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Elevages du SEBOG

25. Les herbages guyanais et d’autres écorégions

Les surfaces des prairies guyanaises implantées lors de cette opération agricole (" Plan vert ") ont été massives à l’échelle de l’activité agricole du département, représentant un ensemble supérieur à 40 % de la SAU (Surface Agricole Utile). Les cultures fourragères sont donc à l’origine de plus de 95 % des prairies utilisées par les élevages de bétail. L’élevage de bétail, depuis 1976 n’utilise plus les formations végétales spontanées, celles localement appelées de "savanes côtières" dont la végétation se reproduit le plus souvent selon un schéma de « fire – climax » défini dès Tansley en 1927, analyse consolidée et validée en Guyane par Hoock (1961)121. Ces créations de pâturages se justifiaient par le "Plan vert" durant la période 1976 - 1986, afin d’atteindre des végétations fourragères aptes à :

- 1/ produire des quantités de fourrages pouvant satisfaire les besoins de 800 à 1.200 kg de poids vif.ha.-1.an.-1,

- 2/ produire des fourrages de qualité (supérieur à 0,45 UFL et 60 g PDIN par kg de MS), - 3/ lisser les variations saisonnières de productivité de l’herbage.

L’exigence demandée à ces pâtures, fondement de ce modèle d’élevage importée, ne pouvait pas se faire sur des sols qui étaient qualifiés par la communauté scientifique comme étant impropres à toute culture, même aux espèces fourragères de type Brachiaria (Blancaneaux, 1981). Les terrains pâturés avant le programme du "Plan vert" n’ont donc pas fait l’objet d’un travail de valorisation par une révolution fourragère. Lors de la période d’interventions de ce plan en Guyane, les savanes sont presque toutes restées en l’état. D’autres voies avaient commencé a être explorées dans d’autres pays d’Amazonie, notamment en Colombie avec le CIAT122 (Rippstein et al. 2002), sans pour autant être à l’époque très solides. Les prairies guyanaises présentent des caractéristiques "agro – bio - géographiques" spécifiques et génériques, donc aptes à enrichir les concepts de typologies des surfaces pâturées, des surfaces herbacées.

251. Répartition, apparition des formations herbacées

La Guyane, par ses surfaces herbagères fournit de nouveaux critères (positions) pour enrichir les concepts (géographiques) utiles à des vastes échelles comme : les biomes herbacés, le saltus (souvent défini par défaut de ce qui n’est ni ager, ni sylva). Un biome123 (ou aire biotique) est un ensemble d'écosystèmes caractéristiques d'une grande zone biogéographique et nommé à partir de la végétation et des espèces animales qui y prédominent et qui y sont adaptées. (Dajoz, 2003) ; Les éléments climat, précipitations et température sont cruciaux dans la délimitation des ces biomes (Campbell, 1995).La planisphère des biomes herbacés en

zones tropicales montre que les formations issues de dynamiques écosystémiques (Tansley, 1935124) aboutissent rarement à des biomes herbacés en zones équatoriales humides.

121

Hoock avait même décrit plus finement le mécanisme écologique de ses savanes côtières de Guyane comme étant un système « Fire – Sun – Wet – Climax ».

122 Centre International d’Agronomie Tropicale à Cali en Colombie.

123 Les biomes terrestres sont souvent délicats à délimiter, d'une part parce que différentes habitudes de "nommage" existent, et d'autre part parce que les biomes ont rarement une frontière nette, même à une échelle de temps humaine. Souvent le biome reçoit un nom local en fonction du continent sur lequel il se trouve. Par exemple, le biome "prairies tempérées" est localement connu sous les noms de "steppe", "pampa" ou "veld" en fonction du continent. Le biome se définit aussi par son climat, en particulier températures et précipitations. D'autres aspects caractéristiques peuvent être le sol, ou d'autres paramètres physiques influençant la nature de l'environnement, par exemple une altitude particulière ou un sol périodiquement submergé. L'eau et les températures sont les deux facteurs écologiques permettant de définir un climat, et présentent généralement une zonation latitudinale. Il a été noté une bonne corrélation entre cette distribution et des bandes de végétation homogène. Cette distribution planétaire peut paraître une simplification pour la description des biomes, mais revet une réalité : la biodiversité est croissante depuis les pôles jusqu'à l'équateur, que ce soit d'un point de vue animal ou végétal.

Les zones herbacées constituent dans ces régions des écosystèmes en interdépendances et en

complémentarités fortes avec les écosystèmes forestiers. Les raisons d’un tel maillage s’expliquent notamment par des "micro - situations" édaphiques (Lefeuvre, 1984).

Figure n° 70 : Répartition des formations végétales suivant le climat (la température et la pluviométrie).

Les biomes herbacées sont constitués de plusieurs types dont :

_1) Les prairies et steppes sont présentes au cœur des continents en régions tempérées, là où les étés sont chauds et humides et les hivers froids. La pluviosité annuelle est en général de l'ordre de 300 à 500 mm, mais peut atteindre 1000 mm. On regroupe dans ce biome la prairie nord-américaine, les steppes russes, le veld sud-africain, la pampa sud-américaine, la puszta hongroise. La végétation est dominée par les Graminées.

_2) Les savanes qui sont des formations végétales herbacées intertropicales couvrant des surfaces très étendues dans des régions à climat ensoleillé, chaud en été (T° moyenne annuelle 26°C) et pluviosité faible en moyenne de 250 à 1000 mm.an-1 en fonction du type de savane. Ces savanes herbeuses sont caractérisées par une végétation formée de poacées dures, hautes de 80 cm à plusieurs mètres. Elles sont particulièrement bien représentées en Afrique, en Amérique du sud. Les savanes arbustives sont caractérisées par la présence d’arbres plus ou moins dispersés (Acacia, baobab, en Afrique, eucalyptus en Australie, cactées en Amérique du sud).

En zone amazonienne les zones herbacées ne représentent que de faibles surfaces (savanes côtières des Guyanes, llanos, Cerrados). C’est sur ces formations herbacées minoritaires que l’élevage du bétail a commencées (années 1960 – 1970). Au début des années 1990, environ 252 millions ha de terres issues de savanes, llanos, cerrados, étaient pâturées par 100 millions de bovins (en Bolivie, Brésil, Colombie, les Guyanes, Venezuela). Ces pâtures étaient soit des formations végétales herbacées spontanées, soit des savanes mises en cultures fourragères. (Rippstein, Lascano et al., 1996).

Les formations herbacées spontanées des zones équatoriales humides, offrent des possibilités d’accueil du bétail qui varient de 6 à 10 ha par tête.an-1 (Hoock, 1971)125 ; des observations sur ce sujet ont été consignées en Guyane française par le BAFOG126, durant les années 1950, notamment dans les vastes plaines de savanes de Kourou (Thomassin, 1960). Depuis, de nombreuses mesures ont été réalisées dans les pays amazoniens, notamment au Brésil, par l’EMBRAPA127 et en Colombie par le CIAT128 (Rippstein et Allard et al., 2001). Ces terres de savanes ont été très étudiées pour augmenter la productivité des herbacées (Rippstein, Escobar et al., 2001) et donc l’accueil du bétail (pour augmenter le poids vif par ha).La recherche de pâture plus productive a aussi induit des déforestations sur de vastes surfaces pour implanter des espèces fourragères le plus souvent en monoculture.

125 35 à 60 kg de poids vif.ha-1.an-1 126

BAFOG : Bureau Agricole et FOrestier de Guyane.

127

EMBRAPA : Empresa Brasileira de Pesquisa Agropecuária, Brésil.

128

CIAT : Centro Internacional de Agricutura Tropical, Colombie.

M o y e n n e a n n u e lle d e s p ré c ip it a ti o n s ( c m

En 1995, les surfaces mises artificiellement en prairie sur des terrains déforestés atteignent 337 millions d’ha, soit plus que la surface totale des savanes pâturées (Rippstein et al., 1996). La Guyane s’est aussi inscrite dans cette dynamique amazonienne, après avoir réalisée des études sur l’aptitude de ses savanes côtières pour l’élevage, leurs contraintes, des pistes possibles pour les lever. Et au final, un report des efforts sur la création (massive à son échelle) de prairies monospécifiques sur terrain déforesté. De façon spontanée les biomes terrestres ont rarement une frontière nette. Les délimitations sont le jeu d’équilibres permanents. L’option agronomique peut donc rompre le continuum environnemental où leurs frontières jouent le rôle "d’amortisseurs" des règles de successions écologiques.

252. Des prairies issues des sciences et techniques agronomiques

La perception des prairies et des fourrages, dans les pays dits modernes (globalement les pays de l’OCDE129 inscrits à la création de cet organisme) a connu une forte évolution après la deuxième guerre mondiale. La récolte de la production spontanée de vieilles prairies (est le) "reste de l’économie de cueillette du systèmes pastoral". (Il faut) passer à la véritable culture de l’herbe (p. 8, Chazal et Dumont, 1955 : La nécessaire révolution fourragère et l’expérience lyonnaise). Les prairies permanentes ou dites naturelles sont qualifiées de "trop naturelles, car

l’homme n’y intervient guère, trop permanentes donc trop vieillies et, par là, dégradées" (p.

7, du même livre). Petit (1971) signalait : « le titre de "Révolution fourragère " a été choisi à dessein ». L’idée poursuivie n’était pas celle d’un progrès lent, mais bien d’une réelle rupture totale avec l’ancien systèmes basé sur la prairie permanente (du livre de Chazal et Dumont, 1955). Le courant de ces idées serait apparu en 1947.

Dans les pays du nord de l’Europe, l’avancée de "l’herbe cultivée", débute même bien avant la France et les pays latins (Béranger, 1987). « Cette notion "d’herbe cultivée", est la grande

avance de la "Révolution fourragère" des années 1950-1960. A la suite des Anglo-saxons et le "ley farming", la prairie semée se développe en même temps que les espèces et les variétés

sélectionnées ». Cette historicité et ces conséquences font l’objet d’études à l’IGER130.

L’Amérique du Nord s’est aussi fortement impliquée dans cette dynamique de maîtrise des prairies tout en perturbant, en conséquence les biomes d’herbacées spontanées, aux Etats-Unis (Manin, 1997), comme au Canada (Clark, 1995131).

Les premières évolutions fourragères ont commencé tout d’abord avec les prairies artificielles132 avec l’apparition progressive des légumineuses (trèfle, luzerne) qui couvraient en France 2,6 millions d’ha en 1850 (Hnatyszyn, 1988). Cette "culture de l’herbe" n’a pas pu induire dans tous les pays une "révolution fourragère" et une valorisation des systèmes d’élevage (Hnatyszyn, 1988). Cette "poussée de l’herbe" après être passée dans les pays de l’OCDE, a connu une période où l’élan de la nouveauté semblait se heurter à des réalités moins positives comme les modalités de gestion technique de "l’herbe en culture" (Béranger, 1974). Dans une logique agronomique, des cultures fourrages annuelles, notamment le maïs, se sont répandues, en plus de la culture des prairies artificielles ou des prairies temporaires133, dans tout l’arc atlantique européen (Le Gall, 1997).

129

Organisation de coopération et de développement économiques de 30 pays : Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Corée du Sud, Danemark, Espagne, Etats-Unis, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Islande, Irlande, Italie, Japon, Luxembourg, Mexique, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Rép. Slovaque, Rép. Tchèque, Royaume- Uni, Suède, Suisse, Turquie.

130

IGER : Institute of Grassland and Environmental Research, http://www.iger.bbsrc.ac.uk/igerweb/ 131

http://www.wcds.afns.ualberta.ca/index.asp?page=/Proceedings/1995/Table

132 Se dit généralement des prairies cultivées à partir d’une seule espèce, le plus souvent, une légumineuse. Il s’agit en réalité de culture fourragère annuelle de légumineuse.

133

Prairies qui nécessitent d’être retournées et re-semées généralement tous les 4-5 ans, "ley farming"pour les anglais (Joly, 1977).

Durant les années 1970, les systèmes d’élevages des pays de l’OCDE, affichent des préoccupations pour gérer leurs prairies temporaires et arrivent même à se porter sur des cultures fourragères annuelles. Pendant ces mêmes années l’Amazonie met en valeur des millions d’ha en créant des prairies à partir d’espèces exotiques (la plupart d’origine africaine, comme pour le cortège des Brachiaria spp.). La Guyane comme les autres régions de l’Amazonie, adopte ce schéma d’africanisation des terres défrichées pour l’implantation de prairies (Vivier, 1984). Les options techniques se font sur des règles agronomiques standard, comme celle de n’implanter que des prairies mono spécifiques (Salette, 1978).

En Amazonie, malgré un développement plus tardif des prairies cultivées (vis-à-vis des pays tempérés, notamment de l’OCDE), au cours des années 1980-1990, la perception et la compréhension agronomique des prairies comme des cultures d’herbe ont très vite évoluées. En Guyane, des éleveurs ont su gérer des prairies, comme des milieux complexes, en sachant utiliser l’intérêt des mélanges et des associations. Les prairies n’étaient plus perçues comme une simple addition de talles ou stolons (Béreau, 1995). En Guyane et dans l’ensemble de l’Amazonie, les problèmes posés par l’embroussaillement ont fortement contribué à ne plus percevoir ces prairies implantées comme de simples cultures (Letenneur, Matheron, 1991 ; Escobar, Escobar, 2001), mais plus comme des agrosystèmes plus complexes.

En France, en 2001, l’Association Française pour la Production Fourragère (AFPF) a intitulé ses journées (rencontres) annuelles : « Nouveaux regards sur le pâturage ». Certes un tournant avait été amorcé dans les années 1990 (il suffit de se reporter aux travaux de Duru, Balent, Lemaire,…). Mais, une accélération avait été prise en raison de la perception négative des filières bovines par les consommateurs (crise de l’ESB). Les vertus des pâtures se trouvent renforcées (Micol, Picard, 1997 ; Balent, Alard, 1999 ; Durand EGF, 2002).

En Amazonie en général et en Guyane en particulier, l’herbe ne peut que rester la base de l’alimentation, car il existe très peu de produits pour complémentation significatifs, parfois des issues de riz (sons, farines basses) en Guyane, des drèches ou sous-produits fruitiers dans d’autres zones (Letenneur, Matheron, 1991 ; Topall, 2001). Les prairies, dont est issue cette herbe, deviennent très vite (dès les années 1980) l’objet de recherches pour tenter de pérenniser leur productivité (Vivier, 1984). La restauration des prairies dégradées par l’embroussaillement d’adventices envahissantes se révèle vite très complexe, onéreuse et d’un effet souvent éphémère. Ces prairies équatoriales s’avèrent, par des chemins différents, considérées par un "même regard" que celles des autres pays notamment tempérés. Au centre se trouve "la production fourragère d’herbe issue de prairies pour lesquelles la limitation des perturbations est recherchée". La prairie équatoriale est donc bien prise comme un écosystème au sens de Tansley (1935) ou comme un agro-écosystème (Balent et

al., 1993 ; Blanfort, 1996).

Il s’ouvre actuellement un autre terrain de comparaison ou d’appréciation entre les prairies en zone équatoriale et celles en pays tempérés. Les perceptions sociétales sur la "multifonctionnalité des prairies" (EGF, 200 ; AFPF 171, 2002), semblent être un sujet mis, ou remis en débat. Les herbages, en zones équatoriales / tropicales, relèvent de "corps de règles" eux-mêmes issus de situations culturelles et anthropologiques. En zones où les règles sont issues de compromis anciens, rentrent dans des jeux établis d’équilibre (travaux d’E. Leroy). Ces dynamiques d’équilibres évoluent suivant des processus sociétaux en fonction des perceptions sur les usages des herbagers En revanche, en zone de forte mouvance, notamment en zone pionnière de colonisation foncière, ou de colonisation de l’usage du milieu, voire même de colonisation de territoire, peuvent se déverser de multiples appréciations fortement différenciées qui relèvent autant des appartenances communautaires, socio-économiques, politiques (environnementalistes et sociales).

Dans des milieux à fort « brassage », le fonds culturel commun (au sens de Darré), de lecture du milieu est en devenir, après des périodes de conflit. Il en résulte des perceptions qui sont multiples des herbages en zones amazoniennes des Cerrados et particulièrement les critères d’appréciation de la dégradation des herbages suivant l’appartenance sociale : éleveurs, environnementalistes134, développeurs (Figuié, 2001). Les perceptions qui contribuent aux fondements des bases culturelles techniques dépendent aussi des objectifs attendus pour chaque "corps de métiers" ou "groupe d’intérêt". M. Figuié a montré combien les déclinaisons de la dégradation des herbages par des éleveurs étaient aussi liées à leurs attentes de l’herbage en question pour obtenir une production animale attendue.

Lorsqu’une zone pionnière est colonisée par une même population, le fond culturel technique (et globalement social) tend à se reproduire à l’identique tant que les similitudes de l’environnement (biophysique et institutionnel) le permettent. Dans les terres Neuves du Sénégal Oriental, l’installation de Sereer dans les années 1970, a montré combien les pratiques agraires courantes135 se maintiennent même si elles évoluent sans pour autant ébranler l’ossature des acquis techniques et des savoir-faire (Lericollais, 1999). Un des chocs majeurs de ce déplacement s’est surtout révélé sur la capacité136 d’adaptation et d’évolution de ces anciennes cultures agraires ; anciennes mais modernes quant à l’aptitude à saisir les opportunités techniques et organisationnelles137. Un fond culturel commun transposé peut non seulement se maintenir (dans ses fondamentaux) après un déplacement, mais il a montré dans le cas des Sereer des Terres Neuves du Sénégal Oriental qu’il peut s’ouvrir à l’évolution plus facilement pour mener en parallèle le changement agraire et l’évolution écologique138. De "fondations techniques et organisationnelles" robustes, enracinées, la confrontation à un nouveau milieu biophysique (différent comme une déclinaison pas comme une fracture), les agro-éleveurs sereer ont su revisiter la pertinence des pratiques et savoirs initiaux, pour identifier les nouvelles opportunités.

Les fonctions des prairies, comme le reste de l’agriculture et de l’élevage, font l’objet de redéfinitions dans certains pays tempérés, notamment ceux d’Europe ; d’où les travaux de nouvelles dimensions en matière de multifonctionnalité (AFPF, 2002). En zones tropicales, le débat n’a t-il pas toujours été présent (Lericollais, 1999), ou même encore plus criant en Amazonie (Topall, 2001 ; Ferreira 2001) ? La situation des zones herbacées guyanaises (prairie implantée par culture ou végétation spontanée) s’inscrit entièrement dans ce questionnement sur la multifonctionnalité (PPDA, 2002). Au-delà des fonctions de production, les prairies (pour ne prendre qu’elles) présentent des atouts d’accueil faunistique majeurs (Blancaneaux, 1981 ; Sepanguy - Sepanrit, 1986 ; ONC-Guyane, 2000). Leur aptitude à tamponner les dynamiques hydriques (Cf. catastrophe routière de 2000 ; Sarrailh, 1990, opération Ecerex) commence à être prise en compte par les services de l’équipement. Les possibilités d’enrichissement biologiques et fonctionnelles des terrains de types podzol sont reconnues.

La limitation des avancées forestières est devenue possible grâce à la gestion pérenne des herbages (et la valorisation des sols les plus pauvres de savanes). La régulation de l’alumine

134 Pour exemple et démonstration : http://www.pronatura.org.br/fr/home/ 135

Traction chevaline maintenue pour la plupart des travaux, alors que les incitations portaient sur la traction bovine (bovin disponible, crédit uniquement sur bovin…), la traction bovine a su aussi trouver sa place dans le fond culturel en évolution (Huguenin, Dubois, 1999).

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Capacité élevée, ayant présenté une rapide aptitude à réagir.

137 Exemple remarquable des assolements et calendriers collectifs afin de faciliter et améliorer la vaine pâture après récolte des céréales (du mil) qui se fait toujours avant l’arachide.

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En s’inspirant du libellé d’unité de recherche créée par Pierre Milleville "Transitions agraires et dynamiques écologiques".

dans les eaux fluviales reste à afficher. Leur importance dans la séquestration du carbone (Chauvel, 1997), qui peut même être supérieure à celle des forêts en place, fait actuellement l’objet de calcul pour souligner leur pertinence… L’intérêt de ces prairies équatoriales de Guyane se retrouve dans toutes ces facettes qui ont été évoquées : mécanismes du fonctionnement écologique139, évolutions techniques140, "fonds culturel technique" en milieu pionnier, perceptions et réalités fonctionnelles - multifonctionnelles.

La Guyane, bien que n’étant qu’une très petite partie d’un immense territoire écorégional, où la mise en culture d’herbage a été massive, a su montrer et exposer les limites de ces types d’interventions agronomiques. A commencer par les "effets retours" de la perturbation du milieu qui se traduit par une délicate gestion des ligneux141 (Vivier, 1984 ; Topall, 2001). Avec une crise du secteur bovin qui s’est révélée avant celle actuellement connue en Europe, la filière bovine (certes modeste) de Guyane a dû se remettre en question. L’expérience de ses professionnels reste d’actualité142 (Tourrand, 2003 CP) car elle apporte d’autres "façons de faire". L’existence de ce "savoir-faire" sur des prairies en place dans des terrains pâturées depuis bientôt 30 ans légitime les médiations et les échanges avec d’autres pays sur les savoirs en matières d’écosystèmes pâturés des zones tropicales humides.

253. Des prairies décriées aux prairies vertueuses

En 1950, les prairies permanentes des pays tempérés étaient considérées comme un des éléments qui freinaient le développement agricole, car elles n’étaient pas assez productives. L’avènement des prairies temporaires, puis les cultures fourragères annuelles, avait pour objectif d’augmenter en quantité et qualité les fourrages globalement sur l’année. Ces cultures ont tenu une place majeure dans les systèmes fourragers des pays de l’OCDE. A présent, les herbages, les prairies pour pâtures sont reconsidérés, certes en tant que pourvoyeurs d’aliments de qualité, mais aussi comme objets de recherche sur des aspects plus variés : paysage, biodiversité, multifonctionnalité et tous les domaines touchant à l’environnement. La remise en prairies permanentes de terres arables fait l’objet de programmes européens. La pâture a commencé à se révéler comme un outil précieux pour l’environnement à nouveau depuis le milieu des années 1980, notamment par l’intérêt de la pâture pour la gestion des friches et donc pour lutter contre les incendies143 particulièrement en zones de friches péri- forestières (AFP, 1999 ; AME, 1999). Le recentrage de l’herbe et des pâtures au centre des systèmes fourragers a certes été accéléré par les crises de l’ESB. Toutefois, au-delà de ces