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Le bail au sein du centre commercial

136. Parmi les multiples changements qui, au fil du temps, ont jalonné

l’évolution du statut des baux commerciaux, la nature requise du droit d’occupation représente une sorte de point fixe. Depuis l’origine, ce droit d’occupation doit juridiquement consister en un bail. Les textes sur ce point sont d’une parfaite clarté. Les dispositions du présent chapitre, énonce l’article L.145-1 I du Code de commerce en forme de principe, s’appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité. De même, doit-on remarquer que les alinéas et articles suivants, s’ils élargissent le champ d’application du statut, en subordonnent tous expressément le bénéfice à l’existence d’un bail259.

Cette exigence est très généralement remplie par l’occupant d’un centre commercial (§ 1). Ce n’est qu’exceptionnellement que son droit d’occupation le tient à l’écart du statut (§ 2).

§ 1 – Le contrat d’occupation ouvre juridiquement droit au bénéfice du statut

137. Aux termes de l’article 1709 du Code civil, « le louage de choses est le

contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer ».

Deux éléments caractérisent ainsi le bail. Le premier est la jouissance à laquelle s’oblige le bailleur, le second est l’obligation du preneur au paiement d’un loyer.

Ces deux caractères sont présents dans la majorité des contrats portant concess ion d’un droit d’occupation au sein d’un centre commercial. S’agissant du premier, l’on sait que les parties entendent essentiellement convenir d’un droit personnel et temporaire de jouissance, à l’exclusion de toute concession d’un droit réel260. S’agissant du second, un loyer est, sous des formes diverses261, convenu de façon quasi systématique262.

§ 2 - Le contrat d’exploitation est exceptionnellement écarté du bénéfice du statut

138. Cette situation recouvre, en notre matière, deux réalités profondément différentes. La première est celle dans laquelle le bail conclu déroge valablement au

260 Supra (Titre 1, Chapitre 1).

261 Infra (Partie 2, Titre 1, Chapitre 2, Section 1, §1).

262 La pratique révèle qu’exceptionnellement un local peut être prêté à usage au lieu d’être donné à bail. La situation se

statut des baux commerciaux (A). La deuxième est celle dans laquelle le droit d’occupation consenti n’a pas la nature juridique d’un bail (B). L’une comme l’autre de ces situations revêtent cependant un caractère assez marginal.

A – Le bail déroge au statut

139. Exclusions légales. - S’il est vrai que le bénéfice du statut est

subordonné à l’existence d’un bail, la loi elle-même prévoit que certains baux en sont écartés alors même que toutes les autres conditions requises pour son application seraient réunies.

Du point de vue du rédacteur d’actes, l’espace de liberté en résultant est souvent considéré comme précieux. Lorsque le régime du bail commercial apparaît à l’une des parties comme excessivement contraignant, la possibilité d’y échapper au moyen d’un bail dérogatoire présente un intérêt inestimable.

Tel n’est pourtant pas le cas dans les centres commerciaux où le recours aux baux dérogatoires est peu répandu.

140. Exclusion du bail emphytéotique. - Il en va d’abord et surtout ainsi

pour le bail emphytéotique, à propos duquel l’article L. 145-3 du Code de commerce dispose que « les dispositions du présent chapitre ne (lui) sont pas applicables, sauf

en ce qui concerne la révision du loyer ». Cette exclusion n’offre en notre matière

aucun attrait dans la mesure où les caractères du bail emphytéotique sont, pour la plupart, à l’opposé de ce que recherchent les parties. Outre la durée très longue (de 18 à 99 ans)263, ce bail se signale en effet par sa libre cessibilité264, une redevance

263 Article L.451-1 du Code rural. 264 Article L.451-1 du Code rural.

généralement modique265 et plus largement, la volonté des contractants de conférer au preneur un droit réel sur l’immeuble loué266.

141. Exclusion du bail de courte durée. - Tel est, ensuite, et quoi que à un

moindre degré, le cas du bail de courte durée prévu par l’article L. 145-5 du Code de commerce. Selon cet article, « les parties peuvent, lors de l’entrée dans les lieux du

preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans ». Le problème

posé par ce type de bail est en pratique assez semblable à celui posé par la convention d’occupation précaire267. Compte tenu des investissements qu’il réalise, le locataire tient en effet à bénéficier d’une certaine stabilité ; tandis que de son côté le bailleur souhaite le plus souvent que les cellules restent occupées sur une longue période.

Pour toutes ces raisons, le recours au bail de courte durée n’a lieu que de façon marginale. Le bailleur peut y trouver intérêt dans le cadre de l’animation du mail de la galerie marchande268 ou lorsqu’une cellule est et semble devoir rester durablement inoccupée, car mieux vaut en ce cas un local exploité, même temporairem ent, à une cellule vide. Les locataires peuvent également y trouver intérêt lorsque, avant une éventuelle installation définitive au sein du centre commercial, ils désirent dans un premier temps en tester les attraits.

B - Le contrat d’occupation n’est pas un bail

142. Conventions portant sur des emplacements. - Connues sous des

appellations variées évitant toujours soigneusement le terme de « bail », les conventions de « concession d’emplacement », « concession de comptoir »,

265 Dictionnaire Permanent Entreprise Agricole – V° - Bail emphytéotique. 266 Ibid.

267 Supra Titre 1, Chapitre 2, Section 2.

« concession de stand », sont relativement répandues dans les centres commerciaux. Il arrive que le droit d’occupation consenti porte sur une cellule de la galerie marchande. Plus fréquemment, il porte sur un emplacement situé à l’intérieur d’une exploitation plus vaste, accessible du centre commercial, telle que l’hypermarché.

143. Contenu des conventions. - Moins que par la nature de l’emplacement

ou du local mis à disposition, ces conventions se caractérisent surtout par la collaboration qu’elles consacrent entre le « concédant » et le « concessionnaire ».

Cette collaboration peut prendre des formes diverses. Il peut s’agir pour l’exploitation concédante d’améliorer le service rendu à sa propre clientèle en ayant recours aux services d’un professionnel spécialisé. Il est fréquent, par exemple, que la vente de produits d’alimentation asiatiques soit confiée à un spécialiste qui, au sein du magasin du concédant, installera et exploitera pour son propre compte, un rayon d’articles correspondants. Afin d’intégrer commercialement le concessionnaire à sa propre exploitation, le concédant aura soin d’encadrer strictement l’exercice de l’activité de son partenaire (identité des horaires d’ouverture, politique de prix et politique promotionnelle cohérente, encaissement commun, assortiment et vari été des produits …).

Il peut s’agir également d’organiser entre les parties un échange de prestations sous une forme originale. Ainsi, l’exploitant d’un hypermarché doté d’un espace de vente d’articles multimédia neufs peut trouver intérêt à concéder à un professionnel de la réparation et de la reprise d’articles multimédia d’occasion, un droit à occupation d’une cellule au sein de la galerie marchande. En vertu du contrat conclu, la grande surface s’oblige à orienter sa clientèle vers son partenaire en l’invitant à recourir aux services de ce dernier lorsqu’elle vend un article multimédia neuf à un acquéreur désireux de se séparer de celui, usagé, ou encore lorsqu’elle est sollicitée pour effectuer une réparation qui relève de l’activité de son partenaire.

moyen de bons d’achat utilisables exclusivement auprès du concédant et à acquitter la valeur de ces bons entre les mains de ce dernier.

Pour le concédant, l’avantage est double : outre le chiffre d’affaires représenté par les bons d’achat, il se trouve dispensé d’effectuer lui-même le service après-vente auprès de ses clients. Pour le partenaire, l’avantage réside dans le chiffre d’affaires issu de la préconisation du concédant.

144. Nature des conventions. - Dans des situations de ce type, la

jurisprudence refuse à l’occupant le bénéfice du statut des baux commerciaux pour des raisons tirées, le plus souvent, du défaut de clientèle personnelle et/ou d’autonomie d’exploitation269. Mais l’analyse du droit d’occupation conduirait, selon nous, à un résultat identique. De même qu’en matière de crédit-bail immobilier, la jurisprudence, au motif du caractère complexe et indivisible du contrat, refuse à l’utilisateur le droit au statut des baux commerciaux270, serait-il artificiel de rechercher un bail dans les conventions précédemment examinées. Si un droit d’occupation est effectivement consenti, ce droit n’est qu’un moyen ou une composante d’une convention dont l’objet central est autre. C’est à juste titre, selon nous, que dans l’un des contrats du type de ceux examinés, il est écrit : « Il résulte

clairement de la commune intention des parties que le contrat n’est pas un bail, mais un contrat synallagmatique « sui generis » comprenant des droits et obligations réciproques, irréductible à la mise à disposition d’un local en contrepartie du paiement d’un loyer ».

269 Infra (Partie 1, Titre 2, Chapitre 1, Section 1, §2, B).