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4. PORTRAIT DE LA RESSOURCE FAUNIQUE DU TERRITOIRE ET DES POTENTIELS DE

4.1. L E MILIEU BIOPHYSIQUE

4.1.1. Les habitats aquatiques

La dernière glaciation a profondément influencé l’actuel réseau hydrographique du Nord-du-Québec créant une multitude de lacs et de rivières de toutes tailles. La superficie en eau du Nord-du-Québec dépasserait les 120 000 km2, soit plus de 15 % de la région. Ces plans d’eau constituent autant d’habitats pour la faune aquatique. Ceux-ci prennent une importance particulière pour la région en raison des activités de pêche sportive et de subsistance qu’ils génèrent. Compte tenu de l’importance de ces activités pour la région, il serait plus approprié de qualifier l’habitat aquatique en général d’habitat du poisson. Ce qualificatif ne limite en rien la complexité de cet écosystème, car selon la Loi sur les pêches (L .R.C. (1985), c. F-14), l’habitat du poisson correspondrait aux frayères, aux aires d’alevinage et de croissance, aux aires d’alimentation ou aux voies de migration du poisson proprement dit, mais aussi aux mollusques, crustacés, animaux marins ainsi que leur progéniture (alevins, larves, naissains, etc.) qu’il contient.

L’habitat du poisson est particulièrement sensible aux perturbations et c’est d’autant plus vrai pour le Nord-du-Québec. Les populations de poissons en milieu nordique sont généralement caractérisées par une croissance plus lente, une longévité plus grande, une maturité sexuelle tardive, une fécondité plus faible, des cycles de reproduction plus longs et des densités réduites que l’on peut associer à la plus faible productivité des écosystèmes (Roy et al., 1991). Ainsi, des modifications dans l’habitat du poisson risquent de mettre en péril certaines espèces en rendant plus difficile leur reproduction ou leur croissance.

Les principales perturbations qui peuvent affecter ou qui ont affecté l’habitat du poisson au Nord-du-Québec sont principalement reliées aux activités industrielles qui s’y déroulent. On réfère ici à l’exploitation forestière et minière ainsi qu’à la production d’électricité.

En effet, les nombreuses coupes forestières modifient énormément le couvert végétal des bassins de drainage des cours d'eau. Compte tenu de l’ampleur des travaux forestiers qui se déroulent dans la région et du nombre de cours d’eau qu’on y trouve, plusieurs habitats aquatiques ont pu être perturbés. Aussi, la transformation du bois par les scieries génère des quantités impressionnantes de résidus ligneux qui sont accumulés dans des parcs à résidus.

On compte cinq parcs à résidus ligneux actifs dans le Nord-du-Québec et sept inactifs, dont cinq ont été restaurés (Ministère de l’Environnement du Québec, 2001).

L’industrie minière, très présente dans la région, constitue aussi une cause de perturbation de l’habitat du poisson. Ce type d’industrie nécessite l’utilisation de grandes quantités d’eau pour les processus de raffinage du minerai. Il n’est donc pas rare que les mines s’établissent à proximité d’un plan d’eau augmentant ainsi les risques de contamination des eaux de surface.

On dénombre 59 parcs à résidus miniers dans le Nord-du-Québec couvrant 2 550 hectares, dont 51 % sont potentiellement générateurs d’acides (Ministère de l’Environnement du Québec, 2001). Le tableau 13 résume la situation des parcs à résidus miniers du Nord-du-Québec.

Seulement 17 % de la superficie de ces sites a été restaurée. Il reste donc au moins

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2 118 hectares de parcs à résidus miniers à restaurer, dont 1 318 hectares sont potentiellement générateurs d’acides. Ceci tient compte des sites actifs, c’est-à-dire des sites recevant les résidus des mines en exploitation, ainsi ce nombre devrait augmenter dans les prochaines années si aucun projet de restauration n’est mis en œuvre.

Tableau 13 : Caractéristiques des aires d’accumulation de résidus miniers dans le Nord-du-Québec.

Statut Nombre Superficie (ha) Générateur Acide

Basique Neutre Superficie restaurée (ha) Actifs 16 1 635 9 (930 ha) 0 7 (705 ha) 3 Inactifs 43 925 11 (388 ha) n. d. n. d. 429 Total 59 2 550 20 (1 318 ha) 0 7 (705 ha) 432

Source : Ministère de l’Environnement du Québec, 2001.

Enfin, l’industrie qui a entraîné le plus de perturbations sur l’habitat du poisson est sans aucun doute l’aménagement du complexe hydroélectrique La Grande. La réalisation de ce méga projet a débuté au début des années 70 et s’est terminée en 1996 avec la construction de la centrale Laforge-2. Le tableau 14 en montre les principales caractéristiques.

Tableau 14 : Principales caractéristiques du complexe hydroélectrique La Grande d’Hydro-Québec, en 2001.

Nombre de barrages / digues 294 viii Nombre de barrages / digues >10m 130

Nombre de réservoirs 8

Superficie des réservoirs (max.): 13 332 km2 LG-1 (fil de l’eau) 70 km2

Robert-Bourassa 2 815 km2

Opinaca 947 km2

LG-3 2 536 km2

LG-4 707 km2

Laforge-1 1 288 km2

Laforge-2 240 km2

Caniapiscau 4 318 km2

Superficie du territoire inondé 9 900 km2 Nombre de centrales hydroélectriques 8

Nombre de détournements 2

Superficie totale du bassin versant 176 000 km2

Source : Ministère de l’Environnement du Québec, 2001; Schetagne et al., 1996; Belzile et al, 2000; Hydro-Québec, 2001.

viii Au total, on dénombre 296 barrages ou digues dans la région du Nord-du-Québec dont 294 sont exploités par Hydro-Québec. Le complexe minier Raglan exploite deux barrages qui servent à l’approvisionnement en eau de ses installations.

La mise en eau des réservoirs et les détournements de rivières sont les opérations qui ont causé le plus de modifications à l’habitat du poisson. Cependant, il semble que ces modifications aient été de relativement courte durée et que la qualité de l’eau ait retrouvé un niveau comparable aux milieux naturels avoisinants après une période de trois à six ans. Un nouvel équilibre s’établissait après une période de transition d’environ dix à quinze ans selon l’importance des superficies inondées, de l’érosion des rives et de l’importance du marnage subséquent (Ministère de l’Environnement du Québec, 2001). Les populations de poissons semblent avoir bien toléré la modification d’habitat résultant de la mise en eau, car de bonnes conditions de croissance ont été maintenues, toutes espèces confondues (Belzile et al., 2000).

Le passage d’un milieu aquatique de type fluvial à un milieu de type lacustre a, par contre, favorisé certaines espèces au détriment d’autres, dont le meunier noir qui est maintenant plus abondant dans les rivières Eastmain et Opinaca (Doyon et Belzile, 2000), alors que la diminution du nombre de zones de rapides a réduit l’abondance des salmonidés dans la rivière Caniapiscau (Belzile et al., 2000). On observe aussi une baisse dans l’abondance des touladis de petite taille dans les réservoirs Caniapiscau, Laforge-1 et Laforge-2, suggérant donc un recrutement déficient (Belzile et al., 2000). La cause principale serait la perte de frayères naturelles à la suite de la mise en eau des réservoirs.

Dans le cas des détournements des rivières Caniapiscau et Eastmain-Opinaca, des coupures de débit, pouvant aller jusqu’à 90 % du volume d’eau initial, ont aussi favorisé la prolifération des meuniers rouges et des meuniers noirs, la principale cause étant la construction d’une série de seuils créant des conditions lacustres. Les espèces montrant des difficultés de recrutement sont l’esturgeon jaune des rivières Eastmain et Opinaca, dont l’habitat a passablement été modifié par les coupures de débit, et le grand corégone dans la rivière Caniapiscau qui montre des difficultés de recrutement, dans une section de rivière du moins. L’esturgeon jaune est sans doute l’espèce dont la survie est la plus en danger, en raison des modifications importantes de son habitat (Doyon et Belzile, 2000).

Cependant, c’est l’augmentation des teneurs en mercure dans la chair des poissons qui s’est avéré la plus préoccupante. Les concentrations maximales ont été enregistrées quatre à cinq ans après la mise en eau chez les espèces non piscivores (grand corégone, meunier rouge et meunier noir) et, entre neuf et treize ans, chez les espèces piscivores (grand brochet, doré jaune et touladi). Toutefois, les concentrations de mercure dans la chair des poissons ont commencé à baisser dix à qunize ans après la mise en eau des réservoirs. On estime que le retour à des concentrations similaires au milieu naturel se ferait après 15 à 25 ans pour les poissons non piscivores et après 20 à 30 ans pour les poissons piscivores. La variabilité dépend des caractéristiques propres des réservoirs comme la superficie terrestre inondée, le volume d’eau en transit, la durée de la mise en eau, le degré d’érosion dans la zone de marnage et de la structure des communautés de poissons (Schetagne et al., 1996).

Dans les lacs naturels étudiés du secteur du complexe La Grande, les teneurs en mercure chez les poissons non piscivores restent inférieures à la norme de commercialisation, soit 0,5 mg/kg.

Par contre, chez les espèces piscivores, cette limite est souvent dépassée (Ministère de l’Environnement du Québec, 2001).

Enfin, il est nécessaire de mentionner que les habitats marins et côtiers du Nord-du-Québec ont une importance marquée pour plusieurs espèces fauniques. En effet, les 3 568 kilomètres de côte et le nombre élevé d’îles, offrent de nombreux habitats. Outre les espèces de mammifères marins (bélugas, phoques, baleines, etc.) qui sillonnent les eaux côtières, les îles et les marais côtiers abritent de nombreuses espèces d’oiseaux. Notons, entre autres, les îles Akpatok, Nastapoka, Hopewell, Digges et Long, les archipels au large de Killiniq (pointe du Labrador) ainsi que les archipels des îles Eiders, Plover et Gyrfalcon.

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4.1.1.2. Potentiels de mise en valeur

Somme toute, la qualité des habitats aquatiques du Nord-du-Québec est très bonne en général.

Seuls quelques secteurs font l’objet de préoccupations particulières (complexe La Grande, sites miniers et forestiers exploités) mais ils sont très localisés de sorte que la majorité des habitats aquatiques de la région pourraient être qualifiés de non perturbés. Mais, afin de conserver cette intégrité et d’améliorer la qualité des habitats perturbés, certaines actions peuvent être prises afin de les mettre en valeur :

• Remettre en état des sites contaminés tels les secteurs industriels (parcs à résidus miniers et ligneux) pouvant affecter les habitats fauniques.

• Créer des circuits aménagés de canotage (canot-camping). Le potentiel pour ces activités dans la région est très fort compte tenu du nombre élevé de rivières et de lacs de toutes tailles. La chaîne de lacs entre Chibougamau et Chapais serait une portion de territoire à faire découvrir tout comme le secteur du lac Bourbeau et la rivière Bell, entre Matagami et Lebel-sur-Quévillon. D’autres activités de plein air connexes pourraient se greffer à ces activités (forfaits) telles que la luge d’eau ou le rafting.

• Mettre en place des parcours de navigation motorisée (embarcations légères) sur les rivières de taille adéquate et y joindre des activités de camping et/ou de pêche. Les réserves fauniques Assinica et des Lacs-Albanel-Mistassini-et-Waconichi constituent des territoires à forts potentiels pour des activités de plein air familiales.

• Mettre en valeur les habitats marins, côtiers et insulaires du Nord-du-Québec par des activités de plein air (expéditions de kayak de mer ou de canot, croisières) et d’observation de la faune.

• Créer un centre d’interprétation nordique multiressource touchant à la faune, à l’environnement, aux ressources naturelles, au territoire, etc.

• Mettre davantage en valeur les grands réservoirs par l’exploitation commerciale (pourvoiries et pêcheries).

• Aménager des aires fauniques communautairesix au lac au Goéland et au lac Chibougamau.