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Elevages du SEBOG

21. Contexte humain et environnement social

Lors des années 1970, 1980, 1990, des nouveaux modes d’élevage s’imposent. Ce fait relève de choix politiques globaux, dans un contexte social délicat qu’il fallait contenir par plusieurs voies dont l’élevage et l’agriculture. L’émergence d’exploitations agricoles et d’élevages à vocation principale productive a connu de nombreuses péripéties. Malgré de très sévères aléas, le secteur de l’élevage productif reste une activité socio-économique reconnue84 (Letenneur, Matheron, 1991). L’élevage à vocation productive est issu d’un projet de développement intitulé "Plan vert", dont la mise en place et le déroulement est très bien décrit dans un chapitre du livre "L’élevage bovin en Guyane"85, chapitre intitulé « La tentation technocratique : le "Plan", 1975 – 1986 » de Michel Vivier. Ce modèle de système d’élevage productif destiné à contribuer au développement du territoire s’est construit en faisant venir : i) des hommes (pour être éleveur et aussi pour encadrer le projet)86,

ii) des espèces fourragères,

iii) des bovins87 (du Panama et du Costa Rica).

84 Par les collectivités territoriales, les organismes nationaux (ODEADOM, FIDOM…), l’appareil d’Etat (DAF, DRRT…), la Communauté européenne.

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Vivier, Vissac, Matheron, (éd. Sc.), 1995, Edition Cirad-Inra coll. Repères.

86 Une fois encore le recours à l’extérieur devenait dans ce montage obligatoire. Le fantôme Duc de Choiseul (au service du Roi Louis XVI) planait dans les esprits. Ce personnage de l’histoire de France avait convaincu le Roi de remplacer les jésuites, chassés en 1762, par 15.000 Européens et décida de lancer la colonisation "officielle" de la Guyane !… Il fait passer ses agents de propagande dans toute la France mais surtout dans cette "marche" de Lorraine dirigée par le beau-père de Louis XV : Stanislas 1er.

La Guyane est dépeinte comme une contrée paradisiaque de guinguettes et de fêtes perpétuelles. Les pauvres hères sont nombreux à débarquer dans la région de Kourou quelques mois après. C'est la pleine saison des pluies, rien n'est prévu pour accueillir ces malheureux, qui sont vite décimés par la famine et les maladies (notamment la fièvre jaune). Quelques-uns arrivent à se protéger aux îles du Salut (plus salubres, presque sans moustiques, vecteurs de la fièvre jaune) et réchappaient et retournent en France. La réputation exécrable de la Guyane est dressée pour des siècles.

Situation sociale des années 1950 à 1970

La Guyane a eu longtemps une démographie naturelle déficitaire (Man Lan Fouck, 1997). De nombreux essais d’installation de populations ont eu lieu pour pallier à cette décroissance chronique. Quelques années après la départementalisation de ce territoire (mars, 1946), la Guyane atteint sont plus faible niveau : 27.863 habitants en 1954 (source : Insee).

La population va dès la fin des années 1950 augmenter fortement grâce aux :

1. recherches et mesures médicales intensifiées menées notamment par l’Institut Pasteur88, 2. la venue croissante de main d’œuvre pour les grands chantiers du spatial à Kourou89.

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Les 1.300 bovins encore présents en 1973 dans ce département étaient de race dite "créole". Ces animaux n’ont pas été estimés aptes à répondre aux objectifs du projet de développement, les maîtres d’ouvrage ont décidé d’importer des Zébus Brahman du Panama et du Costa Rica. Les bovins Créoles de Guyane étaient le résultat de croisements multiples et disparates dont on trouve la trace, tant dans les importations extrêmement diverses (Amérique du Nord, France, Sénégal…) effectuées à différentes époques que dans les caractères morphologiques aux robes et cornages très variés. Ces animaux présentaient, néanmoins, une analogie marquée avec ceux qui se trouvaient dans les îles et territoires voisins. Ainsi, tous ces animaux, issus de populations bovines d’origines différentes, ont convergé vers un type commun sous l’influence dominante d’un milieu naturel semblable. « Ce bétail très hétéroclite ne correspondait pas à une race définie mais au contraire formait une population disparate aux caractères extérieurs très divers. En revanche, tous les animaux présentaient un point commun : leur adaptation à des conditions naturelles difficiles … » (Thomassin, 1959).

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En 1940, l’Institut Pasteur de la Guyane et du Territoire de l’Inini remplace l’Institut d’Hygiène et de Bactériologie. C’est le 1er organisme de recherche en place après la départementalisation. Les remarquables avancées ont portée sur la lutte contre les moustiques : Anopheles darlingi (vecteur des agents pathogènes du paludisme), Aedes aegypti (vecteur des agents pathogènes du virus de la fièvre jaune).

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La construction de la base et de la cité spatiale de Kourou entre 1965 et 1969 a contribué fortement à l’évolution sociale. La Guyane ne disposant pas d’une quantité suffisante d’ouvriers, elle eut recours à des ressortissants de nombreux pays : Antilles, Brésil, Colombie, Haïti, Surinam.

Figure n° 47 : Evolution de la population en Guyane de 1954 à 2004 Source : recensement INSEE et estimation pour 2004

0 10 000 20 000 30 000 40 000 50 000 60 000 70 000 80 000 90 000 100 000 110 000 120 000 130 000 140 000 150 000 160 000 170 000 180 000 190 000 200 000 1954 1961 1967 1974 1982 1990 1999 2004

Cette accélération démographique a aussi induit des doutes quant à l’équilibre socio- économique, en raison :

1. du ralentissement consécutif à la fin des grands chantiers à Kourou et des premiers écueils des activités aéronautiques (article de J.C. Guillebaud en 197490),

2. du déplacement de population et d’activités agricoles aux lieux-dits : "Savane Combi" à Sinnamary et "Guatemala" en allant sur Tonate (Vivier, 1995).

Le Conseiller Général, proviseur du lycée de Kourou, écrivain, Serge Patient, publie dans le journal Le Monde : « S.O.S. Guyane » le 19 décembre 1974. L’environnement socio- géographique contribue à entretenir un malaise profond dans la population résidente en Guyane :

- Le Surinam accède à l’indépendance en 197591, ce qui a entraîné au cours de l’année 1974 de nombreux débat d’idées sur le sujet dans la société guyanaise en "panne" politique, économique et sociale ;

- Le Brésil pour éviter aussi des problèmes socio-économiques, se lançait dans un projet de développement pour l’Amazonie avec le programme "Polamazonia", qui avait comme objectif de constituer un cheptel de 5 millions de têtes en dix ans.

En réponse à une attente de la société Guyanaise qui se faisait de moins en moins sourde, le Secrétariat aux DOM-TOM français annonce en octobre 1975 le lancement d’un plan de développement qui devrait créer, en cinq ans, 12 000 emplois en Guyane (soit 30 000 personnes implantées dans le département). Dans les semaines qui ont suivi l’annonce du Secrétariat d’Etat aux DOM TOM en octobre 1975, 28 000 candidats déposent un dossier à ce Secrétariat d’Etat.

En matière agricole, l’objectif était de créer en dix ans : 300 exploitations et mettre en valeur 18.000 hectares (DDA Guyane, 1976). Les Guyanais se sentent très vite oubliés par ce plan de développement. Même les Chefs d’Etats adhérents du CARICOM dénoncent cette politique de peuplement (Hamel, 1979 ; Murtil, 1977).

Le Président du Conseil régional qui était en fonction à cette époque, S. Patient, qualifie cette arrivée massive de population de l’extérieur du département de « véritable ethnocide92 ». A. Césaire, député de la Martinique déclare : « des peuples entiers ont été finalement évacués de l’histoire parce que d’abord recouverts, laminés, absorbés […] méfions [nous] du génocide de substitution, même s’il s’agit d’un génocide par persuasion » (Hamel, 1979). Ces réactions font réagir le gouvernement français qui va infléchir sa politique d’immigration, mais les premières installations dans l’agriculture, notamment pour l’élevage (1976) vont se faire avec des ressortissants de France métropolitaine. Des familles réunionnaises sont installées à proximité de Tonate, puis 600 Hmong en 1997 à l’est de Cayenne (puis au lieu-dit de "Cacao" sur la commune de Roura93).

90 « La Guyane en Faillite » Le Monde des 19 & 20 juin 1974. 91

Cet exemple d’évolution aux portes de la Guyane amène les hommes politiques locaux à lever le tabou de l’indépendance ou au moins de l’autodétermination ; Un mouvement indépendantiste est créé en 1974, le MOGUYDE (Mouvement Guyanais de Décolonisation).

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Le Monde des 29-30 décembre 1977, article de Y. Hardy « La Guyane, terre d’hospitalité ». 93

Une autre implantation Hmong se fera ensuite à "Javouhey" (1979) sur la commune de Mana, après le "Plan vert" une troisième implantation de Hmong s’est réalisée à Rococoua, en 1990, près d’Iracoubo.

Les éleveurs

Avant le "Plan vert", hormis trois gros élevages94 qui possédaient au total, 300 têtes environ (Vissac, Vivier et al., 1995), le reste du cheptel, près de 1.000 têtes, était pour une majeure partie élevé individuellement au piquet, ou en petits lots (2-3) en divagation (Vivier, 1984 ; Dedieu, 1985). La Guyane avait une grande quantité d’éleveurs d’après la définition du RGA95 qui considère comme éleveur toute personne propriétaire d’une tête. Le contexte social de cette activité se caractérisait donc par multitudes d’acteurs, très éparpillés. Le cheptel bovin, recensé par la DDA en 1973 était, au total de 1.382 têtes (Arnaud, Nobil, et al., 1976). Les travaux menés sur l’élevage depuis la départementalisation, font surtout mention des effectifs, des races de bétail, des parcours, mais jamais directement des éleveurs. Pour Arnauld Nobil et al., En 1976 :

« Cette désaffection de la population rurale pour l’élevage bovin tient à des causes multiples

en tête desquelles nous devons placer les difficultés d’alimentation de cheptel par le pâturage naturel : inexistence d’un couvert herbacé sous forêt et médiocre valeur alimentaire des pâturages de savanes, qui s’il sont facilement accessibles aux animaux, ne peuvent donner lieu, même en élevage très extensif, à une bonne exploitation rationnelle du bétail ».

En 1959, Thomassin écrivait :

« En matière d’élevage le facteur humain est essentiel, la vocation pastorale étant un atout majeur chez les populations se livrant à l’élevage. Apparemment les agriculteurs actuels de Guyane, quelle que soit leur race, ne paraissent pas avoir des dispositions très marquées pour l’élevage du gros bétail. Nous avons pu constater qu’en général les créoles ont peur des animaux et que leur caractère n’est pas porté vers la patience et le sang-froid indispensables au maniement du bétail. Ce manque de dispositions naturelles se concrétise par l’abandon presque total de leur troupeau. Ceci ne veut pas dire que l’éleveur guyanais soit inapte car il se peut qu’avec de bons instructeurs il puisse s’améliorer. Dans les conditions actuelles, ne tirant aucun profit de son troupeau, l’éleveur guyanais n’est pas enclin à faire un effort surtout s’il doit se traduire par un financement qu’il peut difficilement effectuer. Devant les nombreux points encore mal connus des possibilités d’élevage, il est préalablement indispensable aux vulgarisateurs de connaître les conditions dans lesquelles un élevage pourrait être introduit, ce qui ne peut être le résultat d’une expérimentation méthodique et sérieuse. »

Information indiquée en introduction page 10, et en page 183, dans la partie sur les

possibilités d’élevage…, concernant les éleveurs guyanais, il mentionnait : « - que leur méthode actuelle d’élevage est une échec technique et financier,

- qu’ils ne possèdent aucune instruction de base, même la plus élémentaire, et qu’ils répugnent en général aux travaux de la terre,

- qu’ils n’ont pour la plupart aucune ressources financières notables et parfois même aucun goût pour l’élevage au sens normal de ce mot. »

Ce Plan d’Etat, plutôt que de composer au moins en partie avec certains éleveurs locaux, a eu recours à des personnes essentiellement extérieures de Guyane. Les éléments majeurs de l’agrosystème d’élevage a donc été revu, changé, importé : l’homme - éleveur, les plantes fourragères, les sols de savanes, les races bovines, … Les éleveurs installés par le "plan vert" disposaient d’un ensemble de prêts à taux modéré96, ainsi que de subventions variables, liées à

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Trois élevages avaient une certaine vocation productive (deux éleveurs privés, plus le lycée agricole). 95

Recensement Général Agricole.

la nature de l’activité : 50 % pour le défrichement, 30% pour le matériel, près de 100 € par ha mis en prairie, ainsi que du foncier par bail emphytéotique de 30 ans.

Ces éleveurs, pour Vivier (1995) étaient disparates de par leurs origines géographiques et sociales : « ils présentaient toutefois quelques traits communs : leurs moyens financiers

étaient relativement modestes par rapport aux ambitions affichées, leur compétence technique étaient souvent inexistante, et lorsqu’ils avaient une expérience agricole, elle n’avait pour ainsi dire jamais été acquise en milieu tropical » (Vivier, 1995). Cette absence de compétence

de la plupart des futurs éleveurs, combinée au peu de préoccupation (ou de moyen) des maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre (dont l’organisme de gestion : la Coopérative, la CEBG) pour cadrer cette dynamique "débridée", a induit de nombreuses erreurs lors de la création des exploitations97. Jean-Paul Gachet, responsable de la station Système Agraire et de Développement de l’INRA, expliquait, en 1989, que l’acronyme de la Coopérative "CEBG"

est signifiant d’une période. En effet cet acronyme : la Coopérative de l’Elevage Bovin de Guyane (CEBG), montre que c’est surtout une coopérative dédiée à l’Elevage et moins à la masse des Eleveurs !…

Quelques chiffres de 1984 renforcent cette analyse et soulignent combien il était difficile de savoir si la coopérative était d’Elevage ou pour des Eleveurs. La simple comparaison des deux extrémités de classement en 1984 sur les élevages indique :

35,00 % du cheptel appartient à 5,50 % d’éleveurs de la coopérative, 8,50 % du cheptel appartient à 66,00 % d’éleveurs de la coopérative.

Les éleveurs actuels, issus de cette opération98 ont pu en quelques années connaître de multiples discours, retournements dans tous les domaines, de la politique à la technique d’élevage. Tenter de comprendre leurs gestes, leurs pratiques, leurs choix, leurs stratégies, a demandé à l’équipe Emvt de Guyane de tenir compte de leurs parcours dans cet environnement social et humain perturbé. A peine vingt éleveurs avaient encore du bétail en 1995 (Huguenin, Lhoste et al., 1996) sur les deux cent cinquante installés dans le cadre du "Pan vert"99. Les derniers différents financiers entre l’Etat et les éleveurs encore en Guyane ont été soldés qu’au deuxième semestre 1999.

La levée du "Plan vert" a permis de retrouver rapidement une diversité géographique et communautaire dans le secteur de l’élevage bovin. Les éleveurs, à la fin des années 1990, étaient issus de presque toutes les communautés100 de Guyane. L’absence la plus notoire était celle des amérindiens. Les européens (notamment ceux issus du "Plan vert"), les créoles guyanais, les antillais (des Antilles françaises principalement), sont néanmoins restés la base principale du secteur de l’élevage. La majorité du cheptel appartenait encore aux éleveurs européens (source : SCEBOG, 2000), situation directement engendrée par le "Plan vert", même quatorze ans après son arrêt opérationnel sur le terrain. Lors du "Plan vert", il y a eu un processus de concentration de l’élevage auprès d’une faible diversité communautaire. Depuis son arrêt, la pression sociale et institutionnelle se faisant moins sentir, l’élevage s’est déconcentré et des éleveurs plus divers ont émergés.

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Parcellaire, points d’eau, maniement des troupeaux, et ensuite la gestion déplorable de nombreux troupeaux et prairies (Vivier, 1995).

98 Moins de 10 % des éleveurs installés par le Plan vert sont encore en exercice. 99

Dont 150 élevages viandes sur 250 exploitations bovines (Vivier, 1995). 100

Antillais français, Créoles guyanais, Français métropolitain, Haïtien, Noir Marron, Mhong, Ressortissants des Pays bas, Réunionnais, Surinamien…

Figure n° 48 : Pyramides des âges en 2000 et 2030

Des années 1960 aux années 1990 la population guyanaise a fortement augmenté démographiquement et en diversité communautaire. L’INSEE a recensé, en Guyane, en 1999, 157 213 habitants101, contre 114 678 en 1990, soit une augmentation de 37 % en 9 ans. Les projections réalisées par l’INSEE pour 2030 montre une pyramide ayant les classes d’âges actives qui seront très élevées. Quant au nombre d’habitants, suivant les scénarii, il varie de 400.000 à 600.000 habitants. La diversité des communautés constitue un des faits majeurs importants de l’environnement social de la fin des années 1990. Au début des années 1970, la population guyanaise était essentiellement composée de créoles, à plus de 75 p.100. Près de 30 ans plus tard, cette même population se retrouve minoritaire. A titre de repère général102, pour indiquer de grandes tendances cette mosaïque culturelle et communautaire se compose principalement de :

- Créole guyanais pour environ 40 % de la population, - Brésilien pour environ 18 % de la population,

- Haïtien pour environ 15 % de la population, - Surinamien pour environ 10 % de la population,

- Européen métropolitain pour environ 06 % de la population, - Amérindien pour environ 03 % de la population,

- Noir marron pour environ 03 % de la population, - Hmong pour environ 01 % de la population, - Autres : Chinois, libanais, autres sud-américains…

Cette prodigieuse diversité s’est aussi répercutée dans le secteur de l’élevage. Après la crise du secteur, aux alentours de 1991, la diversité communautaire des éleveurs s’est révélée dans les adhésions d’origines diverses auprès des nouvelles structures professionnelles, notamment au SEBOG103.

101

Recensement officiel, mais compte tenu de l’importance des résidants clandestins, une estimation corrigée

mentionne le chiffre de 200.000 habitants en 1999 en Guyane, Cf. le site : terresdeguyane.fr, clandestinité qui est aussi un fait important, il y a par exemple autant de reconduite aux frontières en Guyane que pour toute la France

métropolitaine !. 102

Indications issues d’estimations car les recensements n’ont officiellement pas à noter les appartenances

communautaires dans les départements français, les sources de ces informations proviennent : du Conseil Régional, de la Chambre de Commerce et de la CIMADE (1993).

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Syndicat des Eleveurs Bovins de Guyane, Syndicat officiellement reconnu en 1993, transformé en société coopérative en 1999.

Certaines communautés sont d’ailleurs sous-estimées, car elles n’ont pas de nombreux chefs d’exploitations. Leur présence est toutefois bien effective dans le personnel présent comme employé (manœuvre, ouvrier agricole, cavalier…) dans les élevages. Les ressortissants brésiliens sont les plus nombreux. Puis, suivant la zone géographique de Guyane les ressortissants Haïtiens ou du Surinam se rencontrent aussi fréquemment.

Si la diversité culturelle dans le secteur de l’élevage suit celui de la population, en revanche, la montée d’adhésions par des éleveurs jeunes ne suivait manifestement pas le mouvement démographique en cours. Et les seules apparitions de jeunes éleveurs étaient toutes des personnes pluri-actives104 (Huguenin, 2001). La tâche des services d’appuis et de suivis auprès des éleveurs a été complexifiée par une importante montée de la diversité des éleveurs105 (SEBOG, 1995). Cette diversité se traduisait aussi en matière de structures d’élevages (de 1 – 2 têtes à 1.300 têtes ; de 10 ha à 600 ha), de modes de fonctionnement et d’organisation (du modèle "Plan vert" à des situations de semi – divagation), de stratégies de commercialisation…

Dans le contexte social et humain du secteur élevage, la préoccupation des agents et personnes chargées de l’accompagnement des professionnels était de savoir s’il était possible d’apporter un appui pertinent auprès de tous les éleveurs (Lechevallier, 1999). L’autre enjeu majeur pour le secteur et ses leaders portait sur la dynamique de concentration des flux (vente), mise en évidence par Vivier dès 1994, confirmée comme étant renforcée en 1991 par Letenneur et Matheron et en 1995 par le Cirad qui montrait que cela avait même tendance à s’accentuer (Huguenin et Lhoste, 1996).

L’apparition d’un nouveau modèle d’éleveurs, en Guyane a été un pari élevé. Même si seulement 5 à 10 % des éleveurs installés sont présents 10 ans après la fin du plan d’installation, le postulat était de considérer ces "survivants" comme des éléments forts pouvant contribuer à maintenir une dynamique dans le secteur de l’élevage bovin. L’installation de ces éleveurs s’est réalisée dans un environnement social et politique qui était déjà très tumultueux106 ; environnement qui de plus a connu une totale mutation démographique par le nombre de résidents et le basculement des rapports communautaires qui ne se traduisaient pas encore, dans les années 1990, par des rapports de force politique. Le pouvoir politique était principalement géré par la communauté créole guyanaise sous la tutelle de l’Etat français.

A son échelle et toute proportion gardée le secteur de l’élevage bovins guyanais, et ses éleveurs sont sollicités107 pour :

i) redresser la décapitalisation du cheptel,

ii) assurer une meilleure couverture de la demande locale en viande, iii) constituer une plate-forme multi - communautaire / socioculturelle, iv) contribuer à maintenir un tissu rural,

v) entretenir des paysages et espaces ouverts.

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Des éléments d’explication portent sur l’accès au crédit et l’accès au foncier. 105

Diversités par : la communauté, le parcours, la période d’exercice, la place sociale, les accès financiers…

106 En interne, montée des revendications indépendantistes, dénonciation de l’installation des colons du "Plan vert" aux frontières : indépendance du Surinam en 1975 (ex Guyane hollandaise) qui sombre dans une guerre civile en 1986, dont les réfugiés sont accueillis en Guyane, et au Brésil montée d’un projet de développement de l’Amazonie. 107 Contrat de Plan Etat – Région 1994 – 2000.