puis en 1973 dans une communication intitulée « Programme d'action en matière de politique industrielle et technologique ». Ces documents reprennent les propositions visant l'approfondissement du marché commun et précisent les politiques sectorielles en faveur des industries naissantes : il est question d'instituer des groupements d'achats pour les commandes publiques et de mettre en place des programmes communautaires d'aides à la R&D. A la fin 1973, la Commission va encore plus loin en proposant un vaste « mécano industriel »271 dans le domaine de l'informatique. Il est question de promouvoir la fusion des différents champions nationaux (Unidata, le consortium qui regroupe la CII française, Philips et Siemens, puis le britannique ICL et l'allemand Nixdorf) par le biais de subventions à la recherche et un regroupement des commandes publiques272. Encore plus radicale du point de vue

268 Warlouzet, 2011, pp. 451-452. Albert devient par la suite, entre autres, Commissaire Général au Plan et PDG des AGF, deuxième groupe de l'assurance en France dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. Il est considéré comme l'un des plus brillants esprits issus des rangs des nouvelles élites modernisatrices et pro-européennes. Il fait, cependant, partie de la minorité fédéraliste en leur sein.

269 Ibid, pp. 461-462. Le commissaire en charge de la DGII jusqu'en 1967 est Robert Marjolin, puis Raymond Barre. Celui en charge de la DGIII est l'italien Guido Colonna di Paliano, à qui succède Altiero Spinelli en 1970. Les fonctionnaires qui les entourent sont en grande partie français et italiens.

270 Van Laer, 2008, pp. 8-13.

271 Ce terme est celui utilisé en France pour désigner l'intervention directe de l'Etat visant à fusionner différentes firmes d'un même secteur d'activité, le plus souvent afin de susciter l'émergence d'un champion national.

84

doctrinal est la proposition contenue dans une communication de la Commission de 1981 d'instituer une préférence communautaire pour les marchés publics et l'octroi des subventions et aides publiques273. Il s'agit, autrement dit, de centraliser à l'échelle communautaire les différentes politiques nationales de promotion de champions nationaux dans les industries naissantes.

Cette stratégie euro-fédéraliste rencontre deux types d'opposition. La première opposition concerne son contenu. En effet, dès le début, au sein de la Commission, un autre courant doctrinal se constitue autour de la DGIV (concurrence) et les commissaires et fonctionnaires ordolibéraux, allemands ou néerlandais, qui la peuplent274. Ce courant reflète et relaie, en effet, les orientations dominantes en matière de politique industrielle dans les États-membres dont ses membres sont issus. Pour ce courant, seul le premier paramètre de la stratégie décrite plus haut doit être appliqué, à savoir l'approfondissement du marché commun. La vigueur de la concurrence et le processus de restructurations industrielles qui en découlera suffiront pour renforcer la compétitivité des grandes firmes et du capitalisme européens dans leur ensemble. Cependant, durant les années soixante-dix, lorsque s'élaborent les premiers projets pour une politique industrielle européenne, ce courant reste minoritaire. Ainsi, la DGIV est amenée à faire des concessions. Elle adopte, par exemple, une approche plus modérée sur les opérations de concentration et surtout les accords de coopération en R&D entre firmes275. De même, les gouvernements des États-membres de tradition ordolibérale, l'Allemagne et les Pays-Bas, font preuve d'un intérêt pour des mesures volontaristes dans certains secteurs où les fortunes de leurs champions nationaux sont en jeu, comme l'électronique avec Philips et Siemens, ou l'aéronautique avec Deutsche Airbus.

Mais c'est surtout la deuxième opposition qui fait échouer les projets de la Commission durant les années soixante-dix. La réticence des États-membres, en particulier celle de la France276 et de la Grande Bretagne, à renforcer les prérogatives de la Commission contribuent à ce que les projets élaborés à Bruxelles ne trouvent pas de traduction concrète avant la relance des années quatre-vingt et la constitution de lobbies de grandes firmes européennes qui y sont favorables277.

Par conséquent, le consensus en matière de stratégie des champions européens s'établit durant les années soixante-dix autour des éléments suivants : une interprétation de la politique de la concurrence qui favorise les concentrations et la mutualisation des efforts en matière de R&D, la nécessité de politiques sectorielles volontaristes dans les secteurs de haute technologie et, enfin, des modalités de

273 Ibid, p. 20.

274 Warlouzet, 2011, pp. 461-462.

275 Ibid, pp. 474-477 ; Buch-Hansen and Wigger, 2011, p. 72.

276 Caron, 1995, pp. 503-504.

85

coopération bilatérale ou multilatérale (intergouvernementale) en fonction des opportunités, ce qui exclut largement la Commission de la pratique de la politique industrielle. En effet, celle-ci ne trouve un moyen de jouer un rôle plus important qu'à la faveur de la crise sidérurgique à partir de 1978, c'est-à-dire dans un secteur en déclin où le principal enjeu est de gérer la diminution de l'activité et les conséquences sociales qui en découlent.

Le premier effet concret de l'émergence de ce consensus est de modifier l'attitude française à l'égard de l'éventuelle adhésion de la Grande Bretagne à la Communauté. A l'occasion du deuxième veto français en 1967 se cristallise en France un camp « révisionniste » favorable à l'adhésion britannique. Ce camp comprend les membres du gouvernement et de l'administration les plus préoccupés par la compétitivité de l'industrie française et européenne face au « défi américain », mais également le CNPF désormais dirigé par des représentants des nouvelles élites modernisatrices278. Pour ce courant, la coopération industrielle européenne est une nécessité, et l'adhésion de la Grande Bretagne à la Communauté la faciliterait et permettrait d'y associer l'industrie britannique, perçue comme la plus avancée technologiquement à l'époque. Le même intérêt pour la coopération industrielle et technologique explique également la force avec laquelle les gouvernements britanniques des années soixante poursuivent l'objectif de l'adhésion279. Le pompidolisme industriel décrit plus haut est l’expression de ces préoccupations, et ce n'est donc pas un hasard si en même temps qu'il constitue l’expression la plus achevée de la stratégie des champions nationaux, il constitue également l'amorce d'une stratégie des champions européens. Dès sa première conférence de presse en tant que président de la République, Pompidou déclare que son objectif en matière industrielle est non seulement de donner une dimension

Outline

Documents relatifs