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Les grandes initiatives « politiques » du « big business » européen et le rôle joué par les grandes firmes françaises les grandes firmes françaises

La conversion libérale du grand patronat français, l'européanisation de l'activisme patronal et l'émergence de la « corporate élite » européenne

3. Les grandes initiatives « politiques » du « big business » européen et le rôle joué par les grandes firmes françaises les grandes firmes françaises

Sur le terrain « politique » de l’activisme patronal, trois initiatives jalonnant la période 1986-2006 méritent d'être relevées : il s’agit d’abord de la Table Ronde des Industriels Européens (ERT) ; ensuite

511 van Apeldoorn, 2002, p. 103.

512 Coen, 1998, p. 79.

513 La Commission au niveau des commissaires, la Commission au niveau des comités techniques, les eurodéputés au niveau individuel, les commissions du Parlement Européen, le Conseil des ministres et le COREPER. Eising, 2007, p. 394.

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de sa sœur jumelle en quelque sorte, la Table Ronde des Services Financiers (EFR) ; enfin de l’Association pour l’Union Monétaire Européenne (AUME).

De ces trois associations patronales, l'ERT est de loin la plus importante. L'ERT est la première des trois à être fondée, en 1983. Elle est composée par les champions nationaux qui les premiers s'européanisent et, par conséquent, sont également les premiers à devenir les vecteurs de la dynamique de l'intégration « par le bas ». De surcroît, comme analysé dans la partie 4 à propos des « interlocking directorates » transnationaux en Europe et de l'émergence d'une « corporate élite » européenne, les membres de l'ERT constituent le noyau et le ciment de cette « corporate élite » à travers les multiples liens qu'ils assurent entre les grandes firmes européennes ; ses membres sont, en quelque sorte, le noyau dur du « cœur de l'élite patronale ». Enfin, l'ERT déploie une activité qui touche à peu près à toutes les politiques publiques européennes, y compris celles qui constituent le champ spécifique d'intervention de l'AUME et de l'EFR, bien que dans ces domaines les interventions de l'ERT soient sporadiques.

L’AUME, au contraire, est une alliance restreinte dans le temps qui se dissout une fois sa mission accomplie après le passage à l’euro en 2002. Mais, au contraire de l'ERT encore une fois, elle réunit un éventail complet des grandes firmes européennes provenant de tous les secteurs économiques, et notamment du secteur financier, et non pas de la seule industrie.

Enfin, l'EFR est une organisation beaucoup plus récente que l'ERT – elle est créée en 2001 – et ses membres représentent des intérêts beaucoup plus restreints en termes sectoriels (banques et assurances). Le champ d'intervention de l'EFR se limite au domaine financier ; le lobby est en quelque sorte une association sectorielle portant un projet global pour la constitution d'un système financier paneuropéen. Le décalage entre les dates de création de l'ERT et de l'EFR reflète le décalage en termes d'intégration effective des marchés pour les produits d'une part, pour les services financiers de l'autre ; il reflète également l'européanisation plus tardive des grandes firmes financières par rapport à celles des firmes industrielles. Le fait que les grandes firmes financières ne s'européanisent qu'après les firmes industrielles explique en grande partie également pourquoi elles jouent un rôle moins important dans l'émergence et la structuration de la « corporate élite » européenne.

3.1 La Table Ronde des Industriels Européens

La création de l'ERT en 1983 illustre la connexion entre champions européens et exécutif communautaire qui est au cœur du nouveau dispositif de lobbying qui se met en place durant la période

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post-champions nationaux. L'initiative pour la création de l'ERT revient à celui qui à l'époque est le patron de la firme automobile suédoise Volvo, Pehr Gyllenhamar, et au commissaire chargé de l'industrie et du marché intérieur (à l'époque un seul commissaire s'occupe de ces deux domaines), Étienne Davignon. La première liste avec les noms des potentiels membres du groupe est composée dans les locaux de la Commission à Bruxelles par des fonctionnaires européens et des cadres de Volvo. Les critères utilisés pour sélectionner les éventuels membres comprennent notamment le fait que ceux-ci doivent avoir une influence sur l'opinion publique ainsi que sur le personnel politique de leur pays d'origine515. Le groupe est formellement créé en 1983 à Paris en la présence de deux commissaires européens. Outre Davignon, François-Xavier Ortoli, ancien président de l'exécutif communautaire et à l'époque commissaire chargé des affaires financières et monétaires participe à la réunion (quelques années plus tard il fait aussi partie du groupe en tant que PDG de Total, tout comme Davignon en tant que PDG de la Société Générale de Belgique). Ce sont donc les deux DGs de la Commission qui depuis le début constituent les chasses gardées des fonctionnaires issus des pays de tradition interventionniste en matière microéconomique (la France et l'Italie, Davignon étant un wallon très proche des élites économiques françaises) qui assurent le lien avec l'ERT à sa création. Dix-sept PDGs de firmes industrielles sont les membres fondateurs de l'ERT. La composition du groupe est conçue dès le début, selon son premier secrétaire général Keith Richardson, pour assurer une certaine représentativité sectorielle et nationale516. Ainsi, à sa création, le lobby réunit quatre fabricants automobiles ou équipementiers, trois firmes agroalimentaires, deux firmes de la chimie/pharmacie, deux de l'électronique, deux dans le secteur de la construction mécanique, deux dans le secteur des matériaux de construction, une firme sidérurgique et une pétrolière ; en termes de nationalité, on trouve quatre firmes françaises, trois allemandes, trois britanniques, deux italiennes, deux suédoises, deux suisses et une néerlandaise517. De même, les élargissements progressifs du groupe sont conçus pour refléter les élargissements de l'UE elle-même. Typiquement, ces élargissements prennent la forme de la cooptation d'une firme d'un nouveau pays qui, bien qu'elle ne soit pas parmi les champions européens les plus importants à l'échelle du continent, constitue une firme importante dans son cadre national. L'objectif est de relier ainsi des représentants éminents des divers groupes d'élites économiques nationales. En 1998, suite à l'élargissement de 1995, on trouve donc une firme pr ovenant de chacun des pays suivants : Danemark, Autriche, Finlande, Grèce, Irlande, Portugal et Turquie. En 2010, une firme

515 Green-Cowles, 1995, p. 504.

516 Richardson, 2000, p. 10.

517 La liste des 17 membres fondateurs est dans Green-Cowles, 1995, p. 506. Les françaises sont Lafarge et BSN du secteur privé ; Saint-Gobain et Renault parmi les nationalisées. Sauf BSN, les trois autres font partie de l'ERT continuellement jusqu'à aujourd'hui.

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hongroise y figure également, en guise de représentation des pays de l'Europe Centrale et Orientale518. Au niveau sectoriel ce sont notamment les firmes dans les industries de réseau (électricité et télécommunications) qui sont le principal rajout des années quatre-vingt-dix519.

Le souci de représentativité sectorielle et nationale est l'un des éléments centraux de la démarche « politique ». Richardson confirme, par ailleurs, la volonté du groupe de ne traiter que les questions générales et de n'agir qu'en tant qu'organisation « définissant l'ordre du jour » du débat à propos des politiques publiques européennes520.

La création de l'ERT est pensée par ses initiateurs comme une initiative politique visant à apporter une solution au problème de la concurrence japonaise et américaine dans un contexte de crise économique en Europe, que l'on désigne à l'époque couramment comme l'« eurosclérose ». Son mode d'action consiste principalement en des contacts au plus haut niveau politique avec la Commission et les membres influents des gouvernements des États-membres, une pratique dans laquelle les membres français sont les plus efficaces521. L'ERT se concentre très majoritairement sur des questions relevant des politiques microéconomiques. La question clé, et qui fait consensus au sein de l'ERT malgré des dissensions sur les autres politiques microéconomiques à développer au niveau supranational durant les dix premières années de son existence, est celle de l'achèvement du marché commun. Cet achèvement doit se faire en éliminant les barrières non-tarifaires (principalement les diverses réglementations nationales, la préférence nationale dans l'attribution des contrats publics, les aides publiques aux firmes déclinantes). Le marché commun enfin achevé, en permettant la réalisation d'économies d'échelle et de gamme supplémentaires notamment dans les secteurs de haute technologie, est censé fournir une base solide aux grandes firmes européennes pour affronter la concurrence japonaise et américaine à la fois en Europe et sur les marchés à l'exportation522. Ce n'est donc pas un hasard si Richardson relève à posteriori « a natural affinity with the European Commission in its endless battle with the supposedly short-term and narrowly conceived interests of member states »523 qui contribuent à la fragmentation du marché

518 Les firmes françaises sont 7 en 1998, tout comme les britanniques et les allemandes ; la parité est presque entièrement maintenue en 2010, les françaises étant six tout comme les allemandes contre sept britanniques. Il s'agit à chaque fois des principaux contingents nationaux au sein de l'ERT.

519 Elles sont quatre en 1998 et cinq en 2010. Elles constituent l'un des contingents sectoriels principaux avec le secteur pétrolier (sept en 1998 et huit en 2010), la chimie/pharmacie (cinq et six respectivement), l'agroalimentaire (cinq et cinq), l'automobile (trois et quatre) et les diverses firmes de l'électronique (quatre et quatre). Mes calculs à partir de Richardson (2000, p. 34) et Pageaut (2010, pp. 279-280) ; les informations sur la composition nationale de l'ERT proviennent également de ces sources.

520 Balanya, Doherty, Hoedeman, Ma'anit and Wesselius, 2000, p. 21 ; Richardson, 2000, pp. 13 et 15.

521 Green-Cowles, 1995, p. 509 ; Richardson, 2000, p. 19.

522 Richardson, 2000, p. 13 ; Cowles, 1997, p. 314 ; Van Apeldoorn, 2002, p. 117.

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européen. Le fait que l'ERT défende une perspective spécifiquement européenne par opposition à des perspectives nationales séparées se vérifie également par le fait que durant les années quatre-vingt-dix, les membres de l'ERT « marquent les négociations internationales d'une empreinte spécifiquement européenne »524. La création du lobby est concomitante d'une implication croissante des grandes firmes européennes dans les négociations commerciales menées par la Commission. A partir de 1995, l'ERT s'implique directement avec le Business Roundtable américain525 dans le « Transnational Business Dialogue », dans lequel les grandes firmes européennes se présentent comme un bloc fa ce à leurs concurrentes américaines. La coopération avec le Business Roundtable s'établit ainsi comme un forum dans lequel se noue un dialogue direct entre « multinationales régionales » américaines et européennes – la dernière communication commune des deux lobbies date de mai 2014 et concerne les négociations à propos du Partenariat Transatlantique pour le Commerce et l'Investissement526.

Cependant, le lobby se divise à propos de deux autres questions. La première concerne les politiques microéconomiques. Durant environ la première décennie de son existence, l'ERT est divisé en deux fractions527. Bastiaan van Apldoorn nomme ces deux fractions « européaniste » et « globaliste ». La première est composée par les grandes firmes ayant des investissements extra-européens minimes et subissant de plein fouet la concurrence japonaise et américaine. Celles-ci tendent à être localisées en France et en Italie, mais la firme néerlandaise de l'électronique Philips en fait également partie, voire en est aux avant-postes. Ces grandes firmes défendent une perspective « néo-mercantiliste ». Cette perspective se décline dans un ensemble de politiques microéconomiques consistant à réserver les bienfaits de l'achèvement du marché commun aux seules grandes firmes européennes. Les firmes « européanistes » défendent ainsi le maintien des tarifs communautaires élevés et l'usage d'autres instruments commerciaux protectionnistes, notamment dans les secteurs les plus impactés par la concurrence japonaise, à savoir l'automobile et l'électronique528 ; une politique technologique activiste au niveau européen pour augmenter les dépenses en R&D dans le secteur électronique ; et l'instauration d'une préférence communautaire pour ces programmes ainsi que pour les politiques de contrats publics. En revanche, la fraction « globaliste », composée au contraire par celles parmi les grandes firmes européennes ayant déjà une présence extra-européenne significative, défend une perspective que van

524 Green-Cowles, 1997, p. 318.

525 Un lobby réunissant quelques 200 grandes firmes américaines qui sert de modèle lors de la création de l'ERT.

526 ERT, 2014.

527 Van Apeldoorn, 2002, pp. 115-157 ; Balanya, Doherty, Hoedeman, Ma'anit and Wesselius, 2000, p. 24. J'analyse en détail le clivage de la période 1983-1992 à propos de la politique de promotion de l'industrie européenne dans la partie 2 du chapitre suivant.

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Apeldoorn qualifie de « néo-libérale ». On y retrouve principalement des firmes pétrolières, de la chimie/pharmacie et de l'agroalimentaire, principalement localisées en Grande Bretagne et en Allemagne529. Seuls l'achèvement du marché unique et l'accentuation de la concurrence au sein de la Communauté sont considérés comme permettant de relever le défi de la concurrence extra -européenne en obligeant les grandes firmes européennes à se restructurer.

La division au sein de l'ERT est dépassée entre 1988 et le traité de Maastricht. A partir de ce moment-là, les firmes « européanistes » s'alignent sur la perspective « néo-libérale ». L'ERT prône désormais surtout l'ouverture à la concurrence dans les secteurs où subsistent des monopoles publics ainsi que des mesures relevant des politiques du marché du travail. Cette orientation est le leitmotiv des années quatre-vingt-dix ; elle n'est infléchie qu'à partir des années 2004/5, lorsque l'émergence de la concurrence chinoise et l'échec des politiques microéconomiques « néo-libérales » à permettre à l'industrie européenne de remplir les objectifs fixés lors du Conseil Européen de Lisbonne en mars 2000 incite les grandes firmes industrielles présentes dans des secteurs intensifs en dépenses de R&D à réclamer des politiques plus activistes en leur faveur.

Le dépassement du conflit entre « européanistes » et « globalistes » diminue l'emprise des firmes françaises sur l'ERT. En 1988, le lobby fusionne avec le « Groupe des Présidents », un club informel réunissant des PDGs de firmes « globalistes » mais sans ambition d'influencer le cours des politiques publiques communautaires530. La fusion fait passer le nombre des firmes membres de l'ERT de vingt-sept à un peu plus de quarante et assure que la voix du « big business » européen n'a désormais qu'un seul canal institutionnel d'expression531. (Depuis, l'ERT réunit environ quarante-cinq membres). A cette occasion, le siège de l'ERT est déplacé de Paris à Bruxelles. L'influence française, globalement située à cette époque au sein de la fraction « européaniste » est ainsi diluée. De même, à cette époque les grandes firmes françaises et italiennes échouent à faire adopter à l'ERT une ligne de soutien enthousiaste au projet de monnaie unique, ce qui constitue la deuxième question sur laquelle il existe un dissensus à l'époque ; les grandes firmes britanniques et allemandes qui participent à l'ERT sont majoritairement sceptiques dans la période 1988-1992 quant à ce projet, en partie en raison du scepticisme dont les gouvernements britannique et allemand font preuve532. C'est l'une des raisons qui expliquent l'apparition dans cette période d'une organisation séparée, l'Association pour l'Union Monétaire Européenne, chargée de porter

529 Ibid, p. 81.

530 Van Apeldoorn, 20002, p. 88.

531 Richardson (2000, p. 6) explique que la décision « to enlarge the membership base through a merger with the Groupe des Présidents, thus clear[ed] up a certain ambiguity about who spoke for the big companies in Europe ».

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la parole du « big business » européen en faveur d'une monnaie unique européenne.

3.2 L'Association pour l'Union Monétaire Européenne

La création de l’AUME en 1987 a donc comme fonction d’organiser de façon séparée celles des grandes firmes européennes qui sont les plus enthousiastes pour l’idée de l’union monétaire européenne. La deuxième raison de la création d'une organisation séparée est la volonté d'y associer également les firmes financières, bancaires et de l'assurance.

Il n'empêche que l'AUME est principalement la création des firmes de la fraction « européaniste » de l'ERT. La réunion de création de l'organisation a lieu dans les locaux milanais du patron de Fiat, Giovanni Agnelli, en octobre 1987. Y participent également les PDGs de Philips, Rhône-Poulenc, Solvay et Total533. On décide de localiser le siège de l'organisation à Paris534. Ce premier cercle des fondateurs se donne d'abord comme tâche de recruter à l'AUME le plus grand nombre possible de grandes firmes. Parmi les premières à répondre positivement sont les françaises. « Dès 1988, les résultats sont significatifs en capacité d’influence, par exemple les dix-neuf françaises sont : Aventis, AXA, BNP, BSN, Cap Gemini, Compagnie bancaire, Saint-Gobain, CCF, Crédit Lyonnais, Deloitte et Touche, Elf, Havas, Laboratoires Fournier, L’Oréal, LVMH, Natexis, Paribas, Renault, Total » 535 . Cet échantillon des grandes firmes françaises participant à l'AUME démontre l'étendue sectorielle de la mobilisation patronale en faveur de la monnaie unique. Des représentants aussi bien des firmes dirigées par des patrons issus de la filière des « jeunes turcs » (BSN, L'Oréal, LVMH) que par des pantouflards y participent (BNP, Crédit Lyonnais, Renault, Total) ; de même, on y retrouve les firmes qui constituent des piliers des pôles libéral-orthodoxe (Axa, BNP, Paribas, LVMH) et industrialiste (Saint-Gobain, Elf, Renault). L'engouement ne se limite dans un premier temps pas aux grandes firmes françaises ; la fin de l'année 1988, l'association réunit 26 firmes françaises et 31 italiennes. En revanche, seulement une allemande et une britannique y participent536. Divers auteurs notent, en effet, que les firmes allemandes et britanniques sont très peu présentes avant le changement de cap du gouvernement allemand et le sommet de Maastricht, une observation qui s’accorde avec l’analyse de Bastiaan van Apeldoorn selon laquelle c’est après

533 Balanya, Doherty, Hoedeman, Ma'anit and Wesselius, 2000, p. 49.

534 Daumas, 2010, p. 1232

535 Moulin, 2007, p. 246.

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Maastricht que l’ERT dans son ensemble soutient activement le projet d’union monétaire537.

A partir de ce moment-là, l’AUME et l’ERT entretiennent des rapports de coopération. Le secrétaire général de l’AUME, Bertrand de Maigret, a expliqué que « We decided that the ERT would not work on monetary issues, and that we would. We have friendly links, a kind of division of tasks », ce qu’Étienne Davignon, qui devient président de l'association à partir de 1991 confirme également538. La coopération entre les deux associations se reflète également dans la composition du conseil de direction de l'AUME en 1999 et dans celle des membres de l'association durant les années ayant suivi le traité de Maastricht. Le conseil de direction de l'AUME est le vrai moteur de l'association. Il est composé avec un souci de représentativité nationale et sectorielle. Il compte trente membres, alors qu'en 1998 l'association compte plus de 350 membres. Sept des trente membres du conseil de l'AUME en 1999 sont membres de l'ERT ; parmi eux Siemens, une firme parmi celles que van Apeldoorn classe dans la fraction « globaliste » et initialement réticente quant au projet de monnaie unique. Un tiers des firmes membres de l'ERT sont membres de l'AUME. Mais, au contraire de l'ERT, la majorité proviennent du secteur financier539. Dans le conseil de direction, la Deutsche Bank joue un rôle important dès le début des années quatre-vingt-dix.

L'activité de l'AUME se focalise de plus en plus sur l'opinion publique allemande à partir du sommet de Madrid de décembre 1995, lors duquel un engagement définitif des chefs d’État et de gouvernement est pris en faveur d'un passage à la monnaie unique au plus tard en 1999. Dans la phase de préparation de ce sommet, l'ERT rejoint la campagne de l'AUME en direction des gouvernements des États-membres en adressant une lettre au Conseil Européen dans laquelle elle demande une décision ferme et définitive avec une date butoir pour le passage à la monnaie unique ainsi que la fin définitive de la modalité du vote à l'unanimité au sein du conseil des ministres540. L'AUME, quant à elle, multiplie entre 1996 et 1998 les réunions publiques en Allemagne avec comme objectif de convaincre une opinion publique sceptique qui est considérée comme le principal obstacle politique à la réalisation du projet. De même, à l'instar des liens étroits entretenus par l'ERT avec la Commission, trois membres du conseil de direction de l'AUME siègent dans le groupe de 12 sages mis en place en 1994 par l'exécutif communautaire afin de préparer un livre vert (un document officiel contenant des propositions concrètes destinées à être discutées en vue de la définition d'une politique publique) sur le processus de passage à

537 Moulin, 2007 ; Collignon and Scwharzer, 2003, p. 58.

538 La citation de Maigret est dans van Apeldoorn, 2002, p. 155 ; Balanya, Doherty, Hoedeman, Ma'anit and Wesselius, 2000, p. 50.

539 Ibid, p. 49.

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l'euro541. La collaboration entre les membres de l'association et la Commission tout au long des années quatre-vingt-dix à propos de l'union monétaire est également très étroite.

Il existe, donc, une similitude certaine dans les démarches de l'ERT et de l'AUME. Les deux

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