• Aucun résultat trouvé

La géographie économique de la période des « multinationales régionales »

1. La régionalisation de l'économie internationale

La maturation de la tendance à l'européanisation des champions nationaux constitués durant la période 1950/86 est un phénomène qui a lieu dans un contexte plus général d'internationalisation économique. Qu'il s'agisse des flux commerciaux ou d'investissements, ceux-ci enregistrent une forte accélération à partir du milieu des années quatre-vingt de façon générale à travers les pays du capitalisme avancé, en Europe, aux États-Unis et au Japon.

Un nouveau champ de recherche surgit alors pour étudier ce phénomène, désigné par le terme de « mondialisation ». Les études sur la « mondialisation » font florès. Dans les représentations courantes, le terme indique le plus souvent une internationalisation économique qui toucherait de façon indifférente l'ensemble du globe et qui ne connaîtrait pas de concentrations spatiales331.

Or, la réalité des faits est différente. L'internationalisation économique s’apparente surtout à une polarisation régionale de l’activité économique autour de trois grands pôles – la Triade – du capitalisme avancé que constituent l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Asie de l’Est.

1.1 L'internationalisation commerciale

Le premier aspect à examiner est l’évolution de l'internationalisation commerciale, étant donné qu'il s'agit du paramètre qui le premier se déploie dans la foulée de la Seconde Guerre mondiale. En Europe, dès 1950 et avant la signature du traité de Rome, l'intégration commerciale décolle et stimule les

331 Un exemple de ce type d’analyse est le livre du célèbre éditorialiste du New York Times Thomas Friedman (2007) La

104 efforts de création d'une union douanière européenne.

Trois aspects doivent être éclairés afin de pouvoir évaluer l’importance du phénomène d’internationalisation commerciale. D’abord, dans quelle mesure la croissance des échanges internationaux dépasse-t-elle celle de l'économie mondiale et quelles variations chronologiques dans ce rapport peuvent être constatées ? Les réponses à ces questions permettent d’évaluer dans quelle mesure la tendance à l’internationalisation s’accélère ou se décélère.

En revanche, tout en indiquant une ouverture croissante des économies nationales, les réponses à ces premières questions ne permettent pas d’évaluer l’importance relative des échanges internationaux dans le fonctionnement des diverses économies nationales, puisqu’elles ne mesurent pas le degré d’ouverture commerciale de celles-ci. Elles peuvent seulement indiquer une progression générale de l'interdépendance entre économies nationales. Il faut donc examiner l'évolution du niveau d’ouverture commerciale des économies nationales de plus près et pays par pays. Enfin, le dernier aspect à examiner est la répartition géographique des échanges commerciaux. Cette répartition justifie-t-elle la thèse de la mondialisation ou bien montre-t-elle des concentrations régionales de ces échanges ?

Je commence avec ce graphique tiré des données compilées par l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) répertoriant les taux de croissance respectifs des exportations et du PIB mondiaux entre 1950 et 2006.

Graphique 1 : Croissance moyenne annuelle (en pourcentage) du commerce international et du PIB mondial

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 1950-60 1960-70 1970-80 1980-90 1990-2000 2000-2006 Volume total d'exportations PIB mondial Source : OMC, Statistiques Commerciales Internationales, 2007.

La plus forte croissance du commerce international a lieu pendant les années cinquante (7,7%) et soixante (8,6%). Les années soixante-dix et encore plus les années quatre-vingt sont décevantes du point

105

de vue de l'internationalisation commerciale puisque le taux de croissance des échanges internationaux est divisée environ par deux. La croissance de ceux-ci repart à la hausse durant la décennie suivante, mais décélère à partir de 2000332.

Un autre découpage indique que la rupture se situe au milieu des années quatre-vingt. Robert Boyer rapporte333, en s’appuyant également sur les statistiques de l’OMC, les taux de croissance du commerce international et du PIB mondial pour les tranches décennales 1964-74, 1974-84 et 1984-94. Alors que pour la première, les taux respectifs se situent au-dessus de 8% et de 5%, pour la deuxième tranche décennale ils passent en dessous de 3% et proche de 2%. Pour la tranche décennale suivante (1984-94), la croissance du commerce international se hisse à près de 6% alors que celle du PIB mondial stagne à 2%.

Pour évaluer s’il y a eu accélération ou pas et à quel moment, il faut diviser les taux annuels moyens de croissance du commerce international par ceux de la croissance du PIB mondial pour chaque tranche décennale. On obtient alors un indice d'internationalisation des échanges.

Tableau 1 : Indice d’internationalisation des échanges par décennie

1950-60 1960-70 1970-80 1980-90 1990-2000 2000-2006

1.711 1.563 1.292 1.187 2.783 1.929

Ce calcul indique qu’il y a, effectivement, accélération de l’internationalisation des échanges à partir au moins des années quatre-vingt-dix et, si on se réfère aux données de Boyer citées plus haut, à partir de la deuxième moitié des années quatre-vingt, ce qui correspond précisément au processus d'achèvement du marché unique européen334. Et même si l’indice d’internationalisation est plus bas pour la période 2000-2006 que pour la décennie 1990-2000, il reste supérieur aux indices enregistrés pendant la période des champions nationaux.

Quelle a été l’incidence de cette accélération sur l’insertion des grands pays capitalistes dans les flux commerciaux internationaux ? Il faut maintenant examiner l’ouverture commerciale de ces pays et la répartition géographique de leurs échanges internationaux.

332 La crise économique de 2008 a à nouveau un effet négatif sur l'internationalisation commerciale ; les dernières statistiques de l'OMC (2013) indiquent que pour la période 2005-2012, la croissance moyenne annuelle des exportations mondiales est de 3,5% contre 2,5% pour celle de l'économie mondiale. Le ralentissement est fortement déterminé par la chute brutale (-12%) du commerce international enregistrée en 2009.

333 Boyer, 1997, pp. 13-46.

334 Ces données comprennent le commerce international intra-européen. En 2009, 29,7% des exportations mondiales sont des exportations européennes intra-régionales. Les pourcentages respectifs pour l'Asie et l'Amérique du Nord sont 15,2% et 6,3% (données OMC).

106

Le graphique suivant indique l'évolution de l'ouverture commerciale des trois principaux pays européens ainsi que des États-Unis et du Japon entre 1960 et aujourd'hui.

Graphique 2 Ouverture commerciale

(exportations+importations/PIB) de cinq puissances industrielles 1960-2015

Source : mes calculs à partir de données AMECO

Malgré la progression de l'ouverture commerciale des États-Unis et du Japon, les économies les plus ouvertes commercialement sont de loin les trois économies européennes. Celles-ci apparaissent, avant que l'Allemagne ne diverge à partir de la fin des années quatre-vingt-dix, comme étant deux fois plus ouvertes que les États-Unis ou le Japon. En 2014, l'Allemagne est même trois fois plus ouverte que les États-Unis.

Pour la France et l'Allemagne, la trajectoire de leur ouverture commerciale paraît également correspondre au mouvement d'internationalisation commerciale présenté précédemment, en ceci qu'elles enregistrent une progression rapide de leur ouverture durant la période des champions nationaux ; dans un deuxième temps elles marquent une pause suite à la crise économique du début des années quatre -vingt et renouent ensuite avec un mouvement d'ouverture rapide dans les années quatre--vingt-dix. Les deux économies divergent durablement à partir de 1998, ce qui indique en toute probabilité un redéploiement plus important des grandes firmes allemandes que de leurs concurrentes françaises dans les économies de l'Europe Centrale et Orientale en anticipation de l'élargissement de l'UE à l'Est en

107 2004335.

La différence entre les économies européennes d'un côté et les économies américaine et japonaise de l'autre en termes d'ouverture indique l'importance de l'intégration européenne dans le fonctionnement des premières. Cela se vérifie lorsqu'on examine la répartition géographique du commerce international de chacune des économies nationales.

Dans un article publié en 2004 les économistes Georgios Chortareas et Theodore Pelagidis présentent leurs calculs sur les principaux marchés à l'exportation pour un panel comprenant les principaux pays exportateurs336.

Tableau 2 : Premiers marchés pour les exportations par principaux exportateurs mondiaux Premier marché pour les exportations

(en % des exportations totales)

États-Unis Canada (21,3) Japon États-Unis (27,5) Allemagne UE (56,4) France UE (62,6) Grande Bretagne UE (52,7) Italie UE (55,4) Pays-Bas UE (78,1) Canada États-Unis (82,3) Belgique/Luxembourg UE (70,4) Espagne UE (79,0)

Chine Hong Kong (21,8)

Le principal marché à l'exportation de tous les pays européens vers lequel, de surcroît, est dirigée la majorité de leurs exportations, est l’UE. Quant aux autres grandes économies nationales (États-Unis, Japon, Chine), ces données indiquent que la répartition géographique de leur commerce extérieur est très diverse, puisque leur principal marché à l'exportation n'absorbe qu’entre 21% et 22% de leurs exportations totales. Quand on met cela en lien avec le taux d’ouverture très bas des États-Unis et du Japon, on voit qu’aucun marché extérieur ne s’approche en importance pour ces deux économies de celle

335 Dustmann, Fitzenberger, Schoenberg and Spitz-Oener, 2014, p. 11.

108

que recèle le marché européen pour chacune des économies nationales qui le composent.

Chortareas et Pelagidis fournissent aussi un tableau avec des données agrégées par région économique, provenant du rapport annuel de l’OMC pour 1997. Ici l’objectif est de déterminer la polarisation régionale des échanges commerciaux au-delà du seul cas européen. Les données concernent la part du commerce intra-régional dans le commerce total de chaque région (par exemple, en 1928, 51% des exportations totales des pays de l'Europe occidentale sont destinées à d'autres pays de l'Europe occidentale). Les données ont l’avantage de jalonner le vingtième siècle, de façon à mettre en évidence l’approfondissement de cette polarisation régionale.

Tableau 3 : Part du commerce intra-régional dans le commerce total des pays de chaque région (en %) (exportations des pays de chaque aire régionale à destination d'un pays de la

même aire/exportations totales des pays de chaque aire régionale)

1928 1958 1968 1979 1990 1995 Europe occidentale 51 53 63 66 72 69 Amérique du Nord 25 32 37 30 32 36 Amérique Latine 11 17 19 20 15 21 Asie 46 41 37 41 45 51

Le rapport annuel de l’OMC pour 2010 permet de prolonger cette série puisqu'il fournit les données pour l’année 2009. Dans ce tableau la région « Europe » comprend désormais aussi les pays de l'Europe Centrale et Orientale.

Tableau 4 : Part du commerce intra-régional dans le commerce total de chaque région 2009 (%)

Europe 72,2

Amérique du Nord 48

Amérique Latine 26

Asie 51,6

La polarisation régionale des échanges apparaît clairement pour chacun des trois pôles de la Triade que sont l'Europe, l'Amérique du Nord et l'Asie. La part des échanges intra-régionaux se stabilise en Europe à un niveau très élevé oscillant autour du seuil des 70%. Le saut qualitatif a lieu entre 1958,

109

date du traité de Rome, et 1990, peu avant l’achèvement du marché unique. L'élargissement à l'Est paraît avoir eu un faible impact sur la polarisation régionale des échanges européens. La part des échanges intra-régionaux des pays asiatiques se stabilise autour du seuil des 50%. Peut-être le fait le plus remarquable est la progression de la polarisation régionale nord-américaine qui s’approche désormais des 50% (alors que vingt ans en arrière elle n'était que de 32%). Cette progression traduit l'impact de l'entrée en vigueur de l'ALENA337 en 1994.

Chortareas et Pelagidis notent par ailleurs qu’au début du troisième millénaire, « USA imports and exports with Japan and Europe (as a percentage of US total trade) are declining constantly. Japan’s exports to the USA and to Europe (as a percentage of its total exports) remain stable, at very low levels with the USA and at even lower levels with Europe (approximately 2%). Another important fact is that Europe’s trade with the USA (as a percentage of its total trade) is decreasing. In contrast, the significant increase in intra-EU trade is confirmed again »338. Les auteurs concluent que la principale forme de l’internationalisation économique est l’intégration régionale mais aussi que la régionalisation des échanges dans le cas européen a progressé plus vite que les échanges inter-régionaux.

La conclusion générale à laquelle arrivent Chortareas et Pelagidis résume bien les processus à l'œuvre : « A large part of the world continues to be excluded from the trade boom. The emerging reality is more a process of deepening regional integration (regionalisation) of particular groups/blocs of countries rather than a global increase in cross-border trade flows and production interdependence. Europe’s intra-regional trade is increasing more than its trade with the global market »339.

1.2 L'internationalisation productive

Comme indiqué dans l'introduction, durant les années cinquante et soixante l'internationalisation

337 Accord de Libre Échange Nord-Américain.

338 Chortareas and Pelagidis, 2004, p. 262.

339 Ibid, p. 263. Dans un article récent (Arestis, Chortareas, Desli and Pelagidis, 2012), les auteurs proposent une mise à jour de leur analyse allant jusqu'en 2007. Bien qu'ils arrivent à la conclusion que durant la période 1992-2007 il y a un léger recul de la régionalisation et un renforcement de la dynamique de la « mondialisation » (entendue au sens du renforcement de l'internationalisation commerciale extra-régionale), ils considèrent que cela ne remet pas en cause fondamentalement leur analyse de 2004 et que, de surcroît, il soit fort probable que cela soit dû aux bulles financières ayant conduit à la crise de 2008. Ils s'attendent, à la suite de la crise de 2008, à un processus de « démondialisation » et de renforcement de la régionalisation. La suite des événements semble leur donner raison. Un débat a eu lieu en septembre 2013 entre deux éminents commentateurs économiques (Gavyn Davies du Financial Times et Paul Krugman du New York Times) sur le recul de l'internationalisation commerciale, Davies s’inquiétant du fait que suite à la grande récession de 2008/9 l'indice

d'internationalisation commerciale soit descendu en dessus de 1 avec comme conséquence qu'en 2013 la part des exportations dans le PIB mondial soit en dessous de son niveau de 2008 (cf. Davies, 2013 et Krugman, 2013).

110

productive est essentiellement le fait des grandes firmes américaines. Les IDEs américains sont, notamment, stimulés par la nature discriminante du traité de Rome à l'égard des exportations américaines ; les firmes américaines cherchent alors à contourner cet obstacle en « sautant » par dessus le mur tarifaire communautaire pour produire leurs marchandises sur le territoire communautaire. Les firmes multinationales des années soixante-dix sont alors identifiées à la puissance américaine340.

C'est cette domination des grandes firmes multinationales américaines que la généralisation de l'internationalisation productive remet en cause par la suite. A mesure que la stratégie des champions nationaux produit ses effets, les grandes firmes européennes non seulement rattrapent leurs concurrentes américaines en termes de taille mais également en tant que source d'IDEs. Ainsi, alors qu'en 1960, les États-Unis sont la source de 47% des stocks mondiaux d’IDEs sortants, cette part ne cesse de diminuer par la suite. En 1980, elle baisse à 42% et en 1990 elle se situe déjà à 24%. En 2005, elle enregistre une nouvelle baisse à 19%341.

L'internationalisation productive connaît en effet en l'espace d'une trentaine d'années une montée en puissance saisissante. En 1967, le ratio des stocks d'IDEs sortants – tous pays confondus – rapportés au PIB mondial s’élève à 7,8%. En 1980, ce ratio est encore de 11,5% ; en 1990, il monte déjà à 17,3%. Mais la véritable explosion a lieu durant les années 1990-2005. A la fin de cette période, le ratio en question se situe à 46,6%342.

Les données sur les flux, sortants et entrants, permettent de mieux saisir cette accélération. John Dunning343 a établi le tableau suivant :

Tableau 5 : L’importance croissante des firmes multinationales dans l’économie mondiale (taux annuel moyen de croissance en pourcentage)

1986-1990 1991-1995 1996-2000

Flux entrants d’IDEs 21,7 21,8 40

Flux sortants d’IDEs 24,6 17,1 36,5

Formation brute de capital fixe

(FBCF) 12,7 5,6 1,1

340 Cf., notamment, Vernon, 1971, et Gilpin, 1975.

341 Dunning and Lundan, 2008, p. 23. Les données à partir desquelles sont faits ces calculs comprennent les IDEs intra-européens. Je compare plus loin les États-Unis avec l'UE en tant qu'entité unique, c'est-à-dire en tenant compte seulement des IDEs extra-européens.

342 Ibid. p. 35.

343 Voir le tableau p. 19 in ibid. La source des données sont les rapports annuels de la Conférence des Nations unis pour le Commerce et le Développement (CNUCED).

111

Exportations (biens et services) 12,7 8,7 3,6

C'est à partir de la seconde moitié des années quatre-vingt-dix que les flux d'IDEs connaissent une nette accélération. Cette accélération est également un mouvement d’accroissement de l’importance relative des IDEs dans l’activité économique dans son ensemble. Cela provient du fait que cette accélération est concomitante d’un ralentissement de la croissance des exportations mais également des investissements productifs (cf. le taux de la FBCF), ce qui s'explique par les deux phénomènes suivants. Le premier est que de plus en plus les grandes firmes substituent aux exportations la production sur place afin de servir leurs clients dans les marchés non-domestiques. Raymond Vernon indiquait déjà en 1998 que le ratio des ventes des filiales étrangères des multinationales par rapport à leurs exportations était passé de 1,58 en 1984 à 1,9 en 1993344.

Dunning lui-même relève le deuxième phénomène :

« However, perhaps the most dramatic growth of cross-border transactions in recent years has been that of mergers and acquisitions (M&As). Since 1990, the annual value of international M&As purchases has risen from $151 billion to $720 billion in 1999 […]

Though no direct comparison between FDI flows and cross-border M&As can be made, there is no question that in the case of many countries, the former now account for the larger and increasing proportion of trans-border direct capital flows. In 1998 and 1999, UNCTAD estimated the figure, on average, to be between 75 per cent and 80 per cent; […] these data are perhaps the best indication we have of the deepening integration of the world economy.345 »

Dunning note également que la grande majorité de ces fusions et acquisitions (opérations de concentration) a lieu au sein des trois pôles de la Triade346. Les pays développés concentrent entre la fin des années quatre-vingt et 2006 environ trois quarts des stocks d'IDEs entrants et neuf dixièmes de stocks sortants347.

Les données présentées jusqu'ici illustrent plusieurs choses : la croissance saisissante des activités productives internationales ; le poids relatif accru de ces activités dans le fonctionnement de l'économie

344 Vernon, 1998, p. 10. Les exportations dans ce calcul ne comprennent pas les transactions intrafirme, lesquelles sont estimées à entre un tiers et la moitié du commerce international (Dicken, 2011, p. 20). Comme analysé dans la partie 2.2, l'importance de ces transactions traduit la montée en puissance des « chaînes globales de valeur », c'est-à-dire l'organisation des appareils productifs en des réseaux trans-frontières.

345 Dunning, 2002, p. 44.

346 Dunning and Lundan, 2008, p. 49.

347 Données UNCTAD. A partir de 2007 l'impact de la crise financière et l'émergence de la Chine réduit quelque peu l'importance de ces pays. En 2012 par exemple, 62,3% des stocks entrants et 79% des stocks sortants sont le fait des pays développés. Ceci ne modifie pas le constat sur la régionalisation car ces évolutions sont pour la plupart dues aux pays en voie de développement asiatiques.

112

internationale ; l'émergence de la consolidation internationale du capital (par le phénomène des fusions et acquisitions transnationales) ; et la forte concentration de ces activités dans les trois pôles de la Triade. Pour déterminer s'il y a régionalisation ou plutôt un processus moins polarisé de « mondialisation » (extra-régionalisation), il faut établir la répartition géographique des IDEs pour les pays développés. Dunning fournit aussi des données dans ce sens.

Tableau 6 : Répartition géographique des stocks d’IDEs sortants (en %) Pays

d'origine Année Europe occidentale Japon États-Unis

États-Unis 1980 1989 2003 43,8 46,4 52,5 2,8 5,1 4,1 0 0 0 Japon 1980 1989 2003 11,7 17,6 26,1 0 0 0 24,3 41,1 41,4 Royaume-Uni 1981 1987 2003 23,1 31,0 63,0 0,7 1,1 0,3 27,9 35,3 21,1 France 1982 1989 2003 44,1 51,7 61,9 0,7 0,4 2,0 34,3 32,3 21,5 Allemagne 1980 1988 2003 48,9 49,0 48,3 1,2 2,2 1,3 21,6 27,0 33,6 Italie 1980 1987 2003 58,3 61,6 72,3 - 0,4 0,5 8,6 11,4 8,8

Durant les vingt-trois années qui séparent la première année pour laquelle il existe des données (1980) et la dernière, trois des quatre pays européens répertoriés enregistrent une augmentation significative du pourcentage de leurs investissements intra-européens. La progression est particulièrement impressionnante dans le cas britannique. Seule l’Allemagne reste au même niveau. L’Europe est également la principale destination des investissements américains, et son importance pour

113

ceux-ci progresse durant la même période, et elle joue aussi un rôle important pour le Japon.

Cette progression des investissements intra-régionaux dans le total des IDEs sortants européens, concomitamment avec la très forte croissance en valeur absolue des IDEs décrite précédemment, traduit sur le plan statistique le processus d'européanisation des champions nationaux entamé dans les années soixante-dix.

Afin de calculer le degré de polarisation régionale des stocks d'IDEs sortants européens pour l'ensemble des pays de l'Union, Dunning a calculé l’indice de globalisation (GI), qui est le ratio des stocks sortants extra-européens rapportés aux stocks sortants totaux des pays de l’UE15 (je reproduis également les chiffres sur le volume de ces stocks comme une illustration supplémentaire de la montée en puissance de l'internationalisation productive en Europe).

Outline

Documents relatifs