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Les limites de la convention d’occupation précaire

116. Définition et régime de la convention d’occupation précaire. – La loi

n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite Loi Pinel, a introduit un nouvel article L. 145 -5-14 dans le Code de commerce. Cet article dispose que « n’est pas soumise au présent chapitre la

convention d’occupation précaire qui se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties. » Créée par la pratique et

validée par la jurisprudence, la convention d’occupation précaire est désormais définie légalement et exclue expressément du statut des baux commerciaux.

La convention d’occupation précaire se définit d’abord négativement par le fait qu’elle n’est pas constitutive d’un bail. Pourtant, comme le bail, il s’agit d’un contrat par lequel le propriétaire d’un bien en confère la jouissance à une autre personne moyennant un certain prix. La convention d’occupation précaire s’en distingue toutefois par le fait que le propriétaire peut y mettre un terme à tout moment. Le critère de distinction entre les deux conventions est donc la précarité du droit qui est consenti à l’occupant. L’essence d’une telle convention réside dans la fragilité de la situation de l’occupant. Il ne bénéficie d’aucun droit au maintien dans les lieux et « s’expose donc à voir du jour au lendemain disparaître les relations

contractuelles242 ». En pratique, cette convention est particulièrement appréciée par

les contractants qui ne souhaitent pas voir leur relation contractuelle encadrée de façon rigide par les différentes réglementations applicables aux contrats de bail243. En effet, la convention d’occupation précaire n’étant pas constitutive d’un bail, elle échappe tant au droit commun du louage qu’au statut des baux commerciaux. Cette

242 C. ROY-LOUSTAUNAU, chron. Préc.

243 Art. 1713s C. civ. sur le louage de choses ; L. n° 86-1290 du 23 décembre 1986 sur l’investissement locatif ; L. n° 89-462

exclusion représente un avantage certain pour les propriétaires/occupants qui souhaitent s’affranchir des contraintes du statut des baux commerciaux. A cet égard, le juge dispose donc d’un large pouvoir d’appréciation et de requalification du contrat en cas de fraude. Le juge doit, en effet, vérifier que « le propriétaire justifie d’un

motif sérieux et légitime pour ne pas consentir un bail assujetti à la réglementation et que la précarité de l’occupation constitue la cause impulsive et déterminante du contrat et a été expressément voulue par les parties en raison de circonstances

spéciales244 ». Etant étrangère au statut des baux commerciaux et au contrat de louage

de droit commun, la convention d’occupation précaire est régie par la volonté des parties. Ainsi, ces dernières ne sont pas tenues, par exemple, des obligations et responsabilités traditionnelles des bailleurs et locataires. En outre, le propriétaire n’a pas à donner congé et aucune indemnité n’est due au départ de l’occupant. En contrepartie, le montant de la redevance versée est généralement faible245.

117. Inadaptation de la convention d’occupation précaire aux locaux

d’un centre commercial. – Ce régime, qui accorde une place privilégiée à la liberté

contractuelle, peut sembler séduisant. Il se révèle toutefois inadapté au fonctionnement d’un centre commercial. En effet, l’installation d’un commerce dans un centre exige du commerçant non seulement de l’énergie, mais également le financement de lourds investissements pour l’aménagement du local. En contrepartie, le commerçant désireux d’amortir ses investissements, est demandeur de stabilité. De son côté, le propriétaire de l’immeuble est lui aussi attaché à la stabilité des commerçants car celle-ci est un facteur de fidélisation de la clientèle. Du fait de la précarité qui la caractérise, la convention d’occupation précaire paraît manifestement contraire à la volonté des protagonistes d’un centre commercial et incompatible avec son fonctionnement. Pourtant, elle n’est pas totalement exclue de l’organisation des centres commerciaux.

244 Cour d’appel de Lyon, 12 novembre 1981, Revue des loyers, 1982, p . 444.

245 La redevance est en principe inférieure à un loyer. Il est à noter que le caractère faibl e du montant de la redevance

118. Utilité de la convention d’occupation précaire pour les stands implantés dans le centre commercial. – Bien qu’elle ne puisse être utilisée pour les

locaux exploités dans le centre commercial, la convention d’occupation précaire n’en demeure pas moins un des instruments juridiques privilégié par les propriétaires pour encadrer contractuellement la mise à disposition de stands ou d’emplacements dans la galerie marchande. Le recours à la convention d’occupation précaire dans cette configuration a d’ailleurs été validé par la jurisprudence comme alternative au bail commercial246. En effet, dès lors que les stands et emplacements sont exclus du statut des baux commerciaux en l’absence notamment de local clairement identifié et de clientèle propre, la convention d’occupation précaire, par sa flexibilité, apparaît comme l’outil privilégié d’encadrement contractuel des relations entre le propriétaire et l’exploitant.

Le plus souvent, les stands implantés dans les centres commerciaux portent sur des activités saisonnières ou ponctuelles. Leur présence permet de créer une animation supplémentaire, de nature à favoriser l’attraction de la clientèle et à compléter l’offre des commerçants installés. De tels stands, en principe mobiles et démontables, sont par essence précaires et donc tout à fait compatibles avec la convention d’occupation précaire. Une telle convention s’avère au surplus équilibrée pour les parties. Elle offre en effet au propriétaire l’avantage de ne conférer aucune jouissance libre et exclusive des lieux aux occupants. Le propriétaire reste ainsi maître tant de la durée de l’exploitation que du lieu d’exercice de celle-ci. Il peut même demander, sans préavis, aux occupants de déplacer leur stand. En contrepartie, les exploitants bénéficient de conditions financières avantageuses de par la modicité de la redevance

246 Cass. 3ème civ. 9 février 1994 « la convention, qui ne constituait pas un bail, conférait à M. Y… un droit d’occupation essentiellement précaire, la cour d’appel, qui a exactement retenu que l’application du décret du 30 septembre 1953 est subordonnée à l’existence d’un bail portant sur un immeuble ou sur un local, a, sans trancher une contestation sérieuse, légalement justifié sa décision en relevant que l’emplacement, d’une superficie approximative et qui avait déjà été transféré, était laissé à la discrétion de la société La Samaritaine et que, malgré la nature et la spécificité de l’activité exercée pa r M. Y…, celui-ci ne bénéficiait d’aucune autonomie de gestion, alors que les horaires d’ouverture et de fermeture étaient déterminés discrétionnairement par cette société et qu’il n’avait pas d’autre clientèle que celle qui fréquentait ce « magasin ».

et l’absence de charges qui leur est généralement accordée. Ils accèdent ainsi à moindre coût à la même clientèle que celle des commerçants installés dans les locaux du centre commercial.

En-dehors du cas très particulier des stands saisonniers de vente, la convention d’occupation précaire se révèle, en raison de sa nature même, inadaptée au fonctionnement d’un centre commercial. C’est donc tout à fait naturellement que les commerçants et le propriétaire du centre commercial, soucieux de stabilité, vont lui préférer le bail commercial.